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Comptes Rendus

Microbiologie : bactériologie, mycologie, parasitologie, virologie/Microbiology: bacteriology, mycology, parasitology, virology
Teneurs en éléments majeurs et traces de spirulines (Arthrospira platensis) originaires de France, du Tchad, du Togo, du Niger, du Mali, du Burkina-Faso et de République centrafricaine
Comptes Rendus. Biologies, Volume 337 (2014) no. 1, pp. 44-52.

Résumés

Les teneurs en éléments minéraux des spirulines étant mal documentées, nous avons dosé les éléments majeurs et traces d’échantillons provenant de France et d’Afrique. Les spirulines cultivées en France ont des compositions en éléments majeurs comparables à celles de la littérature. Le contenu global en éléments traces est faible. Contrairement aux cyanobactéries marines, elles ne concentrent pas les terres rares. Les spirulines récoltées au Tchad ont des teneurs élevées en la quasi-totalité des éléments majeurs et traces du fait d’une pollution minérale due au mode de récolte et de séchage. Les teneurs en terres rares sont attribuées à cette pollution et non pas à leur concentration par les spirulines, car les profils de terres rares normalisés des spirulines sont strictement parallèles à ceux des boues des berges et très différents de ceux des eaux des ouadis. Malgré des teneurs parfois élevées en arsenic, la consommation normale de spiruline ne présente pas au Tchad de problème lié à la santé. Les spirulines cultivées au Togo, au Niger, au Mali, au Burkina-Faso et en République centrafricaine ont des compositions chimiques semblables à celles des spirulines du Tchad, mais avec un contenu global en éléments majeurs et traces plus faible, traduisant une pollution minérale moins importante. Les profils normalisés de terres rares permettant d’écarter une pollution d’origine éolienne, la pollution est plutôt d’origine pédologique. Elles ne présentent pas de problème de toxicité, mis à part la spiruline du Burkina-Faso, dont la teneur en plomb est trop élevée. La variabilité de composition des spirulines étudiées est en grande partie due à la pollution minérale des échantillons. Les teneurs notables en terres rares parfois relevées dans la littérature sont un indicateur de cette pollution.

Data on mineral elements in spirulinas being limited, we analyzed macrominerals and trace elements of samples from France and Africa. Spirulinas cultivated in France have a composition in macromineral elements similar to those of the literature. The entire contents of trace elements are low. Unlike marine cyanobacteria, they do not concentrate rare-earth elements. Spirulina harvested in Chad has high levels in macrominerals and trace elements, due to traditional drying and harvesting methods. Rare-earth element levels are attributed to this pollution and not to their concentration in spirulinas, because rare-earth element normalized profiles of spirulina are strictly parallel to those of ouadis mud and very different from those of ouadis water. Despite the sometimes high content of total As, normal water consumption in Chad presents no health problems. Spirulinas grown in Togo, Niger, Mali, Burkina-Faso and Central African Republic have chemical compositions similar to those of Chad spirulinas, but with a lower content of macromineral and trace elements, reflecting a lower mineral pollution. Rare-earth element normalized patterns dismiss an aeolian pollution and the pollution is rather of pedological origin. They show no toxicity problem except spirulinas from Burkina-Faso, whose Pb content is too high. The variability of composition of spirulinas can be largely attributed to the mineral pollution of the samples. Significant levels of rare-earth elements sometimes found in the literature reflect this pollution.

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DOI : 10.1016/j.crvi.2013.11.004
Mot clés : Spirulines, France, Afrique, Éléments majeurs, Éléments traces, Pollution minérale, Terres rares
Keywords: Spirulina, France, Africa, Macromineral elements, Trace elements, Mineral pollution, Rare-earth elements

Jean-Paul Vicat 1 ; Jean-Claude Doumnang Mbaigane 1 ; Yves Bellion 2

1 Laboratoire de géologie, géomorphologie et télédétection, faculté des sciences exactes et appliquées, BP 1027, N’Djaména, Tchad
2 UFR des sciences exactes et sciences de la nature, laboratoire d’hydrogéologie, université d’Avignon et des pays de Vaucluse, 33, rue Louis-Pasteur, 84000 Avignon, France
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Version originale du texte intégral

1 Introduction

Les spirulines sont des cyanobactéries qui appartiennent au genre Arthrospira. Ce genre comprend seulement deux espèces, très proches, Arthrospira maxima, originaire du Mexique et Arthrospira platensis, originaire du Tchad [1]. Découverte au Mexique en 1492, puis tombée dans l’oubli, la spiruline a été redécouverte en 1939 au Tchad [2]. Plusieurs travaux [3–5] ont vulgarisé les techniques de culture, et la production de spiruline commerciale s’est rapidement développée.

Les propriétés nutritionnelles de la spiruline ont fait l’objet de nombreux travaux et sont bien connues [6–10], mais les données sur les éléments minéraux sont limitées et montrent une grande variabilité des teneurs [7,10–15]. Dans cet article, nous donnons les teneurs en éléments majeurs et traces d’échantillons de spirulines A. platensis cultivées en France, récoltées au Tchad ou cultivées au Togo, au Niger, au Mali, au Burkina-Faso, en République centrafricaine, et nous mettons en évidence une pollution minérale des spirulines d’Afrique par les sols.

2 Matériel et méthodes

Les spirulines de France proviennent de fermes artisanales situées dans les départements des Pyrénées-Orientales, du Gard, de l’Hérault, du Var et de Loire-Atlantique. Les échantillons analysés sont des produits commerciaux conditionnés en paillettes. Les spirulines du Tchad se développent naturellement dans les mares et les lacs natronés qui occupent la zone centrale des oasis « ouadis » au nord-est du lac Tchad. Les galettes séchées de spiruline, « dihé », sont commercialisées essentiellement au Tchad. Nous avons analysé les galettes de dihé ainsi que des spirulines récoltées traditionnellement et séchées par nos soins. Les spirulines du Togo, du Niger, du Mali, du Burkina-Faso et de République centrafricaine proviennent de fermes crées par les ONG pour lutter contre la malnutrition. Les spirulines séchées, conditionnées sous forme de poudre, sont commercialisées localement.

