Abridged English version
1 Introduction
The term of Tariquides [7] applies mainly to Lias limestones of the Gibraltar Arc, i.e. in Morocco, slices of the Jebel Musa [10,12,13,16] and Lechkach [9], and, in Andalusia [11], the Rock of Gibraltar [1,24,25] and Los Pastores [6,26]. These units (Fig. 1) are observed [2,7,19] at the convergence boundary of the southern margin of Iberia (Europe), the northern margin of Africa, and the Alboran Domain. The connection of Tariquides either to Iberia (Penibetic Domain [12,13,17]) or to Alboran Margin (‘Dorsale’ limestone) [3,20] is discussed. In fact, the analysis of their Trias-to-Palaeocene series will make it possible to conclude to its originality in relation to these domains.
2 Lower Lias platform limestones
An original Trias [3,18] is overlain by thick-bedded or brecciated platform limestones. Their upper part is dated by Lotharingian brachiopods (Gibraltar) [21]. These facies are different from the ‘carniolas’ of the Iberian Subbetic [17] and also of the external ‘Dorsale’ (pelagic influences). A rock ground, in relation with an extensional tectonics, caps the calcareous Lias of the Tariquides.
3 Domerian–Bathonian formations: series of J. Musa type (Fig. 2)
This domain shows a succession [10,12,13,20] of nodular or marly limestones (up to 75 m) frequently coloured and displaying cherts. Ammonites date several levels from the Domerian, Toarcian, Aalenian, and Lower Bajocian. Green radiolarites follow, with associations of the basal Aalenian–Bathonian interval [13]. In the Gibraltar Rock, a similar but thinner succession [24,25] begins with Domerian levels and ends with ‘radiolarian cherts’ [1].
4 Domerian–Bathonian formations: series of Los Pastores type (Fig. 3)
This thin and essentially marly succession is subdivided by calcareous nannofossils (Table 1) into three episodes (Fig. 4), each of them resting by a rock ground on the Lower Lias limestones:
- – Domerian (?)–Upper Toarcian (Fig. 3, sections D–E): marly limestones, firstly light (Domerian–Lower Toarcian), then purple (Upper Toarcian–?Aalenian); the last ones are reworked into polygenic breccias (section D), likely generated by the collapse of a submarine fault scarp;
- – Upper Aalenian–Lower Bajocian (section C): silty manganesiferous marls (6 m);
- – Upper Bajocian–Bathonian (sections A–B): usually gullying the Lower Lias; these belemnites-rich marls (2.5 m) are firstly dark, with reworked Fe–Mn accumulations (Table 2), and then light.
Répartition stratigraphique des nannofossiles calcaires dans les échantillons analysés (S.G.), selon les tableaux de distribution biostratigraphique in [5]. Sigles : A, abondant ; C, commun ; F, assez fréquent ; R, rare ; TR, Très rare
Stratigraphic distribution of Calcareous nannofossils, from Bown's biostratigraphic tables [5], within the analysed samples [S.G.]. Set of initials: A, abundant; C, common; F, frequent; R, rare; TR, very rare
Analyse des marnes noires (Bajocien supérieur–Bathonien) de l'horizon « D1», coupe « A» de Los Pastores (Figs. 3 et 4)
Chemical analyses of the black marls (Upper Bajocian–Bathonian), ‘D1’ horizon, section A, Los Pastores Group (Figs. 3 and 4)
Dosages des éléments majeurs. Concentrations en % dans la roche séchée à 110 °C | |||||||||||||
Perte 110 | Somme | Perte 1000 | SiO 2 | Al 2 O 3 | MgO | CaO | Fe 2 O 3 | MnO | TiO 2 | Na 2 O | K 2 O | P 2 O 5 | |
3-M-42 | 1,66 | 100,11 | 33,58 | 9,5 | 3,9 | 0,86 | 39,89 | 8,4 | 2,638 | 0,16 | 0,03 | 0,94 | 0,16 |
3-M-43 | 1,81 | 100,40 | 33,02 | 13,9 | 5,6 | 1,79 | 38,60 | 4,0 | 1,532 | 0,25 | 0,07 | 1,43 | 0,23 |
