Abridged English version
Water isotopes in ice cores enabled to reconstruct past temperature variations over Greenland (110 000 years before present [4]) and over Antarctica (420 000 years before present [15]). The Greenland record shows a succession of at least 23 rapid warming periods (∼10 °C in less than 100 years) called Dansgaard–Oeschger (DO) events. Those events are described in numerous other paleoenvironmental records (marine [5] and continental [7]) and their combination with modeling studies [6] shows the influence of thermohaline circulation variations for the mechanisms of DO events. However, many questions remain unsolved to understand the triggering of those events.
Greenland ice cores brought a high-resolution record of the sequence of DO events during the last glacial period. However, because of biases induced by source temperature and seasonality of the precipitations [11,12], the reconstruction of past temperature over Greenland can be underestimated by a factor of 2 [2]. Because air is enclosed around 100 meters deep under the ice sheet surface, the air is always younger than the surrounding ice at each depth level. The phasing between temperature increase as deduced from water isotopes in the ice and greenhouse gases concentration is therefore determined through an ice densification model with an uncertainty up to 150 years in Greenland. Isotopic analysis of gases trapped in ice core [14,17,18] enables to solve both problems: quantification of rapid temperature variations results from the combined measurements of δ15N and δ40Ar and because temperature variations are measured in the gas, the phasing between greenhouse gases and temperature appears directly on a depth scale.
Nitrogen and argon have constant isotopic compositions in the past atmosphere: the fractionation in air-trapped in ice is the result of molecular diffusion in the firn only. The fractionation is of two types illustrated in Fig. 1, which shows isotopic composition of air pumped in the NorthGRIP firn in Greenland. The gravitational fractionation (δgrav=Δmgz/RT, slope between 20 and 70 m in Fig. 1) reflects the migration of heavier isotopes towards the bottom end of the firn because of gravity. In addition to gravity, when a temperature gradient, ΔT, occurs in the firn, the heavier isotopes migrate toward the coldest end as a result of thermal fractionation (

Évolution des compositions δ15N, δ18O et δ40Ar/4 en fonction de la profondeur pour de l'air pompé directement au niveau du névé sur le site groenlandais de NorthGRIP.
Air isotope repartition in the NortGRIP firn.
This method was applied to the determination of the temperature variation amplitude for a DO event 70 000 years before present. A first estimation was given by Lang et al. [14] using δ15N measurements (Fig. 2) and a model combining ice densification and gas and heat diffusion [16]. The model was forced with different surface temperature scenarios to reproduce first the δ15N profile and secondly the Δdepth between temperature increases as measured in the ice through water isotopes (δ18Oice) and in the gas (δ15N). However, variations in the past accumulation rate (uncertainty around a factor 2 during DO event 19 [22]) influences the Δdepth and the modeled δ15N profile through the gravitational fractionation. Lang et al. [14] chose therefore to link the accumulation rate to temperature through the Clausius–Clapeyron thermodynamic law. An other approach was developed by Severinghaus and Brook [18] that used the combined measurements of δ15N and δ40Ar to extract the thermal signal from the total one through the calculation of

En haut : mesures de δ15N dans l'air piégé dans la glace de la carotte de GRIP [14] en fonction de l'échelle de profondeur en haut. Au milieu : mesures de δ15N (gris) et δ40Ar/4 (noir) dans l'air piégé dans la glace de NorthGRIP (échelle de profondeur en bas) effectuées au LSCE dans le cadre de cette étude. En bas : δ15Nexcess calculé dans le cadre de notre étude (noir) comparé au δ15Nexcess simulé par le modèle de Goujon et al. [8] (gris) en fonction de l'échelle de profondeur de la carotte de NorthGRIP en bas. Les valeurs de δ15Nexcess montrées sont issues du modèle forcé avec une variation de température en surface de 16 °C (ligne continue), 14,5 °C et 17,5 °C (pointillés). Il est à noter que la représentation des profils sur une même échelle d'âge est impossible actuellement, car les chronologies respectives diffèrent notablement sur l'événement de Dansgaard–Oeschger 19. Masquer
En haut : mesures de δ15N dans l'air piégé dans la glace de la carotte de GRIP [14] en fonction de l'échelle de profondeur en haut. Au milieu : mesures de δ15N (gris) et δ40Ar/4 (noir) dans ... Lire la suite
Quantification of the temperature change associated to the Dansgaard–Oeschger 19 event. Top: δ15N air measurements in the GRIP core [14]. Middle: δ15N (gray) and δ40Ar/4 (black) air measurements in the NorthGRIP core (this study). Bottom: comparison between measured and modeled δ15Nexcess in NorthGRIP with different surface temperature scenarios (this study).
