1 Introduction
La mortalité maternelle et la mortinatalité sont à combattre partout avec vigueur, détermination et persévérance. Elles ont ainsi été prises en compte par les objectifs du millénaire pour le développement numéros quatre (réduire la mortalité infantile) et cinq (améliorer la santé maternelle) [1]. Le Sénégal compte 392 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et 29 mort-nés pour 1000 naissances vivantes [2]. Dans 60 % des cas, la principale cause est une orientation tardive [3]. La recherche de solutions à ce problème a débouché sur un outil de détection rapide des femmes à haut risque de dystocie pour leur réorientation précoce. Il s’agit du score de risque dystocique (SRD).
2 Méthode
Les paramètres biologiques objectifs de dystocie obstétricale ont été retenus à partir d’une revue de la littérature. Ces paramètres ont été ensuite classés selon leur appartenance à la femme ou à l’état de grossesse, par ordre d’importance décroissante. Leur agencement s’est inspiré du tableau de contingence à double entrée et du cadre logique (logical framework) utilisé en planification.
L’outil comprend trois parties : une verticale à gauche, l’autre supérieure et horizontale et, entre les deux, une centrale de pronostic (Fig. 1).
La partie verticale gauche explore le terrain de la femme, en huit éventualités organisées de haut en bas :
- • antécédent(s) de césarienne qui fragilise l’utérus ;
- • boiterie qui déforme le bassin ;
- • taille (< 150 cm) pourvoyeuse de bassins rétrécis ;
- • absence d’enfant vivant rendant la grossesse très précieuse ;
- • jeune âge (< 18 ans) où la maturité est imparfaite ;
- • âge avancé (> 35 ans) où les complications deviennent plus fréquentes ;
- • autres problèmes pouvant rendre difficile l’accouchement (crises convulsives, fièvre ≥ 38 °C) ;
- • absence de problème détectable par les moyens de diagnostic du praticien.
La partie supérieure et horizontale prévoit sept éventualités se rapportant exclusivement à la grossesse, organisées, de gauche à droite :
- • obstacle à l’accouchement normal (placenta prævia, diaphragme vaginal, fistule vésicovaginale, prolapsus réparé, etc.) ;
- • procidence (cordon ombilical ou membre) ;
- • présentation non céphalique (transversale/siège) ;
- • grande hauteur utérine (> 35 cm) faisant suspecter une gémellité, un hydramnios ou un gros enfant ;
- • ouverture de la poche des eaux de plus de 12 heures, augmentant le risque d’infection, voire de rupture utérine ;
- • autres anomalies du processus d’accouchement (liquide amniotique verdâtre, hémorragie, etc.) ;
- • absence d’anomalies détectables avec les moyens de l’examinateur.
La partie centrale, de pronostic, est subdivisée en trois zones :
- • une grande zone rouge, « dangereuse » ;
- • une zone moyenne jaune, « douteuse » ;
- • une petite zone verte, « d’espoir ».
L’utilisation du SRD consiste à tracer une ligne pour chaque éventualité retrouvée.
Le bilan de la femme permet de tracer une ou plusieurs lignes horizontales parmi les huit proposées pour exprimer l’état de la femme.
Le bilan de la grossesse aboutit également au tracé d’une ou de plusieurs lignes verticales parmi les sept proposées pour exprimer l’état de la grossesse.
Chaque croisement de lignes (verticale et horizontale) matérialise une croix de pronostic.
Le SRD est positif s’il existe au moins une croix dans la grande zone rouge, dite « dangereuse », et/ou deux croix dans la zone moyenne grise, dite « douteuse ».
Un SRD positif signifie que la femme enceinte est « à haut risque de dystocie ». Elle doit alors être orientée dans un centre spécialisé en soins obstétricaux et néonataux d’urgence.
Autrement, le SRD est négatif et l’accouchement peut se faire localement sous surveillance.
Le SRD peut être intégré dans le carnet de consultations prénatales ou édité isolément sous la forme d’une feuille double avec quatre pages : de garde (Fig. 2), d’identification (Fig. 3), de score (Fig. 1) et d’accouchement (Fig. 4).
