Abridged English version
The general aspects of climate change impacts upon agriculture have been presented in several documents these last years [2,6,7,11]. They give an exhaustive summary of the main determinants and specific aspects for the main productions and geographical zones.
For the case of France, the first main lines have been presented in [1], and this note intends to give an actualised view, using recent observations and trying to extent the scope to the consequences for adaptation.
The adaptation of agricultural production systems to climatic change needs to firstly consider the predictable impact upon vegetal production. That consists in using the available knowledge on crop ecophysiology applied for simulating the effects of climate scenarios, including the increase of atmospheric CO2. This last aspect has been studied by experiments in controlled conditions or using enrichment systems [8].
The predicted consequences are firstly presented in general terms:
- – photosynthesis stimulation (between 20 and 30%), leading to an overall increase of biomass production (10 to 20%), because of the increase of respiration associated to the increase of temperature;
- – shortening of crop cycle, during which photosynthesis is able to function;
- – increase of water use efficiency.
These main lines have to be combined with possible effects on water and nitrogen balances (scenarios for rainfall are still uncertain), as well as with the effects on pests and weeds.
If we consider more precisely different productions, the use of specific crop models, applied with climatic scenarios, allows to predict limited consequences for annual crops (wheat and maize): yield will be affected, positively or negatively, by about 10 to 15% [1], with questions about the grain quality. For pastures [10], the effect will be positive (biomass increase of 25% in the mountainous areas of Massif Central), allowing to increase the density of animals or the duration of the grazing period.
The observation of recent years has allowed us to detect noticeable changes in the phenological dates of fruit trees and vine [5], in relation with the climate warming during the last century [4], especially the last decade. Flowering dates have been advanced by two to three weeks during the last 30 years, and vine harvesting by three weeks during the last 50 years. The consequences for the end of this century have been predicted, using the models based on these observations: in spite of a warmer climate, spring frosts may increase for some species, because of the advances in phenology, and vine product quality may be affected by shifting the maturing period to hotter days and questioning the present fitting of varieties to climate.
From these lines, the adaptation of agriculture may be approached in technical terms, by using the expertise of agronomical science to define new sets of genotypes and cultural practices. They will have to take into account the new market conditions, and geographical migrations (in latitude or altitude) may contribute to this adaptation. It could lead to significant changes in territories, but climate change will not be the only factor to consider: both economy and future roles devoted to agriculture, in relation with environmental questions, will also have to be considered [10].
1 Introduction
Les aspects généraux de l'impact du changement climatique sur la production agricole ont fait l'objet, ces dernières années, de plusieurs ouvrages (voir en particulier [2,6,7,11], complétés par la synthèse effectuée par Soussana [10]) qui permettent d'avoir une vision exhaustive des processus mis en jeu et de leurs caractéristiques par grands groupes de production et grandes zones géographiques à l'échelle mondiale. Au niveau de la production agricole française, l'article de Delécolle et al. [1] a permis de présenter un premier diagnostic, que cette communication se propose d'actualiser, en tirant profit d'observations sur le passé récent et en le complétant sur les modalités d'adaptation dans un contexte plus large.
2 Les impacts du changement climatique sur la production végétale
Ces impacts peuvent s'évaluer en s'appuyant sur l'ensemble des connaissances disponibles dans le domaine de l'écophysiologie, intégrées au sein des modèles de fonctionnement des couverts végétaux qui traduisent l'effet du climat sur les fonctions élémentaires. Il est nécessaire d'y adjoindre l'effet additionnel de l'augmentation du CO2 atmosphérique, qui a fait l'objet, durant les vingt dernières années, d'un ensemble de travaux à caractère expérimental, au laboratoire en conditions contrôlées (enceintes climatisées et serres) ou dans les conditions naturelles en utilisant des dispositifs d'enrichissement en CO2 spécialement mis au point à cet effet [8].
En considérant comme données d'entrée les climats prévus par les scénarios correspondant, en gros, à l'hypothèse d'un doublement du CO2 pour la fin de ce siècle, ces travaux permettent de prévoir les grandes lignes suivantes :
- – une stimulation de la photosynthèse de l'ordre de 20 à 30 %, conduisant à une augmentation résultante de l'assimilation nette de l'ordre de 10 à 20 %, prenant en compte l'augmentation de la respiration liée à l'effet de l'augmentation de la température ;
- – à l'inverse, un raccourcissement du cycle, de par cette même action du facteur thermique, pendant lequel le couvert végétal peut absorber l'énergie lumineuse par la photosynthèse ;
- – enfin, une amélioration de l'efficience de l'eau par suite de la diminution de la conductance stomatique sous l'effet de l'augmentation du CO2.
