Abridged English version
1 Introduction
The term ‘Sackung’ [24] refers to deep seated gravitational deformation [12,17,24] characterized by its slowness (, [22]) and typical features like double crests, ridge-top through, antislope scarps [15]. While they have long been studied in most of the Alps [2,11,12], in the French Alps they were only mentioned in the South [8], and several recent scarps interpreted as evidence for active tectonics in France [3,5,10] could be ‘Sackung’ scarps. In this paper we present geomorphologic data demonstrating that the Grand-Moulins recent fault scarps, in the Belledonne external crystalline massif (Fig. 1), are part of the largest Sackung of the French Alps (9 km long).
2 Previous studies
In 1970, four scarps observed from helicopter in the Belledonne external crystalline massif were interpreted as active reverse faults [5]. While it was suggested that they could be Sackung scarps [9,18], a more recent reappraisal [3] concluded that they are strike-slip normal faults of clear tectonic origin.
3 Mapping and morphology of the Grand Moulins scarps
In 2002, we were in the area photographed by [5] and found only pure normal faults, the lower one being 1330 m long and offsetting vertically by 30 m the slope of the Rognier Mountain (Fig. 2). Moreover we found more than sixty other recent fault scarps mainly along the Rognier crest and on the other slope of the range (Fig. 3). They form a scarp swarm, which is more usual in the case of ‘Sackungen’ than of active faults. The following observations confirm this gravitational interpretation.
All the scarps result from normal slip or tension opening, like in gravitational movements. No recent striation was observed on the scarps like the strike-slip movements mentioned by [3]. The only slip indicators observed are strike-slip reverse quartz-chlorite lineations, whose inversion [1] gives an ESE–WNW compression (Fig. 3). In the North of Belledonne the quartz-chlorite association has been dated by U/Pb on monazite of 14 to 5 Ma [4].
The scarps are very recent since they create troughs that are still not completely filled by the falling blocks. Moreover, the fault F1 cuts and offsets vertically a relict rock glacier by 16 m. In the northern Alps, these rock glaciers result from cryogenic movement of a scree during a cold Lateglacial period, thus during the Dryas. We could observe that the fault F3 (Fig. 3) cuts the outer lobe of a rock glacier, but not its inner lobe, indicating a probable syn-Dryas (post-glacial) movement.
According to [18], the throw (T) to length (L) ratio of the Grands-Moulins scarps is too large to fit those of seismic fault ruptures [23]. However the ratio we obtained (between 0.006 and 0.020) fits well with the values known on multiple displacement scarps (0.004 to 0.070, [13]) and this mechanical criterion does not allow to distinct the origin of the scarps. More characteristic of a Sackung is that the scarps are short (less than 2 km) and form a swarm.
Moreover, deformation seems more controlled by topography than by crustal fault because it is more important along the crest of the range than along the Belledonne Median fault. This relationship with topography is also demonstrated by the orientation of the fault scarps that follow the main crest, and by their plunge symmetrical relative to this crest.
The location of the 9 km scarp swarm, just above the steep flank of the Arc valley, and its southern end, where no deep valley is present, suggest that glacial debuttressing of the valley flanks is the main cause of these movements. This is further confirmed by the presence of other tensional recent scarps on the other side of the Arc valley to the southeast of Épierre (Fig. 1 and 3b). On the contrary, no recent fault scarp was found on this valley side along the Belledonne Median fault as could be expected for a tectonic fault (Fig. 1).
The location of the ‘Sackung’, at the extremity of the Grands-Moulins range, allows the observation that antithetic faults are connected. According to their plunge, the faults connect at depth reaching 1600 below the Rognier, but always above the valley floor in agreement with a gravitational model.
4 Conclusions
The Grands-Moulins recent fault scarps, even if in agreement with the NW–SE extension recently evidenced by GPS measurements [6] (Fig. 1) and fault plane mechanisms of earthquakes [19] can hardly be interpreted as tectonic fault ruptures because they do not cross-cut the valley. On the contrary, geomorphologic observations demonstrate their relationship with the topography and therefore their gravitational origin.
The Rognier–Grands-Moulins ‘Sackung’ results from the reactivation of antithetic alpine faults down to 1600 m beneath the crest. This large depth and the existence of other scarps far from the deep glacial valleys suggest that even if glacial debuttressing have enhanced the deformation, this later may have been triggered by earthquake shaking like observed in California and Alaska [14,16] (cf. McCalpin's web site, http://www.geohaz.com). Their Dryassic age could therefore reflect a Lateglacial period of high seismicity resulting from the post glacial rebound of the Alps, as also suggested by lacustrine palaeoseismicity [7,21].