3-M-44 | 2,63 | 100,20 | 24,60 | 23,8 | 8,1 | 3,18 | 27,37 | 8,0 | 2,977 | 0,33 | 0,09 | 1,53 | 0,14 |
Dosages d'éléments traces. Concentrations en ppm dans l'échantillon séché à 110 °C | |||||||||||||
Perte 1000 | Sr | Ba | V | Ni | Co | Cr | Zn | Cu | Sc | Y | Zr | ||
3-M-42 | 33,58 | 66 | 133 | 174 | 1269 | 1352 | 13 | 234 | 877 | 8,7 | 19,4 | 52 | |
3-M-43 | 33,02 | 75 | 133 | 193 | 586 | 187 | 11 | 185 | 2123 | 9,6 | 29,4 | 72 | |
3-M-44 | 24,60 | 78 | 243 | 243 | 999 | 344 | 21 | 356 | 486 | 11,6 | 29,2 | 125 |
5 Domerian–Dogger formations in the Ras Leona Unit (Musa Group) (Fig. 2)
The Lower Lias platform limestones are locally eroded and covered by thin yellowish calcareous conglomerates (Domerian?). Above them, Mn products lie, forming thin crusts or filling a deep karst (‘La Mine’) [10]. This deposit may be ascribed to the Dogger, as compared to that of Los Pastores. Several techniques applied in three different locations demonstrate that this black ‘crust’ results from impregnation of the underlying Lias limestones. Mn is always accompanied by Fe, and sometimes by Ba. Silica (chalcedony) in the form of filaments or clusters also impregnates the Lias limestones.
6 Conclusion
Above a massive Lower Lias platform limestones, two main domains can be differentiated, related to the following events: (1) between the Lower Lias and Domerian, rock-ground, locally (Lechkrach [9]) with fault set; (2) Late Toarcian faulting (polygenic breccias, Los Pastores); (3) before the Dogger, intense erosion, which took away the most part of the Domerian–Toarcian at Los Pastores and at Ras Leona, whilst keeping the latter in the Musa area; (4) Dogger deep-sea deposits (radiolarites) in this last area, bounded by a faulted (?) slope from a shallow area (Los Pastores, Ras Leona) with marly levels enriched in Fe–Mn. These phenomena, and particularly the manganesiferous episode (Early Dogger) are typical of the Tariquide domain, which is thus quite different from the Rifian–Betic ‘Dorsale’ (Alboran Microplate) and particularly from the Penibetic domain (Iberian Plate) during the Lias and Dogger periods.
1 Introduction
Les unités regroupées sous le nom de « Tariquides » [7] se placent dans la zone de convergence de trois grands ensembles structuraux [7,19] : la marge sud de la plaque Ibérie, la marge nord de la plaque Afrique et le domaine (ou microplaque) d'Alboran. Le déplacement vers l'ouest de ce dernier, au Miocène, a produit l'arc de Gibraltar [2]. Les Tariquides, « colonnes d'Hercule » des Anciens, comprennent (Fig. 1), du côté andalou [11], le rocher de Gibraltar ( « Jebel Tariq ») [1,24,25] et le groupe de Los Pastores [6,26], près d'Algeciras (Fig. 3), et, du côté marocain, les unités du groupe du J. Moussa [10,12,13], principalement celles du J. Moussa (s.s.) et de Ras Leona (Fig. 2), ainsi que le rocher de Lechkrach [9].
La position paléogéographique et la signification tectonique de ces diverses unités ont été très discutées, et leur originalité contestée, certains [12,17] les rattachant au Subbétique (marge ibérique) ou plus précisément à sa partie méridionale Pénibétique [13], et d'autres, à la Dorsale calcaire [3,20], marge externe du bloc d'Alboran. Le dispositif très complexe des Tariquides, intriquées tectoniquement avec les nappes des flyschs maghrébins [7], ne permet pas de résoudre ce dilemme. Il sera donc fait appel aux caractéristiques lithostratigraphiques de leurs divers termes. La succession triasique a déjà montré son originalité [3,18] par rapport aux termes de même âge de la Dorsale et du Pénibétique. Nous allons voir qu'il en est de même au Lias et au Dogger.