Au bout du compte, le bilan résultant au niveau de la production de biomasse peut prendre des aspects variés, en fonction du type de couvert (par exemple, l'influence de l'élévation du CO2 sur le fonctionnement photosynthétique est plus forte pour les couverts en C3 que pour ceux en C4) et des conditions climatiques associées aux conditions culturales pour les plantes cultivées.
Il faut souligner que ces grandes lignes ne tiennent pas compte des effets possibles au niveau des bilans hydriques et minéraux (en particulier azotés) et de leur interaction, pas plus que des modifications éventuelles d'autres facteurs climatiques, qui jouent également sur le fonctionnement écophysiologique, tels que le rayonnement solaire, l'humidité relative de l'air ou la vitesse du vent. Cette remarque restrictive, liée aux insuffisances actuelles des scénarios climatiques, doit d'ailleurs être élargie, à ce stade de l'exposé, à un ensemble de limites qui apparaı̂t pour le moment au niveau de ces scénarios par rapport à l'objectif d'estimation des impacts sur la production végétale. Outre l'incertitude, encore grande, sur la pluviométrie, et ses conséquences de premier ordre sur l'alimentation en eau des couverts végétaux, ces limites sont liées, pour l'essentiel, à la seule disponibilité de prédictions sur la valeur moyenne des variables climatiques, sans que soient évaluées avec une finesse suffisante, en termes d'échelle temporelle, les caractéristiques de variabilité d'une part, de valeurs extrêmes de l'autre. On peut citer, à ce niveau, et en en restant au seul facteur thermique, l'importance d'épisodes très brefs de gel pour les températures basses ou, à l'inverse, d'échaudage, dans le cas des céréales (conduisant à des baisses de rendement et de qualité des grains), pour les valeurs élevées.
Si elles conduisent à moduler quelque peu la vraisemblance des impacts décrits schématiquement ci-dessus, sans cependant la remettre en cause à notre sens, ces remarques soulignent également l'attente vis-à-vis des progrès des connaissances en modélisation du climat, qui évoluent cependant rapidement actuellement. À ce propos, il faut signaler qu'une autre demande, portant cette fois sur la résolution spatiale, est en voie d'être satisfaite, puisque les scénarios actuellement élaborés au CNRM permettent à présent de descendre à une maille élémentaire de 50 km (au lieu des 200 km accessibles précédemment) [5].
3 Les impacts sur la production des cultures en France
3.1 Le cas des grandes cultures et des prairies
Les éléments de réponse qui viennent d'être présentés au niveau du fonctionnement écophysiologique des couverts végétaux ont pu être traduits en termes de conséquences sur la production des grandes cultures et des prairies, qui occupent une part prépondérante de la superficie agricole utile en France.
Au niveau des grandes cultures, les résultats des simulations effectuées avec les modèles de culture Ceres et Stics sur le blé et maı̈s, présentés dans [1], permettent de conclure à des effets légèrement positifs sur le premier (avec des augmentations de rendement allant de 2,5 à 5,7 % pour les sites de Versailles, Toulouse et Avignon, suivant que le blé est irrigué ou non), et des effets plus variables sur le maı̈s (+10 % à Versailles sans irrigation, −16 % à Avignon, sans irrigation). Dans tous les cas, l'efficience de l'eau serait améliorée, avec une réduction simulée de la consommation en eau allant de 0 à 16 %.
Au niveau des prairies [11], la conjugaison de travaux expérimentaux (sous serre et en enrichissement naturel à l'extérieur) et de modélisation à partir du modèle d'écosystème prairial PASIM conduit à envisager, dans les conditions du Massif central [4], une augmentation de la production de biomasse aérienne de l'ordre de 25 % (dont 18 % attribuables au seul doublement de CO2), ce résultat devant être complété par un effet positif sur les protéines du foin récolté (+11 %). En termes de système d'élevage, la valorisation de cette augmentation de production supposerait une augmentation du chargement animal (en gros de 20 %) ou une augmentation de la saison de pâturage de l'ordre de trois semaines, permettant d'accroı̂tre respectivement l'ingestion et la production de viande de 7 à 20 % pour la première et de 2 à 20 % pour la seconde. Il faut ajouter à ces effets globaux une modification attendue de la composition botanique (en faveur des légumineuses fixatrices d'azote, lorsque la prairie est bien exploitée, ou des dicotylédones non fixatrices dans le cas inverse), avec un effet sur la biodiversité qui serait cependant faible d'après les résultats expérimentaux [11].
