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Comptes Rendus

Histoires de fontes. Question de vocabulaire : que signifie le mot « fonte » ?
Comptes Rendus. Chimie, Volume 10 (2007) no. 9, pp. 850-855.

Abstracts

The evolution of the French word fonte (cast-iron or smelting) is described, taking into account the different significations of this word and the attempts for rationalisation of it use, in parallel with the word fusion (melting). A comparison is done with the corresponding words in Latin and English. The sequence fer de fonte, fonte de fer and finally fonte cast iron is analysed as a function of time, and compared with the old notion of fonte du minerai (smelting) and the still-used lit de fusion (burden).

L'évolution du mot « fonte » est décrite, du point de vue des sens successifs du mot et des tentatives de rationalisation de son emploi, en parallèle avec le terme « fusion ». Une comparaison est faite avec les expressions correspondantes en bas latin et en anglais. La séquence « fer de fonte, fonte de fer » et enfin « fonte » est analysée au cours du temps, par rapport à la notion ancienne de « fonte du minerai » et à celle encore actuelle de « lit de fusion ».

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DOI: 10.1016/j.crci.2007.03.015
Keywords: Iron, Melting, Smelting, Excoquere, Liquescere, Etymology, History
Keywords: Fer, Fonte, Fusion, Excoquere, Liquescere, Étymologie, Histoire

Jean Le Coze 1

1 École nationale supérieure des mines, CNRS UMR5146, 42023 Saint-Étienne cedex 2, France
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Jean Le Coze. Histoires de fontes. Question de vocabulaire : que signifie le mot « fonte » ?. Comptes Rendus. Chimie, Volume 10 (2007) no. 9, pp. 850-855. doi : 10.1016/j.crci.2007.03.015. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2007.03.015/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

À la question : « qu'est-ce que c'est que la fonte ? », les réponses récoltées dans la rue varient entre : « du fer dur ; un acier grossier ; un métal fragile et dur ». Ces réponses sont justes, bien que la famille des fontes se soit largement diversifiée et que les fontes ductiles et usinables soient devenues classiques depuis quelques décennies. En fait, jusqu'au début du XIXe siècle, la fonte était caractérisée uniquement par des propriétés telles que celles citées ci-dessus, sans aucune relation avec une composition chimique, tout simplement parce que l'analyse chimique était embryonnaire et que la description des produits métallurgiques utilisait un langage confus, hérité des anciens alchimistes. De plus, le mot « fonte » n'avait pas exactement la signification qu'on lui donne aujourd'hui dans le langage métallurgique.

Ces quelques pages ont comme objectif de jouer avec les mots, pour s'amuser et, par la même occasion, apprendre quelque chose à partir des mots et avant tout de leur histoire. Une analyse de l'évolution du mot « fonte » est proposée ici, par un métallurgiste (que les linguistes lui pardonnent) qui aime se poser des questions sur le fonctionnement de nos collègues des siècles passés, ceux qui ont fondé nos métiers d'aujourd'hui.

2 Fonte : signification actuelle

La fonte de fer est apparue en Europe vers le XIVe siècle, mais elle était déjà couramment utilisée en Chine dès le IVe siècle avant notre ère. Aujourd'hui, le terme fonte se rapporte classiquement à l'alliage de fer et de 3 à 5% de carbone, destiné soit à la conversion en acier par affinage au sortir du haut fourneau, soit au moulage, après différents traitements et additions.

Il faut noter, cependant, que, dans le langage actuel, certains objets d'usage courant en matière d'alliages d'aluminium moulés sont dits « en fonte d'aluminium ». Le terme « fonte d'aluminium » est apparemment une appellation commerciale pour des alliages de fonderie contenant typiquement de 3 à 6% de silicium (plus d'autres éléments d'addition). Ce terme vient de la traduction depuis l'anglais de cast aluminium, terme désignant un aluminium de fonderie, dont on voit l'équivalence avec cast iron, qui signifie « fonte de fer ». Cette expression apparaît dès 1901 dans un texte traduit de l'anglais, paru dans The Motorcar, décrivant une visite aux usines Panhard (http://rbmn.waika9.com/Krebs). La seule caractéristique commune aux deux matériaux (cast iron et cast aluminium), fondamentalement différents en termes de compositions et de points de fusion, est qu'ils peuvent servir à la fabrication d'objets par moulage.

