Abridged English version
The immunological synapse concept, introduced by Norcross in 1984, is now supported by an increasing number of data indicating that both tissues (the blood and brain) express many common molecules (cytokines and cellular signalling proteins). Among them, there is the p56lck (lymphocyte cellular kinase), a protein tyrosine kinase (PTK) of the Src family which plays a pivotal role in T lymphocytes to transduce the activation signal. Expression of this lymphocyte PTK in the rat and mouse brain was reported in 1996 by two teams. But the ectopic expression of p56lck was also reported in some other cell types: cardiomyocytes, osteoblastes, hepatocytes and germinal cells. However, the expression of p56lck in these cells is low (as compared with its expression in the thymus and lymphocytes) and consequently, no further attempt has been made to elucidate its role, except in cardiomyocytes. In these cells, p56lck has been shown to be involved in pathways to protect them against the ischemic damage that follows a heart failure.
New insights concerning the role of p56lck in the brain have come from two clinical reports indicating that the p56lck level is decreased in the brain of Alzheimer patients and that one SNP of the lck gene could be a risk factor for the disease. We decided to reinvestigate the original biochemical data and to confront them with the present knowledge.
Expression of p56lck in the brain and putative role
The lck RNA was detected in the rat and mouse brain, mainly located in the hippocampus, cerebellum and olfactive bulbs. Presence of the Lck protein was confirmed in these structures and observed in some others (the frontal cortex, lateral ventricles, the brain stem and choroid plexus). However, the Lck level in brain appears very low when compared with the level in lymphocytes.
On the other hand, the 5’ lck sequence (deduced from a partial neuronal cDNA) is different from the 5’ lymphocyte sequence and it was reported that the brain and lymphocyte Lck proteins exhibit some different characteristics (a different pHi value and a different proteolytic profile). Altogether, these data indicate that the lck RNA in the brain is slightly different from the lymphocyte RNA, and that the Lck proteins produced from these transcripts are slightly different. Our previous analysis on lck gene expression led us to describe the existence of several alternative lck transcripts arising from either the proximal or distal promoter. One of them is characterized by the exon 1’ splicing and thus leads to an isoform with a short different NH2-end. We suggest that the neuronal Lck protein could result from a similar alternative lck transcript.
More recently, a clinical study indicates that the level of p56lck is decreased in several brain areas (especially the hippocampus) of Alzheimer patients. This suggests that in healthy people, the Lck protein could be involved in some neuronal protective pathways. A second study indicates that a peculiar lck SNP (single nucleotide polymorphism) detected in these patients is associated with some cases of the disease. This SNP takes place in intron 1 where the proximal lck promoter is located. It could thus affect the lck gene transcription and could be responsible for the low protein level. Thus, the neuronal Lck protein could be involved in some survival and/or antiapopototic pathways to protect neurons from degeneracy. We discuss some neurotrophic and/or anti-inflammatory signalling pathways which could involve the neuronal p56lck (p56lckN).
Alternative splicing and other mechanisms common to both nervous and immune systems
Brain and immune systems are known to be the tissues that produce the greatest number of isoforms. These isoforms arise by alternative splicing of coding exons and it is believed that it is the coordinated-splicing change of a group of genes which leads to the neuronal plasticity. However, other more sophisticated mechanisms, similar to those existing in the immune system, are also used in the brain to produce specific (neuronal) isoforms. We discuss of two of these mechanisms:
- i) the allele and/or exon choice (used to express the CNR/Pcdh genes) and;
- ii) the sequence rearrangements (used to express the TcRβ gene in neocortex and thalamic neurons).
Altogether, these mechanisms could allow a rapid and adaptive response of immune and neuronal cells.
1 Introduction
Le terme de synapse, introduit par Sherrington en 1897, désignait initialement le point de contact entre neurones. Maintenant, il désigne toutes les connections des neurones, quel que soit le type cellulaire voisin (astrocyte, oligodendrocyte, microglie, cellule de Schwann, fibre musculaires ou cellule glandulaire). En 1984, l’immunologiste Norcross constatait les nombreuses similitudes existant entre les systèmes immunologiques et nerveux (il en exposa cinq) et décidait d’utiliser le terme de synapse pour désigner le contact entre cellules présentatrices d’antigène et les lymphocytes T [1].
L’analogie entre les deux systèmes peut aussi maintenant être étendue au niveau moléculaire puisqu’il s’avère que certaines protéines, longtemps considérées comme spécifiques au système immunitaire, sont aussi exprimées dans le système nerveux central. Ainsi certains des marqueurs membranaires et des cytokines exprimés par la microglie furent initialement observés dans les macrophages. Ceci n’a plus rien de surprenant puisque que l’on sait maintenant que la microglie provient de précurseurs de la lignée monocyte/macrophage qui colonisent le cerveau au cours du développement et s’y différencient (partiellement) en microglie [2].