Il faut cependant souligner que ces résultats doivent être relativisés, dans la mesure où les impacts sur l'alimentation hydrique sont encore mal cernés (avec les incertitudes sur la pluviométrie, non seulement en valeur annuelle, mais aussi dans sa répartition saisonnière) et ses interactions complexes avec la fertilisation azotée. C'est un des points essentiels sur lesquels doivent porter les travaux dans ce domaine, qui par ailleurs doivent être complétés par l'étude des impacts sur la qualité du produit récolté (travaux en cours sur le blé dur, qui montrent que la teneur en protéines des grains serait diminuée). Enfin, et bien que ce point important soit souligné régulièrement, l'effet du changement climatique sur les maladies et ravageurs d'une part, les mauvaises herbes d'autre part, a fait seulement l'objet de considérations générales et doit absolument être approfondi dans le futur proche, pour qu'une esquisse plus complète de la question puisse être présentée.
3.2 Retour vers le passé récent
Les éléments présentés ci-dessus résultent essentiellement de la considération de scénarios encore soumis à beaucoup d'incertitudes. Cependant, la mise en évidence récente d'un réchauffement significatif, non seulement à l'échelle du globe, mais également au niveau du territoire français [4], sur le siècle passé, amène à rechercher des confirmations de ces projections à partir des observations sur l'évolution récente des productions correspondantes. Sachant que l'augmentation du CO2 est actuellement d'un ordre de grandeur plus faible que celui envisagé pour la fin du siècle (+30 % au lieu du doublement), c'est essentiellement l'effet d'une élévation de température de l'ordre de 1 °C (plus précisément 0,9° sur la température moyenne, avec 0,6 °C sur la minimale et 1,2 °C sur la maximale) que l'on peut essayer d'évaluer. Compte tenu de la difficulté à récupérer des données fiables sur une aussi longue période, et par ailleurs de l'énorme progrès des performances agronomiques, particulièrement dans la deuxième partie du siècle, il apparaı̂t surtout souhaitable de se concentrer sur celle-ci, sachant qu'une grande partie du réchauffement paraı̂t s'être concentrée sur les dix dernières années.
Si les agriculteurs (et les éleveurs) font état d'une modification des calendriers culturaux qui pourrait être liée à cette particularité climatique, il n'a pas encore été possible de l'apprécier de manière objective, pas plus que d'évaluer son poids éventuel dans l'évolution récente des rendements. En revanche, l'analyse des données phénologiques sur les arbres fruitiers et la vigne (cultures a priori beaucoup moins dépendantes sur ce point des décisions culturales) a permis de mettre en évidence des avancements significatifs de stades tels que la floraison des arbres fruitiers (une dizaine de jours en trente ans sur des pommiers dans le Sud-Est) ou la date de vendange pour la vigne (presque un mois dans la même région au cours des cinquante dernières années) [5].
En premier lieu, ces observations permettent de confirmer la tendance générale des mesures climatiques (ce qui n'est pas inutile, car les modifications d'emplacement des stations, de leurs capteurs et systèmes d'enregistrement et, par ailleurs, de l'extension des situations d'ı̂lot urbain peuvent amener au scepticisme de certains sur les procédures de reconstruction, même les plus sophistiquées, des séries climatiques). Au-delà, elles sont utiles pour caler les modèles phénologiques utilisés dans les modèles de culture en général et les appliquer en particulier à ces cultures pérennes pour évaluer l'impact du réchauffement sur leur parcours phénologique. L'intérêt manifeste de ces données a conduit à élaborer un projet de bases de données, pouvant rassembler les partenaires concernés, rassemblant les séries historiques et devant actualiser la collecte future (base Phénoclim gérée par l'Inra–Avignon).