L'expression « objet en fonte » qualifie donc essentiellement un produit à base de fer, qui a été mis en forme par moulage. Cependant, le terme fonte a d'autres significations. Par exemple, on parle couramment de la fonte des glaciers ou de la fonte des neiges, mais on ne dit pas : la fonte du cuivre, de l'aluminium ou du fer ; on dit plutôt : la fusion, pour décrire le passage de l'état solide à l'état liquide des métaux.

Le mot fonte peut donc représenter, soit le passage de l'état solide à l'état liquide (fondre, fusion), soit un matériau servant à des opérations de moulage qui mettent en jeu un métal liquide. Ce type d'assimilation est bien connu en linguistique (métonymie). De plus, dans fondre, il y a la notion de couler comme un liquide, mais une idée encore plus générale de aller vers le bas, comme « le vautour fond sur sa proie », exemple couramment cité dans les dictionnaires du XVIe–XVIIe siècles, par exemple, dans le Thresor de Nicot, (1606) [1] : « Fondre, Tantost signifie liquefier, Fundere, Liquefacere. Dont vient fusus. Fondu, tantost aller en bas, Imum ac profundum petere. Selon ce on dit en volerie, le faucon fond, c'est a dire, desvole et descend de haut en bas… ». Les deux utilisations semblent aussi anciennes l'une que l'autre et seuls des spécialistes pourraient dire si le sens primitif ne serait pas celui « d'aller en bas », que l'on retrouve dans la description faite par Aristote, de la purification du fer en acier [2]. En effet, chez Aristote, la séparation des scories est décrite par le verbe υφιστημι, qui veut dire « aller vers le bas » ou « former un dépôt ». La citation de Diderot dans l'article « Acier » de l'Encyclopédie [3] lui attribue une notion de fusion, qui semble logique dans ce contexte technique, mais que ne proposent, ni Halleux [4], ni Louis [2], alors que Bailly [5], faisant référence à Aristote, donne « former un dépôt en parlant d'un liquide ».

3 Fer de fonte et fonte de fer

Autrefois, on disait fer de fonte, terme que le Petit Robert (1994) date de 1472, c'est-à-dire environ un siècle après les débuts de la fabrication de la fonte en Europe. On disait également fonte de fer, ce qui n'est pas exactement la même chose que fer de fonte, comme nous le verrons plus loin. Plus largement, le terme fer sans autre qualificatif représentait aussi bien le métal (acier à bas carbone) qui sert aujourd'hui à fabriquer du rond à béton ou de la tôle carrosserie (qu'on appelait fer forgé ou fer doux) que celui que nous utilisons encore comme fonte de moulage. La raison en est que les métaux, fer doux et fer de fonte, étaient produits à partir du minerai dans un four de fonte du minerai, à la grande différence de l'acier, qui était préparé, soit par cémentation du fer doux, soit par décarburation de la fonte de fer dans un four d'affinage, c'est-à-dire sans relation directe avec le minerai. Cette classification avait déjà été établie par Al-Kindi, un savant arabe du IXe siècle [6] . En parlant de la fabrication de l'acier au creuset (« acier de Damas »), Al-Kindi utilise les termes (traduits par Allan [6]) : mined iron pour représenter deux produits aux propriétés très différentes : shaburqan et narm-ahan, dont le premier est mâle et le second femelle, par opposition à unmined steel, représentant le fuladh ou acier de Damas, appelé plus tard le wootz, au XIXe siècle.

En effet, le fer doux, ou fer forgé, était produit par réduction directe dans un bas foyer, par exemple une forge catalane, à basse température (<1200 °C), sans passage par l'état liquide. C'était un matériau très hétérogène dont la teneur en carbone pouvait varier de 0,05 à 2%, entre différentes zones d'une même masse de métal et selon le procédé mis en œuvre. Il fallait ensuite marteler à chaud cette masse pour épurer les résidus de laitier inclus dans la structure spongieuse de fer. En revanche, le fer de fonte était élaboré à plus haute température, dans des fourneaux plus volumineux, qui s'appelleront plus tard « hauts fourneaux », d'où sortait un fer liquide chargé en carbone, comme nos fontes actuelles.

