Abridged version
1 Introduction
The continental transform margin west and southwest of Tasmania developed during the separation of Australia and Antarctica [3,5]. This margin consists of different blocks [2,4]: the West Tasmanian margin was characterised by NW–SE movement, mostly in the Cretaceous [6]. The South Tasman rise (STR) [2,4,6] to the south consists of two distinct fragments of southern Gondwana [11,12]. Its margins result from a complex rifting history from the Upper Jurassic to the Eocene [9]. The transform movement separating the two continents led to the establishment of the circum-polar oceanic current [12]. The results of fission track analyses on apatite from dredge samples enable us to test independent geological models of the evolution of this region [12]. Earlier apatite fission track dating on Tasmania suggests that there were at least two regional uplift and cooling episodes, during the Mid-Cretaceous (110–90 Ma) and the Late Palaeocene to Early Eocene (60–40 Ma) [10]. Mid-Cretaceous cooling occurred throughout Tasmania, while Palaeogene cooling was primarily confined to the east and the west coasts. Apatite fission track dating to the north, in the eastern Otway basin, also indicates major Mid-Cretaceous (95–90 Ma) uplift and cooling [14]. The present study confirms that there were two principal periods of rifting. The first was located in the southeast Great Australian Bight, Bass Strait and west of Tasmania, and consisted of crustal thinning in the Jurassic and Lower Cretaceous [10]. West of Tasmania, the dominant extensional direction was NW–SE, with transcurrent movement remobilising the older structures in the Maastrichtian and Palaeocene. In the Middle and Late Eocene, a second episode of NNW–SSE rifting and transform motion progressively created the morphostructural elements of the transform margin of the STR. Although the continental blocks finally separated at the Eocene–Oligocene boundary, the results of ODP drilling [7] showed that the spreading ridge affected the margin until the Early Miocene.
The majority of the samples [2,3,5] consist of metamorphic or magmatic basement [4,12]; some are coarse-grained terrigenous sediments. Several granites are similar to Devonian rocks from Tasmania and contain sufficient apatite for fission track dating.
2 Results
Fission track dating was done on granite samples from dredge sites 147DR11, 22, 27 and 31 on the STR (figure 1) [1,4]. The ages measured from fission track [14,17,18] for the northern and southern margins of the STR were 42–96 Ma, and for the western and eastern margins were around 93 and 54 Ma. After corrections based on statistical methods (figure 2) [15], ages range from 160 to 77 Ma; moreover, it is suggested a thermal regime of less than 160 °C. A later period of heating from 33 to 10 Ma corresponded to a temperature lower than 60 °C.
Petrologic and microstructural analyses were carried out on 25 thin sections, mostly of basement rocks, including two on sedimentary rocks. The petrofabric of the various schists, gneisses, mylonites indicates two phases of deformation chiefly related to the strike-slip movement. The sedimentary rocks also show two phases of deformation, with the superimposition of a simple shear on a primitive foliation.
3 Discussion and conclusions
The microstructural study indicates that most of the samples were mylonitised. The mylonitisation formed by ductile deformation during various phases of basement structuring followed by later deformations. Later silica veins cut older structures.
The fission track data show that the thermal history of the region consists of three stages.
1. After the establishment of the deep basement, a high-temperature thermal regime higher than 160 °C developed, probably in the Devonian. A later thermal event during the Jurassic on the present southwest margin (147DR22, 27) did not exceed 160 °C; the same applies to a Late Cretaceous event in the northern STR (147DR11, 31). The Late Jurassic event is reflected in fractures and infilling by quartz and some calcite.
2. Fission track information shows that the temperature stayed between 160 °C and 60 °C until the Late Palaeogene. This period corresponds to the change of direction of the transform motion in the region.
3. The temperature fell to 60 °C at the southernmost site (147DR27) in the Late Oligocene, but elsewhere in the Miocene. The passage of the 60 °C isotherm post-dates the last deformation characterised by microstructures associated with paragenesis of biotite. The exhumation of the basement rocks and their cooling is the consequence of diochronous vertical movements signalling the local end of transform movement.