1 Introduction
Les reliefs montagneux peuvent présenter, sur un ou deux de leurs versants, des déformations gravitaires cassantes de grande ampleur, qui résultent de mouvements lents (, [22]) et profonds d'une à plusieurs centaines de mètres, [12,17,24]. À la suite de [24], ce type de mouvement gravitaire est nommé Sackung (tassement en allemand, voir [15]). Cette distinction est justifiée, non seulement par la taille et la vitesse du phénomène, mais aussi par les morphostructures spectaculaires qui en résultent. Un Sackung se manifeste à proximité des sommets par l'apparition de crêtes dédoublées, de fossés de crêtes, et d'escarpements de failles généralement à contre-pente et parallèles aux crêtes.
Des Sackungen ont été décrits dans l'arc alpin, notamment en Italie, Autriche, Allemagne et Suisse [2,11,12]. Dans les Alpes françaises, des crêtes dominant le bassin de la Tinée en montrent les traces [8]. Mais ce phénomène reste encore peu connu et plusieurs indices de déformation récente dans les Alpes et les Pyrénées (les Arcs [10], les Grands-Moulins [5], Val d'Aran [3]) peuvent être réinterprétés comme des Sackungen. C'est ce que nous nous proposons de faire ci-après, pour les escarpements récents des Grands-Moulins situés dans le massif cristallin externe de Belledonne, entre la vallée de la Maurienne et la faille active bordière de Belledonne [20] (Fig. 1).
2 Les failles récentes des Grands-Moulins : travaux antérieurs
En Savoie, le massif des Grands-Moulins appartient au rameau interne du massif de Belledonne (Fig. 1). D'allongement NE–SW, il est constitué d'un granite à biotite en contact à l'ouest, le long de l'accident médian de Belledonne, avec les séricitoschistes du rameau externe ; à l'est, le granite passe à des micaschistes et gneiss à deux micas, puis à des schistes verts (foliation généralement subméridienne et subverticale) profondément entaillés par la vallée de l'Arc.
Sur le versant oriental de l'échine granitique, au Plan du Lai, quatre escarpements récents ont d'abord été observés par hélicoptère [5] (Fig. 2b). L'auteur [5] les interprète comme des failles actives, dont le pendage sud-est impliquerait qu'elles soient compressives. Leur rejet, considéré inverse, et leur apparente indépendance de la topographie le conduisent à conclure qu'elles ne peuvent pas résulter de mouvements gravitaires.
En 1995, sept failles normales à escarpement récent sont relevées sur les deux versants du massif [9], sans pour autant être prises en compte parmi les failles potentiellement actives du Sud-Est de la France, car pouvant résulter de processus gravitaires comme des Sackungen ou être déclenchées par des réajustements post-glaciaires [18].
En 2002, des auteurs [3] signalent des décalages senestres (de quelques mètres à 50 m) largement supérieurs aux décalages verticaux (quelques décimètres à 2 m) sur la faille la plus basse et sur deux nouvelles failles (F1 et F2 dans [3]) situées dans les glaciers rocheux de la combe du Lacha, au sud des failles photographiées par [5]. Ces auteurs [3] concluent alors que les failles des Grands-Moulins sont des « décrochements d'origine tectonique incontestable ».
3 Cartographie et analyse morphostructurale des escarpements des Grands-Moulins
L'analyse des trois failles principales photographiées par [5] (F1, F2 et F3, Fig. 3 ; la faille la plus haute signalée n'a pas d'expression morphologique claire) a été reprise sur le terrain. Elle révèle qu'il s'agit de failles à rejets verticaux nettement supérieurs à ce qui avait été évoqué [3] (Fig. 2b et d). Ce sont des failles normales à pendage amont, ce que montrent les miroirs localement préservés (Fig. 2a et c) et les traces de leurs intersections avec les combes (Fig. 2c et d), dont les compartiments affaissés (où sont piégés les éboulis) sont les compartiments amont (Fig. 2b et d).
