Abridged English version
The Dead Sea coastal areas are undergoing major subsidence and sinkholes proliferation problems due to the rapid decrease of the sea level [2,5,20] caused by intensive water exploitation upstream [17–19]. Those phenomena have already provoked a number of accidents, particularly they could be at the origin of the catastrophic destruction of a major industrial dike which was retaining 56 millions m3 of brine on 22 March 2000 (Figs. 1 and 4) [6]. We investigated some of the phenomena's consequences in the Lisan peninsula and Ghor Al-Haditha (GAH) areas; both form a part of the Southern Dead Sea Basin at the edge of a major segment of the Jordan Dead Sea Transform fault system (Fig. 2) [1,4]. To help identifying potentially hazardous areas in the most vulnerable parts of the Jordanian Dead Sea coast, we tested a combination of terrestrial geophysics (gravimetry) done over a suitable part of GAH and the Lisan Peninsula (LP), and space techniques (radar interferometry) over the whole LP area. The gravimetry part of GAH consisted of a conventional static high-precision gravity survey carried out over a 600-m-by-300-m flat part of the area in October–November 1994, with the prime objective of detecting major subsurface cavities in the area. The gravity stations were distributed in a regular grid and a spacing of about 15 m; a particular effort was done to choose optimum station locations in order to avoid local terrain effects. The survey resulted in the detection of 33 locations (out of a total of about 800 measured stations) characterized by negative residual gravity anomalies ranging from −0.10 mGal to −0.34 mGal (Fig. 3). By adopting a spherical model to represent subsurface voids, these localized anomalies could theoretically represent the gravimetric signatures of near-surface cavities of various sizes or distances from the surface. At least three out of the anomalous locations effectively collapsed, becoming sinkholes within a five-year period after the survey (Fig. 3). Differential interferometry techniques were applied on ERS 1 and 2 satellites radar images for the purpose of mapping the deformation field in the Lisan Peninsula. Five and four images were used respectively in ascending and descending modes. This covers the time periods 30 June 1993–29 May 1999 and 5 August 1993–12 October 1997. InSAR and DInSAR programs developed at the Space Centre of Liege [7–10] were used to perform processing. Interferograms were generated from four, three and two images. The technique does not involve external digital elevation model (DEM) to subtract the topographic phase to the interferogram that contains the movements. The DEM results from a tandem pair of images. In our case, a pair of 15 and 16 December 1995 in ascending mode was used. When processing three or four scenes, the geometry of acquisition of the tandem pair is transferred to the one of the movements. The topographic phase is subtracted and the differential interferogram generated (Fig. 4). Then, it is unwrapped and converted in order to express the displacements in the satellite's line of sight in millimetres. When processing only two images, the perpendicular baseline is chosen as small as possible. For example, with a base of around 13 m, the altitude of ambiguity is close to 770 m. Thus, the flat areas, such as the shore around the Lisan peninsula, will not present topographic fringes and the displacements fields will be clearly visible. The measure of displacements comes from crosscuts in the unwrapped differential interferogram. We compare the extremities of the cuts by postulating that one point is stable. The measure is thus relative (Figs. 5 and 6). Interferometry is strongly dependent on coherence; it enabled the mapping of the deformation field in the Lisan area where coherence is conserved because of the limited human activities. However, we noticed that it failed to give clear results in GAH area; the agricultural activities in that area were enough to curtail the coherence. Both approaches could be successful and give converging complementary results at different scales if their respective required application conditions were guaranteed (Fig. 7).
1 Introduction
La mer Morte est la zone émergée la plus basse du globe. Les eaux souterraines et de surface de son bassin versant (40 650 km2) sont intensément exploitées par les pays limitrophes [22]. Un déséquilibre important est apparu dans le bilan hydrologique, le niveau est descendu de −392 en 1950 à −415 m en 2002. La vitesse moyenne d'abaissement est passée de 50 cm an−1 vers 1970 à 120 cm an−1 en 2002.