En résumé, le fer vient du fourneau de traitement du minerai. Il peut être doux et forgeable (fer doux) ou aigre, cru et cassant (fer de fonte), c'est-à-dire, selon notre description actuelle, en fonction de son niveau de carbone. Réaumur, en 1722 [7], propose une codification du langage et fait une distinction entre fonte et fer fondu (p. 390) : « … la matière qui coule du fourneau immediatement après que la mine de fer a été fondüe, est ce qu'on appelle fonte, & est un fer qui n'est pas malleable ; … son caractere est d'être dur, & cassant. Quand cette matière a été moulée en ouvrage, elle porte ordinairement le nom de fer fondu, … elle ne retient guere le nom de fonte que quand elle a été coulée en gueuse, ou sous quelqu'autre forme qu'elle ne doit pas conserver. Nous ne l'appelerons aussi fonte que jusqu'à ce que nous l'aïons fait jetter en moule ». Ainsi, Réaumur considère la fonte (fonte de gueuse) comme un produit destiné à l'affinage, alors que le fer fondu est ce que nous appelons une fonte de moulage. Noter le terme « jetter » comparable à to cast en anglais.

4 La fonte de la mine ou du minerai

« La mine » a représenté « le minerai » pendant très longtemps : le produit à la place du lieu d'extraction (métonymie).

Dans le traitement du minerai (oxyde) par le charbon (de bois ou de terre), on assiste à la formation, d'une part, du métal, qui peut être liquide ou non, en fonction du procédé mis en oeuvre et, d'autre part, de la scorie, qu'il faut impérativement rendre liquide (laitier), sinon l'opération est ratée. La combustion du charbon a élevé la température jusqu'à la fusion des produits (rôle de combustible) et, en utilisant notre langage actuel, il a réduit l'oxyde de fer par le CO formé (rôle chimique). Cette opération était appelée : fonte du minerai. Il faut cependant noter que certains auteurs parlent aussi de « fonte du minerai » dans l'opération de la forge catalane, alors que le métal n'est pas passé par l'état liquide [4, p. 249], [8, p. 9], [9, p. 453 et 459].

L'expression « fonte du minerai » ou « de la mine » est utilisée dès le XIVe siècle pour différents types de métaux : «… Des minières qu'il couvient que l'en fonde… » [une minière est une mine à ciel ouvert] (en 1361) et (en 1453) : « … quantité de mine fondue qui encores n'estoit affinée… » [10].

Dans la traduction française de l'ouvrage de Biringuccio [11], De la Pirotechnia (Venise, 1540), on trouve les termes « mettre à la fonte… la minière,pour en tirer le fer & le réduire à purité… ».

Agricola, dans son De Re Metallica, écrit en bas latin (Freiberg, 1556) [12], utilise le verbe excoquere [de ex : sortir et coquere : cuire = to cook], qui signifie faire sortir par la cuisson [13] : « … excoquatur in fornace … » pour le traitement au four du minerai (ferri vena) (pp. 337, 340) et, de façon plus générale, « liquescere » pour la notion de devenir liquide (pp. 339, 342), ce qui correspond aux significations des deux expressions smelting et melting utilisées en anglais (voir ci-dessous), deux nuances qu'on ne retrouve pas dans l'unique terme « fondre » utilisé en français.

Au XVIIe siècle, le Dictionnaire de l'Académie française (1694) [14] définit le mâchefer par « … ce qu'il y a de plus impur & de plus terrestre dans la mine de fer, & qui se sépare par la fonte, ou par la forge » .

Au XVIIIe siècle, Réaumur (1722) [7] décrit ainsi le processus de séparation du métal (pp. 1–2) : « Les mines fondües forment deux fluides de différente pesanteur, celui qui est composé des parties metalliques prend le dessous, celui qui est fait des matières étrangères surnage, & n'est qu'une sorte de verre », et dans l'article « Fer » de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751–1765) [3], on trouve : « Le fer qui vient de la premiere fonte de la mine, s'appelle fer de gueuse ; il est rarement pur & propre à être traité au marteau : cependant on peut s'en servir à différens usages, comme pour faire des plaques de cheminées, des chaudieres, &c. Mais pour lui donner la ductilité & la pureté qui conviennent, il faut le faire fondre à plusieurs reprises, & le frapper à grands coups de marteau ; c'est ce qu'on nomme affiner. Ce n'est qu'à force de forger le fer, qu'on lui donne de la ductilité, la tenacité & la douceur ; qualités qui lui sont nécessaires pour qu'il passe par les autres opérations de la forge ». L'utilisation ci-dessus de fondre le fer : « … il faut le faire fondre à plusieurs reprises… », au moment de l'affinage, représente réellement un passage à l'état liquide du fer de gueuse. Le mot « gueuse » vient de du verbe allemand gieβen (couler), qui donne Guβeisen (fonte). En italien, on dit ghisa pour la fonte.