Parmi les protéines conjointement exprimées par les deux systèmes, on peut aussi mentionner la p56lck [3,4], une protéine tyrosine kinase (PTK) dont l’acronyme indique la spécificité cellulaire initialement observée (lck, lymphocyte cellular kinase) [5]. Mais depuis sa mise en évidence dans les cellules T (thymocytes et lymphocytes T), la p56lck a aussi été observée dans les cardiomyocytes [6], les ostéoblastes [7], les hépatocytes [8] et les cellules germinales [9]. Le niveau d’expression de la p56lck dans ces types cellulaires est évidemment moindre que dans les lymphocytes T ou les NK, et les voies de signalisation auxquelles elle participe sont encore peu détaillées sauf en ce qui concerne les cardiomyocytes, où elle participe à un mécanisme de protection cellulaire contre l’ischémie du muscle cardiaque lors d’infarctus [10].
En ce qui concerne la p56lck dans les neurones [3,4], aucune autre étude n’avait confirmé sa présence ni tenté de comprendre son rôle dans le cerveau jusqu’à la publication de deux articles cliniques [11,12]. Ces études réalisées sur le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer donnent des pistes pour la compréhension du rôle de la p56lck dans le cerveau. Le premier article indique une relation entre le niveau d’expression de cette PTK et la maladie [11]. Le second article porte sur le polymorphisme du gène lck exprimé dans le cerveau de ces malades et fait apparaître un de ces SNP comme facteur de risque [12].
Dans cette revue, nous revenons sur les données princeps concernant la p56lck dans les neurones et les confrontons aux données acquises depuis. Nous les analysons également comparativement à l’expression des deux autres membres de la famille Src présents dans les neurones, la p59FynB et les p60Src (NI, NII). Enfin nous discutons de quelques voies dans lesquelles la p56Lck neuronale pourrait être impliquée pour protéger le cerveau de la perte neuronale.
2 Présence de la p56Lck dans les neurones
L’ARN lck fut mis en évidence dans le cerveau de souris par Omri et al. [3] et dans celui de rat par Van Tan et al. [4] par northern blot. Il est de même taille que celui de thymus (2,2 kb) mais son niveau d’expression est très différent puisqu’une exposition de trois semaines est nécessaire pour détecter le messager lck dans 30 μg d’ARN total de cerveau, alors que 20 heures d’exposition suffisent pour le détecter dans 8 μg d’ARN total de thymus. De plus, le signal détecté dans l’ARN de thymus est 15 à 20 fois supérieur à celui détecté dans l’ARN de cerveau [3]. Ensuite par hybridation in situ, les auteurs ont constaté que l’ARN lck est présent dans l’ensemble du cerveau adulte, mais que c’est dans l’hippocampe, le cervelet et les bulbes olfactifs que les cellules réactives sont les plus denses. Ces cellules correspondent aux neurones granulaires du gyrus denté de l’hippocampe et du cervelet ainsi qu’aux cellules pyramidales des couches CA1-CA4 de la corne d’Ammon [3].
La présence de la protéine Lck a été recherchée par immunohistochimie et détectée dans le cortex frontal, l’hippocampe (les dendrites des cellules de Purkinje principalement), le tronc cérébral, les bulbes olfactifs, les ventricules latéraux et le plexus choroïde [3]. Elle a aussi été mise en évidence dans le cerveau des rats nouveau-nés (neurones granulaires de cervelet de rats âgés de huit jours où elle colocalise bien avec la protéine NF200) [4], ainsi que dans les embryons (E16) de souris, localisée en particulier dans les dendrites des neurones [3].
L’analyse par western blot des lysats de lymphocytes et de cerveau de rat a confirmé que la protéine Lck est exprimée à un niveau très différent dans ces deux tissus. Le signal est très saturant dans l’extrait lymphocytaire aussi, il est difficile d’en déduire précisément un facteur de différence avec l’extrait de cerveau, mais il pourrait être de l’ordre de 100 [4].
Les protéines Lck issues de cerveau et de thymus sont apparemment de même poids moléculaire mais la comparaison des profils peptidiques, obtenus après digestion par des enzymes trypsiques, suggère l’existence d’une légère différence de structure primaire [4]. Un peptide supplémentaire de 16kDa est observé pour la protéine Lck neuronale après digestion par l’enzyme clostripaïne. Une autre analyse (utilisant le facteur Xa comme protéase) confirme l’existence d’une différence de séquence. Les auteurs concluent donc à une étroite similitude des p56lck lymphocytaire et neuronale mais non à leur identité. Cette modification de structure primaire est confirmée par une légère différence de pHi entre les deux protéines.
Par ailleurs, le séquençage d’un ADNc lck partiel (exons 5 à 10, obtenu par RT-PCR sur l’ARN de neurones de rat) a été réalisé [4]. Cette séquence fait apparaître quatre substitutions d’acides aminés par rapport à la séquence de la protéine lymphocytaire de souris, aux positions 34 (Ile > Ser), 35 (Ser > Thr), 40 (Asn > Thr) et 455 (Arg > Lys). De plus, les auteurs indiquent que la séquence des exons 1 à 4 décrite pour la protéine lymphocytaire n’a pas été retrouvée dans l’ARN lck neuronal. La différence de profil peptidique observée pour les protéines Lck neuronale et lymphocytaire peut donc résulter d’une différence de séquence des quatre premiers exons.