3.3 Les impacts sur la phénologie des arbres fruitiers et de la vigne
L'influence du climat sur ces cultures pérennes [9] nécessite de prendre en compte, successivement, une période automnale, qui correspond schématiquement à un besoin en froid, puis la période post-levée de dormance, où les besoins en chaleur prennent le relais. L'antagonisme de ces deux actions successives explique, par exemple, que, pour certaines espèces comme le pommier, les dates de floraison soient finalement assez voisines entre le Nord et le Sud de la France.
Dans le cas des arbres fruitiers, l'application des scénarios de réchauffement climatique à la vallée du Rhône a permis de prévoir une avancée de la date de floraison finalement faible (de l'ordre de deux à trois jours) par rapport à ce qui est constaté actuellement dans le Sud de la vallée (région de Nı̂mes), mais plus marquée (une dizaine de jours) au nord (région de Valence). La date de floraison joue un rôle important dans la production, car les conditions climatiques influent directement, à ce stade, sur la réussite de la fructification (il est possible d'observer, sur certaines variétés de pêcher, des chutes de jeunes fruits, liées à des températures basses à cette période). Dans le cas le plus extrême (le gel), il apparaı̂t possible, suivant les espèces et la localisation géographique, que les risques soient accrus par le réchauffement climatique. Ceci peut paraı̂tre paradoxal : mais, si le risque purement climatique est bien réduit, le risque biologique augmente plus fortement, du fait de l'avance de végétation qui expose au gel des organes floraux à des stades plus précoces, et donc plus fragiles. Dans le même ordre d'idées, la probabilité d'occurrence, plus forte, d'hivers doux amène à des inquiétudes sur le comportement de certains cultivars d'abricotier, qui pourraient connaı̂tre des problèmes majeurs de mise à fleur (nécroses des bourgeons floraux).
Dans le cas de la vigne, les scénarios de réchauffement climatique conduisent à une même accélération de la phénologie. Pour le cépage Syrah, dans la région de Montpellier, ils se traduisent par une avancée du débourrement, de fin février actuellement au 10 février, dans le cas d'un réchauffement moyen de 2 °C, et à début février dans l'hypothèse de 4 °C, puis une avancée du 12 juin au 24 mai, et au 2 mai pour la date de floraison. Enfin, du 13 août au 23 juillet et au 4 juillet pour la date de véraison. En dehors des problèmes éventuels de gel, analogues à ceux des arbres fruitiers, cette avance pourrait avoir des conséquences en termes de qualité à la vendange, dans la mesure où elle décalerait la période de maturation vers des conditions thermiques plus chaudes en cours de nuit (avec des températures minimales supérieures à 18 °C), alors qu'actuellement elles sont tempérées (entre 14 et 18 °C) et que ces températures fraı̂ches apparaissent comme un facteur de qualité en zone méditerranéenne. Il s'agit là d'un cas particulier, et des travaux plus complets sont nécessaires pour pouvoir établir avec plus de certitude les impacts du réchauffement sur le potentiel de qualité à la récolte. D'ores et déjà, cependant, on peut envisager que l'étroit ajustement entre le milieu (sol, climat) et les techniques culturales, qui est à la base du concept de terroir viticole, envisagé sous le seul aspect biotechnique, soit modifié par la nouvelle « donne » climatique.
4 L'adaptation des systèmes de production agricole
Cette question a, pour le moment, surtout fait l'objet de considérations portant sur les systèmes de culture tels qu'ils sont pratiqués actuellement, en considérant implicitement leur stabilité géographique.
À ce niveau, il s'agit essentiellement de mobiliser l'expertise agronomique au sens large pour les adapter aux conditions climatiques modifiées. Cela passe, en premier lieu, par le recours au matériel génétique approprié, mieux adapté aux températures plus élevées, et valorisant au mieux l'augmentation de la photosynthèse et de l'efficience de l'eau, tout en minimisant l'effet du raccourcissement du cycle. Puis par la mise au point d'itinéraires techniques révisés, incluant les apports d'intrants (irrigation, fertilisation). Par ailleurs, ces systèmes de culture devront prendre en compte l'impact du changement climatique sur les maladies et ravageurs d'une part, les mauvaises herbes de l'autre, dont nous avons indiqué qu'ils devraient faire l'objet d'études approfondies dans les années à venir. Enfin, il faudra évaluer plus précisément l'impact environnemental de ces systèmes de culture, pour compléter la définition de leur adaptation.