These results agree well with those of the Otway basin northwest of Tasmania [14] where there was an episode of Jurassic to Late Cretaceous rifting, associated with high heat flow and magmatism. There, the high temperatures persisted through the Eocene, until the separation of Australia and Antarctica. On the STR, the passage of the 60 °C isotherm started in the Late Oligocene and is believed to be linked to the final separation of Australia and Antarctica.
1 Introduction et cadre géologique
L'analyse d'échantillons rocheux dragués au long de la pente continentale dans le Sud-Ouest et le Sud de la Tasmanie (figure 1) [3,5] a permis une évaluation des différents régimes thermiques et tectoniques qui ont précédé et accompagné la formation de ce segment de marge transformante.
Dans cette région (figure 1), la marge continentale comporte plusieurs domaines bien différenciés [2,4] : la marge Ouest-Tasmane est un segment de direction NW–SE, caractérisé par un épais bassin sédimentaire, le bassin de Sorrel, mis en place à partir du Jurassique terminal–Crétacé basal [9]. Ce domaine se prolonge vers le sud par une pente continentale bien cartographiée par sondeur multifaisceau [3,5] ; elle borde vers l'ouest un domaine de profondeur oscillant entre 1 000 et 3 000 m, constitué d'une série de plateaux profonds, le plateau Sud-Tasman [2,4,6]. Cette région résulterait du collage de deux fragments distincts du Gondwana méridional [11,12].
L'ensemble des marges de la région résulte d'une histoire complexe caractérisée, à partir du Jurassique terminal et au cours du Crétacé terminal–Paléocène, par divers épisodes de rifting [9]. La rupture définitive entre l'Australie et l'Antarctique, permettant l'établissement de la circulation circum-polaire, ne se produit qu'à partir du Miocène inférieur [12].
Les analyses de traces de fission sur apatites et des observations microstructurales discutées ici constituent des contraintes géologiques indépendantes, que l'on a confrontées aux modèles d'évolution de cette région de la marge Sud-Australienne ; ces derniers ne se fondent, en effet, que sur des données de géophysique marine et sur des reconstructions déduites de l'identification d'anomalies magnétiques océaniques ou/et de mesures de gravimétrie satellitaire [12]. D'après ces travaux, les secteurs concernés de la marge de Tasmanie résulteraient de deux épisodes de rifting, caractérisés par des géométries différentes. Un premier épisode aurait surtout intéressé la région localisée dans le Sud-Est de la Grande Baie australienne, ainsi que le détroit de Bass, au nord de la Tasmanie. Cette phase d'amincissement crustal, active entre le Jurassique et le Crétacé inférieur [9,11,12], serait en partie responsable de la structuration du segment de marge qui se situe juste à l'ouest de la Tasmanie ; là, les directions d'extension dominantes sont NNW–SSE, mais un épisode de tectonique transcurrente aurait remobilisé les structures du rifting jurassique au cours d'une période allant du Maastrichtien au Paléocène.
À partir de l'Éocène, et au cours de l'Oligocène, un second épisode de rifting, surtout transformant dans la région d'étude, affecte la marge occidentale du plateau Sud-Tasman et crée les éléments morphostructuraux caractéristiques d'une marge transformante. En témoigne, de nos jours, une série de rides marginales pratiquement linéaires, décelables sur plus de 500 km, en transition rapide avec le domaine océanique du Bassin indien sud-oriental. La séparation finale entre l'Antarctique et l'Australie date du Miocène basal, ainsi que les résultats de forages ODP l'ont démontré [7].
Les échantillons étudiés proviennent d'une campagne de dragage conduite par l'AGSO [2,4,5]. La majorité d'entre eux sont des fragments d'un socle métamorphique ou magmatique [1,4] ; quelques-uns correspondent à des dépôts terrigènes grossiers. Seuls quelques granites, offrant des analogies avec des roches d'âge Dévonien connues en Tasmanie, contenaient suffisamment de cristaux d'apatite pour permettre une analyse par traces de fission.