L’expression du gène lck a été recherchée dans la rétine car ce tissu nerveux s’autonomise très tôt au cours de l’ontogenèse pour se développer en une structure anatomique très ordonnée avec un nombre plus restreint de types cellulaires qui lui sont spécifiques. Un fragment de 1,5 kb correspondant à la partie médiane de la séquence lck a été amplifié par RT-PCR sur l’ARN extrait de rétine de souris adulte. Mais seules les extrémités 5’ et 3’ de ce fragment (164 pb et 279 pb, respectivement) ont été séquencées. Ces courtes séquences ne s’avèrent pas différentes de celles de l’ARN lck de thymus [13]. Par hybridation in situ, l’ARN lck a été retrouvé dans l’ensemble de la rétine mais le marquage diffère toutefois selon les couches cellulaires. Dans la couche des photorécepteurs, toutes les cellules sont marquées tandis que dans la couche interne seules les cellules ganglionnaires sont marquées. La protéine Lck a aussi été recherchée par immunofluorescence. Elle apparaît surtout dans la couche plexiforme externe (dans les segments internes des photorécepteurs) et la couche nucléaire interne. Les cellules bipolaires, amacrines et ganglionnaires, ainsi que les cellules de la couche plexiforme, sont plus faiblement marquées, tandis que les cellules de Müller ne le sont pas significativement [13]. Ces cellules sont spécifiques à la rétine et correspondent aux cellules gliales du cerveau. Cette observation est à rapprocher de celle de Van Tan et al. [4], sur la quasi-absence de marquage des cellules gliales du cerveau de rat. Dans le système nerveux central (cerveau et rétine), la protéine Lck n’est donc exprimée que dans les cellules de type neuronal. Le lysat de rétine a été analysé comparativement à celui de thymus par western blot. La protéine Lck est présente dans la rétine à un niveau, environ 10 fois, plus faible que dans le thymus [13].
L’expression du gène lck a également été recherchée dans le système nerveux périphérique et mise en évidence dans les cellules de Schwann, un type de cellules gliales propres aux nerfs (isolées après leur dissociation) [14]. La protéine Lck a aussi été mise en évidence dans le lysat global de nerfs. Mais l’ARN lck et/ou la protéine Lck n’ont pas été recherchés dans les motoneurones ni dans les nerfs sensitifs, autres populations importantes du système nerveux périphérique.
3 Expression de la p60src dans le cerveau
La p60src est une protéine ubiquitaire qui, chez l’adulte est exprimée à un niveau moyen et relativement comparable dans tous les tissus normaux sauf, dans les plaquettes, les monocytes et les fibroblastes où elle est légèrement plus élevée. Mais c’est au cours du développement et spécifiquement dans le cerveau, que le gène src est exprimé à un niveau élevé : dix fois celui des autres tissus embryonnaires de poulet [15]. Dans les neurones et les astrocytes de rat en culture primaire, la p60src est 15 à 20 fois plus abondante que dans les fibroblastes. Son activité spécifique est plus élevée et sa migration montre un léger retard par rapport à celle d’autres tissus [16]. La comparaison des peptides de digestion a permis de conclure à l’existence d’une structure protéique légèrement différente, annotée p60src+ [17].
D’autre part, le séquençage des ADNc src de cerveau de souris a révélé l’existence d’un transcrit contenant 18 nucléotides supplémentaires entre les exons 3 et 4, créant un mini exon alternatif (l’exon NI) codant pour six acides aminés : RKVDVR [17]. Ce mini exon NI est aussi exprimé dans le cerveau de poulet et d’homme où il code pour les mêmes six acides aminés. Il est aussi exprimé chez les poissons téléostéens (Xiphophorus hellen) mais deux des six acides aminés diffèrent [18]. Chez les amphibiens (Xenopus laevis) il n’y a que cinq acides aminés dont deux diffèrent [19]. Chez toutes ces espèces, on remarque la conservation des deux arginines situées en début et fin du mini exon. Le xénope (du fait de sa tétraploïdie) possède deux gènes src fonctionnels. Les ARN src+ issus de chaque gène possèdent tous deux les 15 nucléotides du mini exon mais ils différent par leur quatrième acide aminé. La perte du sixième codon chez le xénope est donc survenue avant la duplication du gène src. Chez le xénope, l’ARN src + apparaît au stade 15 du développement où son expression est quasiment restreinte à la plaque neurale. Elle précède de quelques heures la croissance des neurites qui s’effectue au stade 20-21. Il est à noter que le gène src n’est pas exprimé chez les invertébrés (l’hydre).
Dans le cerveau humain adulte et fœtal, un second exon alternatif annoté NII de 33 nucléotides, situé entre les exons NI et 4 a été mis en évidence. Il code pour la séquence peptidique QTWFTFRWLQR [20]. Les transcrits contenant les deux mini exons sont exprimés de façon comparable dans les cerveaux adulte et fœtal mais les transcrits ne contenant aucun des mini exons ou seulement l’exon NI sont plus abondants dans le cerveau fœtal. L’exon NII n’est jamais exprimé seul. Chez le xénope, aucun transcrit contenant ce mini-exon NII n’a été observé.
