1 Introduction
R.J. Haüy, auteur du Traité de minéralogie (1801) [4], était professeur dans toutes les grandes institutions d'enseignement et de recherche de la Révolution et de l'Empire : l'École des mines en 1794, l'École normale supérieure en 1795, le Muséum national d'histoire naturelle en 1801 et la Sorbonne en 1809. Nommé professeur au Muséum à la mort de Déodat de Dolomieu (1750–1801), il a eu en charge les cours de minéralogie au Muséum national d'histoire naturelle, de 1802 à 1821 [1,7].
Le livre des inscriptions aux cours de minéralogie du Muséum national d'histoire naturelle de Paris fait apparaître de nombreux noms polonais, dont ceux de savants de première importance pour l'histoire des sciences en Pologne. Les informations dont nous disposons actuellement grâce à ce document permettent d'affirmer que l'influence de ces cours, méconnue jusqu'à présent des historiens, a été primordiale pour la science polonaise. L'article présente une analyse du registre des étudiants polonais de R.J. Haüy.
2 Les auditeurs polonais des cours de R.J. Haüy
Au total 34 étudiants polonais (Tableau 1) figurent parmi les auditeurs de ces cours (en tout, on relève 42 inscriptions polonaises, car certains élèves ont fréquenté les cours pendant plusieurs années). Les auteurs ne prennent pas compte du nom de Charles de Tonniges (no 2 sur la liste de 1811), qui déclarait être originaire de « Dantzig »; les informations données par le registre ne permettent pas de définir avec exactitude sa nationalité. Un autre auditeur, « Gielgud », aurait dû être considéré comme « polonais », mais, du fait d'un manque d'informations précises, son nom n'a pas non plus été retenu.
Liste des auditeurs polonais aux cours de R.J. Haüy de 1802 à 1821
List of Polish attendees to R.J. Haüy lectures in 1802–1821
No | Année | Nom | Prénom | Âge | Qualité | Ville | Nation/Région |
028 | 1802 | Serwiński | André [Andrzej] | 31 | Varsovie | Prusse méridionale | |
038 | 1804 | Weyssenhoff | Jan | 27 | Pologne | ||
044 | 1804 | Stubielewicz | S. [Stefan] | 40 | Prusse | ||
058 | 1804 | Plater | Louis [Ludwik] | 29 | Lituanie | ||
059 | 1804 | Plater | Jean [Jan] | 26 | |||
060 | 1804 | Plater | Constantin [Konstanty] | 22 | |||
061 | 1804 | Plater | Casimir [Kazimierz] | 22 | Lituanie | ||
074 | 1804 | Plater | Stanislas [Stanisław] | 26 | Pologne | ||
085 | 1804 | Komierowski | Louis [Ludwik] | 21 | Pologne | ||
086 | 1804 | Wielopolski | Ignace [Ignacy] | 33 | Pologne | ||
087 | 1804 | Wielopolski | Jean [Jan] | 30 | Pologne | ||
095 | 1804 | Plater | Casimir | Comte de | Étranger | ||
098 | 1804 | Plater | Henri | Comte de | Étranger | ||
108 | 1804 | Downarowicz | A. [Antoni] | 28 | Pologne | ||
109 | 1804 | Węgierski | M. | 20 | Pologne | ||
048 | 1805 | Staszic | Stanislas [Stanisław] | Abbé | |||
091 | 1805 | Potocki | François [Franciszek] | 17 | Pologne | ||
002 | 1806 | Sulkowski [Sułkowski] | Prince | ||||
003 | 1806 | Potocka | Comtesse | ||||
004 | 1806 | Potocki | François [Franciszek] | Comte | |||
085 | 1806 | Markowski | [Józef] | Docteur en médecine | Polonais de nation | ||
089 | 1806 | Lubomirski | |||||
089 | 1806 | Labanski [Labański] | |||||
070 | 1807 | Markowski | Joseph [Józef] | Docteur en médecine | Pologne | ||
022 | 1808 | Bieliński | Jean [Jan] | 20 | Comte | Kalisz | Duché de Varsovie |
023 | 1808 | Wybicki | Joseph [Józef] | 18 | Comte | Duché de Varsovie | |
041 | 1808 | Markowski | Joseph [Józef] | Docteur en médecine | |||
089 | 1808 | De Krzyzanowski | Joseph [Józef] | 15 | Posen [Poznań] | ||
016 | 1809 | Zatuellis | Pologne | ||||
021 | 1809 | Markowski | Joseph [Józef] | ||||
045 | 1809 | Skraszewski | |||||
054 | 1809 | Piarnicki | Gentilhomme polonais | Pologne | |||