1 Introduction
Les études de paléoclimatologie ont utilisé de façon privilégiée les carottes polaires pour estimer les variations de température à la surface du globe au cours des 420 000 dernières années en Antarctique et 110 000 ans au Groenland [4,15]. Pendant la dernière période glaciaire (
Les carottes de glace apportent une information continue et à haute résolution sur les paléotempératures à partir des isotopes de l'eau. Cependant, des biais liés à la complexité du cycle atmosphérique de l'eau (température de source [11] et saisonnalité des précipitations [12]) empêchent la méthode de reconstruction de température à partir des isotopes de l'eau d'être quantitative au Groenland [2]. En outre, l'air piégé dans la calotte permet de reconstruire les teneurs atmosphériques en gaz à effet de serre. L'air est piégé dans la glace à une centaine de mètres sous la surface ; par conséquent, à chaque niveau de profondeur, l'air est plus jeune que la glace. Cette différence d'âge doit être calculée avec un modèle de densification du névé (100 m de partie poreuse en surface de la calotte), avec une erreur associée de l'ordre de 10 % [8,16]. Cette erreur rend difficile l'étude des déphasages entre température et concentration en gaz à effet de serre. Mesurer les isotopes piégés dans l'air permet de résoudre ces deux problèmes [17,18] : les variations rapides de température au Groenland pendant la dernière période glaciaire peuvent être quantifiées et les déphasages entre gaz à effet de serre et température deviennent directement accessibles sur la même échelle de profondeur. Cette méthode de paléothermométrie à partir de l'air piégé dans les glaces polaires est basée sur la mesure conjointe des isotopes de l'azote et de l'argon, δ15N et δ40Ar.
Azote et argon ont des teneurs isotopiques constantes dans l'atmosphère du passé [20,21]. C'est pourquoi, les fractionnements mesurés dans l'air piégé dans la glace sont dus à des processus physiques liés à la diffusion moléculaire dans le névé. Cette diffusion est contrôlée par la force de gravité qui entraı̂ne les isotopes les plus lourds vers le fond du névé et par le gradient de température dans le névé qui concentre les espèces les plus lourdes vers son extrémité froide. Ces deux effets peuvent être exprimés chacun par leur fractionnement associé. Le fractionnement gravitationnel s'exprime par : δgrav=Δmgz/RT où g est le champ de pesanteur, z la profondeur du névé, R la constante des gaz parfaits, T la température moyenne dans le névé et Δm la différence de masse entre les deux isotopes considérés. Typiquement, pour un névé actuel au centre du Groenland, le fractionnement δ15Ngrav est de l'ordre de 0,3
La méthode expérimentale développée au laboratoire et inspirée du travail pionnier de Severinghaus [17,18] permettant d'extraire et de mesurer avec une grande précision les isotopes de l'air extrait de la glace pour les applications de paléoclimatologie avec un spectromètre de masse dynamique MAT 252 a été détaillée précédemment [13] et permet d'atteindre, de façon comparable aux résultats du SCRIPPS Institute [17,18], une précision de 0,006 et 0,02
2 Résultats
2.1 Fractionnement dans le névé
Pour comprendre les processus de fractionnement dans le névé et donc retrouver à partir de l'air piégé dans la glace des informations de paléothermométrie, des études préalables sont nécessaires dans l'air du névé. Nous avons effectué des mesures isotopiques de δ15N, δ40Ar et δ18O dans l'air directement pompé dans le névé de NorthGRIP (Fig. 1). Il est d'abord à noter qu'à une profondeur de 2,5 m, la composition isotopique de l'air est différente de celle de l'air atmosphérique ; par conséquent, la zone convective attendue dans la partie supérieure du névé sous l'effet des vents de surface est nécessairement inférieure à 2,5 m de profondeur, en accord avec les mesures très détaillées effectuées dans des névés en Antarctique à Dome C [13], au pôle Sud [1] et à Siple Dome [19]. Les résultats illustrent clairement les processus de fractionnement détaillés dans l'Introduction. À partir de 20 m, la relation linéaire entre δ15N, δ40Ar et δ18O en fonction de la profondeur reflète le fractionnement gravitationnel, fonction de la différence de masse entre les deux isotopes, toutes choses étant égales par ailleurs. De 0 à 20 m, la bosse est le résultat d'un fractionnement thermique. En effet, les prélèvements ont été effectués en été avec une température de surface relativement élevée. La température à 5 m de profondeur est plus basse, reflétant la température moyenne annuelle, homogène dans le reste du névé. Du fait de ce gradient de température dans la partie supérieure du névé, les isotopes les plus lourds migrent vers l'extrémité la plus froide, vers 5 m de profondeur. Ce fractionnement est proportionnel au coefficient de fractionnement thermique, différent pour chaque paire d'isotopes. Ces effets gravitationnels et thermiques avaient été déjà clairement illustrés par des études comparables dans l'air du névé [1,13,19]. En revanche, les résultats du névé de NorthGRIP suggèrent l'existence d'une zone non diffusive dans les 5 m les plus profonds du névé : dans cette zone, l'air peut encore être pompé, mais la diffusion semble stoppée, car les valeurs δ15N, δ18O et δ40Ar sont stables ou ont tendance à diminuer avec la profondeur. Cette zone non diffusive est aussi mise en évidence sur le site du pôle Sud [1], mais semble absente à Dome C [13].