2 Résultats
2.1 Traces de fission
2.1.1 Technique d'analyse
Les analyses traces de fission ont été effectuées sur des apatites provenant de granites dragués aux sites 147DR11, 147DR22, 147DR27 et 147DR31, tout au long de la pente continentale dans le Sud-Ouest de la Tasmanie ainsi que sur les rebords du plateau Sud-Tasman (figure 1). La technique a été celle dite du « détecteur externe » [14]. Après broyage des roches, les apatites ont été extraites par séparation aux liqueurs denses (bromoforme, diiodométhane) et triées, grain par grain, sous stéréomicroscope. Pour chaque échantillon, les grains, de 100 μm environ, ont été enrobés dans une matrice d'époxy, polis et révélés dans une solution de 5 % HNO3 à 23 °C pendant 45 s, afin de révéler les traces de fission fossiles sur une face interne (géométrie d'enregistrement ). Les sections ont été recouvertes par un détecteur externe, une feuille de kapton, irradiée par un flux de neutrons thermiques simultanément avec des verres standard (SRM-613 ; NBS) dont la teneur et la distribution en uranium sont connues. Les irradiations ont été faites à Gand (réacteur Tetys) dans la position la mieux thermalisée (canal 8). La valeur du flux a été déterminée en introduisant un standard d'âge, une moldavite dont l'âge est bien connu : 14,87±0,36 Ma [18]. Dans le kapton, les traces de fission induites sont enregistrées suivant une géométrie et révélées par une solution aqueuse de 14 % NaClO + 12 % NaCl à 100 °C pendant 8 min. Les traces de fission fossiles et induites ont été dénombrées au microscope optique à un grossissement de 1 600 ×. L'utilisation de la technique du détecteur externe implique d'introduire dans l'équation d'âge un facteur de correction prenant en compte les différences de géométrie d'enregistrement des traces de fission entre le minéral () et le kapton (). La valeur de ce facteur pour le couple apatite–kapton est de 1,651 [14]. Les valeurs des constantes retenues pour le calcul d'un âge sont celles proposées par Storzer et al. [18] et Storzer et Wagner [17].
La technique utilisée ne permet pas de comparer les longueurs des traces fossiles et induites, paramètre indispensable à la détermination des paléotempératures et de leur influence sur les âges mesurés. Pour obtenir cette information, il aurait fallu comparer les longueurs des traces fossiles et induites, donc irradier simultanément un aliquot d'apatites préalablement portées à haute température afin d'effacer les traces fossiles préexistantes. Nous ne disposions pas de matériel suffisant pour envisager cette étape et indiquons plus loin comment nous avons procédé pour suppléer à cette lacune et évaluer, qualitativement, les âges corrigés et les températures. Une discussion détaillée de la technique analytique, et de ses implications, est donnée dans Storzer et Sélo (1981 et 1985) [14,16].
2.1.2 Principaux résultats
Le faible nombre d'apatites a entraı̂né certaines difficultés analytiques. Par exemple, pour l'échantillon 147DR11, parmi les 56 apatites extraites, sept seulement ont pu être datées. De plus, le dénombrement des traces fossiles a toujours été perturbé par la présence de nombreuses dislocations (pourcentage de l'ordre de 50 à 70 %, atteignant parfois 90 %). Pour pallier cette difficulté, le dénombrement des traces de fission a été refait sur chaque apatite au minimum trois fois ; seuls les résultats reproductibles ont été conservés. Les âges ainsi mesurés et corrigés sont rapportés dans le tableau.