Les échantillons de spiruline ont été analysés au service d’analyse des roches et des minéraux (SARM) du centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy (France). Les échantillons ont été préparés par fusion alcaline au LiBO2 à 1000 °C et mis en solution avec HNO31N. Les éléments majeurs ont été dosés par ICP–OES et les éléments traces par ICP–MS. Les spectromètres sont calibrés par matériaux géologiques de référence et le contrôle qualité utilise les échantillons certifiés BCR 482 lichen, BCR 279 Ulva, BCR 281 Rye Grass. Les incertitudes sont de 5 % pour les concentrations supérieures à 10 ppm, inférieures à 15 % pour les concentrations comprises entre 10 et 1 ppm et inférieures à 30 % pour les concentrations inférieures à 1 ppm. Le mercure est dosé par absorption atomique avec la technique de l’amalgame, avec une limite de détermination de 10 ppb. Mn, Ag, Cs, Cu, Li, Ni et U ont été aussi dosés au laboratoire HydroSciences (LSH) de l’université de Montpellier 2 (France). Les échantillons ont été préparés par attaque acide HNO3 + H2O2 + HF, suivie d’une évaporation à sec, puis d’une remise en solution avec 500 μl d’HNO3 ultrapur. Ils sont dosés par ICP–MS. Le spectromètre de masse est calibré avec les solutions étalons multi-élémentaires SPEX2A et SPEX4, et le contrôle qualité repose sur l’échantillon certifié MESS-3 sédiments. Les incertitudes sont inférieures à 5 %.

Les milieux de culture des spirulines de France, les eaux et les sols des mares du Tchad ont été analysés pour l’arsenic et les terres rares au SARM de Nancy par ICP–MS. Les liquides ont été filtrés à 0,2 μm et acidifiées à 2 % HNO3 ultra pur. Du fait de leur forte concentration, ils ont été dilués par 10, ce qui augmente les limites de détermination. Les échantillons de sols ont été broyés à 70 μm, puis préparés par fusion alcaline au LiBO2 à 1000 °C et mis en solution avec HNO3 1 N.

3 Résultats et discussion

3.1 Les spirulines de France

Les spirulines de France ont des compositions comparables à celles de la littérature (Tableau 1). Comme précédemment observé [12], les teneurs en éléments majeurs et traces quantifiés varient selon les producteurs. Si, Al et Ti, non mesurés dans la littérature, sont à des teneurs inférieures aux limites de détermination, les teneurs en Fe (0,31–0,54 g/kg), Mg (1,93–2,88 g/kg), Ca (0,49–0,82 g/kg), Na (7,63–17,20 g/kg) et P (8,37–11,52 g/kg) se situent dans la fourchette des travaux antérieurs. Les teneurs en Mn (0,005–0,070 g/kg) sont faibles et le plus souvent inférieures aux minima des travaux antérieurs. Les teneurs en K (15,25–21,38 g/kg) sont élevées et parfois supérieures aux maxima des travaux antérieurs.

Tableau 1

Teneurs en éléments majeurs (Si–P en g/kg) et traces (As–Zr en ppm) des spirulines cultivées en France.