2.2 Amplitude de la variation de température sur un événement rapide (−70 000 ans)
Plusieurs estimations de variations passées de température ont été effectuées à partir de la composition isotopique de l'air piégé dans la glace. D'un côté, la mesure du δ15N seul est associée à un modèle de densification du névé de la calotte et de diffusion du gaz et de la température [14]. D'un autre côté, la mesure conjointe de δ15N et δ40Ar est couplée à un modèle simple de diffusion de la chaleur dans un névé [17].
La première méthode contraint la variation de température par deux approches complémentaires. Le modèle est forcé en température de surface pour reproduire, d'une part, le profil δ15N mesuré et, d'autre part, la différence de profondeur (Δdepth) entre l'augmentation de température enregistrée dans le gaz (δ15N) et dans la glace (δ18Oice), le réchauffement étant enregistré à une profondeur plus basse dans l'air que dans la glace. Il reste cependant une grande inconnue : le taux d'accumulation. En effet, l'estimation de la différence de profondeur par le modèle de densification est très dépendante du taux d'accumulation. De même, le signal δ15N dans l'air piégé dans la glace constitue la somme d'un signal thermique et d'un signal gravitationnel, qui est fortement lié au taux d'accumulation via l'épaisseur du névé. La variation du taux d'accumulation est mal connue et, selon les estimations, peut varier d'un facteur 2 [22] entraı̂nant 30 % d'erreur sur le Δdepth et le signal δ15N. Dans l'étude de Lang et al. [14], le taux d'accumulation est relié directement à la température par une loi basée sur la loi de thermodynamique de Clausius–Clapeyron.
La deuxième méthode utilise les mesures conjointes de δ15N et δ40Ar. Pour s'affranchir du signal gravitationnel dépendant du taux d'accumulation, Severinghaus et Brook [17] calculent le
Pour améliorer les estimations de variations rapides de température, nous utilisons la méthode inspirée de Severinghaus et Brook [17] en mesurant conjointement δ15N et δ40Ar dans le but de calculer le δ15Nexcess. Pour la modélisation du signal, nous utilisons un modèle créé par Goujon et al. [8], proche de celui utilisé par Lang et al. [14] : il allie densification du névé et de la glace sur toute la profondeur de la carotte à la diffusion de la chaleur. Le forçage en surface de température et de taux d'accumulation est relié au profil de δ18Oice par des relations linéaire et exponentielle aux coefficients variables, pour pouvoir modifier l'amplitude du forçage en gardant la dynamique du climat passé. Ce modèle simule alors les valeurs de δ15N et δ40Ar à partir des valeurs de
Parmi les événements rapides qui ont ponctué la dernière période glaciaire dans l'hémisphère nord, nous avons choisi l'étude de l'événement de Dansgaard–Oeschger 19 (
3 Conclusion
Les études de paléoclimatologie nécessitent de mesurer les rapports isotopiques 15N/14N et 40Ar/36Ar, avec une grande précision, dans l'air piégé dans les glaces polaires. La méthode de mesures conjointes de δ15N et δ40Ar dans l'air piégé dans la glace se révèle être appropriée pour déterminer les variations rapides de température de surface au cours du passé. Appliquée à un événement climatique rapide il y a 70 000 ans, nous avons déterminé une variation de température de 16±1,5 °C à la surface du Groenland en 150 ans. De telles contraintes en température dans le passé permettent de mieux comprendre les mécanismes climatiques associés, qui sont très certainement non linéaires pour que de telles variations extrêmes de température en un temps excessivement court se produisent.
Remerciements
Ce travail a été effectué avec le soutien du CEA, du CNRS (PNEDC) et de projets européens (CRYOSTAT ; POP, EVK2–2000–22067). Nous remercions également Dominique Raynaud et Jakob Schwander pour leurs commentaires constructifs. Ceci est la contribution n° 1104 du LSCE.