L'article « Métallurgie » de la même Encyclopédie [3] fait une utilisation simultanée des deux expressions fondre le minerai et fusion du minerai, ce qui pourrait bien indiquer une distinction entre la « cuisson » (fondre le minerai) et la « liquéfaction » du minerai (fusion de la mine) : « … avant que de fondre le minerai on est souvent obligé de lui joindre des matières propres à faciliter sa fusion ; ces matières se nomment fondans, … matières les plus propres à faciliter la fusion de la mine qu'il traite, & à vitrifier les substances terreuses & pierreuses avec lesquelles elle est mêlée… » . Le verbe tomber est utilisé dans cet article au sens de couler : « … le minerai se fond, la partie métallique qu'il contenait tombe dans un bassin formé au bas du fourneau… », de façon comparable au sens que l'on trouve chez Aristote et qui est proche de « fondre sur sa proie ».

À la fin du XVIIIe siècle, le même type de formulation se maintient ; par exemple, en 1786, Vandermonde, Berthollet et Monge [15] parlent encore de « fonte de la mine » (p. 133), mais, dès le début du XIXe siècle, l'expression fonte du minerai a tendance à disparaître au profit de fusion. Berzelius [16] (traduction 1826, p. 58) écrit : « On nomme fer cru ou fonte de fer, le fer qui résulte d'abord de la fusion des minerais de fer ». Dans le Dictionnaire de l'Académie française de 1835 [14], à l'article « Minerai », il est question de « … minerai fusible… Laver, écraser, fondre le minerai … » Là encore, les deux termes fondre et fusion sont utilisés simultanément, sans explication.

Plus récemment, le Petit Robert (1994), pour le mot « fusion », donne comme exemples : « fusion d'un minerai, fusion réductrice, lit de fusion ». L'expression « lit de fusion » fait toujours partie du langage de la fonderie pour décrire l'ensemble des produits métalliques, additions et fondants que l'on porte ensemble en fusion pour couler une pièce [17], mais, de façon surprenante, c'est aussi le cas du haut fourneau, où le lit de fusion garde l'ancienne image attachée à la fonte du minerai : « … quantités de matières minérales à enfourner pour produire une tonne de fonte », c'est-à-dire : l'ensemble des minerais, fondants, ferrailles recyclées, etc., mais le combustible (coke, charbon, gaz…) n'en fait pas partie [18].

En définitive, on voit ce que signifie l'expression fer de fonte : c'est le fer passé par l'état liquide, obtenu par la fonte du minerai, et l'expression complète est en réalité : « fer de fonte du minerai ».

Le terme fonte, un raccourci proposé par Réaumur, résume l'histoire du fer de gueuse, fer crud et autre fer fondu, débutée aux XIVe–XVe siècles en Europe, 1000 ans après la Chine. En effet, le terme « fer fondu » se trouve déjà employé en 1543 pour représenter les « gueuses » coulées à la sortie du fourneau [19], à ne pas confondre avec l'acier fondu, ou acier au creuset, produit en Inde et au Proche-Orient depuis au moins le IXe siècle (damas, wootz), et redécouvert à Sheffield en 1740.

5 Fonte et fusion

Il semblerait que ces deux mots n'aient pas été interchangeables, bien que la distinction ne soit pas facile à mettre en évidence. À partir de l'Encyclopédie de Diderot, on peut tracer quelques pistes de réflexion à ce sujet, entre « fondre le minerai », qui semblerait plus proche du sens de transformation chimique, alors que « fusion de la mine » aurait été plutôt un simple passage à l'état liquide. Par ailleurs, plusieurs auteurs se sont servis du terme « fonte du minerai » en décrivant la forge catalane, où le métal ne passait pas par l'état liquide, mais où on sait que le laitier devait obligatoirement se liquéfier pour que l'opération soit réussie. En mettant de côté le risque de méconnaissance d'auteurs qui auraient décrit ce qu'ils n'avaient pas vu,1 cette indication pourrait faire pencher vers le fait que la « fonte de la mine » avait un sens proche de celui qu'Agricola avait clairement posé en 1556 : excoquere pour « extraire en cuisant », par opposition à liquescere pour « passer à l'état liquide ».