L’expression de ces ARNs src a été recherchée dans diverses tumeurs du tissu nerveux. Les neuroblastomes et les rétinoblastomes expriment les trois formes d’ARN src tandis que la majorité des paragliomes et des phéochromacytomes n’en expriment que deux (src et src NI + NII). Il a été établi que les neuroblastomes (y compris ceux des glandes surrénales) ne résultent pas de la différenciation des cellules chromaffines de la médullo-surrénale et que par conséquent, l’expression du variant src NI par ces tumeurs peut être considérée comme un marqueur de l’origine adrénalo-sympathique des cellules malignes [21]. De plus dans les premiers stades des neuroblastomes, il a été observé que la forte expression du variant src NI, associée à l’expression des marqueurs neuronaux tels que la N-énolase et la synaptophysine, corrèle avec un prognostic favorable. Dans les neuroblastomes de stades plus élevés, une corrélation inverse entre le niveau d’expression des variants src ( NI et NI + NII) et celui de l’amplification de N-myc, est aussi associée à un meilleur prognostic [22,23]. La présence des formes neuronales de la p60src permettrait donc une évolution bénéfique (différenciation neuronale) de ces tumeurs. Il a d’ailleurs été observé que certains neuroblastomes chez les très jeunes enfants disparaissent spontanément ou évoluent vers un état bénin (le ganglioneurome). On peut aussi noter que les lignées cellulaires établies à partir de gliomes n’expriment que la forme ubiquitaire de src, ce qui est logique vu leur origine non neuronale [24].
4 Expression de la p59fyn dans le cerveau
La p59fyn est l’autre PTK majeure des neurones. Il s’agit de l’isoforme FynB (brain) mais qui est en fait exprimée dans tous les tissus, sauf le thymus qui exprime l’isoforme FynT (thymus). Ces isoformes résultent de l’épissage mutuellement exclusif des exons 7A et 7B [25]. Une étude phylogénétique récente indique que l’exon primitif serait l’exon 7B et que le gène ancestral fynT aurait capturé un second exon 7 (l’exon 7A). L’exon plus récent (7A) a ensuite été sélectionné par tous les tissus, le système immunitaire conservant l’exon ancestral [26]. L’exon 7 code pour un fragment de la région Linker et du domaine catalytique. Les deux isoformes ont une activité kinase comparable (sur le substrat énolase) et sont capables de transduire l’activation produite par la liaison d’un anticorps anti-récepteur T. Mais seule la p59fynT est capable d’induire l’expression d’IL-2 en réponse à la stimulation spécifique du récepteur par l’antigène. L’incapacité de la p59fynB résulte de son impossibilité à stimuler le flux calcique dans les lymphocytes T [27].
La distribution de la p59fyn dans les différentes structures du cerveau a été recherchée chez des souris, par expression de la protéine de fusion βGal-Fyn [28]. Les souriceaux homozygotes naissent vivants mais présentent, entre autres, une malformation anatomique de l’hippocampe postérieur (due à l’augmentation de la couche de cellules pyramidales de la région CA3). Chez les souris hétérozygotes fynZ/fyn+ adultes, une forte expression est observée dans les bulbes olfactifs (couche interne de cellules granulaires et couches interne et externe plexiformes), dans le cervelet (couches internes de cellules granulaires et de Purkinje), dans l’hippocampe (couche de cellules pyramidales) et dans le gyrus denté (dendrites des cellules granulaires) ainsi que dans quelques autres aires du système limbique (cortex piriforme, amygdale et septum).
Dans le système sensoriel, l’expression de la protéine de fusion βGal-Fyn est forte dans la moelle épinière (cornes dorsales) et dans le bulbe-pont. Une étude au cours du développement rapporte l’expression dans le bourrelet neural dès le stade E7.5 puis dans le neuroectoderme (le long du sillon neural) à E8.5. L’expression dans les rhombomères r2 et r4 démarre aussi à E8.5. Après la fermeture du tube neural (E9.5), une forte expression est observée dans la couche marginale (fibres nerveuses en développement) mais aucune expression n’est observée dans la couche germinale des cellules neuroépithéliales en division ni dans les corps cellulaires des neurones en différenciation.
Dans la rétine de poulet adulte, la p59fyn est observée dans les photorécepteurs ainsi que dans les corps cellulaires des cellules amacrines et des cellules ganglionnaires. Chez l’embryon (stade 37), elle est détectée dans les neurones et les cellules gliales de Mueller. La prolifération des photorécepteurs est achevée à ce stade mais, ils ne sont pas totalement différenciés et la p59fyn est absente [29].
Ces études sur le développement des tissus nerveux indiquent clairement que la p59fyn est impliquée dans une étape de la différenciation des cellules. Elles ont aussi suggéré qu’une modification de l’expression de la p59fyn pourrait rendre compte de la prolifération de cellules indifférenciées de certaines tumeurs. La comparaison des gènes exprimés (puces ADN) par les deux types extrêmes de neuroblastomes a révélé le faible niveau d’expression du gène fyn dans les tumeurs les plus avancées. Cette étude a aussi démontré que l’induction de l’expression de p59fyn dans ces cellules tumorales (par transfection) était capable de relancer leur différenciation et d’arrêter leur croissance. Un niveau élevé de p59fyn dans les neuroblastomes (indépendamment de N-Myc) pourrait donc être bénéfique et constituer un facteur de prognostic plus favorable [30]. Une autre analyse comparative des neuroblastomes rapporte que c’est dans les tumeurs de stade IVS (régression spontanée possible) et non dans les tumeurs de stade IV (progression métastatique), que les gènes de différenciation et de fonctions neuronales sont le plus fréquemment exprimés [31].