Si la faille la plus basse (F1, Fig. 3) est peu visible sur les photographies de [5], c'est qu'au plan du Lai son rejet vertical ne dépasse pas 3,5 m. Mais l'accident, long de 1330 m, se prolonge au nord-est dans la combe suivante (Bellecombe) où la surface d'un ancien glacier rocheux est décalée verticalement de 16 m et où le décalage total du versant dépasse 30 m sans qu'une composante latérale de mouvement ne soit visible (Fig. 2d). Les escarpements amont des photographies de 1970 [5] (F2 et F3, Fig. 3) se suivent sur 870 m et 1550 m, avec un rejet vertical dépassant 5 m pour F2 (Fig. 2b ; le remplissage d'éboulis ne permet pas une mesure du rejet total).
Un autre fait marquant est que, sur l'autre versant du massif, de nombreuses failles similaires sont présentes (Figs. 2c et 3). Nous avons cartographié plus de 60 escarpements récents (qui affectent éboulis ou anciens glaciers rocheux) entre le sommet des Grands-Moulins et Épierre (Figs. 1 et 3). Les failles des Grands-Moulins ne sont donc pas isolées, mais forment un champ de fractures, ce qui est plus commun pour les mouvements gravitaires de type Sackung que pour les failles actives [14]. Les observations suivantes confortent cette interprétation.
3.1 Nature des mouvements de failles
L'analyse géomorphologique, sur le terrain et sur les photographies aériennes, indique que les escarpements résultent, soit de glissements purement normaux, soit d'ouvertures, comme attendu dans les phénomènes gravitaires. Quelques ouvertures en tension sont présentes, comme dans la moitié orientale de la faille F4 (entre les points 2223 m et 2101 m, Figs. 2e et 3) et sur le plateau situé à l'est de la combe du Bœuf, dans les deux cas près des crêtes. Cette distribution suggère une influence de la topographie sur les mouvements.
Une interprétation tectonique précédente repose sur la présence de « moraines déformées en crochons de décrochement » dans la combe de Lachat et de stries décrochantes senestres [3]. Nous n'avons pas pu différencier ces crochons des déformations cryogéniques des anciens glaciers rocheux de cette combe. Par ailleurs, sur les escarpements étudiés, nous n'avons jamais trouvé de stries liées aux mouvements récents normaux, peut-être à cause d'une composante d'ouverture comme le suggèrent les spectaculaires pertes d'eau de surface le long des escarpements. En revanche, on observe souvent, sur ces failles NE–SW, des plaquages avec linéations de quartz et de chlorite, dont la cristallisation indique des mouvements inverses à dextres (Fig. 2f). Une reconstruction de paléocontraintes [1] précise que ces stries correspondent à une compression ESE–WNW (Fig. 3), enregistrée dans des conditions profondes (>200°) et sont donc plus anciennes que les escarpements. Dans ce secteur nord de Belledonne, des remplissages de fractures avec cette paragenèse quartz-chlorite ont été datés de 14 à 5 Ma par la méthode U/Pb sur monazite [4]. Les escarpements des Grands-Moulins correspondent donc à une réactivation normale dip-slip de failles alpines. Ces dernières font partie de la zone de fracture de l'accident médian de Belledonne qui avait donc joué en sens inverse dextre, en réponse à une compression ESE–WNW, au Miocène moyen–supérieur. Cette préfracturation du massif granitique explique l'orientation et la densité des escarpements près de cet accident majeur (Fig. 3).
3.2 L'âge des mouvements
Il est approché par rapport aux marques de phénomènes postérieurs à la dernière glaciation du Würm comme les glaciers rocheux. Les glaciers rocheux que nous avons observés sont inactifs, comme en témoignent leur décalage par des failles et leur front végétalisé (Fig. 2d). Ils sont pour l'essentiel dérivés d'éboulis mis en mouvement par fluage de la glace interstitielle durant des épisodes froids, le dernier important, et précédant le réchauffement holocène, étant le Dryas récent. La faille F3 décale le bourrelet externe de l'un de ces anciens appareils, sans que le bourrelet immédiatement interne ne soit affecté, montre que la fracturation du massif était déjà active pendant le Dryas. Par ailleurs, des escarpements de failles sont toujours « frais » dans ce haut massif aux pentes fortes, où l'érosion est active. Ils décalent les éboulis vifs, lesquels n'ont généralement pas encore totalement rempli les dépressions créées par les failles dont l'activité est, de ce fait, très récente à actuelle (Fig. 2b).
