1 Introduction
Plus de 200 millions de personnes sont infectées par les schistosomiases dans 76 pays à travers le monde ; environ 80 % des cas viennent d’Afrique [1]. L’écosystème africain est complexe. Il offre toutes les ressources nécessaires à la survie des hommes, mais peut être source de propagation de maladies [2]. En effet, l’augmentation des taux d’infection de cette parasitose en Afrique sub-saharienne, à la suite de modifications de l’environnement, a été plusieurs fois rapportée [3–5]. Au Burkina Faso, les enquêtes parasitologiques réalisées par plusieurs auteurs [6–8] ont mis en évidence l’hyperendémicité de Schistosoma mansoni et de Schistosoma haematobium. Ces études ont également confirmé que, sur le plan malacologique, le Burkina Faso se présente comme un carrefour de mollusques hôtes intermédiaires de schistosomes en Afrique de l’Ouest [9].
Les programmes de traitement de masse dans les pays en développement restent une préoccupation [9] pour réduire la transmission des schistosomes en diminuant le réservoir de parasites. Notre étude a été initiée afin de contribuer à réduire durablement la transmission de la schistosomiase au Burkina Faso par une meilleure connaissance des hôtes intermédiaires.
2 Matériel et méthodes
2.1 Présentation des sites et population d’étude
L’étude a été conduite dans dix sites situés dans des zones climatiques différentes du Burkina Faso.
Il s’agit d’une étude transversale réalisée sur une période d’un an, de 2009 à 2010. Les enfants d’âge scolaire (5 à 15 ans) ont constitué la majeure partie de la population d’étude.
2.2 Collectes des données parasitologiques
Au total, 761 sujets ont été inclus, 390 garçons et de 371 filles (sex-ratio H/F de 1,05). Les techniques de Plouvier et al. et de Katz et al. ont été utilisées pour les dépistages respectifs de la schistosomiase urinaire et de sa forme intestinale au sein des sujets enquêtés.
2.3 Collectes des données malacologiques
La recherche des mollusques hôtes intermédiaires de schistosomes a été effectuée au niveau des points d’eau douce des dix sites, par examen direct des supports qui baignent (branchages, feuilles mortes, nénuphars) dans ces eaux douces.
2.4 Test de l’infestation naturelle des mollusques
Les mollusques récoltés et ramenés au laboratoire ont été exposés à une source lumineuse artificielle (néon de 36 W). Cette exposition provoque une libération de cercaires chez les mollusques infestés. Les individus négatifs ont été maintenus en élevage pendant un mois pour permettre le développement des parasites en période pré-patente.
2.5 Les contacts homme–eau et les pratiques
Les observations des activités ont été conduites sur chaque site de six heures du matin à six heures du soir, par quatre observateurs sur une période de 14 jours.
2.6 Analyse des données
Pour l’analyse des données, le test du Chi2 (χ2) a été utilisé pour la comparaison des proportions. Le seuil de significativité a été placé à p < 0,05.
3 Résultats
3.1 Résultats malacologiques comparés
Les résultats montraient l’absence de mollusques dans certains sites. Par ailleurs, le test de l’émission cercarienne montrait que certains mollusques récoltés dans certains sites n’étaient pas naturellement infestés.
3.2 Résultats parasitologiques comparés
3.2.1 Schistosomiase urinaire
En tenant compte des groupes d’âge chez les enfants d’âge scolaire, les sites de Yaramoko et de Thion étaient ceux dont les enfants étaient le plus fréquemment infestés, suivis des enfants des sites de Tengréla, Tanguiga et Daguilma. Notons que les enfants de la tranche d’âge 10–15 ans présentaient les taux d’infestation les plus élevés.
3.2.2 Schistosomiase intestinale et hépatique
Contrairement à S. haematobium, l’examen microscopique des selles n’a concerné uniquement que quatre sites. Les taux de prévalence observés étaient de 39,1 % (25/64) à Panamasso, de 16,4 % (8/49) à Bala, 3,3 % (3/90) dans la vallée du Sourou et nul à Tengréla.