Sans faire une étude dans de nombreuses langues, il est intéressant de remarque qu'en anglais, on trouve deux termes. Le premier, melting, représente la notion de passage de l'état solide à l'état liquide (liquescere). Le second, smelting, très proche du précédent, représente le traitement d'un produit primaire (minerai par exemple) pour en extraire un produit utile (un métal par exemple) ; il y a là une notion de traitement chimique incluant celle de fusion-écoulement d'une scorie et selon le cas, d'un métal, ce qui correspond au verbe excoquere de Agricola. C'est le cas du minerai de fer qui va être transformé en cast iron, pig iron…, c'est-à-dire en fer coulé. Selon le Webster's Online Dictionary [20] : « Smelting was first used in popular English literature, sometime before 1754 » et « Melting sometime before 1258 ». Dans le New Oxford American Dictionary [21], smelting daterait du milieu du XVIe siècle. Ainsi, il semble que smelting (of iron ore), contenant une notion de transformation chimique soit apparu bien plus tard que melting (fusion d'un métal, de la neige). Autrement dit, la distinction entre les deux termes serait apparue a un moment où une précision de langage est devenue nécessaire pour certains forgerons (britanniques).

6 Fondage

Le terme « fondage », ou parfois « fondée », est utilisé en Wallonie au XVe siècle, sous la forme « fondaige de 10 jours », « droit de fondaige » et « fondée de 15 semaines » [22]. Ce mot semble représenter l'opération globale du fourneau, ou plutôt la campagne de travail. Ce n'est cependant pas un terme courant. Bouchu l'utilise une fois dans son article de l'Encyclopédie au sujet des « … garde-fourneaux dont le rôle est de conduire le fondage… » [23]. Buffon, en 1775 [24], l'utilise deux fois : « … le dernier jour d'un fondage, c'est-à-dire le jour où l'on allait faire cesser le feu d'un fourneau à fondre la mine de fer, qui durait plus de quatre mois… » (p. 40), où la différence est faite entre le terme général de fondage et le terme technique de « fondre la mine », et, à la page 77, Buffon confirme le sens de ce mot : « … quand on commence un fondage, on ne met d'abord qu'une petite quantité de mine… ».

En revanche, au XIXe siècle le terme « fondage » est utilisé, avec le sens de fusion, dans le traitement des minerais d'argent [25,26]. Par exemple, le chimiste J.-B. Dumas [25] écrit en titre de paragraphe : « Traitement des minerais d'argent par fondage » et débute ce paragraphe par : « Le traitement des minerais d'argent par fusion… ». Cependant, le mot « fondage » reste rare.

Dans le Larousse universel en deux volumes, édité vers 1925, « fondage » est défini par : « action de fondre les métaux », sans autre commentaire. Aujourd'hui, ce mot n'est plus cité dans les dictionnaires usuels.

7 Conclusions

L'évolution du mot fonte est complexe, depuis la notion « d'aller vers le bas et de passer de l'état solide à l'état liquide » : liquescere, chez Agricola ou liquefacere, chez Nicot et to melt en anglais, vers une signification plus technique : « la fonte du minerai », qui met en jeu un passage à l'état liquide et une transformation chimique (excoquere, to smelt) pour en arriver à représenter le matériau résultant de ces opérations : le fer de fonte, puis la fonte (de fer). De semblables évolutions sont courantes pour les linguistes ; par exemple, le mot grec μɛταλλoν, qui a donné metallum en latin et métal en français, signifiait à l'origine le lieu d'extraction du minerai, puis le minerai lui-même, avant de représenter le résultat du traitement du minerai [4].

1 Situation certainement courante, autant aujourd'hui qu'aux époques anciennes. On pourrait être tenté d'appliquer cette méchante critique à Aristote (s'il était permis d'éviter l'excommunication !), lorsqu'il décrit la purification du fer [2].


References

[1] J. Nicot. Thresor de la Langue Françoyse, tant Ancienne que Moderne, Paris, David Douceur (1606). HTML version : www.chass.utoronto.ca/∼wulfric/nicot, by R. Wooldridge, Trinity College, University of Toronto (2001). Voir aussi : http://www.lexilogos.com/nicot.htm et l'accès par: BLMF/DMF-1 ATILF/ Equipe Moyen français et français préclassique. http://www.atilf.fr/blmf/.