013 | 1813 | Tomaszewski | J. P. | Varsovie | Pologne | ||
003 | 1814 | Karski | Comte | Pologne | |||
012 | 1816 | Skrodzki | Charles [Józef Karol] | Polonais | |||
1816 | Mile | J. | 27 | Né à Varsovie | |||
032 | 1816 | Krzyzanowski | J. C. [Jan Kanty] | Cracovie | Pologne | ||
036 | 1816 | Novicki [Nowicki] | Emil [Emilian Klemens] | 25 | Polonais | ||
037 | 1818 | Pavlovitz [Pawłowicz] | Antoine [Marcin Antoni] | Varsovie | Pologne | ||
046 | 1818 | Drzewiński | Felix [Feliks] | Vilna | Polonois | ||
047 | 1818 | Mikuliński | Mathieu | Varsovie | Polonais | ||
006 | 1821 | Ablamovicz [Abłamowicz] | Ignace [Ignacy] | Polonais | |||
026 | 1821 | Jazwinski [Jażwiński] | Antoine [Antoni] | Polonais |
Il est intéressant de souligner le grand écart d'âge entre ces auditeurs. Parmi tous ceux qui ont déclaré leur âge, Stefan Stubielewicz, était, à 40 ans, le plus âgé ; Józef Markowski, qui n'avait pas déclaré son âge, avait, en 1809, 51 ans. Le plus jeune, Józef Krzyżanowski, de Poznań, n'avait que 15 ans. Les mêmes cours ont été fréquentés par Józef Wybicki, fils d'un politicien connu, général napoléonien, auteur de l'hymne national polonais, ainsi que par son précepteur, Józef Markowski, déjà cité.
Signalons que l'identification d'une partie des auditeurs polonais est très difficile, en raison du manque d'informations données par le registre. Nous rencontrons parfois des personnes qui portent des noms de famille qui ont marqué l'histoire polonaise (Lubomirski, comtesse Potocka). Ces familles étaient néanmoins très nombreuses et, sans données complémentaires, il est quasi impossible de savoir précisément de quelle « comtesse Potocka » ou de quel « Lubomirski » il est question. Le problème de l'identification concerne également les personnes qui n'ont pas eu ultérieurement une activité politique ou scientifique importante ; dans ce cas, nous ne disposons d'aucune source historique sur leur vie.
Les inscriptions du registre des auditeurs ne sont pas, bien évidemment, la seule source d'information sur les Polonais, élèves d'Haüy. Il arrive parfois que ces élèves décrivent leurs années passées en France en donnant leur parcours académique. Tel est le cas de Józef Markowski [9] ou de Feliks Drzewiński. Ce dernier, dans les rapports adressés aux autorités de l'université de Vilnius, considérait les contacts avec Haüy comme particulièrement instructifs [3]. Certaines informations sur les élèves polonais de Haüy se retrouvent aussi dans les chroniques et les histoires familiales. À titre d'exemple, la Chronique de la famille de Weyss Weyssenhoff [14] nous informe que Jan Weyssenhoff (1774–1848), général de cavalerie du corps militaire polonais dans l'armée napoléonienne, était placé sous les ordres du prince Józef Poniatowski. Cet officier hors pair fréquentait les cours publics de physique de Charles, de chimie de Vauquelin, d'histoire naturelle de Cuvier et, bien évidemment, de minéralogie de Haüy. D'après les mémoires de Weyssenhoff [13], R.J. Haüy entretenait avec lui des relations très cordiales et voulait même le convaincre de poursuivre une carrière scientifique au sein de la chaire de minéralogie de la Sorbonne.
Il est intéressant de comparer la liste des noms des auditeurs de Haüy avec celle des auditeurs de Lamarck. Nous y trouvons les noms de 11 Polonais, qui suivaient les cours de Lamarck. Cinq d'entre eux fréquentaient les cours de ces deux savants. Ce sont : Jan Kanty Krzyżanowski (inscrit sur la liste de Lamarck no 46 de 1816), Józef Markowski (no 68 de 1803 ; no 24 de 1806 ; no 9 de 1807 ; no 30 de 1809 et porte également l'inscription barrée no 7 de 1804), Jan Mile (no 33 de 1816), Marcin Antoni Pawłowicz (no 51 de 1819), Józef Wybicki (no 17 de 1808).