Fr10 Fr12 Fr13 FR11 Fr11.1 Fr15.1 Littérature
Teneurs en g/kg Si–P
 Si < 0,23 < 0,23 < 0,23 < 0,23 < 0,23 < 0,23 n.m.
 Al < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,04 n.m.
 Fe 0,31 0,53 0,54 0,36 0,34 0,34 0,22 [10]–2,016 [10]
 Mn 0,070 0,009a 0,006a 0,005a 0,011 0,010 0,013 [13]–0,554 [12]
 Mg 2,42 2,88 2,61 1,93 1,96 1,95 0,67 [12]–5,45 [13]
 Ca 0,68 0,59 0,49 0,53 0,82 0,79 0,42 [13] - 26,10 [13]
 Na 7,63 11,30 16,10 17,20 13,58 13,73 0,27[10]–54,3 [13]
 K 16,67 19,78 21,38 17,83 15,35 15,25 2,33 [13]–19,36 [10]
 Ti < 0,03 < 0,03 < 0,03 < 0,03 < 0,03 < 0,03 n.m.
 P 8,37 11,52 11,27 8,78 8,41 8,34 5,36[13]–23,07 [13]
Teneurs en ppm As–Zr
 As < 2,52 < 2,52 < 2,52 < 2,52 < 1,20 < 1,20 0,05 [11]–8,5 [11]
 Ag < 0,06 < 0,06 < 0,06 < 0,06 n.m. n.m. 0,076 [12]
 Ba < 1,60 < 1,60 3,87 < 1,60 < 1,50 < 1,50 n.m.
 Be < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 1,00 < 1,00 n.m.
 Bi < 0,33 < 0,33 < 0,33 < 0,33 < 0,10 < 0,10 n.m.
 Cd < 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,15 < 0,15 n.d. [10]–0,7 [13]
 Ce < 0,081 < 0,081 < 0,081 < 0,081 < 0,100 < 0,100 0,637 [12]–8,21 [15]
 Co 0,48 0,08 < 0,08 < 0,08 < 0,40 < 0,40 0,310 [7]–2,3 [10]
 Cr < 1,33 < 1,33 < 1,33 < 1,33 < 5,00 < 5,00 1,2 [10]–18,6 [7]
 Cs < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,15 < 0,15 n.m.
 Cu 9,61 4,69a 6,06 2,63a < 5,00 < 5,00 2,6 [14]–69,6 [7]
 Dy < 0,005 < 0,005 < 0,005 < 0,005 < 0,005 < 0,005 0,21 [15]
 Er < 0,003 < 0,003 < 0,003 < 0,003 < 0,003 < 0,003 0,081 [15]
 Eu < 0,004 < 0,004 < 0,004 < 0,004 < 0,004 < 0,004 0,023 [7]–0,089 [15]
 Ga < 0,24 < 0,24 < 0,24 < 0,24 < 0,20 < 0,20 n.m.
 Gd < 0,016 < 0,016 < 0,016 < 0,016 < 0,020 < 0,020 0,432 [15]
 Ge < 0,10 < 0,10 < 0,10 < 0,10 < 0,10 < 0,10 n.m.
 Hf < 0,02 < 0,02 < 0,02 < 0,02 < 0,04 < 0,04 n.m.
 Hg < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 n.d. [7]–24,4 [13]
 Ho < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,0443 [15]
 In < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,10 < 0,10 n.m.
 La < 0,069 < 0,069 < 0,069 < 0,069 < 0,050 < 0,050 n.d. [7]–6,27 [15]
 Li < 0,14 < 0,14 < 0,14 < 0,14 n.m. n.m. n.m.
 Lu < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,0118 [15]
 Mo 0,22 < 0,15 < 0,15 < 0,15 < 0,35 < 0,35 n.d. [12]–7 [13]
 Nb < 0,03 < 0,03 < 0,03 < 0,03 < 0,06 < 0,06 n.m.
 Nd < 0,015 < 0,015 < 0,015 < 0,015 < 0,030 < 0,030 2,48 [15]
 Ni < 2,15 < 2,15 4,93a < 2,15 < 4,5 < 4,5 n.d. [7]–15,0 [13]
 Pb < 0,54 < 0,54 < 0,54 < 0,54 2,63 2,75 1,3 [13]–12,9 [12]
 Pr < 0,005 < 0,005 < 0,005 < 0,005 < 0,010 < 0,010 0,724 [15]
 Rb 1,41 2,96 3,21 1,60 2,50 2,28 n.m.
 Sb < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,20 < 0,20 n.d. [7]–0,14 [12]
 Sm < 0,008 < 0,008 < 0,008 < 0,008 < 0,010 < 0,010 0,060 [12]–0,354 [15]
 Sn < 0,59 < 0,59 < 0,59 < 0,59 < 0,40 < 0,40 n.m.
 Sr 8,02 11,79 5,53 10,68 2,12 2,06 n.m.
 Ta < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,02 < 0,02 n.m.
 Tb < 0,008 < 0,008 < 0,008 < 0,008 < 0,006 < 0,006 0,045 [15]
 Th < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,02 < 0,02 n.m.
 Tm < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,005 < 0,005 0,0126 [15]
 U < 0,01 0,01a < 0,01 0,01a < 0,04 < 0,04 n.m.
 V < 0,31 < 0,31 < 0,31 < 0,31 < 0,60 < 0,60 n.d. [12]–3,4 [13]
 W < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,30 < 0,30 n.m.
 Y < 0,39 < 0,39 < 0,39 < 0,39 < 0,40 < 0,40 1,02 [15]
 Yb < 0,003 < 0,003 < 0,003 < 0,003 < 0,003 < 0,003 0,067 [15]
 Zn 16,88 66,70 44,33 18,13 < 11,00 37,54 7,4 [13]–375 [12]
 Zr < 0,96 < 0,96 < 0,96 < 0,96 < 1,30 < 1,30 n.m.

a Analyses effectuées au LSH (Montpellier). Spirulines cultivées dans les Pyrénées-Orientales (Fr10), le Var (Fr12), l’Hérault (Fr13), la Loire-Atlantique (Fr15.1), le Gard (Fr11 et Fr11.1). Teneurs minimales et maximales relevées dans la littérature d’après [7,10–15]. n.m., non mesuré ; n.d., non détecté.

Le contenu global en éléments traces (7–86 ppm) est faible. Trois échantillons ont des teneurs en Cu (2,63–9,61 ppm) qui se situent dans la fourchette des travaux antérieurs, les autres contiennent moins de 5 ppm de Cu. Un échantillon contient moins de 11 ppm de Zn, les autres ont des teneurs en Zn (16,88–66,70 ppm) qui se situent dans la fourchette des travaux précédents. Le Co (0,08–0,48 ppm) quantifié dans deux échantillons, le Ni (4,93 ppm) et le Mo (0,22 ppm) quantifiés dans un seul échantillon sont à des teneurs comparables à celles de la littérature. Tous les échantillons contiennent quelques ppm de Rb (1,41–3,21 ppm) et de Sr (2,06–11,79 ppm). Un échantillon contient un peu de Ba (3,87 ppm). L’U est quantifié dans deux échantillons à une très faible teneur (0,01 ppm).

Les éléments toxiques As, Cd, Hg et Sb ne sont pas quantifiés. Le Pb est quantifié dans deux échantillons (2,63–2,75 ppm) à des teneurs inférieures à la norme de qualité (5 ppm) [2]. L’absence de toxicité des spirulines de France implique des milieux de culture pauvres en éléments toxiques apportés par les produits chimiques industriels utilisés pour leur préparation [11,13,16–18]. L’analyse du milieu de culture de deux fermes à spiruline (Tableau 2) montre effectivement des faibles teneurs en As, Cd, Pb et l’absence d’Hg. Les facteurs de concentration (FC) en Pb (607–851) (Tableau 3), définis comme le rapport de la teneur en Pb de la spiruline à la teneur dans le milieu de culture, sont de l’ordre de grandeur des FC de quelques éléments métalliques calculés à partir de données [19] de spirulines de laboratoire. Pour les éléments toxiques non quantifiés dans les spirulines et quantifiés dans le milieu de culture, le rapport de leur limite de détermination à leur teneur dans le milieu de culture donne un ordre de grandeur des maxima possible des FC de l’As (414–500) et du Cd (94–1071) (Tableau 3).