Caractéristiques des analyses de traces de fission effectuées sur les apatites. Nombre de cristaux d'apatite datables parmi l'ensemble des cristaux observés (indiqué entre parenthèses (a). Teneur en uranium et déviation standard (b). Densité de traces de fission fossiles et induites; le nombre de traces effectivement compté est indiqué entre parenthèses (c–d). Âges des traces de fission calculés avec: ; Φ=(1,13±0,06)·1015 neutrons·cm−2; I=7,253·10−3; σf=580,2·10−24 cm2; λf=8,46·10−17 an−1 (e).
Main characteristics of apatite fission track analysis. Numbers of apatite crystals used among all observed samples (a). Uranium content and standard deviation (b). Fossil and induced fission tracks density (c–d). Computed ages of fission tracks with: ; Φ=(1.13±0.06)·1015 neutrons·cm−2; I=7.253·10−3; σf=580.2·10−24 cm2; λf=8.46·10−17 yr−1 (e).
Dragages | N a | U (ppm)b | ps (103 mm−2)c | pi (103 mm−2)d | Âges apparents (Ma)e | Âges corrigés (Ma) | |
<160 °C | <60 °C | ||||||
147 Dr 11 | 7 (56) | 92,7±3,4 | 21,06±0,69 | 16,94±0,62 | 42,3±3,0 | ≈77 | ≈10 |
(920) | (740) | ||||||
147 Dr 27 (2) | 27 (131) | 23,3±0,8 | 12,05±0,24 | 4,26±0,15 | 96,3±6,1 | ≈150 | ≈33 |
(2590) | (864) | ||||||
147 Dr 22 B | 16 (124) | 40,5±1,8 | 20,25±0,54 | 7,40±0,33 | 93,2±6,7 | ||
(1424) | (520) | ≈165 | ≈21 | ||||
147 Dr 22 A | 18 (55) | 21,9±0,8 | 11,10±0,24 | 4,00±0,15 | 94,5±6,3 | ||
(2097) | (714) | ||||||
147 Dr 31 | 40 (104) | 27,6±1,2 | 8,04±0,26 | 5,04±0,22 | 54,3±4,0 | ≈95 | ≈12 |
(983) | (537) |
Les âges mesurés varient de 42 à 96 Ma pour les échantillons situés respectivement au nord et au sud de la marge, de l'ordre de 93 et 54 Ma à l'ouest et à l'est de cette dernière, respectivement. Pour les deux échantillons provenant du dragage 147DR22, les âges mesurés sont identiques dans leurs marges d'erreur. Pour tester l'éventuel rajeunissement thermique des âges mesurés, des longueurs projetées des traces fossiles ont été mesurées et comparées à une distribution standard représentant les longueurs projetées des traces induites. En l'absence de mesures directes, ce diagramme (figure 2) a été établi à partir de nombreuses mesures de longueurs de traces induites réalisées par ailleurs dans diverses apatites [15]. À partir de cette distribution type, une valeur de référence de 5,96 μm a été retenue pour la longueur projetée moyenne des traces induites. Il a ainsi été possible d'observer que la distribution des longueurs des traces fossiles était déplacée vers des valeurs plus faibles que celle des traces induites (figure 2b). Les âges mesurés sont donc des âges apparents, qui doivent être corrigés.
Les âges corrigés varient entre 160 et 77 Ma. À première vue, la distribution des longueurs des traces fossiles apparaı̂t unimodale. Toutefois, la présence de traces longues laisse supposer celle d'une composante d'âge thermiquement non affecté [13]. En l'absence de mesures explicites de longueurs de traces induites, nous avons appliqué, afin d'estimer la fraction d'âge non affecté, la technique décrite par Wagner [19]. Ces âges, a priori thermiquement intacts, sont indiqués dans le tableau. Ils varient entre 10 et 33 Ma. Les âges corrigés correspondent ainsi à l'intervalle de temps à partir duquel les échantillons ont été exposés à un régime thermique inférieur à 160 °C. Les âges thermiquement non affectés indiquent l'intervalle de temps pendant lequel les échantillons ont été soumis à un régime thermique ambiant inférieur à 60 °C.