3 L'importance de la liste des auditeurs de R.J. Haüy pour l'histoire de la science polonaise
La présence de Stanisław Staszic sur la liste des auditeurs de cours d'Haüy constitue une véritable surprise pour les historiens de sciences et les biographes de ce savant, qui a profondément marqué l'histoire polonaise. Malgré plusieurs centaines de publications consacrées à Staszic, y compris à son séjour en France, aucune de ces biographies ne mentionne de relations entre R.J. Haüy et ce savant, considéré comme le père de la géologie polonaise [2].
Staszic assista aux cours de Haüy au cours de son deuxième voyage en France, du 10 novembre 1804 au 22 juin 1805. Pendant son premier séjour, en 1781, il étudia au Collège du Roi et au Jardin des plantes. Il écrivit : « Après avoir terminé mon éducation en Pologne [mon père] me conseilla de partir à l'étranger pour étudier dans les universités allemandes. Il me conseilla encore plus les académies françaises [...]. Après avoir visité les universités de Leipzig et de Göttingen, je suis venu pour deux ans à Paris. J'y ai étudié plus particulièrement la physique et l'histoire naturelle. Brisson m'enseigna la première de ces matières et le célèbre Daubenton la deuxième. Grâce à lui, j'ai fait la connaissance de l'immortel Buffon. [5]
Les sources historiques ne nous permettent pas de savoir quand et comment Staszic fit connaissance avec Haüy. Nous pouvons seulement imaginer que certains points communs : le fait que les deux étaient liés à Daubenton et que les deux étaient prêtres permet de supposer que Staszic a fait connaissance avec Haüy durant son premier séjour en France.
Le journal de son deuxième voyage fut rétabli sur la base de ses notes et édité [8]. Par ailleurs, les quelques lignes écrites au sujet de sa visite au Muséum national d'histoire naturelle constituent un précieux témoignage, celui d'un étranger qui connut cette institution avant la Révolution et, ensuite, sous l'Empire. Staszic remarqua et critiqua « le servilisme des savants français pour le pouvoir sous l'Empire » et trouva honteuse l'exposition dans la galerie de minéralogie de pierres de Corse : « sans aucune valeur scientifique », mais juste un « don de Napoléon » [8]. Nulle part dans son journal, il ne mentionne sa participation aux cours de Haüy, ou même une rencontre avec ce savant.
L'importance de l'enseignement de R.J. Haüy ne se limite évidemment pas à ses relations avec Staszic. Les noms des professeurs de sciences naturelles de tous les centres scientifiques polonais de l'époque figurent sur la liste de ses auditeurs. Nous pouvons notamment y trouver ceux de Józef Markowski (1758–1829), médecin de l'impératrice Joséphine et professeur de chimie et de minéralogie à l'université de Cracovie [9], d'Ignacy Abłamowicz (1787–1848), physicien à l'université de Varsovie, professeur de physique et de météorologie au lycée de Krzemieniec et professeur à l'université de Kiev ; de Feliks Drzewiński (1788–environ 1850), minéralogiste et professeur de physique à l'université de Vilnius, auteur d'un manuel de physique expérimentale très apprécié à l'époque, de Marek Antoni Pawłowicz (1789–1830), géologue et chimiste, professeur à l'université de Varsovie, de Józef Karol Skrodzki (1787–1832), physicien et zoologiste, professeur à l'université de Varsovie et président de cette dernière, d'Emilian Klemens Nowicki (1791–1876), médecin et professeur spécialiste des maladies des yeux, des os et des dents à l'université de Varsovie, et enfin de Jan Mile (1789–1839), également professeur à l'université de Varsovie, médecin obstétricien, professeur de physiologie, mais aussi inventeur et mécanicien [10].
L'activité des élèves de R.J. Haüy en Pologne ne se limitait pas aux centres universitaires. Marek Antoni Pawłowicz a été l'organisateur de l'enseignement secondaire, c'est lui qui a mis en œuvre 12 collections géologiques destinées à divers lycées. Sur le registre des auditeurs des cours de R.J. Haüy figurent les noms de membres de la Société des amis des sciences de Varsovie (Staszic, Skrodzki, Plater, Krzyżanowski, Serwiński) et de savants qui travaillaient hors des centres scientifiques, comme Stanisław Plater (1784–1851), militaire et géographe, auteur de neuf livres et de nombreux articles géographiques, zoologiques et botaniques, ou encore celui de Andrzej Serwiński (1772 ?–1842), cultivateur et agronome qui s'est consacré au perfectionnement des techniques agricoles ainsi que à l'activité politique (il fut député à la Diète) [10].