2 Le Lias inférieur des Tariquides
La succession Tariquide débute par un Trias, qui unit des influences « germaniques » au Carnien et « alpino-dinariques » (cf. domaine d'Alboran) au Trias terminal, dont les dolomies peuvent attendre 200 m d'épaisseur à Gibraltar et au J. Moussa. Elles passent progressivement vers le haut à des calcaires gris clair (200–300 m au J. Moussa, 400 m à Gibraltar), généralement en bancs décimétriques à métriques. Ils sont chargés d'oolites, de pellets, avec des encroûtements algaires, dans un ciment micritique. Des faciès grossièrement bréchiques prennent une grande importance à Los Pastores.
Ces calcaires doivent couvrir l'intervalle Lias inférieur–Carixien. Près de leur sommet, des lentilles à encrines livrent des brachiopodes. La faune bien connue de Gibraltar, objet d'une récente révision [21], revêt le « faciès marocain à Térébratules multiplissées » et date du Lotharingien. Des brachiopodes ont été notés [20] dans les bancs terminaux au J. Moussa et dans le rocher de Lechkrach qui, 20 km plus au sud, a été comparé aux Tariquides [9], une faune analogue ayant été datée du Carixien [20].
Qu'ils soient bien lités ou bréchiques, ces calcaires diffèrent des assises contemporaines de la Dorsale, spécialement de sa partie externe, où des niveaux de micrites à radiolaires et des ammonites indiquent des influences pélagiques de la « mer Alpine ». Quant au Lias inférieur du Subbétique, il possède, en particulier dans sa partie pénibétique, des calcaires dolomitiques massifs, parfois vacuolaires ( « carniolas »). Les rares brachiopodes qu'il a livrés [22] appartiennent à la « province nord-ouest européenne ».
La plate-forme carbonatée du Lias inférieur (Carixien inclus) va se rompre avant le Domérien : ainsi, à Lechkrach [9], ses calcaires sont verticalisés et recoupés par une importante faille. Un karst, lié à cette émersion, y est comblé de conglomérats à blocs calcaires. Surmontant ce karst, viennent alors des successions allant du Domérien au Bathonien, soit continues (J. Moussa, Gibraltar), soit incomplètes (Los Pastores et Ras Leona).
3 Domérien à Bathonien : série de « type Moussa »
Cette série, bien exposée [16] dans le tiers occidental du J. Moussa et à la pointe sud du J. Juima (Fig. 2, points E et F), a fait l'objet de plusieurs études [10,12,13]. Se succèdent :
- (1) entaillant les calcaires du Lias inférieur, un karst, garni de blocs mal roulés, couronné par une croûte ferrugineuse ; celle-ci englobe, près du col d'Aïn Barca, de grandes ammonites du Domérien moyen [20] et des Atractites ; suivent ici des calcaires marneux rouge violacé (1,5 m), à nannofossiles calcaires domériens, qui garnissent d'étroites fissures dans les calcaires du Lias inférieur sous-jacent ;
- (2) des calcaires noduleux (20 m), en dalles, gris puis violacés, avec vers le haut des silex en rognons ou en lits ; de nombreuses ammonites [13] du Domérien moyen, puis supérieur à l'extrême sommet ;
- (3) des calcaires marneux à intercalations de marnes jaune olivâtre (jusqu'à 30 m), riches en « filaments », tenus pour des sections de « posidomomyes »; des ammonites [13] du Toarcien moyen, puis supérieur ;
- (4) des calcaires noduleux en dalles, gris, violacés ou bicolores (20–30 m) à lits marneux colorés, et riches en lits de silex ; des ammonites du Toarcien supérieur à l'Aalénien moyen et même du Bajocien inférieur [13], au sud-ouest immédiat de Beni Younech, dans l' « écaille du col de la Mine » [10] ;
- (5) des radiolarites (8 m dans la coupe d'El Hatba), surtout vertes, dont K. El Kadiri [13] a extrait des assemblages « de l'intervalle maximal Aalénien–Bathonien pro parte », et au plus récent du Bathonien non terminal probable. Une surface durcie et bioturbée les sépare de radiolarites rouges, datées du Kimméridgien–Tithonien [13].
À Gibraltar, la succession, difficilement analysable, montre au-dessus des calcaires du Lias inférieur [1] :
- (1) des marly limestones, dont doivent provenir quelques ammonites, attribuées au Domérien par L.F. Spath ; ce doit être la Lower Formation de A.L. Greig (cité in [25]), épaisse de 2,5 à 3 m ;
- (2) des marly shales (18 m), plus riches en micas et quartz détritiques, alternant avec des lits de calcaire blanc–bleuâtre ;
- (3) des Radiolarian cherts, chocolat pâle, à radiolaires tenus autrefois pour Malm probable par C.P. Chatwing, consulté par Bailey [1].
