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Comptes Rendus

Maladies du tissu adipeux
[Diseases of the adipose tissue]
Comptes Rendus. Biologies, Volume 329 (2006) no. 8, pp. 559-561.
Metadata
Published online:
DOI: 10.1016/j.crvi.2005.12.011

Daniel Ricquier 1, 2; Arnaud Basdevant 2

1 CNRS UPR 9078, université Paris-5–René-Descartes, site Necker–Enfants-Malades, 156, rue de Vaugirard, 75015 Paris, France
2 université Pierre-et-Marie-Curie, service de Nutrition, Hôtel-Dieu, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France
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Daniel Ricquier; Arnaud Basdevant. Maladies du tissu adipeux. Comptes Rendus. Biologies, Volume 329 (2006) no. 8, pp. 559-561. doi : 10.1016/j.crvi.2005.12.011. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/biologies/articles/10.1016/j.crvi.2005.12.011/

Version originale du texte intégral

Avant-propos

L'obésité est devenue très récemment une des préoccupations prioritaires de l'Organisation mondiale de la santé. Les autorités politiques et administratives sont longtemps restées silencieuses devant les appels des médecins, chercheurs et journalistes. L'obésité connaît une progression épidémique dans le monde entier, dans les pays riches comme dans ceux en voie de développement. Les individus présentant un excès de poids sont désormais majoritaires aux États-Unis ! La progression des prévalences de l'obésité est inquiétante : 3%des enfants français en excès de poids il y a 30 ans, 6%il y a 15 ans, 13%en 2003 ! La rapidité de la progression démontre qu'il s'agit d'une maladie liée aux évolutions socio-économiques, certainement favorisée par des déterminants biologiques innés et acquis.

Un déséquilibre faible et régulier entre les calories ingérées et les calories dépensées explique la prise de poids. La question des mécanismes responsables de ce déséquilibre est complexe. Les organes et systèmes impliqués sont le cerveau, les muscles, les tissus adipeux, les voies métaboliques, les systèmes hormonaux... Cette question fait maintenant l'objet de recherches intenses et estimées, alors qu'il était peu valorisant de travailler dans ce domaine il y a encore 25 ans. Par exemple, les tissus adipeux ont longtemps été considérés comme des tissus inintéressants, seulement capables de stocker des graisses, et suspects, car “responsables ! ” des obésités et des atteintes à notre esthétique. On sait maintenant que les adipocytes et les autres cellules qui composent le tissu adipeux ont des fonctions multiples et importantes, dont la production de cytokines et l'envoi de messages vers le cerveau.

Si l'on peut être “gros et bien portant ”, et “maigre et malade ”, les obésités constituent des maladies, puisque l'excès de poids altère l'équilibre physique, dégrade l'état psychologique et perturbe la position sociale. De nombreux obèses sont diabétiques, hypertendus et présentent des troubles cardio-vasculaires, des perturbations respiratoires, des troubles ostéo-articulaires et inflammatoires et un risque accru de développer certains cancers. Il existe plusieurs formes d'obésité, correspondant à des mécanismes physiopathologiques différents. Dans la plupart des cas, ces obésités résultent d'interactions complexes entre l'environnement (aliments, sédentarité, milieu social...) et la prédisposition génétique. Dans de rares cas, l'obésité est réellement d'origine génétique. Dans d'autres cas, l'obésité est totalement comportementale.

Beaucoup ont un regard simpliste sur la solution au problème de l'obésité : “mangez moins et remuez-vous ! ” Facile à dire ! Le traitement des obésités est, en réalité, complexe et ne peut se réduire à la prise en charge de la difficile réduction de la prise alimentaire et à la quasi-absence de médicaments. Le traitement actuel des obésités est ainsi comparable à celui de l'hypertension ou du diabète dans les années 1950. Il faut combattre les mauvaises habitudes alimentaires (leurs aspects quantitatifs et qualitatifs) et inciter les gens à faire de l'exercice. Il faut aussi mettre au point de nouveaux médicaments.

