Introduction
Cet article présente des observations concernant les grands hôpitaux et les centres de santé. En France, contrairement à ce qui a été observé dans d'autres pays développés, le système des hôpitaux a peu évolué au cours des 50 dernières années, avec pour conséquence une crise financière et des ressources humaines. La France a par ailleurs à son actif une expérience diversifiée et réussie en matière d'initiatives de créations de centres de santé. Ces observations peuvent utilement éclairer la politique en matière de création de structures d'hospitalisation dans les pays émergents et en développement.
1 Les grands hôpitaux
1.1 Les structures des hôpitaux dans le monde occidental
Les hôpitaux peuvent être répartis en 3 grandes catégories :
- – Les établissements publics, propriété publique, représentent en France 65% des capacités d'accueil ;
- – Les établissements Privés à but Non Lucratif (les PNL) représentent 28% des 3000 hôpitaux français et 15% des capacités d'accueil. Ce sont, en majorité, des établissements Participant au Service Public Hospitalier (PSPH). L'Alsace se distingue par une majorité de tels établissements non lucratifs ;
- – Les établissements Privés Lucratifs (PL), 20% des capacités d'accueil, dont la place relative tend à augmenter.
Cette répartition et sa faible évolution sont originales en France en comparaison de celles d'autres pays occidentaux où les autorités cherchent à assouplir la gestion du secteur hospitalier en privatisant les structures des hôpitaux publics tout en les encadrant.
Aux Etats-Unis, les établissements privés non lucratifs occupent la même place et jouent le même rôle que les CHU en France, assurant une fonction d'intérêt général aidée par les finances publiques. Aux Pays Bas, où le privé lucratif est interdit et les services, gratuits, les PNL représentent la plus grande partie du système hospitalier. En Allemagne, les établissements PNL sont devenus majoritaires à la suite de la réforme récente qui a réduit sensiblement le secteur public.
En Grande-Bretagne, Tony Blair a voulu améliorer un système largement nationalisé depuis 1948, réputé pour son insuffisance, ses temps d'attente et sa qualité contestable. Il a, depuis les années 2000, consacré à ce service public de l'hospitalisation, plus encore qu'à d'autres services publics comme l'éducation et les transports, un financement public important, si important qu'il menace aujourd'hui l'équilibre du budget britannique de Gordon Brown. La réforme a conduit à rendre au secteur privé sous forme de fondations une partie des établissements nationalisés en 1948. Cet ensemble de réformes aurait eu jusqu'alors des effets contestables puisqu'elle aurait conduit à augmenter considérablement les rémunérations du corps médical, mais aurait peu amélioré la qualité des soins. Il résulterait aussi de ces réformes que des personnels de santé n'appartiennent plus au cadre de la fonction publique britannique.
En France, par contre, les structures ont peu changé. Les hôpitaux publics restent largement majoritaires. Le secteur privé non lucratif tend à régresser alors que le secteur privé lucratif progresse. Enfin, la grande majorité des personnels est gérée dans le cadre de la fonction publique hospitalière. Or, le système français connaît des difficultés.
1.2 Les difficultés du système hospitalier français
Certes, les hôpitaux publics, propriété publique, sont appréciés par l'opinion publique française. Il faut rappeler que la réforme Debré de 1958 créant les CHU a fait cesser une situation dans laquelle l'hôpital public était en France l'hôpital du pauvre. C'est l'élan de cette réforme qui a permis une qualité des soins jugée bonne par l'opinion et une avancée de la recherche française. La qualité de l'hospitalisation française n'est pas contestée non plus par l'étranger. En témoigne le nombre de patients étrangers de toutes conditions, des chefs d'État aux classes moyennes, qui y sont accueillis. Américains, Anglais, Africains viennent se faire soigner en France et pas seulement pour les facilités financières que nous leur offrons.
Mais le système hospitalier français connaît une crise à la fois financière, de structure et de recrutement.
1.2.1 La crise financière
Les hôpitaux occupent une place croissante, 50% en 2006, des dépenses d'assurance maladie, ce qui pèse lourdement sur le déficit de la sécurité sociale qui a atteint près de 12 milliards d'euros en 2007. Les déficits de notre hospitalisation, sont plus forts que chez nos voisins. Ils ont tendance à perdurer dans la structure actuelle de notre hospitalisation publique.