4 Domérien à Bathonien : série de « type Los Pastores »
Le groupe de Los Pastores (Fig. 3) est divisé tectoniquement en trois parties. Ses affleurements étant en voie de disparition (exploitation, remblayage et urbanisation), nous insisterons sur leurs caractéristiques. La succession du Domérien au Bathonien peut être analysée dans le compartiment sud-ouest (coupe E) et dans le compartiment septentrional (coupes A–D) au nord de la route Tarifa–Algeciras. À la succession calcaro-siliceuse bien datée par ammonites et apparemment continue de type Moussa s'opposent, à Los Pastores, des marno-calcaires beaucoup moins épais, que les nannofossiles calcaires (Tableau 1) permettent de subdiviser en trois épisodes (Domérien–Toarcien ; Aalénien supérieur–Bajocien inférieur ; Bajocien supérieur–Bathonien), séparés par des épisodes érosifs.
4.1 Domérien ?–Toarcien
Se succèdent, au-dessus d'une surface durcie, des marno-calcaires clairs, puis colorés, localement remaniés en brèches. La justification de cette succession oblige à décrire des sections dispersées.
4.1.1 Compartiment nord (lames tectoniques W)
Le sommet des brèches calcaires (Lias inférieur) d'un piton isolé (coupe D, gauche) est drapé par un hardground ferrugineux. Il est surmonté de marno-calcaires clairs, feuilletés (10 m visibles), à petits galets calcaires mal roulés, datés du Toarcien inférieur–moyen (LP26 ; 3M-34). Le même âge est obtenu dans les marnes (3–6 m) d'un panneau coincé dans les calcaires du Lias inférieur, à l'extrême nord de Los Pastores (coupe A, gauche) : marnes grises, puis gris bleuté (3M-28), violacées (3M-29), marno-calcaires noduleux gris à passées violacées (3M-30). Il en est de même dans des marno-calcaires clairs (3M-46 et 47), également pincés dans le Lias inférieur, mais plus au sud.
4.1.2 Compartiment nord (masse principale)
À l'est des lames précédentes, la série (Lias inférieur à Crétacé supérieur) est verticalisée ou renversée vers l'est. À la partie sud seulement (coupe D, droite), on voit : (1) des marno-calcaires gris jaunâtre (quelques mètres) du Domérien–Toarcien inférieur (LP 30), à passées de calcaires à « filaments »; (2) sans limite précise, des brèches grossières, épaisses de 15 à 20 m (Fig. 3, coupe D : Ls Br), à éléments anguleux, centimétriques à pluri-décimétriques, voire en dalles métriques, de calcaires à « filaments » ou à radiolaires dans un ciment généralement violacé (LP 32). Ces faciès se retrouveront, en couches organisées, dans le Toarcien supérieur du compartiment sud-ouest. La partie haute des brèches, renversée, est riche en blocs de calcaires blancs du Lias inférieur. Cette disposition peut résulter de l'écroulement des couches de la lèvre surélevée (en falaise) d'une faille synsédimentaire : les couches tendres du Lias supérieur s'éboulant en premier, suivies par celles de leur soubassement de Lias inférieur calcaire. Ces brèches, qui ont pu être tenues pour récentes ( « tramo post-orogénico » in [26]), sont en réalité antérieures à un lit de marnes noires (Fig. 3, coupe D : « D »), datées, 50 m plus au nord, de l'Aalénien supérieur–Bajocien inférieur.
4.1.3 Compartiment sud-occidental (Fig. 3, coupe E)
En contact par faille avec le Trias, se succèdent : (1) des calcaires gris clair (6 m) en minces bancs ; (2) des calcaires ocre clair (3 m) grumeleux ou graveleux ; (3) des calcaires argileux (10 m) grumeleux, violet foncé, chargés de petits quartz et datés (LP 52–53) du Toarcien supérieur–Aalénien (?). Les trois termes sont riches en « filaments », et accompagnés (termes 1 et 2) de couches à radiolaires. Une surface durcie marque la base du Tithonien supérieur, transgressif.