Tableau 2

Teneurs en éléments toxiques et terres rares des milieux de culture des spirulines de France.

μg/L E11-1 E15.1
As 2,40 2,90
Cd 0,14 1,60
Hg < 1 < 1
Pb 4,33 3,23
La 0,21 0,12
Ce 0,05 0,05
Pr < 0,01 < 0,01
Nd < 0,05 < 0,05
Sm < 0,02 < 0,02
Eu < 0,01 < 0,01
Gd 0,04 < 0,02
Tb < 0,01 < 0,01
Dy < 0,02 0,02
Ho 0,03 0,02
Er < 0,01 < 0,01
Tm < 0,01 < 0,01
Yb < 0,01 < 0,01
Lu < 0,01 < 0,01
Tableau 3

Facteurs de concentration (FC) des éléments toxiques et des terres rares des spirulines de France.

FC Fr11.1 Fr15.1
As < 414 < 500
Cd < 94 < 1071
Pb 607 851
La < 238 < 417
Ce < 2000 < 2000
Gd < 500
Dy < 250
Ho < 33 < 50

Les teneurs en Ag, Be, Bi, Cr, Cs, Ga, Ge, Hf, In, Li, Nb, Sn, Ta, V, W, Y, Zr sont inférieures aux limites de détection. Les spirulines de France ne contiennent pas de terres rares. Les terres rares quantifiées dans le milieu de culture, en très faible quantité (Tableau 2), permettent de donner un ordre de grandeur des maxima possible des FC du La (238–417), du Ce (2000), du Gd (500), du Dy (250) et de l’Ho (33–50) (Tableau 3). Bien que les FC puissent pour un même élément varier largement en fonction des conditions de culture, ces valeurs apparaissent très faibles comparées à l’ordre de grandeur (104) des FC des terres rares des cyanobactéries marines [20]. Les teneurs en terres rares de plusieurs ppm relevées dans les travaux antérieurs (Tableau 1) nécessiteraient, avec des FC aussi faibles, des milieux de culture riches en terres rares ce qui semble irréaliste au vue des très faibles teneurs en terres rares des deux milieux de culture des spirulines de France (Tableau 2).

3.2 Le dihé et les spirulines du Tchad

3.2.1 Le dihé

Les compositions chimiques du dihé du Tchad (Tableau 4) diffèrent profondément de celles des spirulines de France. Le contenu global en éléments majeurs (148–180 g/kg) est important. Tous les échantillons ont en effet des teneurs élevées en Si (65,20–115,70 g/kg), Al (4,07–11,37 g/kg) et Ti (0,31–0,64 g/kg), non quantifiés dans les spirulines de France. Les teneurs en Fe (2,15–6,50 g/kg) sont supérieures à celles de la littérature. Les teneurs en Mn (0,077–0,310 g/kg), Mg (3,33–9,49 g/kg), Ca (6,63–22,94 g/kg) sont plus élevées que celles des spirulines de France, mais comparables à celles de la littérature. Les teneurs en Na (12,33–21,16 g/kg) sont comparables à celles des spirulines de France et les teneurs en K (13,57–16,04 g/kg) et P (5,69–7,48 g/kg) sont plus faibles.

Tableau 4

Teneurs en éléments majeurs (Si–P en g/kg) et traces (As–Zr en ppm) du dihé et des spirulines du Tchad.