L’inactivation du gène fyn (KO) et l’obtention de souris fyn−/− a révélé l’implication de la p59Fyn dans deux fonctions importantes pour le cerveau, la myélinisation de l’axone et la LTP (long terme potentialisation). Chez ces souris fyn−/−, le défaut de myélinisation apparaît important dans le cerveau antérieur (où il est associé à une nette réduction du nombre d’oligodendrocytes) et relativement peu important dans la moelle épinière cervicale (le nombre d’oligodendrocytes n’étant pas significativement modifié). De plus, il est spécifiquement lié à l’absence de la p59fyn car, il n’est pas observé dans le cerveau des souris src−/− ou lyn−/− ou yes−/− [32]. Une étude plus récente a montré que la p59fyn est fortement exprimée dans les précurseurs oligodendrocytes (où elle se trouve concentrée avec la myéline compacte) puis décline pendant la période la plus active de myélinisation, c’est-à-dire entre les jours 13 et 20 après la naissance. Cette réduction coïncide avec celle de l’ARN d’une isoforme de la protéine MBP (myelin basic protein). La p59fyn pourrait participer à la régulation des ARN MBP par phosphorylation de la protéine QKI qui se lie aux ARN MBP [33]. De plus, la p59fyn phosphoryle spécifiquement la protéine Sam68-like mammalian (rSLM-1) impliquée dans la sélection des sites d’épissage [34]. L’expression de cette protéine est quasiment restreinte au cerveau contrairement à Sam68 et rSLM-2 qui sont très largement distribuées. La phosphorylation de rSLM-1 par la p59fyn abolit sa capacité de sélection des sites d’épissage. Cela suggère que les neurones qui expriment rSLM-1 ont la capacité de changer le patron d’expression de leurs isoformes, après activation de la p59fyn.
L’autre fonction importante de la p59fyn révélée grâce aux souris fyn−/− est la potentialisation long terme (LPT) des stimulus d’apprentissage [35]. Il a déjà été mentionné que le cerveau des souriceaux fyn−/− présente quelques anomalies structurales dont celle de la région CA3 de l’hippocampe, qui résulte de l’augmentation du nombre de cellules pyramidales [28]. Pendant le développement, le rôle de la protéine Fyn serait donc de réguler la prolifération des neurones afin que ceux-ci s’organisent en réseaux corrects, permettant ultérieurement la LTP. Une autre étude sur ces souris a aussi rapporté un défaut de stratification des neurones du néocortex, affectant plus particulièrement les couches II et III (correspondant aux derniers stades de la corticogenèse) tandis que les couches plus profondes (V et VI) ne sont que peu affectées [36]. Dans cette structure, la protéine Fyn permettrait la migration des neurones différenciés mais, à un stade plus tardif du développement.
Il est à noter que ces régions (hippocampe et cortex) sont aussi les plus atteintes par la dégénérescence chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et que cette dégénérescence corrèle avec leur perte de capacité mémorielle. Dans le cerveau de ces patients, une modification de la distribution cellulaire de la p59fyn a été observée ; elle est diminuée au niveau des synapses et augmentée dans les corps cellulaires où elle colocalise avec les amas neurofibrillaires, constitués principalement par la protéine Tau hyperphosphorylée. Des expériences utilisant des coupes de cerveaux de souris fyn−/− ont par ailleurs révélé l’implication de cette kinase dans les processus neurotoxiques induits par les peptides β-amyloïde [37]. Son rôle a été précisé récemment, par une étude utilisant les cellules d’un neuroblastome (SHSYT-5Y) incubées en présence du peptide amyloïde β25-35 [38]. Fyn apparaît très rapidement activée (dès 2 minutes) tandis que Tau n’apparaît hyperphosphorylée qu’après 10 minutes et relocalisée dans les radeaux lipidiques, avec les Ser/Thr kinases (GSK3β et cdk5). La p59fyn activée par le peptide Aβ par un mécanisme encore inconnu, pourrait donc être la kinase initiatrice d’une cascade de réactions conduisant à l’hyperphosphorylation de Tau. Cette protéine subit des phosphorylations sur diverses Ser et Thr : 14 sites ont été étudiés et cinq kinases ont été impliquées (GSK-3b, CDK5, les MAPK, PKA et CaMKII). Mais des « dual kinases » ont aussi été récemment impliquées (Dyrk1A et TTK1). Une étude comparative des Ser/Thr phosphorylées dans le cerveau de rat au cours du développement et dans le cerveau de patients Alzheimer a permis d’identifier 7 sites identiquement phosphorylés (T181, S199, T205, S214, S262, S356 et S409) suggérant que leur phosphorylation n’est pas suffisante pour induire la formation des neurofibrilles Tau [39]. Ces mêmes auteurs ont montré que c’est l’hyperphosphorylation de résidus C-terminaux (S396, S404 et S422) qui pourrait être responsable de la formation d’amas en neurofibrilles de la protéine Tau.