4.2 Aalénien supérieur–Bajocien inférieur
Ce niveau n'est représenté que très localement (Fig. 3, coupes D et surtout C), en série renversée. Les calcaires bréchiques du Lias inférieur, couronnés par un enduit manganésifère, sont suivis (coupe C) par : Da, marnes terreuses (plus de 5 m) sombres, à nodules décimétriques, discoïdaux ou oblongs, à enveloppe chocolat, de micrites à radiolaires, de l'Aalénien supérieur–Bajocien inférieur (LP 27) ; elles se chargent vers le haut de lits calcaires brun jaunâtre à bélemnites, puis de petits galets calcaires ; Db, marnes ocre jaune (1,2 m) de même âge (LP 28).
La coupe D, 50 m vers le sud, montre quelques décimètres de marnes noires, probablement de même âge, dont le sommet est induré.
4.3 Bajocien supérieur–Bathonien
La coupe C se poursuit par : Dc, marnes sombres lilacées (0,4 m) ; Dd, marnes rouge brique et roses (0,3 m), datées par des nannofossiles calcaires (LP 12) du Bajocien supérieur–Bathonien.
Plus au nord (coupe B), le même âge est obtenu (LP 22) dès la base des marnes claires ( « D ») qui surmontent la surface durcie couronnant les calcaires bréchiques du Lias inférieur ou qui remplissent des fissures (3M-50) dans ces derniers.
La meilleure coupe (Fig. 3, coupe A, partie droite) fait suite, en série inverse, au Lias inférieur bréchique :
- – D1, marnes noir chocolat (0,5 m) bien datées (3M-42 et 43), riches en ostracodes et en bélemnites. Celles-ci peuvent être rapportées (dét. R. Combémaurel, Lyon) à des espèces définies dans le Dogger supérieur de France et d'Allemagne (Belemnopsis urinaciensis Liss., B. latesulcatus d'Orb. (?), B. gerardi Opp.) ;
- – D2, marnes gris crème (0,25 m) à dendrites de Mn, de même âge (3M-12, LP-24) ;
- – D3, marnes rosées (0,25 m), de même âge (3M-13) ;
- – D4, calcaires marneux lités gris jaunâtre à dendrites de Mn, formant la partie basale (1,5 m), datée également du Dogger élevé (3M-15), d'une succession (5 m au total), dont la partie haute appartient au Tithonien, la rupture sédimentaire étant inappréciable à l'œil.
Les marnes sombres D1 ont été analysées (Tableau 2) à intervalles réguliers, de bas (3M-42) en haut (3M-44). On remarque une proportion notable de Fe et de Mn, ainsi que, parmi les éléments en traces, une relative richesse en Ni, Co et Cu.
4.4 Remarques sur la succession du Domérien au Bathonien
La surface durcie couronnant les calcaires bréchiques du Lias inférieur est surmontée directement par tel ou tel des trois termes ( « A », « B », « C ») décrits ci-dessus. Que ceux-ci s'excluent sur la même verticale signifie que des éliminations de vases molles, probablement en milieu sous-marin, ont été liées à des soubresauts tectoniques, à la fin du Toarcien et au cours du Dogger. Certains assemblages de nannofossiles calcaires permettent d'envisager que les faciès clairs de base du Toarcien débutent dès le Domérien.
5 Du Lias moyen au Dogger dans l'unité de Ras Leona
5.1 Conglomérats et enduit manganésifère
Dans cette unité du groupe du Moussa ([16] et Fig. 2), les calcaires de plate-forme du Lias inférieur sont surmontés directement par le Crétacé supérieur (partie orientale) ou par le Crétacé inférieur (partie médiane), parfois avec quelques résidus de dépôts intermédiaires.
- (A) Des conglomérats (quelques décimètres à quelques mètres) à petits fragments des calcaires sous-jacents, englobés dans un ciment marno-calcaire jaunâtre, comblent des anfractuosités au sommet du Lias inférieur, au-dessus de 400 m d'altitude (Fig. 2, coupe B). Ce terme, qui n'a pu être daté, rappelle le conglomérat de base domérien de l'unité Moussa–Juima.