Les échecs des changements des modes de gouvernance des hôpitaux publics en témoignent. On est passé d'une tarification à l'acte à la dotation globale et aujourd'hui à la tarification à l'activité, proche de la première et déjà largement critiquée avant même d'être définitivement mise en place.
1.2.2 La crise du recrutement de jeunes médecins
La France comme la plupart des pays manque de jeunes médecins, particulièrement dans le secteur public hospitalier. Un jeune médecin après une durée d'études qui dépasse 10 ans gagne moins de 2500 euros mensuels alors que dans le secteur privé médical comme dans d'autres professions, la banque, le consulting, les industries de pointe et notamment pharmaceutiques, les rémunérations sont plus élevées. Notre système hospitalier est par là en danger de mort et avec lui la formation dans nos CHU d'un nombre suffisant de jeunes.
1.2.3 La crise de structure
Les personnes en charge de la gestion des hôpitaux dans les instances de direction comme administrateurs ou comme soignants se plaignent du poids croissant des procédures administratives complexifiées par l'application des 35 heures, malgré la qualité de l'encadrement administratif. Y contribue la rigidité du statut des hôpitaux publics et du cadre de la fonction publique hospitalière dans lequel les éventuelles défaillances du personnel sont peu sanctionnées et les dévouements mal récompensés. Il en résulte une démotivation, une dégradation des conditions de travail, une augmentation des dépenses, dénoncées régulièrement. Les démissions successives des directeurs de l'Assistance publique témoignent de la difficulté de gérer efficacement.
Or à la différence d'autres pays occidentaux, la France n'a pas changé les structures hospitalières qui restent, majoritairement, en propriété publique, contrairement à de nombreux pays occidentaux. Certes, il n'existe pas de formule miracle. Les coûteuses privatisations britanniques n'ont pas mis fin à de multiples disfonctionnements tout en aggravant l'inégalité des revenus dans le secteur hospitalier. Mais la France ne propose aucune réforme à un système qui mène à la faillite. Les PSPH, hôpitaux français non lucratifs d'intérêt général, chargés du service public d'hospitalisation, présentent une structure moins rigide que le reste du secteur public hospitalier et bénéficient d'une gestion moins dispendieuse. Malheureusement, ils régressent parce que la réglementation actuelle les pénalise en raison de dispositions réglementaires défavorables : leurs charges sociales de personnel sont supérieures de 11% à celles des autres hôpitaux publics faute de leur prise ne charge par l'État comme dans les hôpitaux publics. Le report de leurs déficits leur est par ailleurs interdit. Pourtant ils sont étroitement réglementés et soumis aux mêmes obligations de service public que le secteur public hospitalier : tous les services doivent être assurés dans les mêmes conditions que dans les autres hôpitaux publics, alors que cette obligation n'est pas de règle dans le secteur non lucratif.
On peut s'interroger sur le silence qui entoure la réforme des structures hospitalières en France alors qu'elle commande le bon fonctionnement et l'équilibre financier de notre système hospitalier au bord de la faillite. Il serait grand temps qu'un large débat s'instaure sur ce sujet.
2 Le modèle français des Centres de santé
Ces centres sont le fruit d'initiatives le plus souvent privées, remontant loin dans le passé, d'inspiration religieuse ou laïque, industrielle comme celles du Groupe Schneider au Creusot ou municipale. Ce sont ces initiatives privées qui ont aussi permis la création de réseaux, au départ totalement bénévoles, de systèmes de sécurité sociale comme celui de la sécurité sociale agricole.
Un très grand nombre de ces centres de santé dont la gestion est décentralisée existe aujourd'hui en France. Fruit d'initiatives privées et publiques décentralisées, ils combinent des financements de municipalités et d'autorités départementales insérées dans notre système de Sécurité Sociale. Ils combinent aussi différents types de services dont la Protection Maternelle et Infantile (PMI) à laquelle la France doit notamment d'avoir le meilleur taux au monde de mortalité au bas âge.
3 Conclusion
Il ne faudrait pas que les pays émergents et en développement suivent toujours l'exemple des systèmes hospitaliers des pays développés. Ils sont encore trop souvent attirés par des structures publiques rigides. Les progrès des structures de santé dépendent aussi d'initiatives décentralisées. L'exemple des centres de santé en est une bonne illustration et mériterait d'être mieux connu dans ces pays.