2.2 Pétrologie et analyse microstructurale
L'analyse macroscopique des échantillons [1,4] indique une pétrographie très variée, la majorité des roches appartenant à des éléments de socle, quelques rares échantillons étant représentatifs d'un matériel sédimentaire terrigène. Nous en avons sélectionné treize à partir desquels 25 lames minces ont été réalisées. L'examen au microscope binoculaire à lumière polarisée a permis d'en préciser certaines des caractéristiques pétrographiques ainsi que d'observer différents effets des déformations et du métamorphisme qui ont affecté le substratum de la marge et, dans une moindre mesure, certains éléments de sa couverture sédimentaire.
2.2.1 Le socle de la pente continentale
Cinq échantillons proviennent du dragage 147DR04, entre 4 000 et 3 000 m de profondeur. 147DR04A2 correspond à un gneiss avec de nombreux quartz polycristallins en plage, des chlorites, des plagioclases et des remplissages micacés de fractures. Trois types de déformations successives sont observés. Une déformation générale (a) correspond à une foliation englobant les porphyroblastes de plagioclases déformés et altérés ; ces structures (b) sont recoupées par des microfractures parallèles qui traversent la plupart des minéraux, sauf les quartz. De gros porphyroblastes sont affectés par un dense réseau de microfractures, souvent en échelon, avec des zones en relais indiquant un cisaillement. Les quartz polycristallins offrent une faible extinction onduleuse, témoin d'efforts tectoniques. Des fractures discrètes (c), d'épaisseur notable, recoupent l'ensemble de la roche avec un angle de 45° par rapport à la foliation. 147DR04B1 est une mylonite syntectonique métamorphisée, constituée d'un agrégat de minéraux cassés avec plagioclases, quartz polycristallins et bandes de biotite dominants. Cette roche montre quelques bandes de déformation intense. L'orientation générale est soulignée par des biotites disposées en amande. Ce dispositif résulte de l'interférence de deux directions à 30° : une direction principale (étirement général) et une direction secondaire, essentiellement marquée par des alignements de biotites. Une lame mince provenant d'un échantillon du même dragage (147DR04B3) montre un matériel presque identique, plus déformé, avec des plagioclases offrant de nombreuses fractures comblées. Les micas y ont une extinction roulante et des clivages plissés ; les macles de certains plagioclases montrent des ondulations. Un métagabbro, folié et très chloritisé (147DR04B4), offre des traces d'un découpage par plusieurs fractures remplies de quartz ou de calcite, avec quelques filons sigmoı̈des ; l'ensemble témoigne d'une ambiance cisaillante. Finalement, 147DR04B5 correspond à une roche très orientée, constituée de lits de quartz microcristallins et de micas. Sa déformation est intense et des bandes de biotites onduleuses englobent des porphyroblastes de plagioclases affectés de deux générations de microfractures faisant un angle d'environ 25°. Des phases cassantes caractérisées par de petites fractures sont postérieures à ces deux déformations. 147DR05B1 (à proximité du précédent, entre 3 000 et 2 000 m de profondeur) correspond à une mylonite à quartz, feldspaths, micas blancs et noirs, sillimanite et grenats. La roche est constituée de lits de quartz, fortement étirés dans la foliation, et de lits micacés en grandes plages fusiformes. Les minéraux sont allongés selon une direction bien soulignée par des lits onduleux de micas, parfois interrompus par des renflements en amande. Une seconde orientation, plus discrète et recoupant la foliation, est constituée de minces bandes de pliage (kink-bands). Enfin, des fractures à remplissage micacé constituent des faisceaux plus ou moins anastomosés qui recoupent la foliation antérieure. 