[2] Aristote Météorologiques, IV (P. Louis, ed.), Les Belles Lettres, 6, Association Guillaume-Budé, Paris, 1982, p. 383a (Ve siècle av. J.-C.)

[3] Diderot; d'Alembert L'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Cédérom, Édition Redon, 26740 Marsanne, 1751–1765 http://gallica.bnf.fr/

[4] R. Halleux Le problème des métaux dans la science antique, Les Belles Lettres, Paris, 1974

[5] A. Bailly Dictionnaire grec-français, Hachette, 1894 (1935 p. 2220)

[6] Al-Hassan; Allan J. Hist. Arab. Sci., Persian metal technology 700–1300 AD, II/I, Oxford Oriental Monographs No. 2, Londres, 1978, p. 31 Al Kindi (IXe siècle), traduction partielle par Al-Hassan (1978) et Allan (1979)

[7] R.A.F. de Réaumur, L'art de convertir le fer forgé en acier et l'art d'adoucir le fer fondu, Paris, 1722.

[8] G. Jars, Voyages Métallurgiques, Lyon, 1774. (p. 9).

[9] Guyton de Morveau, Acier, in : Encyclopédie méthodique, Dictionnaire de chymie, Ed. Panckoucke, 1786.

[10] Aff. Jacques Cœur (M. Mollat, ed.), Les Affaires de Jacques Cœur. Journal du procureur Dauvet. Procès-verbaux de séquestre et d'adjudication, vol. 2, S.E.V.P.E.N, Paris, 1952–1953 1453–1457 (École pratique des hautes études. VIe section. Centre de recherches historiques. Affaires et gens d'affaires ; 1 ; 2bis)

[11] V. Biringuccio Traduction par J. Vincent, Paris, 1556, Basic Books, New York, 1959 De la Pirotechnia (Venezia, 1540) English translation by C.S. Smith & M. Gnudi

[12] G. Agricola De Re Metallica, écrit en bas latin (Freiberg, 1556). Il existe un exemplaire original à l'École des mines de Saint-Étienne. Traduit en anglais par H.C. Hoover et L.H. Hoover, New York, 1950, contenant une impressionnante quantité de notes explicatives.

[13] F. Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Hachette, 1934, p. 1720.

[14] Dictionnaire de l'Académie française, 1re édition, 1694 ; 6e édition, 1835.

[15] A. Vandermonde; C. Berthollet; G. Monge Mémoire sur le fer considéré dans ses différents états métalliques, Mem. Acad. Sci. 132–200, Paris, 1788

[16] J. Berzelius Lärbok i Kemien, Stockholm, Traduction partielle en français par le Chevalier Hervé, Chimie du Fer, Paris, 1826 (1808–1812–1818)

[17] P. Cuenin, Métallurgie des alliages de fonderie, Techniques de l'Ingénieur, article M3520, 1996.

[18] M. Burteaux, Haut Fourneau – Exploitation. Techniques de l'Ingénieur, article M7411, 1992.

[19] Isambert Recueil général des anciennes lois françaises, t. 12 (1543), p. 811 http://atilf.atilf.fr/ (Au sujet de l'étymologie de « gueuse »)

[20] Webster's Online Dictionary : http://www.websters-online-dictionary.org/.

[21] New Oxford American Dictionary (NOAD). Apple Computer dictionary widget, version on line 2005 de NOAD2.

[22] F. Pirotte, L'industrie métallurgique au pays de Durbuy, de 1480 à 1625, Bull. Archeol. Liège (1966). [Merci à Marcel Evrard : http://users.skynet.be/maevrard/FEROT4.htm, pour l'envoi du texte de Fernand Pirotte].

[23] E.J. Bouchu, Forges, (Grosses). Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, 1751, Paris.

[24] G-L. Buffon (Leclerc comte de), Observations sur la fusion des mines de fer. Neuvième mémoire. Histoire naturelle, générale et particulière, servant de suite à la Théorie de la terre, parties expérimentales et hypothétiques. Supplément, tome second, 1775.

[25] J.-B. Dumas, Traité de chimie appliquée aux arts, Tome 4, Bechet le jeune, Paris, 1833 (p. 363)

[26] T.J. Pelouze; E. Fréry, Cours de chimie générale, Tome II, Victor Masson, Paris, 1848

[27] R.F. Tylecote A history of metallurgy, The Metals Society, London, 1976

[28] R.Eluerd Les mots du fer et des Lumières, Honoré Champion, Paris, 1993


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