dihé spirulines
Teneurs en g/kg Si–P
Tc4 Tc5 Tc7 Tc9 Tc8.1 Tc10.1 Tc6.1
 Si 87,06 92,97 65,20 115,70 48,57 53,47 65,09
 Al 11,09 4,07 11,37 6,07 5,98 8,28 15,16
 Fe 6,03 2,15 6,50 3,41 4,04 3,92 7,75
 Mn 0,263 0,077 0,310 0,178 0,170 0,155 0,225
 Mg 9,49 3,33 7,71 4,81 3,92 4,18 7,42
 Ca 22,94 6,63 17,92 15,79 11,84 10,72 27,85
 Na 21,16 16,97 17,49 12,33 86,83 92,95 36,56
 K 13,90 16,04 15,16 13,57 32,87 36,21 19,43
 Ti 0,64 0,31 0,64 0,43 0,50 0,80 0,83
 P 5,75 5,69 7,27 7,48 5,46 7,15 6,11
Teneurs en ppm As–Zr
 As 4,79 < 0,79 < 0,79 5,41 28,14 8,00 8,30
 Ag < 0,07 < 0,07 < 0,07 < 0,07 < 0,07 < 0,07 < 0,07
 Ba 191,30 65,72 155,70 105,80 83,20 105,40 202,70
 Be < 0,14 < 0,14 < 0,14 < 0,14 < 0,14 0,68 < 0,14
 Bi < 0,33 < 0,33 < 0,33 < 0,33 < 0,03 < 0,03 0,03
 Cd < 0,05 0,08 0,08 0,07 < 0,08 0,09 < 0,08
 Ce 12,150 5,349 12,760 7,873 6,552 10,610 16,330
 Co 2,29 1,19 2,44 1,38 2,56 2,12 2,73
 Cr 10,74 < 1,65 11,36 < 1,65 8,09 13,15 15,23
 Cs 0,27 0,10 0,31 0,13 0,06a 0,08a 0,49
 Cu 0,64a 0,49a 5,55 0,85 2,29 3,17 3,76
 Dy 0,681 0,509 0,672 0,405 0,430 0,754 0,937
 Er 0,365 0,354 0,363 0,213 0,237 0,448 0,481
 Eu 0,205 0,093 0,210 0,130 0,117 0,185 0,279
 Ga 2,88 1,14 3,04 1,68 1,66 2,36 4,04
 Gd 0,769 0,408 0,790 0,479 0,447 0,744 1,040
 Ge 0,30 0,19 0,33 0,28 0,19 0,34 0,33
 Hf 1,29 0,71 0,91 1,26 1,04 1,75 1,18
 Hg 0,04 0,08 0,04 0,11 0,09 0,05 0,09
 Ho 0,128 0,116 0,128 0,074 0,083 0,152 0,175
 In < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,59 < 0,59 < 0,59
 La 6,226 2,762 6,515 4,057 3,321 5,400 8,350
 Li 0,49a 0,30 1,09 0,46 0,79a 0,64a 1,09a
 Lu 0,060 0,052 0,055 0,036 0,040 0,074 0,073
 Mo 1,00 0,54 0,53 0,73 0,36 1,75 4,05
 Nb 2,61 1,09 2,66 1,71 1,87 2,98 3,31
 Nd 5,207 2,319 5,370 3,340 2,924 4,688 7,160
 Ni 12,33 8,49 12,53 14,92 8,54 8,06 15,88
 Pb 2,78 1,51 2,57 2,36 1,99 2,25 3,31
 Pr 1,397 0,627 1,471 0,919 0,768 1,238 1,885
 Rb 16,96 11,27 15,52 11,61 34,57 43,32 21,99
 Sb < 0,70 < 0,70 < 0,70 < 0,70 < 0,15 < 0,15 < 0,15
 Sm 0,945 0,445 0,989 0,631 0,574 0,894 1,354
 Sn < 0,08 < 0,08 < 0,08 < 0,08 0,22 0,31 0,38
 Sr 191,50 61,07 155,50 112,40 62,87 81,04 208,10
 Ta 0,21 0,09 0,22 0,13 0,15 0,23 0,26
 Tb 0,116 0,074 0,116 0,067 0,071 0,124 0,162
 Th 1,73 0,77 1,77 1,06 1,04 1,83 2,32
 Tm 0,053 0,056 0,053 0,031 0,037 0,070 0,073
 U 0,80 0,40 0,53 0,42 0,35 0,59 1,45
 V 12,58 4,29 10,64 6,90 7,40 14,50 22,91
 W 0,22 < 0,13 0,20 0,21 0,21 0,89 0,38
 Y 3,71 3,50 3,57 1,92 2,55 4,61 5,20
 Yb 0,379 0,349 0,362 0,223 0,252 0,468 0,473
 Zn 15,25 < 3,80 15,95 11,23 < 3,80 < 3,80 4,82a
 Zr 52,38 29,19 36,82 54,59 38,90 66,72 42,74

a Analyses effectuées au LSH (Montpellier).

Le contenu global en éléments traces (206–558 ppm) est important. Au contraire des spirulines de France la plupart des éléments en traces sont en effet quantifiés dans le dihé et seuls Ag, Be, Bi, In, Sb, Sn ne sont quantifiés dans aucun échantillon. Tous les échantillons contiennent des teneurs élevées de Zr (29,19–54,59 ppm) et terres rares (13,513–29,854 ppm) non quantifiés dans les spirulines de France. Tous les échantillons contiennent aussi Cs (0,1–0,31 ppm), Ga (1,14–3,04 ppm), Ge (0,19–0,33 ppm), Hf (0,71–1,29 ppm), Li (0,30–1,09 ppm), Nb (1,09–2,66 ppm), Ta (0,09–0,22 ppm), Th (0,77–1,77 ppm), V (4,29–12,58 ppm) et Y (1,92–3,71 ppm) non quantifiés dans les spirulines de France. W (0,20–0,22 ppm), non quantifié dans les spirulines de France, est quantifié dans trois échantillons. Ba (65,72–191,30 ppm), Rb (11,27–16,96 ppm), Sr (61,07–191,50 ppm) sont à des teneurs beaucoup plus élevées que celles des spirulines de France. Le Co (1,19–2,44 ppm) est quantifié dans tous les échantillons à des teneurs supérieures à celles des spirulines de France et parfois à celles de la littérature. Le Cu (0,49–5,55 ppm) est quantifié dans tous les échantillons ; un seul échantillon a une teneur (5, 55 ppm) comparable à celle des spirulines de France, les autres ont des teneurs inférieures aux minima de la littérature. Ni (8,49–14,92 ppm) et Mo (0,53–1,00 ppm) sont quantifiés dans tous les échantillons à des teneurs supérieures à celles des spirulines de France, mais comparables à celles de la littérature. U (0,40–0,80 ppm) est quantifié dans tous les échantillons, à des teneurs supérieures à celles des spirulines de France. Cr (10,74–11,36 ppm) est quantifié dans deux échantillons à des teneurs supérieures à celles des spirulines de France, mais comparables à celles de la littérature. Zn (11,23–15,95 ppm) est quantifié dans trois échantillons à des teneurs comparables à celles des spirulines de France. Les éléments toxiques, Cd (0,07–0,08), quantifié dans trois échantillons, Hg (0,04–0,11 ppm) et Pb (1,51–2,78 ppm), quantifiés dans tous les échantillons, sont à des teneurs inférieures ou égales aux normes de qualité, respectivement 0,5 ppm, 0,1 ppm et 5 ppm [2]. L’As est quantifié dans deux échantillons, avec des teneurs (4,79–5,41 ppm) supérieures à la norme de qualité de 3 ppm [2].