Seule la recherche scientifique et médicale peut aider à identifier les chemins menant à ces nouvelles molécules. Il s'agira par exemple de molécules agissant spécifiquement sur tels neurones contrôlant la prise alimentaire, ou sur tel mécanisme contrôlant l'oxydation des molécules carbonées. Nous avons encore beaucoup à apprendre de l'analyse détaillée des réseaux neuronaux concernés, des voies cataboliques et anaboliques, des mécanismes déterminant l'apparition des préadipocytes... L'étude des animaux dans leur milieu naturel et présentant de fortes variations de leur prise alimentaire et de leur adiposité peut aussi livrer quelques surprises. Il y a du travail pour tous : médecins, sociologues, épidémiologistes, éthologistes, nutritionnistes, anthropologues, anatomistes, physiologistes, biochimistes, écologistes, généticiens, neurobiologistes, pharmacologues, chimistes... ainsi que pour les urbanistes, les historiens et les philosophes. Parallèlement, les autorités politiques et médicales doivent agir. Elles ont commencé à le faire en lançant le programme national “Nutrition et Santé ” (PNNS). Au titre de ce plan, une campagne destinée à freiner l'augmentation de l'obésité infantile vient d'être lancée par l'Agence française de sécurité alimentaire des aliments (AFSSA) et l'Institut national de prévention et d'éducation de la santé (INPES).

Foreword

Obesity has recently become one of the major concerns of the World Health Organization. Political and administrative authorities have long remained deaf to the entreaties of physicians, research scientists, and journalists. Obesity has now reached epidemic proportions throughout the world, affecting the developed and developing world alike. In the USA, overweight people now constitute a majority. The rise in the prevalence of obesity is alarming: 3%of French children were overweight 30 years ago, 6%15 years ago, and 13%in 2003. This rate of increase shows that obesity is a disease linked to socioeconomic changes, accentuated no doubt by innate and acquired biological determinants.

A small and constant imbalance between calorie intake and calorie expenditure explains weight gain. The mechanisms underlying this imbalance are complex, and involve the brain, muscles, adipose tissue, metabolic pathways, hormonal systems... Research devoted to this topic is nowadays intense and highly respected, whereas 25 years ago it was considered of little importance. Adipose tissue, for instance, was long deemed uninteresting and seen simply as a fat storage site. It was, moreover, viewed as suspect because it was held to be ‘responsible’ (!) for obesity and hence an affront to our esthetical sensibilities. We now know that adipocytes have various important functions, including cytokine production and transmission of messages to the brain.

Although we can be fat and healthy, or thin and ill, obesity is nonetheless a disease, since excess weight alters physical balance, erodes psychological well-being, and damages social standing. Numerous obese people are diabetic, hypertensive and suffer from cardiovascular disease, respiratory disorders, bone and joint disease, inflammatory diseases, and are at increased risk of developing certain cancers. There are several forms of obesity, corresponding to different pathophysiological mechanisms. In most cases, obesity is the result of complex interactions between the environment (diet, sedentariness, social background...) and genetic predisposition. In rare cases, obesity is genuinely of genetic origin; in other cases, obesity is wholly behavioural.

Many spurn the solution to obesity: eat less and exercise. This solution sounds easy, but in fact the treatment of obesity is very difficult and patient management is limited, because it is underpinned by the need to reduce food intake, which is hard to achieve, and the virtual absence of drug therapy. Current treatment of obesity is therefore comparable to that of hypertension or diabetes in the 1950s: fight bad eating habits (both quantitatively and qualitatively) and encourage exercise.

It is also necessary to develop new medicinal approaches, and only scientific and medical research can help identify leads to new drugs that target, for example, neurones controlling food intake or a particular mechanism that mediates the oxidation of glucose, fatty acids and amino acids. Much light remains to be cast on the neuronal networks involved, catabolic and anabolic pathways, mechanisms determining the appearance of preadipocytes, and so forth. The study in their natural environment of animals that show large changes in feeding habits and in adiposity may also throw up a few surprises. There is work here for everyone: physicians, sociologists, epidemiologists, ethologists, nutritionists, anthropologists, anatomists, physiologists, biochemists, ecologists, geneticists, neurobiologists, pharmacologists, chemists, as well as town planners, historians and philosophers. Political and medical authorities must also act, as they have started to do, in France, by launching the National Nutrition and Health Program (PNNS). In the framework of the PNNS, the French Food Safety Agency (AFSSA) and the National Institute for Prevention and Health Education (INPES) have just launched a campaign aimed at curbing the rise in child obesity.

Daniel Ricquier

Arnaud Basdevant


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