147DR05B2 est un schiste constitué de phyllites à minéraux fortement orientés dans une schistosité replissée. Quelques filons recoupent cet ensemble et semblent appartenir à deux périodes de déformation distinctes, avec une phase à quartz suivie d'une paragenèse à calcite non déformée se superposant aux premiers. Le plissement de ce schiste se caractérise par des chevrons à charnière plus ou moins aiguës. À très fort grossissement, on peut remarquer que les filons de quartz sont étirés et parfois boudinés, découpés et décalés par des fractures formant un réseau de deux familles conjuguées indiquant les effets postérieurs d'un cisaillement. Deux échantillons du dragage 147DR12 correspondent à un micaschiste (147DR12A) et à un schiste (147DR12C), l'un et l'autre peu altérés et constitués de petits quartz et de biotite. Le premier ne montre que de petites fractures orthogonales à la direction générale de la foliation, le second offre des fractures parallèles à la stratification. 147DR20B est un gneiss mylonitisé et fortement orienté, avec quelques fractures ouvertes. 147DR25I est un grès quartzite, dont la fabrique discrète indique une déformation associée au métamorphisme, selon deux directions très proches. Provenant du dragage 147DR38, un gneiss à grenats est recoupé par des filonnets tardifs. Deux échantillons du dragage 147DR45 correspondent l'un à une mylonite, l'autre à un granite très déformé ; le premier est une roche à grain fin et à fabrique très orientée, moulant de gros porphyroblastes de quartz, dont l'agencement indique un cisaillement. Le granite offre une foliation marquée par des quartz alignés et étirés en petits grains engrenés, entourant des porphyroblastes de quartz et feldspaths. Une direction secondaire, discrète, est indiquée par des fractures de cisaillement soulignées par des recristallisations. Enfin, 147DR48C et 147DR54 correspondent à un schiste et à une mylonite ; le premier est caractérisé par une foliation déformée par un microplissement ; le second, intensément déformé, offre un microplissement et, au sein de larges plages de calcite, des bandes de pliage ; l'ensemble est recoupé par des filons de calcite tardifs.
2.2.2 Roches d'origine sédimentaire
Seuls deux échantillons de roche sédimentaire provenant du dragage 147DR28 ont été accessibles. 147DR28D1 correspond à un metasiltstone recristallisé, affecté de trois séries de fractures, dont deux conjuguées. La composition en est essentiellement quartzeuse, avec quelques micas blancs et plagioclases. Les micas sont alignés selon deux directions faisant un angle de 30° et concentrés à proximité des fractures ; certaines fractures correspondent à des plans discontinus, en échelon, impliquant une activité de type cisaillant. 147DR28C1 est un grauwacke très peu métamorphisé, à quartz isogranulaires, offrant une microstructuration quasi identique à celle de l'échantillon précédent, impliquant elle aussi la superposition d'un cisaillement à une foliation primitive.
3 Discussion et conclusions
L'analyse microstructurale indique que la plupart des échantillons a subi une phase de mylonitisation. Ces roches sont caractérisées par une déformation ductile résultant d'un contexte métamorphique lié aux diverses phases de structuration du socle ; elles ont ensuite été diversement affectées par des déformations ultérieures. Au cours d'un stade précoce, des filons à paragenèse siliceuse recoupent les structures antérieures. Puis des déformations post-déformation ductile sont attestées, en particulier par des bandes de pliage (kink-bands) assez discrètes. Les résultats de l'analyse des traces de fission indiquent que l'histoire thermique du socle de la marge, à l'ouest et au sud de la Tasmanie, comportent trois étapes.
1. Après la mise en place des roches qui constituent le soubassement de la marge, vraisemblablement au cours du Dévonien, un régime thermique de haute amplitude (au-dessus de 160 °C) est mis en place. Les données ne permettent de définir, ni l'intensité, ni la période précise de cet événement. Elles indiquent, en revanche, que ce régime thermique a décrû, dans la mesure où l'isotherme 160 °C n'a été franchi, dans le domaine méridional de l'actuelle marge (147DR22 et 147DR27), qu'au cours du Jurassique et, au nord du plateau profond Sud-Tasman (147DR11 et 147DR31), qu'au cours du Crétacé supérieur. Les figures microstructurales telles que les fractures à remplissage de quartz et, à moindre degré, de calcite, attestent des événements extensifs plus tardifs que les précédents, que nous corrélons à l'épisode de rifting d'âge Jurassique supérieur qui, à cette époque, commence à structurer la future marge tasmanienne.