Quelques élèves de Haüy ont marqué l'histoire des sciences autres que naturelles. Antoni Jaźwiński (1789–environ 1870) proposa une méthode mnémotechnique qui, sous le nom de « méthode polonaise », eut un énorme succès dans l'Europe du XIXe siècle. Jan Kanty Krzyżanowski (1789–1854), professeur de chimie à l'École militaire, organisateur d'un laboratoire de physico-chimie à l'école départementale de Lublin, était l'un des pionniers des sciences pédagogiques [10].
4 Les contacts entre R.J. Haüy et ses élèves polonais
Il est intéressant de s'interroger sur les contacts qu'entretenaient les élèves polonais avec Haüy après la fin de leurs études. Georges Cuvier [1] remarqua que le maintien des relations entre Haüy et ses anciens élèves était un facteur important dans le développement de la collection minéralogique du Muséum. Sur le registre de la collection de Haüy figure le nom de l'un de ses élèves polonais : Tomaszewski (orthographié dans le registre : Tomaszewski), qui a envoyé le zircon (inventorié sous le no 2223). Il semble utile de tenter d'essayer d'expliquer la raison pour laquelle si peu d'élèves polonais de Haüy continuèrent à entretenir des relations scientifiques avec leur professeur. Une grande partie n'a probablement pas fait carrière dans la recherche. À l'époque, les cours de minéralogie, et de sciences naturelles en général, attiraient un très large public, composé de militaires, politiciens, pharmaciens, etc. Les événements qui, à cette époque, se déroulaient en Pologne faisaient que les nombreux auditeurs de Haüy étaient surtout des exilés politiques. Enfin, ceux qui, parmi eux, se livraient à un travail de recherches scientifiques le faisaient, la plupart du temps, dans des conditions matérielles et politiques très difficiles. La raison se trouve dans le partage de la Pologne et dans la situation dans laquelle se trouvaient alors les institutions scientifiques de ce pays, car ces événements ont largement contribué à maintenir la précarité des savants polonais.
Les contacts entre R.J. Haüy et la Pologne existaient malgré cette situation. Le « système de Haüy » était présenté, analysé et enseigné à l'université de Vilnius [3]. Feliks Drzewiński acheta même à Paris les modèles cristallographiques de Haüy et de Werner pour les besoins pédagogiques de l'université [3]. Le livre de R.J. Haüy a été traduit en polonais par Alojzy Korzeniowski et édité en 1806 à Vilnius.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que R.J. Haüy ait été honoré en 1820 du titre de membre étranger de la Société des amis des sciences de Varsovie, comme « l'un des plus grands savants étrangers », et considéré comme un allié précieux qui « a beaucoup aidé la jeunesse polonaise réfugiée à Paris dans sa quête d'instruction » [6].
L'influence de R.J. Haüy sur l'enseignement des sciences de la Terre en Pologne dura relativement longtemps et a même continué après la mort de ce savant. La bibliothèque polonaise de Paris conserve un document fort intéressant pour l'histoire des sciences de la Terre en Europe centrale : les manuscrits des cours de minéralogie de Jerzy Aleksandrowicz, de l'École de médecine et de chirurgie de Varsovie, pour les années 1858–1859. Jerzy Aleksandrowicz présente les découvertes de Haüy et son système de classification (avec les autres systèmes de classification de l'époque).
5 Les auditeurs non scientifiques de R.J. Haüy
Les élèves polonais de Haüy ont joué un important rôle dans la vie politique et culturelle de ce pays. Antoni Downarowicz (1778–1810), officier des légions polonaises de l'armée napoléonienne, exécutait d'importantes missions secrètes. Le général Henryk Dąbrowski lui confia la mission de transmettre en Pologne les plans de l'action militaire dans la partie du pays occupée par les Autrichiens. Le sénateur Jan Józef Bieliński (1784–1880) était un politicien bien connu. Franciszek Potocki (1788–1853), officier de l'armée polonaise et diplomate, était un fin collectionneur ; il a été le fondateur et le propriétaire de la plus grande collection de pièces et de médailles polonaises. Plusieurs membres de la famille Plater, famille qui s'est grandement impliquée dans l'émigration polonaise en France et en Suisse, se trouvaient parmi les élèves de Haüy [10].