D’autre part la protéine Tau humaine, sous sa forme la plus longue, contient cinq tyrosines (en position 18, 29, 197, 310 et 394) dont la phosphorylation implique les kinases Fyn, Lck et Src [40]. Fyn est reconnue comme la kinase phosphorylant la Tyr18 [41] mais récemment, il a été rapporté que la kinase Syk pouvait aussi la phosphoryler [42]. La kinase c-Abl est celle phosphorylant la Tyr394 [43] et TTK1 (une dual kinase) est la candidate pour la phosphorylation de Tyr197 [44]. Il a été observé que la protéine Tau-Tyr18(P) colocalise avec les amas neurofibrillaires mais de façon différente de la protéine Tau-Ser(P)/−Thr(P) : elle est absente des neurites dystrophiques et des filaments du neuropile [45]. D’autre part, la phosphorylation de Tyr29 par la p56lck a été rapportée in vitro et l’anticorps spécifique obtenu contre le peptide phosphorylé a révélé la présence de cette forme Tau-Tyr29(P) dans l’extrait de cerveau d’un malade [46]. La présence de la p56lck et l’existence de Tau-Tyr29(P) serait donc à rechercher dans les amas neurofibrillaires chez les patients à différents stades de la maladie afin de déterminer la contribution respective des phosphorylations Tyr18 et Tyr29 par les kinases Fyn et Lck, sur la pathologie issue de ces amas neurofibrillaires.
5 Discussion
5.1 Une isoforme neuronale Lck comme pour Fyn et Src ?
L’expression du gène lck dans les neurones a donc bien été démontrée, tant au niveau de l’ARN que de la protéine mais on peut se demander s’il s’agit de la p56lck lymphocytaire elle-même ou d’une isoforme puisque les travaux de Van Tan et al. [4] indiquent l’existence d’une protéine Lck différente de celle du thymus.
Nos analyses de l’expression du gène lck ont montré l’existence de transcrits alternatifs pouvant conduire à des isoformes Lck. Nous avons montré que l’une de ces isoformes (résultant de l’épissage de l’exon 7) est quasiment inactive [47]. Elle ne peut donc correspondre à l’isoforme neuronale puisque Van Tan et al. [4] rapportent que la p56lck immunoprécipitée du lysat de neurones est capable d’autophosphorylation et de phosphoryler l’énolase. L’autre isoforme Lck que nous avons décrite, résulte de l’épissage de l’exon 1’ et conduit à une protéine différant par son extrémité N-terminale [48]. Il est important de noter que l’isoforme neuronale suggérée par les travaux de Van Tan et al. [4] serait aussi une isoforme modifiée dans son extrémité N-terminale, puisque la séquence des exons 1 à 4 publiée pour l’ARN lck de thymus n’a pas été retrouvée dans l’ARN lck des neurones de rat. On remarque que le gène lck comme les gènes src et fyn, est soumis à une régulation particulière de la maturation de son pré-ARN dans le cerveau.
En ce qui concerne la protéine Fyn, la présence de l’isoforme B dans le cerveau des animaux est très ancienne puisqu’une étude phylogénique a montré sa présence chez les poissons osseux (Xiphophorus helleri) et les poissons cartilagineux (Torpedo marmorata) [26]. La comparaison des séquences des exons 7A (brain) et 7B (thymus) chez l’humain et le poisson cartilagineux indique que ces exons ont évolué de façon indépendante, soumis à une pression de sélection différente. D’après cette étude, l’exon 7B serait l’exon ancestral tandis que l’exon 7A serait une acquisition plus récente du gène fyn. Les auteurs trouvent cependant paradoxal la présence de l’exon 7B ancestral dans le système immunitaire adaptatif, qui serait apparu plus tardivement avec l’émergence des poissons à mâchoire (gnathostomes). Mais la présence de l’exon ancestral 7B peut être considérée comme un élément en faveur de l’hypothèse que le système immunitaire adaptatif (bien qu’apparu avec les gnathostomes) a pour origine le système immunitaire inné des poissons agnates (sans mâchoire) [49].
L’expression du gène fyn est ubiquitaire et dans tous les tissus (sauf le thymus), c’est l’isoforme FynB (contenant l’exon 7A) qui est exprimée [50]. Il a néanmoins été rapporté que les mécanismes qui régulent l’inclusion et/ou l’exclusion de l’un ou l’autre des exons 7A/7B peuvent être altérés dans certaines situations pathologiques. Ainsi une forte expression de l’ARN fynB a été rapportée dans les lymphocytes de malades atteints de leucémies lymphocytaires aiguës (LLA) ou chroniques (LLC) ainsi que dans les cellules T infectées par le HTLV1 [51]. Des facteurs oncogéniques ou viraux (Rex dans les cellules HTLV positives) pourraient altérer la spécificité cellulaire de l’épissage des exons 7B/7A. Cependant, aucune protéine FynB n’est détectée par un anticorps spécifique contre la séquence de l’exon 7A. L’absence de protéine FynB dans les lymphocytes infectés pourrait résulter d’une grande instabilité de la protéine mais l’absence de traduction de l’ARN fynB dans ces cellules est plus probable, du fait de la polyadénylation additionnelle de son ARN [52].
Cette étude sur les exons alternatifs 7A et 7B montre aussi que le dogme de leur exclusion mutuelle doit être modulé même dans les tissus normaux, puisque l’expression conjointe des deux types d’exons a été observée dans l’ARN de divers tissus (cœur, foie, poumon, rein et intestin) [52].