3.3 Les rejets de failles
L'argument mis en avant par [18] pour ne pas attribuer ces escarpements à des ruptures de surface d'une faille sismogène, est que leur faible longueur relativement à leur hauteur n'entre pas dans les valeurs de ruptures sismiques [23]. Nous ne retenons pas cet argument comme décisif, car les abaques référencés [23] sont basés sur une rupture sismique unique, alors que les escarpements observés peuvent résulter de plusieurs glissements cumulés. Dans ce cas, le rejet maximum d'une faille normale est en moyenne 0,020 fois la longueur de l'escarpement, et, pour toute faille, ce facteur reste compris entre 0,004 et 0,070 [13]. Pour les failles F1, F2, F4, F5 et F7 (Fig. 3), de longueurs respectives 1330, 870, 1630, 1000 et 1100 m, et de rejets respectifs 26, 5, 10, 16 et 8 m, le rapport rejet sur longueur (0,020 ; 0,006 ; 0,006 ; 0,016 ; 0,007) entre dans les valeurs d'une faille sismique à plusieurs événements. Ce critère rhéologique ne peut donc pas être utilisé comme discriminant de l'origine des mouvements. Cependant, le fait que les escarpements sont nombreux et courts (Fig. 3a) paraît plus symptomatique de mouvements gravitaires de type Sackung.
Il est à noter que l'accident médian de Belledonne ne montre pas de tels escarpements récents, à l'exception de trois mineurs (moins de 7 m de rejet au total) sur 150 m au col de la Perrière (Fig. 3). Au contraire, les plus forts rejets du champ de fractures sont ceux des escarpements éloignés de l'accident (F4, F5 et F1, Figs. 2a, c, d et 3), ceux des escarpements les plus proches n'étant que de 1 à 2 m. Cette répartition de la déformation récente, plutôt dans la partie haute du massif qu'à proximité de l'accident médian de Belledonne (lequel suit une ligne basse de cols ; Fig. 3), suggère un contrôle de la topographie sur cette déformation, plutôt qu'un éventuel jeu inversé en faille normale de cet accident.
On note aussi que la plupart des failles ont un pendage vers le sud-est, c'est-à-dire vers la vallée de l'Arc (Fig. 3). Le cumul des rejets verticaux des failles à pendage sud-est (48 m) n'est qu'en partie compensé par celui des failles à pendage nord-ouest (36 m). Ceci traduit un affaissement vertical, mais aussi, puisque les failles sont inclinées (60–70°), un mouvement d'ensemble du sommet vers le sud-est. Ce déplacement, qui peut résulter de l'appel au vide vers la vallée, est en accord avec l'hypothèse gravitaire.
3.4 L'organisation des escarpements
Le contrôle topographique est aussi attesté par le fait que les escarpements sont parallèles à la crête du massif et changent de direction avec elle (F4, Fig. 3). Lorsque l'azimut de la ligne de crête varie brusquement, deux directions de failles (chacune parallèle à un segment de la crête) sont réactivées en se recoupant (entre les points 2341 et 2223, failles NE–SW recoupées par les failles NNE–SSW de plus faible rejet). En outre, le fait que des failles récentes découpent les arêtes latérales, démontre que leur contrôle gravitaire se fait à l'échelle du massif, et que les mouvements sont plus profonds que dans le cas d'un glissement de terrain classique.
Le pendage des failles est aussi révélateur. Nous n'avons observé que des failles à contre-pente dont le pendage est oriental sur le flanc occidental du massif et occidental sur le flanc oriental. Cette symétrie par rapport à la crête sommitale (Fig. 3) est également révélatrice du contrôle topographique et gravitaire de ces mouvements. La crête est toujours en affaissement, car c'est à son aplomb que la charge lithostatique est maximale.
3.5 La localisation de la déformation
La situation du champ de failles des Grands-Moulins apporte d'autres arguments en faveur de son origine gravitaire. Il se manifeste en partie aval de la Maurienne, profonde entaille empruntée autrefois par les glaciers quaternaires (Fig. 1). Il en résulte un fort appel au vide, avec des versants à forte déclivité et un dénivelé de près de 2000 m (Fig. 4). Une relation existe entre l'altitude et la fracturation. Le long du massif des Grands-Moulins, les déformations extensives les plus fortes se situent au niveau du Rognier, alors qu'elles sont plus faibles (quelques mètres de rejet) vers 700 m d'altitude, près d'Épierre, et que, finalement, aucun escarpement n'est visible en fond de la vallée (Fig. 4). De plus, nous n'avons pas relevé d'escarpement de faille le long de l'accident médian de Belledonne sur l'autre rive de l'Arc, ce qui aurait plaidé en faveur d'une origine tectonique. Quelques escarpements récents apparaissent bien sur ce versant, mais ils sont situés le long de la crête du massif de La Lauzière au sud-est d'Épierre (Fig. 1) ; avec le Sackung du Rognier–Grands-Moulins, ils témoignent aussi de la décompression postglaciaire des versants opposés de la vallée (Fig. 3b).