- (B) Un enduit manganésifère recouvre ces conglomérats ou, quand ceux-ci sont absents, directement le Lias inférieur. C'est le cas au nord de Beni Younech (Fig. 2, coupe A), où un enduit noir pluricentimétrique surmonte, suivant une surface plane, les calcaires de plate-forme du Lias inférieur, l'ensemble étant tectoniquement verticalisé. Aux abords ouest du sommet de l'arête du Ras Leona (Fig. 2, coupe C), le dépôt noir remplissait les creux décamétriques d'un ancien karst, aujourd'hui vidé de son contenu : ce minerai de Mn, principalement constitué de pyrolusite et de wads [10], a été jadis exploité artisanalement. Sous le karst, des brèches calcaires domériennes (?) et leur substratum de calcaires de plate-forme du Lias inférieur sont imprégnés de corps siliceux jaunâtres, en filets ou en amas diffus.
5.2 Âge du dépôt manganésifère
Le dépôt manganésifère est surmonté par des radiolarites rouges datées [13] du Kimméridgien, au sud de « la mine » (Fig. 2, coupe C). Par ailleurs, il a été recherché (grattages) au-dessus de calcaires, faisant suite au Lias inférieur de Ras Leona, dans un petit col situé 300 m à l'ouest de la « mine » (Fig. 2, coupe D) : il s'agit de micrites en dalles d'abord jaunâtres (6 m), puis rosées (1,5 m) et à rognons de silex, que couronne un banc gris violacé imprégné de Mn, immédiatement sous le grattage minier. Les micrites, chargées de minuscules quartz détritiques, à radiolaires et Globochaete alpina (mais sans « filaments »), présentent le faciès du Domérien (terme « 2 », cf. §3) de la série de « type Moussa ».
Ainsi, intercalé entre Domérien probable et Kimméridgien, le niveau manganésifère de Ras Leona peut être contemporain des enduits et marnes, également manganésifères, datées de l'Aalénien supérieur–Bajocien inférieur à Los Pastores.
5.3 Analyse du dépôt manganésifère (H.P.)
Trois échantillons ont été examinés au microscope polarisant (avec J. Honnorez), au microscope électronique et à la microsonde (avec P. Karcher).
Les deux premiers échantillons (Fig. 2, coupes A et B) ont, d'après les analyses ponctuelles ou globales à la microsonde, des compositions voisines : spectres à pics de Mn, toujours associés à des pics de Fe, avec des pics importants de Ca (carbonates) et de petits pics de Si, Al, Mg et K (argiles ?). On en conclut que Mn et Fe (composés ferro-manganésifères ?) sont disséminés dans la masse.
L'échantillon de Beni Younes (coupe A) résulte de l'imprégnation du calcaire Lias inférieur dans des fissures et un réseau de veinules. Des cavités sont fréquemment remplies d'un assemblage varié (quartz, calcite, Mn en cristaux polyédriques) ou d'argiles, calcite ou calcédoine. Au microscope électronique équipé d'une sonde Tracor se voient de nombreuses concrétions de Ca et de Mn, ce dernier étant souvent associé au Ba.
L'échantillon de la crête de Ras Leona (coupe B) montre de gros cristaux de calcite, encapuchonnés de carbonates manganésifères. Des fissures à Mn sont parfois recoupées par des fissures à calcite ; dans d'autres fissures, cette dernière peut recouvrir les premiers revêtements manganésifères. Au microscope électronique, le Mn apparaît accompagné de Si, avec de petites quantités de sulfate de baryum pouvant remplir des microfissures. Ainsi, le calcaire du Lias inférieur a-t-il été imprégné de calcédoine avec des traces de Mn et Fe, qui le colorent en noir.
Le troisième échantillon a été recueilli sur le calcaire du karst de la « mine » (coupe C). Il est très différent des précédents. L'analyse globale révèle essentiellement du Si, avec de petits pics (Al, Mg, K), sans doute dus à l'argile. En revanche, l'analyse ponctuelle présente d'importants pics de Mn, de petits pics de Cr et Ba, éléments qui entrent souvent dans la composition des oxydes de manganèse. Au microscope, ce calcaire apparaît très silicifié. De très nombreux amas noirs de Mn (avec Ca et K) ont une taille n'excédant pas 5 μm. On n'observe pas ici de remplissage de fissures par le Mn. On en conclura que celui-ci s'individualise sous forme de concentrations qui, dans le karst aujourd'hui évidé, s'étaient accumulées en donnant un minerai exploitable.