3.2.2 Les spirulines

Les spirulines séchées par nos soins ont une composition comparable à celle du dihé (Tableau 4). Le contenu global en éléments majeurs (186–218 g/kg) est plus élevé que celui du dihé. Les teneurs en Si (48,57–65,09 g/kg) sont nettement plus faibles que celles du dihé, car les spirulines séchées sur papier filtre contiennent beaucoup moins de grains de sable que le dihé. Les teneurs en Na (36,56–92,95 g/kg) et K (19,43–36,21 g/kg) sont beaucoup plus élevées que celles du dihé. Ces teneurs reflètent les fortes concentrations en Na et K des eaux des ouadis de Touffou (Na = 27 g/L ; K = 6 g/L), Barkadroussou (Na = 24 g/L ; K =6 g/L) et Konorom (Na = 14 g/L ; K = 1 g/L) à l’époque de la récolte des spirulines. Al, Fe, Mn, Mg, Ca, Ti et P sont à des teneurs comparables à celles du dihé. Le contenu global en éléments traces (305–616 ppm) est semblable à celui du dihé. Ag, In, Sb ne sont pas quantifiés. Les éléments toxiques Cd (0,09 ppm), quantifié dans un échantillon, Hg (0,05–0,09 ppm), Pb (1,99–3,31 ppm) et Sn (0,22–0,38 ppm), quantifiés dans tous les échantillons, sont à des teneurs inférieures aux normes de qualité [2]. As (8,00–28,14 ppm) est quantifié dans tous les échantillons à des teneurs supérieures aux normes de qualité [2]. Les autres éléments traces sont à des teneurs comparables à celles du dihé.

3.2.3 Pollution du dihé et des spirulines

Les teneurs élevées en Si, Al, Fe, Ti, Ba, Rb, Sr, Zr, terres rares et le contenu notable dans les autres éléments traces traduisent une importante pollution minérale du dihé et des spirulines. Mis à part une teneur nettement plus faible en Si, les spirulines ont une composition semblable à celle du dihé. La pollution est donc essentiellement liée au mode de récolte des spirulines. La boue du fond des mares est en effet mise en suspension par le piétinement des nombreuses personnes qui recueillent les spirulines et le produit récolté est en fait un mélange de spiruline, d’eau et de boue. Le dihé est plus riche en Si, car le mélange est ensuite versé dans des cuvettes creusées pour la circonstance dans le bas des dunes de sable pur qui bordent les ouadis, où il sèche en quelques jours. De ce fait, la face inférieure des galettes de dihé contient beaucoup des grains de sable [21].

Pour confirmer la pollution des spirulines lors de la récolte, nous avons dosé les terres rares des eaux et des boues des berges des ouadis (Tableau 5). Les profils de terres rares normalisés aux chondrites du dihé et des spirulines [22] sont très semblable entre eux (Fig. 1), faiblement fractionnés (5,37 < LaN/YbN < 12,36), avec une nette anomalie négative en Eu (0,67 < Eu/Eu* < 0,73). Ces profils, très différents de ceux des eaux des ouadis (Fig. 1), confirment que les spirulines ne concentrent pas les terres rares, dont la présence ne peut être attribuée qu’à la pollution. Les profils normalisés des spirulines de Touffou, Barkadroussou et Konorom sont strictement parallèles à ceux des boues des ouadis respectives (Fig. 2), confirmant ainsi la pollution des spirulines par les boues lors de la récolte.

Tableau 5

Teneurs en As et terres rares des sols et des eaux des ouadis.

STOUF
ppm
SBARK
ppm
SKNOR
ppm
ETOUF
μg/L
EBARK
μg/L
EKONO
μg/L
La 13,880 9,041 26,090 0,15 0,15 0,12
Ce 30,120 18,930 52,080 0,29 0,29 0,20
Pr 3,242 2,139 5,897 < 0,01 < 0,01 < 0,01
Nd 13,240 8,399 22,690 1,07 1,06 < 0,05
Sm 2,522 1,589 4,183 1,04 0,74 0,48
Eu 0,521 0,345 0,884 < 0,01 < 0,01 < 0,01
Gd 2,141 1,360 3,424 < 0,02 < 0,02 < 0,02
Tb 0,324 0,213 0,506 < 0,01 < 0,01 < 0,01
Dy 1,916 1,314 2,890 < 0,02 0,34 < 0,02
Ho 0,370 0,256 0,534 < 0,01 0,10 0,13
Er 1,065 0,743 1,512 0,46 0,54 < 0,01
Tm 0,157 0,114 0,226 0,14 0,10 < 0,01
Yb 1,076 0,765 1,492 0,68 0,73 < 0,01
Lu 0,167 0,120 0,233 0,16 0,17 < 0,01
As < 1,80 1,82 2,17 210 235 370
Fig. 1

Concentrations en ppm, normalisées aux concentrations des chondrites (valeurs d’après [22]) du dihé, des spirulines du Tchad et des eaux des ouadis de Touffou (ETOUF), Barkadroussou (EBARK) et Konorom (EKONO).

Fig. 2

Concentrations en ppm, normalisées aux concentrations des chondrites (valeurs d’après [22]) des spirulines du Tchad et des sols des ouadis. Tc8.1, Tc10.1, Tc6.1 : spirulines récoltées aux ouadis de Touffou, Barkadroussou et Konorom. STOUF, SBARK, SKNOR : sols des ouadis de Touffou, Barkadroussou et Konorom.