5.2 Quel rôle pour la p56lck neuronale ?
La détection de la protéine Lck dans les neurones d’embryons (E16) de souris par Omri et al. [3] a conduit à la conclusion que cette PTK n’est pas impliquée dans la neurogenèse (mais les auteurs n’ont pas étudié d’embryons plus précoces) mais plutôt dans la croissance axonale, le guidage axonal et les communications cellulaires. Ils ont aussi constaté que la distribution de la p56ck est très similaire à celle des récepteurs NMDA (dont certaines tyrosines sont phosphorylées) et ont suggéré que ces récepteurs pourraient être un substrat pour la p56lck. Depuis, la localisation de la p56lck dans la densité postsynaptique (PSD) a été rapportée [53] et tend à confirmer cette hypothèse mais, l’interaction directe de la p56lck avec la protéine PSD-95 n’a pas été observée, contrairement aux autres PTK : Src, Fyn, Lyn et Yes. La protéine Lck neuronale pourrait contracter des interactions différentes de celles des autres PTK, du fait de la plus grande flexibilité de son linker comparé à celui de la protéine Fyn. Cette séquence (située entre les domaines SH2 et SH1) entraîne le découplage des domaines d’interaction SH2, SH3 de la protéine Lck [54]. Elle pourrait alors interagir avec un autre membre de la famille PSD (SAP97, SAP102 ou autre) ou nécessiter un adaptateur.
Les études histologiques ont montré que la protéine Lck est très largement distribuée dans le cerveau mais son rôle est resté longtemps énigmatique. Des études cliniques réalisées sur le cerveau de patients décédés de la maladie d’Alzheimer ont apporté des éléments nouveaux permettant de l’impliquer dans la survie neuronale. L’une rapporte une association entre la maladie et une région génique située en 1p34-36, donc jouxtant le locus lck (1p32-34) [55], tandis que la seconde rapporte l’association de la maladie avec un SNP du gène lck (en position 6424 dans l’intron 1 du gène) [11]. Le génotype GG de ce SNP est significativement associé avec les cas de maladie tardive (ceux-ci représentant la quasi-totalité des cas étudiés dans cette série, soit 323 cas sur un total de 376 cas). Il est a noté que la valeur de l’OR (odd ratio) pour ce SNP du gène lck est comparable chez les patients porteurs ou non de l’allèle α4 de l’APOE. Cet allèle est considéré comme le facteur majeur de risque mais tous les patients développant tardivement la maladie n’en sont pas porteurs. Le SNP lck (A/G, nt 6424) pourrait donc être un meilleur marqueur pour le pronostic de la maladie tardive. D’autre part, une diminution significative de la p56lck a aussi été observée dans l’hippocampe de certains malades Alzheimer [12]. L’un des promoteurs du gène lck (le proximal, type I) siège dans l’intron 1 aussi le SNP (nt 6424) décrit dans cette région pourrait perturber l’activité du promoteur, en modifiant le site de liaison d’un facteur de transcription. Si l’association entre ce SNP du gène lck et la maladie se confirme par l’analyse d’autres cohortes de malades, cela pourrait suggérer que les neurones deviennent plus vulnérables lorsque l’expression de la p56lck diminue. Cela impliquerait la p56lck dans les processus de survie neuronale en régulant, soit positivement l’expression d’une cytokine neurotrophique, soit négativement celle d’une cytokine (pro)inflammatoire.
5.3 Voies de survie potentiellement régulées par la p56lckN
La signalisation par le récepteur de l’IL-7 présent sur les neurones pourrait être l’une de ces voies [56] car IL-7 (secrétée par les astrocytes) exerce un rôle neurotrophique sur les neurones de l’embryon. De plus chez l’adulte, IL-7 favorise la survie des cellules neuronales postmitotiques. Dans les lymphocytes T, IL-7 est impliquée à la fois dans la prolifération homéostatique et dans la survie des cellules [57]. Sa signalisation dans les lymphocytes T implique la phosphorylation initiale d’une tyrosine de la chaîne α de son récepteur, par la p56lck et/ou la p59fyn [58]. Dans les lymphocytes B, c’est la p53/56lyn (autre membre de la famille Src) qui remplace la p56lck. Dans les neurones, la p56lckN pourrait donc être la kinase effectuant la phosphorylation initiale du récepteur. Sa diminution chez les malades Alzheimer aurait pour conséquence d’abaisser le niveau de transduction du signal dans les neurones et d’affecter leur survie.
La signalisation par le récepteur CD40 est une autre voie de survie neuronale dans laquelle la p56lckN pourrait être impliquée puisque CD40 est exprimé de façon constitutive par les neurones [59]. Dans les cellules PC12 différenciées en neurones par le NGF-β, l’addition du ligand CD40L stimule la cascade Ras-p44/42MAPK et s’oppose à l’apoptose induite par le retrait du sérum. Dans les lymphocytes T, la signalisation via CD40 implique la p56lck [60]. Il pourrait en être de même dans les neurones pour la p56lckN. La diminution de p56lck neuronale aurait aussi pour conséquence d’abaisser le niveau de transduction du signal et d’affecter la survie des neurones. L’expression de CD40 n’est pas homogène dans le cerveau [59] mais limitée au cortex, au gyrus denté et à l’hippocampe, cette dernière région étant la plus affectée par la dégénérescence chez les malades Alzheimer.