De façon générale, on peut estimer que l'adaptation des grandes cultures pourrait s'effectuer sans trop de problèmes, dans la mesure où les années passées ont montré leurs capacités à évoluer rapidement en fonction, en particulier, des contraintes économiques résultant de la PAC (Politique agricole commune) au niveau européen. Il en va de même pour les prairies et l'élevage. Il faut cependant relativiser cette vision optimiste sur une capacité d'ajustement rapide (quelques années), en soulignant une fois de plus les incertitudes actuelles sur la pluviométrie et le bilan hydrique.
Pour les cultures pérennes, si le diagnostic sur l'adaptation des systèmes de culture reste identique dans ses grandes lignes, la capacité d'adaptation paraı̂t moins forte. Elle nécessite de prendre en compte une durée plus longue, de l'ordre de dix à vingt années. Dans le cas de la viticulture, elle suppose également de prendre en compte une évolution des techniques de vinification, permettant de corriger les modifications de qualité du produit à la récolte.
Au-delà de ce premier niveau, il doit être envisagé, cependant, un deuxième niveau d'adaptation, passant par un déplacement géographique des zones de production. Dans le passé lointain, c'est essentiellement cette solution qui a été retenue pour s'adapter aux fluctuations climatiques (en interaction avec les fluctuations économiques) [3], avant que les progrès de l'agronomie ne permettent de disposer d'une plasticité plus grande vis-à-vis de ces contraintes. À l'heure actuelle, il n'apparaı̂t pas réellement de signe d'évolution allant déjà dans ce sens. S'il est bien fait état d'ajustements du choix de variétés ou du glissement de calendriers culturaux, comme nous l'avons indiqué plus haut, il n'apparaı̂t pas encore de signe tangible de déplacement géographique des systèmes de production. Et pourtant, le réchauffement observé équivaut, sur le siècle, à un déplacement vers le nord de l'ordre de 180 km ou en altitude de l'ordre de 150 m [4], ce qui traduit la plasticité déjà évoquée, mais jusqu'où, ou jusqu'à quand ? On peut donc légitimement envisager l'éventualité de la remontée (vers le nord ou en altitude) de certaines cultures, ou l'introduction de nouvelles cultures au sud. À l'heure actuelle, ces modalités d'adaptation sont encore peu explorées, mais il apparaı̂t souhaitable de les envisager, en évaluant les potentialités agroclimatiques revues dans le contexte des conditions prévues par les scénarios climatiques.
5 Conclusion
En conclusion, il nous paraı̂t intéressant d'évoquer un troisième niveau d'adaptation, portant sur l'occupation du sol, et plus généralement les territoires. Si les deux premiers niveaux que nous avons considérés précédemment s'appuyaient essentiellement sur les conditions biotechniques, la réalité de leur mise en œuvre passe par la prise en compte de déterminants tout autant significatifs :
- – dans l'hypothèse de déplacements géographiques, le lien avec le caractère local (s'il apparaı̂t possible, a priori, de cultiver du blé ou du maı̈s dans des régions différentes, cela n'irait pas de soi pour les productions plus typées dont une grande partie de la valeur ajoutée provient de l'existence d'une zone d'appellation ou d'un terroir) ;
- – de façon plus générale, le poids du facteur économique (dans un contexte climatique modifié, l'ajustement à attendre des zones de production, au niveau des régions, mais aussi à l'échelle mondiale, conditionnera fortement la réalisation de ces possibilités techniques, dans un marché dont les aspects concurrentiels seront fortement perturbés) ;
- – enfin, le poids de plus en plus fort du contexte environnemental au niveau des agricultures « développées », comme c'est le cas en Europe, qui pourrait également influer fortement, cette fois au niveau des fonctions dévolues à l'agriculture.
Dans le cadre de cette multifonctionnalité apparue récemment, il est en particulier possible de penser à une affectation des terrains agricoles, qui serait en partie conditionnée par l'objectif de limitation de l'effet de serre à l'échelle mondiale (stockage de carbone, utilisation de biocarburants, mais aussi limitation des émissions d'oxyde nitreux et de méthane). Dans cette éventualité, causes et effets du changement climatique se rejoindraient pour fermer la boucle, mais il apparaı̂t bien difficile aujourd'hui d'aller plus loin que de poser la question !