Les teneurs en As étant problématiques, nous avons dosé cet élément dans les eaux et les boues des berges des ouadis (Tableau 5). L’As est quantifié dans les spirulines (Tableau 4) à des teneurs supérieures à celles des boues des ouadis. Les teneurs élevées en As ne peuvent donc pas être attribuées à la pollution des spirulines par les boues lors de la récolte. Les teneurs en As des eaux des ouadis sont très élevées (Tableau 5). Les facteurs de concentration en As des spirulines sont variables (22 à 134), mais largement inférieurs aux maxima possibles des facteurs de concentration de l’As des spirulines de France (Tableau 3). Les teneurs en As du dihé sont donc dues essentiellement à la concentration de cet élément par les spirulines. Le mode traditionnel de préparation des sauces destiné à éliminer le plus possible la phase minérale [21] n’éliminera donc pas l’As du dihé. Le risque en termes de santé d’une consommation normale de dihé doit être relativisé car, dans les algues, mis à part le hijiki consommées au Japon, l’As inorganique toxique est toujours à une très faible teneur [23] et représente au plus 10 % de l’As total [24]. Avec une consommation moyenne de dihé de 11 g/jour par personne [25], la consommation du dihé de l’ouadi de Touffou, le plus riche en As (28 ppm), correspond pour un homme de 60 kg à l’ingestion journalière d’une dose d’As inorganique de 0,5 μg/kg bw bien inférieure au Previsional Tolerable Daily Intake (2 μg/kg bw) recommandé par les organisations internationales [26].

3.3 Autres spirulines d’Afrique

Les spirulines cultivées au Togo, au Niger, au Mali, au Burkina-Faso et en République centrafricaine ont des compositions chimiques semblables (Tableau 6). Les teneurs en Si (0,65–5,76 g/kg) et Al (0,17–0,97 g/kg) quantifiés dans tous les échantillons et en Ti (0,04–0,07 g/kg) quantifié dans les spirulines du Togo, du Burkina-Faso et de République centrafricaine sont beaucoup plus faibles que celles des spirulines du Tchad. Les teneurs en Fe (0,35–1,26 g/kg), Mn (0,023–0,031 g/kg), Mg (2,83–5,27 g/kg), Ca (0,94–3,57 g/kg), Na (11,74–24,77 g/kg), K (14,89–20,87 g/kg), P (7,18–15,74 g/kg) sont comparables à celles des travaux antérieurs.

Tableau 6

Teneurs en éléments majeurs (Si–P en g/kg) et traces (As–Zr en ppm) des spirulines cultivées au Togo (To16), au Niger (Ni17), au Mali (Ma18), au Burkina-Faso (Bu20) et en République centrafricaine (Ca28).

To16 Ni17 Ma18 Bu20 Ca28
Teneurs en g/kg Si–P
 Si 5,76 1,35 0,65 3,81 2,91
 Al 0,97 0,31 0,17 0,86 0,39
 Fe 1,26 0,51 0,35 0,78 0,69
 Mn 0,031 0,023 0,023 0,031 0,031
 Mg 2,93 2,83 3,19 5,27 2,96
 Ca 2,44 0,96 0,94 3,57 1,39
 Na 12,64 12,91 24,77 11,74 15,41
 K 20,87 15,08 17,87 14,89 16,87
 Ti 0,07 < 0,03 < 0,03 0,04 0,04
 P 7,18 11,54 15,74 10,13 10,20
Teneurs en ppm As–Zr
 As < 2,52 < 2,52 < 2,52 < 2,52 < 2,52
 Ag < 0,06 0,07a 0,07a < 0,06 < 0,06
 Ba 9,81 3,55 2,49 12,04 5,98
 Be < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,13
 Bi < 0,33 < 0,33 < 0,33 < 0,33 < 0,33
 Cd < 0.05 0.98 0.12 < 0.05 < 0.05
 Ce 0,762 2,628 4,425 1,628 0,527
 Co 0,65 0,44 0,37 0,52 0,26
 Cr < 1,33 < 1,33 < 1,33 6,35 < 1,33
 Cs < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,04 < 0,04
 Cu 10,91 5,59 4,22a 4,18 1,83a
 Dy 0,044 0,061 0,108 0,089 0,025
 Er 0,025 0,029 0,041 0,050 0,016
 Eu 0,014 0,025 0,062 0,032 0,008
 Ga 0,27 < 0,24 < 0,24 0,38 < 0,24
 Gd 0,040 0,082 0,176 0,118 0,023
 Ge < 0,10 < 0,10 < 0,10 < 0,10 < 0,10
 Hf 0,07 0,10 0,05 0,08 0,08
 Hg 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01 < 0,01
 Ho 0,008 0,010 0,017 0,016 0,005
 In < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19
 La 0,372 1,076 2,906 0,946 0,246
 Li 0,69a < 0,14 < 0,14 0,29a 0,29a
 Lu 0,004 0,004 0,004 0,008 0,002
 Mo 0,38 0,17 < 0,15 < 0,15 0,23
 Nb 0,21 0,13 0,12 0,25 0,13
 Nd 0,303 0,619 1,536 0,754 0,216
 Ni 7,33 5,03a 5,96a < 2,15 < 2,15
 Pb < 0,54 < 0,54 < 0,54 15,00 0,58
 Pr 0,080 0,179 0,436 0,205 0,056
 Rb 52,74 2,72 11,83 2,04 10,78
 Sb < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19 < 0,19
 Sm 0,052 0,103 0,225 0,133 0,037
 Sn < 0,59 < 0,59 < 0,59 < 0,59 < 0,59
 Sr 23,27 13,13 23,23 21,12 8,19
 Ta 0,02 0,01 0,01 0,03 0,01
 Tb < 0,008 0,010 0,022 0,015 < 0,008
 Th 0,08 0,07 0,06 0,30 0,07
 Tm 0,004 0,004 0,005 0,007 0,002
 U 0,10 0,23 0,07 0,13 < 0,01
 V 2,83 < 0,31 < 0,31 < 0,31 < 0,31
 W < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,13 < 0,13
 Y < 0,39 < 0,39 0,57 0,69 < 0,39
 Yb 0,028 0,022 0,026 0,052 0,016
 Zn 30,57 20,05 15,81 76,99 13,95
 Zr 2,88 4,48 2,12 3,23 3,02

a Analyses effectuées au LSH (Montpellier).