Dans les lymphocytes T, la p56lck est impliquée dans l’effet anti-apoptotique de Notch-1 du fait de son interaction avec Notch-1 et la PI3K [61]. La signalisation par Notch-1 pourrait être une voie particulièrement importante pour les cellules T mémoires, car leur survie à long terme dépend d’instructions programmées et non d’événements stochastiques. Notch-1 est exprimée dans le cerveau adulte, en particulier dans l’hippocampe mais son rôle dans le cerveau adulte sain n’est pas connu. L’interaction de la p56lckN avec Notch-1 serait à explorer car cette voie anti-apoptotique pourrait être aussi une voie importante pour les neurones, qui sont le meilleur exemple de cellules à longue survie programmée.
6 Conclusion
Les protéines tyrosine kinases (PTK) ont été presque exclusivement trouvées chez les métazoaires (à une exception, chez les Choanoflagellés) et ont évoluées par duplication génique et appropriation de domaines fonctionnels. Sur les 209 sous-familles de PTK non récepteurs actuellement décrites, 20 à 30 existaient déjà dans l’ancêtre métazoaire commun [62]. Les protéines Src sont présentes chez les spongiaires et cela indique que le mécanisme de recrutement de domaines était en place avant que la séparation de ce phylum du tronc commun des métazoaires ne s’effectue.
Les protéines Src sont présentes dans quasiment tous les tissus et tous les types cellulaires et dans le cerveau, ce sont cinq PTK de la famille Src qui sont exprimées. Pour les PTK majeures Src et Fyn, nous avons brièvement rapporté leur distribution et leur rôle, à la fois au cours de l’ontogenèse (pour la différenciation neuronale et la synaptogenèse) et chez l’adulte (pour la plasticité neuronale et le renouveau synaptique). Quant à la protéine Lck, elle est relativement peu exprimée dans les neurones (et/ou la microglie) mais les données suggèrent son implication dans les processus de survie neuronale et donc de maintien de la mémoire. Dans la maladie d’Alzheimer, les nombreuses protéines (pro)inflammatoires secrétées par les neurones, les astrocytes et la microglie activée constituent une cascade inflammatoire impliquée dans la dégénérescence du tissu nerveux. De plus, certaines cytokines (IL-6 et TGF-β1) sont directement impliquées dans la formation des plaques amyloïdes [63,64]. Aussi nous avons présenté quelques voies de signalisation dans lesquelles la p56lckN pourrait être impliquée.
Pour identifier réellement ces voies, la connaissance de la séquence N-terminale de la protéine Lck neuronale est nécessaire. L’isolement d’un ADNc complet (ou au moins de sa région 5’ codant pour le domaine unique SH4 et le domaine SH3) permettrait de rechercher ses partenaires spécifiques. De plus la connaissance de sa séquence N-terminale permettrait aussi de déduire sa localisation, membranaire ou cytoplasmique, selon la conservation ou non des résidus cibles des les réactions de myristoylation et palmitoylation [65]. Il resterait à identifier le(s) stimulus qui déclenche(nt) la baisse d’expression de la p56lckN chez les malades Alzheimer et ses mécanismes (inhibition transcriptionnelle, traductionnelle, séquestration cytoplasmique ou dégradation protéique).
Le cerveau et le système immunitaire ont été identifiés comme les tissus où se rencontre le plus grand nombre de transcrits alternatifs [66]. Les changements coordonnés d’épissage alternatif d’un groupe de gènes (les kinases Src, les molécules d’adhésion telles que les neuréxines et les récepteurs NMDA entre autres) contribuent à la synaptogenèse au cours du développement et à son remodelage chez l’adulte (plasticité neuronale). Une plus grande plasticité des synapses pourrait également résulter de mécanismes encore plus sophistiqués comme le choix d’allèles et le choix d’exons variables (les deux mécanismes pouvant se combiner) comme cela a été observé pour les gènes α et β CNR/Pcdh [67]. D’autre part, des variations de l’organisation génique de l’ADN des neurones différenciés ont été observées [68]. Elles suggèrent de possibles réarrangements qui évoquent ceux existant dans les lymphocytes. Une forte expression d’un transcrit partiellement réarrangé du gène β du récepteur T a d’ailleurs été mise en évidence dans les neurones des couches profondes du néocortex (et plus faiblement dans les neurones du thalamus) et son expression est régulée au cours du développement [69]. Ces observations récentes supportent encore un peu plus l’analogie entre les systèmes nerveux et immunitaire, cependant les mécanismes responsables dans les neurones de la variabilité de segments d’ADN doivent être différents puisque les protéines Rag-1 et -2 impliquées dans les réarrangements lymphocytaires sont absentes des neurones. De plus, dans le cas des exons variables des gènes CNR/Pcdh, il a été montré que le choix est réalisé par le promoteur lui-même [70]. L’étude comparative des deux systèmes qui interagissent l’un sur l’autre pour adapter leurs réponses aux stimuli extérieurs [71] sera encore riche d’enseignements.
Remerciement
L’auteur remercie le Dr J.-A. Girault pour la relecture de ce manuscrit et ses suggestions.