3.2.3 Activités humaines observées
Un total de 704 contacts a été observé afin d’identifier les activités à risque, les parties du corps les plus exposées et les heures de contact à risque des populations. Les observations distinguaient six principales activités qui exposaient le plus les riverains à la transmission de la schistosomiase. C’étaient la riziculture (culture), la baignade, la pêche, la vaisselle, la lessive et le nettoyage des canaux d’irrigation (canaux).
4 Discussion
4.1 Malacologie
Les espèces B. senegalensis et B. truncatus ont été récoltées dans presque tous les points d’eau de nos sites. Le changement radical du milieu aquatique par la stagnation (secondaire à la construction de barrages) a été démontré comme étant à la base de la prolifération de la faune malacologique, en particulier de B. truncatus [8]. Nous notons aussi l’absence de B. pfeifferi et de B. forskalii au niveau du site de Tengréla. En 1978, Boudin et Simonkovich, rapportaient la présence de ces deux espèces de mollusques (B. pfeifferi et B. forskalii) et, particulièrement, une abondance de B. pfeifferi dans le lac permanent du village de Tengréla. Le taux d’infestation naturelle des mollusques peut varier avec la saison et l’âge des mollusques selon Woolhouse et Chandiwana [10]. De faibles taux d’infestation sont à même d’entretenir des prévalences de bilharziose élevées dans une population humaine.
4.2 Parasitologie
Deux formes de schistosomiases humaines sont présentes au Burkina Faso : la schistosomiase urinaire transmise par S. haematobium et la schistosomiase intestinale provoquée par S. mansoni. Dans notre étude, nous avons observé des cas de baisse progressive des taux de l’infection de S. haematobium et une augmentation de ceux de S. mansoni, ainsi que le phénomène inverse dans des foyers mixtes de schistosomiases. Selon les transects nord–sud et est–ouest, les foyers de transmission de la schistosomiase urinaire sont de niveaux d’endémicité variables, ce qui traduit le caractère focal de la maladie. Cette situation serait liée au taux d’infestation initiale, à la distance entre le lieu d’habitation et le lieu de transmission et enfin aux espèces de mollusques vecteurs.
L’absence d’œufs de S. haematobium à Djerma n’exclut pas la présence de porteurs sains dans le village. En effet, la sensibilité des schistosomes au Praziquantel est biphasique : premièrement, les jeunes schistosomes âgés de trois à quatre semaines après l’infection sont insensibles au Praziquantel ; deuxièmement, les schistosomes deviennent progressivement sensibles au Praziquantel à partir de six à sept semaines après l’infection [11]. Le cas de la progression de S. mansoni au détriment de S. haematobium a été décrit au Burkina Faso ainsi qu’en Egypte. Certains auteurs ont évoqué des changements de conditions environnementales, très souvent défavorables aux mollusques hôtes intermédiaires de S. haematobium.
Des auteurs ont rapporté que l’unique thérapie basée sur le Praziquantel entraîne deux conséquences menaçantes, à savoir la possibilité d’infection avec une espèce Praziquantel-résistante et l’émergence de manifestations aiguës de la maladie pour lesquelles le Praziquantel ne sera plus efficace.
4.3 Contacts homme–eau
Les résultats révèlent le rôle que jouent les activités humaines dans la transmission de la schistosomiase. Le risque d’infection de la schistosomiase est lié à la présence ou non du parasite, mais également à l’ensemble des conditions nécessaires à la réalisation du cycle de transmission. Ainsi, le contact plus ou moins fréquent et durable avec l’eau est le facteur déterminant du risque de contamination par la schistosomiase.
5 Conclusion
Cette étude montre des foyers en état d’hypoendémicité. Cette hypoendémicité est possiblement due aux différentes campagnes de distribution du Praziquantel. Mais la schistosomiase demeure toujours un véritable problème de santé. Sur le plan malacologique, quatre espèces de mollusques ont été mises en évidence dans cette étude comme responsables de la transmission de la schistosomiase. L’étude a également montré que l’homme est, par ses actions, le principal responsable du maintien et de la diffusion de la maladie au sein de son cadre fonctionnel.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.