Le contenu global en éléments traces (47–148 ppm) est plus faible que celui des spirulines du Tchad. Tous les échantillons contiennent Ba (2,49–12,04 ppm), Co (0,26–0,65 ppm), Cu (1,83–10,91 ppm), Hf (0,05–0,10 ppm), Nb (0,12–0,25 ppm), Rb (2,04–52,74 ppm), Sr (8,19–23,27 ppm), Ta (0,01–0,03 ppm), Th (0,06–0,30 ppm), Zn (13,95–76,99 ppm) et Zr (2,12–4,48 ppm). Tous les échantillons contiennent des terres rares avec un contenu global (1,183–9,989 ppm) notable. Les spirulines du Niger et du Mali contiennent un peu d’Ag (0,07 ppm). Le Cr (6,35 ppm) est quantifié seulement dans la spiruline du Burkina-Faso. Les spirulines du Togo et du Burkina-Faso contiennent un peu de Ga (0,27–0,38 ppm). Le Li est quantifié (0,29–0,69 ppm) dans les spirulines du Togo, du Burkina-Faso et de République centrafricaine. Le Mo (0,17–0,38 ppm) est quantifié dans les spirulines du Togo, du Niger et de République centrafricaine. Les spirulines du Togo, du Niger et du Mali contiennent du Ni (5,03–7,33 ppm). L’U (0,07–0,23 ppm) n’est pas quantifié seulement dans les spirulines de République centrafricaine. La spiruline du Togo contient du V (2,83 ppm). L’Y (0,57 – 0,69 ppm) est quantifié dans les spirulines du Mali et du Burkina-Faso. Be, Bi, Ge, In, Sb, Sn et W ne sont quantifiés dans aucun échantillon. Les éléments toxiques, Cd (0,12–0,98 ppm), quantifié dans les spirulines du Niger et du Mali et Hg (0,01 ppm), quantifié dans les spirulines du Togo sont à des teneurs inférieures aux normes de qualité [2]. As et Sn ne sont pas quantifiés. La spiruline de République centrafricaine contient très peu de Pb (0,58 ppm) et la spiruline du Burkina-Faso a une teneur en Pb (15 ppm) très supérieure à la limite de qualité (5 ppm) des spirulines de France [2].

Ces compositions, plus proches de celles des spirulines du Tchad que de celles des spirulines de France, traduisent la pollution minérale des échantillons. Si, Al, Ba, Rb, Sr, Zr et les terres rares sont les éléments les plus caractéristiques de cette pollution. Avec des teneurs en éléments majeurs et traces plus faibles que celles des spirulines du Tchad, les spirulines du Togo, du Niger, du Mali, du Burkina-Faso et de République centrafricaine sont globalement beaucoup moins polluées que celles-ci. En Afrique, du fait du mode de culture très artisanal, les spirulines peuvent être polluées par les poussières transportées par les vents d’harmattan ou de mousson et par l’introduction accidentelle de terre dans les bassins de culture et dans la biomasse lors de la récolte, du séchage et du conditionnement. Les profils de terres rares des spirulines doivent refléter les sources de pollution. Normalisés aux chondrites [22], les profils de terres rares des spirulines présentent des appauvrissements variables en terres rares lourdes (9,03 < LaN/YbN < 75,93), sans nette anomalie en Eu (0,78 < Eu/Eu* < 0,95). Les poussières transportées régionalement par les vents [27] ont des profils de RRE normalisés (Fig. 3), moins fractionnés (6,91 < LaN/YbN < 10,19), avec une anomalie en Eu plus marquée (0,27 < Eu* < 0,72) et une faible anomalie positive en Tm par rapport à Er et Yb. Ces profils profondément différents de ceux des spirulines permettent d’écarter une pollution d’origine éolienne. La pollution des spirulines du Togo, Niger, Mali, Burkina-Faso et République centrafricaine est donc plutôt d’origine pédologique.

Fig. 3

Concentrations en ppm, normalisées aux concentrations des chondrites (valeurs d’après [22]) des spirulines du Togo (To16), du Niger (Ni17), du Mali (Ma18), du Burkina-Faso (Bu20), de République centrafricaine (Ca28) et des particules d’origine éoliennes (AE) de la partie est du « Sahara–Sahel Dust Corridor », d’après [27].

4 Conclusion

Les spirulines analysées ne présentent pas de problème de toxicité, mis à part la spiruline du Burkina-Faso, dont la teneur en Pb est largement supérieure à la norme de qualité des spirulines de France. La composition des spirulines est différente selon les sites de production. La variabilité des teneurs peut être en grande partie attribuée à une pollution minérale plus ou moins importante des spirulines. Les spirulines de France ne sont pas polluées. Les spirulines du Tchad sont très polluées. Les profils de terres rares sont en accord avec une pollution par les boues des berges des ouadis. La pollution est donc essentiellement liée au mode de récolte. Les spirulines du Togo, du Mali, du Niger, du Burkina-Faso et de République centrafricaine sont moins polluées que celles du Tchad. Les profils de terres rares permettent d’écarter une pollution d’origine éolienne. La pollution est plutôt d’origine pédologique. Parmi les éléments les plus caractéristiques de la pollution, seules les terres rares sont quelquefois dosées dans les spirulines. Du fait des très faibles valeurs des facteurs de concentration des terres rares calculés pour les spirulines de France, les teneurs notables relevées dans la littérature traduisent, comme pour les spirulines d’Afrique, la pollution minérale des échantillons plutôt que la concentration des terres rares par les spirulines.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements

Ce travail a été financé par le projet Corus no 02319079. Les auteurs remercient MM. Jean-Paul Jourdan et Malloum Abakar Kaya pour l’aide qui leur a été apportée.


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