2. Les traces de fission montrent aussi que les échantillons ont, ensuite, séjourné dans la zone de rétention partielle (160–60 °C) et ce, jusqu'au Paléogène supérieur. Cette période de relative stabilité thermique pourrait être corrélée avec celle au cours de laquelle une modification des directions de rifting aboutit à créer progressivement, à partir du Paléogène, une marge de type transformant au long de la bordure continentale, à l'ouest et au sud-ouest de la Tasmanie.
3. Finalement, les données thermiques indiquent qu'au site 147DR27 (le plus méridional), l'isotherme 60 °C n'été franchi qu'au cours de l'Oligocène supérieur, tandis que, dans les autres sites, cette température n'a été atteinte qu'au cours du Miocène. Le passage à l'isotherme 60 °C post-daterait ainsi l'épisode le plus tardif de déformation, caractérisé par des microstructures cisaillantes formant des réseaux, dont certains impliquent un environnement thermique assez élevé (paragenèse à biotite). Les fractures issues de cette phase sont souvent conjuguées et leur caractère cisaillant est attesté à la fois par leur disposition en bandes, ainsi que par un tracé souvent sinueux formant des amygdales résultant de l'interférence de deux familles de directions proches. L'exhumation des roches du socle et leur refroidissement seraient des conséquences de réajustements verticaux, diachrones, signalant la fin de l'activité tectonique au long de ce segment de marge à valeur transformante.
L'histoire thermique de cette région, telle qu'elle a été déduite de l'étude des quelques échantillons, semble en bon accord avec des résultats obtenus pour la Tasmanie [8,10] et le bassin d'Otway au nord de cette ı̂le [14]. Dans cette dernière région, les analyses des traces de fission indiquent un épisode de rifting Jurassique supérieur–Crétacé, qui se manifeste par un flux thermique élevé associé à du magmatisme. Au sein de ce bassin, le régime de haute température demeure stable jusqu'au cours de l'Éocène, période à partir de laquelle la thermicité tend à décroı̂tre, vraisemblablement en relation avec la séparation de l'Australie et de l'Antarctique [7,12]. Dans les échantillons étudiés, le passage sous l'isotherme 60°, décelable seulement à partir de l'Oligocène supérieur, est à rapprocher de la fin du rifting cénozoı̈que, qui a abouti à la fois à la création de la marge transformante Sud-Tasmane, à la séparation définitive de l'Australie et de l'Antarctique et à la création concomitante du bassin océanique austral assurant la jonction définitive entre l'océan Indien méridional et l'océan Pacifique sud-occidental.
L'objectif principal de cette étude était de confronter la réalité géologique, déduite d'une analyse par traces de fission et d'une étude microstructurale, avec les étapes de création de la marge Tasmanienne, déduites de l'analyse de données géophysiques et de reconstitutions cinématiques. Cet objectif a été en partie atteint, mais une telle tentative mériterait d'être développée sur la base d'un échantillonnage plus détaillé, en particulier en ce qui concerne l'analyse par traces de fission.
Remerciements
Nous remercions les différents services du MAE, de l'INSU–CNRS et de l'Ifremer, en charge de la coopération scientifique franco-australienne ; l'aide, pour les irradiations, de P. Van den Haute et de A. Dewaespelar a été très appréciée. N. Rollet (AGSO–Geoscience–Australia) nous a aidés pour la réalisation de la version anglaise. N. Exon publie avec l'autorisation du directeur d'AGSO–Geoscience Australie. Cet article constitue la contribution n° 394 de l'UMR Géosciences-Azur.