Un test de validation du SRD a été effectué durant six mois (juillet–décembre 1999) au niveau des hôpitaux de district de Ziguinchor, Bignona, Oussouye et Sédhiou, dépourvus de bloc opératoire.
Ce test a été appliqué par des infirmières et des agents sanitaires, sous la direction de sages-femmes.
L’identification des bénéficiaires s’est basée sur un critère d’inclusion (grossesse au troisième trimestre) et deux critères d’exclusion (rétentions d’œuf mort et travail de plus de 24 heures).
Les femmes ayant un SRD négatif ont été libres dans le choix de leur lieu d’accouchement. Toutes les femmes avec un SRD positif ont bénéficié d’une orientation systématique vers le centre hospitalier régional (CHR) de Ziguinchor qui effectuait l’ensemble des interventions chirurgicales pour toute la région.
Les activités ont été coordonnées à travers des réunions mensuelles et deux supervisions trimestrielles des utilisatrices.
3 Résultats
Parmi les 334 femmes incluses, 42,22 % ont eu un SRD positif et 57,78 % un SRD négatif ; 65,87 % ont accouché par voie basse et 34,13 % par césarienne (Tableau 1).
SRD et mode d’accouchement.
SRD | Accouchement par césarienne | ||
Oui | Non | Total | |
Positif | 102 | 39 | 141 |
Négatif | 12 | 181 | 193 |
Total | 114 | 220 | 334 |
La sensibilité (SRD positifs parmi les césariennes) était de 89,47 % ; et la spécificité (SRD négatifs parmi les accouchements normaux) de 82,27 %.
La valeur prédictive positive (césariennes parmi les SRD positifs) était de 72,34 %, et la valeur prédictive négative (accouchements normaux parmi les SRD négatifs) de 93,78 %.
4 Discussion
Le score du risque de dystocie (SRD) est un outil simple et d’utilisation très aisée. Les paramètres sont tous objectifs et simples à recueillir. Ils doivent être recherchés surtout dans le dernier tiers de la grossesse, mais particulièrement, et mieux, tout au long du travail de l’accouchement. Le test de validation s’est déroulé au niveau des maternités des quatre hôpitaux de district et du CHR pour des raisons liées à leur plus grande accessibilité. Dans cette phase de test, le SRD a été utilisé dans des maternités dirigées par des sages-femmes qui ont montré une parfaite capacité à l’utiliser correctement.
Le SRD est valide, avec de puissantes valeurs prédictives positive et négative, ainsi qu’une sensibilité et une spécificité élevées.
L’avantage du test est qu’il est réalisable par tout le personnel de santé actif au niveau des maternités et qu’il analyse surtout la combinaison de plusieurs facteurs de risque de dystocie [4–20].
La compréhension des principes et l’application pratique de l’outil ne demandent qu’une petite formation, de durée variable selon la catégorie professionnelle, mais n’excédant pas deux jours.
La collecte des données qui y sont prévues peut être faite par un personnel communautaire instruit, et sa numérisation renforcera la facilité de son utilisation.
L’emploi du SRD permet l’identification plus rapide des cas à référer, leur acheminement à temps à l’hôpital et, conséquemment, une plus grande efficacité de leur prise en charge. Son utilisation à large échelle devrait aboutir à la diminution de la morbidité grave chez la femme (fistule vésicovaginale, rupture utérine) et chez le nouveau-né (souffrance fœtale) et aussi à la réduction de la mortalité maternelle et de la mortinatalité.
5 Conclusion
La lutte contre la mortalité maternelle, dans nos régions et districts sanitaires, exige une recherche perpétuelle de solutions adaptées, efficaces et pérennes. L’amélioration de la couverture sanitaire des populations, en leur assurant des services de qualité, passe nécessairement par ce processus. Ce travail entre dans ce cadre. Il mérite d’être poursuivi pour affiner l’innovation dont le seul but est de contribuer à l’amélioration de la santé des couples mère–enfant et, par conséquent, de celle de la population toute entière.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.