Le long de l'accident médian, l'essentiel de la déformation extensive disparaît au sud du sommet des Grands-Moulins (Fig. 1), où l'appel au vide de la vallée de l'Arc n'existe plus. Plus loin, nous avons trouvé quelques autres escarpements avec les mêmes caractéristiques, mais aucun n'appartient à un champ de fractures aussi développé.
3.6 Apports du Sackung du Rognier–Grands-Moulins
La géométrie profonde et le mécanisme des Sackungen sont sujets de débats. Le Sackung du massif des Grands Moulins, avec son extrémité plongeante vers Épierre, qui en donne une vue transversale (Fig. 4), permet de faire des observations originales qui précisent leur connaissance. En cet endroit, F2 et F3 se connectent à F4 qui, pour sa part, se connecte à F1 (Fig. 4). Les mouvements de ces failles antithétiques étant liés, on propose que le mécanisme à l'origine de ce Sackung est similaire à celui du mouvement des failles tectoniques antithétiques (Fig. 3b). Par ailleurs, on a confirmation que la déformation est relativement profonde. En tenant compte de pendages mesurés sur le terrain, l'intersection des failles sous le sommet du Rognier se situerait à près de 600 m d'altitude (Fig. 3b), ce qui impliquerait une déformation sur 1600 m d'épaisseur. Cette altitude reste compatible avec le modèle gravitaire, où l'extension est accommodée par une augmentation de la pente du versant, puisque la déformation est au-dessus du fond de la vallée de l'Arc (380 m à Épierre).
4 Conclusions
Les escarpements récents du massif des Grands-Moulins, bien qu'indiquant une extension NW–SE, en accord avec les mesures GPS [6] (Fig. 1) et la microsismicité des Alpes de Savoie [19], peuvent difficilement être interprétés comme des escarpements de failles tectoniques actives. En effet, l'essentiel de la déformation, au lieu d'être localisé sur un accident majeur, suit les crêtes, et les failles récentes ne recoupent pas le fond de la vallée de l'Arc.
En revanche, les observations géomorphologiques concourent à privilégier une origine gravitaire. Les morphostructures observées sont typiques des Sackungen : ouvertures sommitales en tension, failles normales à contre-pente, escarpements courts et organisation en champ de failles. Leur lien étroit avec la topographie (escarpements parallèles aux crêtes et symétriques par rapport à la crête sommitale) atteste un contrôle gravitaire profond, à l'échelle du massif. Le Sackung du Rognier–Grands-Moulins résulte de la conjonction de conditions favorables : développement d'une vallée profonde et d'une crête, toutes deux subparallèles à un champ de fractures préexistant.
Le fort creusement de la vallée de l'Arc, l'âge Postglaciaire des escarpements de failles, et les déplacements récents à la fois verticaux et vers la vallée attestent que, comme pour la plupart des Sackungen, l'origine première de la déstabilisation a été le retrait glaciaire (Fig. 3b). Toutefois, la proximité d'une faille active [20] et la présence d'autres escarpements récents, dans Belledonne, mais loin de vallées glaciaires aussi profondes (par exemple, la partie centrale de la faille de Fond-de-France, Fig. 1), suggèrent que des secousses sismiques postglaciaires ont pu déclencher et/ou entretenir ces mouvements gravitaires, comme ceci a été observé en Californie [14,16], ou lors du séisme de Denali en 2000 (cf. site internet de McCalpin, http://www.geohaz.com). Ces mouvements, en particulier au Dryas, pourraient témoigner alors d'une activité sismique accrue liée à la déglaciation et au rebond isostatique des Alpes, comme suggéré également par les archives lacustres régionales [7,21].
Il faut souligner enfin que la perméabilité démesurée du Sackung permet une infiltration des précipitations et une circulation profonde vraisemblablement à l'origine des sources chaudes de Saint-Rémy-de-Maurienne, dans ce secteur de Belledonne visé par le projet de tunnel LGV.
Remerciements
Ce travail a bénéficié du soutien financier de l'université de Savoie. Nous sommes également reconnaissants à Mustapha Meghraoui et à James McCalpin pour leurs discussions constructives, et à Jacques Angelier et Stephane Baize pour la relecture attentive du manuscrit.