Les données acquises à la microsonde à Ras Leona, ainsi que les analyses chimiques à Los Pastores (Tableau 2), autorisent à faire les propositions suivantes. Si l'on se range aux observations de Di Stefano et Mindszenty [8], le rapport Mn/Fe dans les oxydes ferro-manganésifères peut être utilisé comme indicateur de l'origine du manganèse. Si ce rapport est inférieur à 1, comme c'est le cas ici, il indique une précipitation « hydrogénique » à partir d'une source à prédominance terrigène, c'est-à-dire continentale [23]. Cette précipitation « hydrogénique » (selon le terme de Bonatti et al. (in Karpoff [15]), par opposition à la précipitation d'origine hydrothermale, est corroborée par les teneurs notables en traces (Co, Ni, Cu, voire Zn). La présence de Ba, associé au Mn, proviendrait d'une intense activité biologique, associée à l'accrétion des oxydes ferro-manganésifères [4].
6 Discussion et conclusions
La confrontation entre les diverses données présentées plus haut amène aux réflexions suivantes.
- (1) Au Lias inférieur, les calcaires épicontinentaux (encroûtements algaires), parfois bréchiques, des Tariquides contrastent avec les dépôts, soumis à des influences pélagiques (ammonites, radiolaires) de la partie externe de la Dorsale, la plus proche du domaine étudié. Un premier événement tectonique affecte le domaine tariquide avant le Domérien : jeu de fractures, émersion et creusement d'un karst, comblé de blocs des calcaires sous-jacents. Si ce phénomène n'est pas exceptionnel dans divers sites de Méditerranée occidentale (par exemple Dorsale interne [14] ou Subbétique [17]), on ne connaît aucune discontinuité de ce type, ni dans la Dorsale externe, ni dans le Pénibétique.
- (2) Du Domérien au Bathonien, deux types de successions se distinguent dans les Tariquides. La série de « type Moussa » est relativement épaisse ; les ammonites ne sont pas rares dans les faciès noduleux et à silex ; les radiolarites du Dogger indiquent un approfondissement certain. Une évolution analogue est esquissée dans la Dorsale, en particulier dans sa partie externe. En revanche, la série tariquide de « type Los Pastores » (Fig. 4) s'est déposée en milieu beaucoup moins profond. Totalement dénuée de lits siliceux, elle possède une originalité marquée, avec ses apports continentaux : argilo-ferrugineux au Toarcien supérieur, ferro-manganésifères au début du Dogger. Un véritable karst, postulant émersion (mais pouvant réutiliser le proche karst anté-domérien) a été ainsi garni de produits manganésifères dans l'unité de Ras Leona.
À la fin du Lias et au Dogger, une importante fracturation, avec basculement de blocs, affecte le domaine tariquide. En grand, elle rend compte des dénivelés sous-marins d'ordre kilométrique entre les compartiments « hauts » (à marnes manganésifères) et les compartiments « bas » (à radiolarites). À l'échelle locale, dans le groupe de Los Pastores, elle explique les brèches d'écroulement du Toarcien supérieur, ainsi que, au Dogger, le déplacement des aires de dépôt des deux cycles sédimentaires que les nannofossiles calcaires permettent de distinguer.
Dans les diverses unités des Tariquides, les calcaires pélagiques du Tithonien, souvent noduleux et riches en ammonites et aptychus, sont directement superposés au Toarcien ou au Dogger. On ignore les conditions océanographiques (balayage sous-marin ? ; érosion avant le Tithonien de vases peu épaisses ?) qui régnaient pendant la plus grande partie du Jurassique supérieur. Comme des formations analogues sont connues, tant dans le Pénibétique que dans la Dorsale, on en conclura que le domaine tariquide a cessé (temporairement), à la fin du Jurassique et au Crétacé inférieur, de posséder l'originalité qu'il avait depuis le Trias supérieur.
Acknowledgments
Les auteurs remercient H. Feinberg (Paris), P. Olivier (Toulouse), N. Sandoval (Madrid) qui ont participé à certaines de nos recherches sur le terrain, à Tomás Castellanos (Madrid) pour la mise au net des illustrations et à A. Martín-Algarra (Granada) pour ses remarques constructives.