Il est fort probable que la grande majorité des noms que nous n'avons pas réussi à identifier appartenaient à une catégorie d' « élèves non scientifiques ». Signalons que cette information est intéressante pour l'histoire des sciences naturelles en Pologne, car elle montre l'intérêt de diverses catégories socioprofessionnelles pour ces sciences à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, fait totalement méconnu jusqu'à présent des historiens des sciences polonais.
6 L'importance de Haüy pour la vie culturelle et scientifique polonaise
La liste de noms polonais des élèves d'Haüy dans le registre montre une importante influence de ce savant sur la vie culturelle et scientifique en Pologne. Curieusement, parmi ses élèves polonais, seul deux ont marqué l'histoire des sciences de la Terre. Stanisław Staszic est, de loin, le plus important scientifique, auditeur polonais d'Haüy. Cependant, il se distingua en tant que géologue, organisateur d'institutions scientifiques, économiste et politicien, et non dans le domaine de la minéralogie. Sa contribution dans cette matière se limite à une modeste publication, contenant par ailleurs une information erronée, sous forme d'une lettre adressée à J.-C. Delamétherie : Sur les mélanites trouvées en Pologne, publiée par le Journal de physique [11]. Du fait d'un manque de sources historiques, nous ne sommes pas en mesure de savoir si cette publication, rédigée peu de temps après sa participation aux cours d'Haüy et dont le sujet intéressait le savant français, a eu une quelconque relation avec son séjour en France. À plusieurs reprises, Staszic cite les idées et les ouvrages d'Haüy dans sa description géologique des Carpates et de la Pologne [12]. Nous pouvons donc au moins supposer que sa participation à ces cours fut profitable pour son travail. Feliks Drzewiński est le deuxième, parmi les auditeurs des cours de Haüy, qui joua un rôle important dans le développement des sciences de la Terre en Europe centrale. Professeur de géologie à l'université de Vilnius, Drzewiński fut un des plus marquants savants de l'École naturaliste de Vilnius–Krzemieniec, l'un des plus importants centres de recherches naturalistes en Europe. Il souligna l'importance de ses contacts avec Haüy [3].
L'importante liste de noms qui ont marqué la vie culturelle, politique et les divers domaines scientifiques indique l'intérêt porté par les jeunes élites polonaises à l'enseignement de la minéralogie. Les sciences de la Terre ne se limitaient à l'époque pas seulement, à Paris, au Muséum national d'histoire naturelle, mais s'étendaient à l'École des mines et au Collège de France. Ces institutions restaient en étroite symbiose. Malheureusement, le registre retrouvé dans le laboratoire de minéralogie du MNHN est un document unique dans son genre.
Durant les recherches que nous avons effectuées dans divers ensembles d'archives au sujet du séjour de Staszic à Paris, nous n'avons réussi à retrouver aucun document semblable au registre des auditeurs des cours de la minéralogie, ni à l'École de mines, ni au Collège de France. Les informations dont nous disposons au sujet de la participation des Polonais aux cours dans ces institutions sont très modestes et se limitent pratiquement aux rares mémoires et déclarations des étudiants, comme dans les cas de Drzewiński, qui participait également aux cours de l'École des mines et travaillait dans diverses collections (celle du Muséum mise à part, on le voyait aussi à l'École des Mines, à l'hôtel de la Monnaie et dans les collections privées d'Haüy, Brochant, Cordier, De Dré, Bournon) [3].
Les recherches d'informations complémentaires effectuées dans les archives de l'émigration polonaise n'ont pas non plus mis en évidence de documents semblables au registre des auditeurs des cours de la minéralogie du MNHN. La Bibliothèque polonaise de Paris, l'un de plus importants fonds documentaires historiques sur l'histoire des Polonais en France au XIXe siècle, conserve plusieurs documents liés aux étudiants et savants. Citons, à titre d'exemple, la totalité des archives personnelles d'Ignacy Domeyko. Parmi ces documents se trouvent également les listes d'étudiants polonais dans les institutions scientifiques françaises, dont, par exemple, l'École polytechnique et l'École de mines. Mais ces listes concernent une période postérieure et débutent, pour l'École de mines, en 1834, avec trois noms, dont celui d'Ignacy Domeyko. Rappelons qu'avant de partir en exil politique, ce grand scientifique polonais était un élève de Feliks Drzewiński, un auditeur de Haüy.