Avant-propos
Les quarante dernières années ont vu une croissance rapide de la chimie des ligands du groupe principal. Jadis essentiellement limitée aux composés de l'azote, de l'oxygène et du soufre, en raison de leur existence dans des systèmes biologiques, cette chimie s'est développée rapidement pour inclure des éléments plus lourds, tels que l'aluminium, le silicium, le phosphore. Au début, la plupart des recherches étaient centrées sur des questions de réactivité de base, puis la découverte de nouveaux modes de liaison et les nouvelles applications liées aux concepts généraux tels que la conjugaison électronique et l'aromaticité conduisirent rapidement à des développements nouveaux et fascinants. Deux exemples particulièrement pertinents sont donnés par le silicium et le phosphore. Jusqu'aux années 1970, l'utilisation des composés phosphorés a été, pour l'essentiel, limitée aux transformations organiques stœchiométriques telle que la réaction de Wittig, ainsi qu'aux applications plus ou moins « pacifiques » en agriculture, retardants anti-feu, mais aussi armes chimiques. La croissance rapide de la chimie de coordination et de la catalyse homogène à cette période amena à des découvertes dans maints domaines de la chimie du phosphore. Maintenant, par exemple, la catalyse asymétrique domine la chimie pharmaceutique moderne, en raison de ses grandes performances, aussi bien en termes d'échelle de réaction que de pureté optique des produits. Comment ces développements de la catalyse homogène en chimie fine de synthèse auraient-ils été possibles sans l'utilisation des phosphines tertiaires ? Bien que l'usage des composés du silicium comme ligands pour les métaux de transition soit plus limité que dans le cas du phosphore, cet élément joue un rôle central dans l'hydrosilylation des oléfines et le couplage oxydant des silanes. Il en est de même, et de manière aussi fondamentale, des multiples architectures à base de silicium pour la synthèse de matériaux mésoporeux ou la fonctionnalisation de surfaces pour des catalyseurs supportés.
La chimie du groupe principal s'est tellement diversifiée, et ce dans de nombreux domaines, qu'il est quelquefois difficile de percevoir son importance et son impact direct. Elle a en effet fortement pénétré des domaines tels que la chimie de coordination, la catalyse homogène, la catalyse hétérogène et la chimie des matériaux. Il devient même banal de rencontrer des architectures complexes bâties à partir de différents hétéroatomes jouant chacun un rôle bien défini dans la structure finale. Au cours des années passées, un certain nombre de complexes organométalliques du groupe principal, initialement synthétisés et étudiés pour des raisons purement académiques, cessèrent d'être regardés comme des curiosités ; ils sont actuellement employés de façon extensive dans l'industrie chimique. Le rôle du méthyle aluminoxane (MAO) en catalyse par les métallocènes en est un exemple parfait. Les carbènes électrophiles, qui font irruption maintenant dans le domaine de la catalyse comme ligands, en est un autre. Les composés du silicium sont utilisés industriellement dans l'élaboration de nombreux matériaux. Tous ces composés peuvent être préparés désormais à grande échelle et greffés sur différents supports hybrides organiques/inorganiques. Nous ne devons pas oublier que le développement parallèle des méthodes de calcul et des techniques d'analyses telles que l'électrochimie, l'analyse de surface, la fonctionnelle de densité et la RMN a rendu ces découvertes possibles.
Le domaine est actuellement devenu tellement vaste qu'il est pratiquement impossible d'assurer une couverture exhaustive dans ce seul numéro. Le but de ce fascicule est donc de présenter un aperçu des avancées dans des domaines particuliers comme la chimie organométallique de surface, la synthèse électrochimique, la catalyse homogène et hétérogène, la synthèse de nouveaux ligands et la chimie de coordination.
Nous souhaitons exprimer nos remerciements et toute notre gratitude à tous les auteurs qui ont contribué avec enthousiasme à ce numéro thématique. Ce travail n'aurait pas pu aboutir sans l'aide précieuse des arbitres de ces manuscrits ; nous adressons des remerciements particuliers à Mme Françoise Girard, qui a coordonné si efficacement la prise en charge et le traitement des manuscrits.
Foreword
The last four decades have seen rapid growth in the chemistry of main-group ligands. Once essentially limited to nitrogen, oxygen and sulphur compounds because of their occurrence in many biological structures, this chemistry rapidly developed to include heavier elements, such as aluminium, silicon, and phosphorus. At first, most studies focused on basic reactivity questions, but the discovery of novel bonding modes and the new applications of general concepts such as electronic conjugation and aromaticity soon led to new and fascinating developments. Two relevant examples are provided by phosphorus and silicon. Until the 1970s, the use of phosphorus compounds was essentially limited to stoichiometric organic transformations such as the Wittig process, as well as to more or less ‘peaceful’ applications such as agriculture, flame-retardants, but also chemical weapons. The rapid expansion of coordination chemistry and homogeneous catalysis at that period triggered major developments in many areas of phosphorus chemistry. For example, asymmetric catalysis now dominates the modern pharmaceutical chemistry as a result of its high performance, both in terms of scale of reaction and optical purity of the product. How would this expansion of homogeneous catalysis into fine chemical synthesis have been possible without the use of tertiary phosphines? Though the use of silicon compounds in ligands for transition metals is more limited than in the case of phosphorus, the element plays a central role in both the hydrosilylation of olefins and the dehydrogenative coupling of silanes. Also of fundamental importance are the multitude of silicon-based architectures for the synthesis of mesoporous materials and functionalized surfaces for supported catalysts.
Main-group chemistry has become so mainstream in so many areas of chemistry that it sometimes fails to be appreciated as such. This only shows how main-group chemistry has now fully infiltrated such domains as coordination chemistry, homogeneous catalysis, heterogeneous catalysis, and materials chemistry. Indeed, it is now relatively common to encounter complex architectures built from several different heteroatoms, each playing a well-defined role in the final structure. In the early years, a number of main-group organometallic complexes, originally synthesized and studied for purely academic reasons, were dismissed as curiosities; some of these are now major contributors to industrial or material chemistry. The role of methyalumoxane in metallocene catalysis is a fine example. Electrophilic carbenes, now entering the catalysis field as a very useful class of ligand, is another. Silicon compounds are the basis of a whole silicone materials industry. Such compounds can now be made on a large scale, and can be grafted onto different hybrid organic–inorganic supports. We should not forget that the parallel development of computational methods and suitable analytical techniques such as electrochemistry, surface analysis, DFT, and NMR techniques have made these new developments possible.
The field has of course become much too vast for complete coverage here. The aim of this special issue is therefore to provide an overview of some recent work in specific areas, such as surface organometallic chemistry, electrochemical synthesis, homogeneous and heterogeneous catalysis, synthesis of new ligands, and coordination chemistry.
We wish to express our thanks and gratitude to all authors who have enthusiastically contributed to this thematic issue. This work would not have been possible without the valuable help of many referees; special thanks are addressed to Mrs Françoise Girard, who has so efficiently coordinated the handling and the dispatch of all manuscripts.