Depuis que le niveau de la mer a commencé à baisser, les régions de Ghor Al-Haditha (GAH ; zone agricole) et de la péninsule du Lisan (PL ; zone industrielle) sont particulièrement affectées par des puits d'effondrement, métriques à décamétriques, et des phénomènes de subsidence, hectométriques à kilométriques. De nombreux accidents y sont survenus, comme l'effondrement d'une route sur une centaine de mètres en 1992 [6,20] ainsi que la destruction d'un bassin d'évaporation, à la suite de la rupture d'une digue, le 22 mars 2000, sur 1650 m [6]. Cinquante-six millions de mètres cubes d'eau pompée au cours des deux mois précédents sont alors retournés à la mer en une heure.
La Fig. 1 localise les zones étudiées (PL et GAH) et montre l'évolution du trait de côte depuis 1960. Les nouvelles terres émergées et leurs abords sont instables et présentent de nombreux phénomènes de subsidence et d'effondrement.
Dans cet article, nous présentons les résultats d'expériences réparties sur huit années, impliquant l'utilisation de la gravimétrie et l'interférométrie radar de manière séparée et combinée, afin d'évaluer l'efficacité de ces techniques pour contribuer à la prévention des accidents tels que ceux décrits ci-dessus.
À GAH, nous avons réalisé un levé gravimétrique sur une surface test [2]. Les anomalies détectées ont été comparées à un inventaire d'effondrements qui se sont produits au cours des cinq années qui ont suivi nos mesures. Pour la PL, les anomalies de Bouguer simples, obtenues à l'issue d'une campagne gravimétrique couvrant la totalité de la péninsule [15], ont été comparées avec le champ des déformations superficielles reflété par l'interférométrie radar durant la même période. Nous constaterons une corrélation (qualitative) entre les signatures gravimétriques et interférométriques couvrant cette zone et le fait que cette approche combinée améliore, du moins dans certains cas, la compréhension et la cartographie des zones potentiellement dangereuses. Cet environnement dynamique évolue en fonction de facteurs multiples. Les variations du niveau de la mer Morte se superposent à un contexte géodynamique qui implique la faille transformante du Jourdain, frontière entre la plaque Arabique et la plaque Africaine.
2 Les variations récentes et induites du niveau de la mer Morte
La mer Morte constitue le niveau de base ultime de toutes les ressources en eau aux abords de la zone transformante. La diminution rapide que l'on observe depuis 40 ans (Fig. 1) trouve son origine principale dans l'exploitation intensive des eaux du Jourdain, le principal affluent. Le déficit annuel est d'environ 1000 millions de mètres cube en comparaison de la situation d'avant le détournement des eaux du Jourdain en 1964 [3]. Cet aspect a été examiné en détail par Salameh et al. [17–19]. Les conséquences de ce déficit se traduisent par les marques du recul progressif de la ligne de rivage (Fig. 1), l'abaissement du niveau de la nappe phréatique et l'augmentation de la fréquence des effondrements ainsi que des phénomènes de subsidence. La PL et GAH sont les plus touchés sur le littoral jordanien de la mer Morte.
3 Contexte tectonique général de la zone de la mer Morte
Le système de failles transformantes du Levant (Fig. 2) constitue une frontière de plaque s'étendant sur plus de 1000 km, depuis la zone en extension active de la mer Rouge jusqu'à la zone de collision du Taurus en Turquie. Tout le long du décrochement, on observe des segments linéaires, séparés par des bassins en pull-apart, dont celui de la mer Morte (150 km de longueur et de 4 à 15 km de largeur). Des dépôts de sédiments de faible densité s'y accumulent sur une épaisseur de 10 km [12].
Deux ensembles de failles de direction nord–sud bordent la mer Morte, à l'est et à l'ouest. Ils connectent le segment de la vallée du Jourdain, au nord, au segment du Wadi Araba, au sud. Des failles transverses, orientées NNW–SSE, forment des bassins secondaires à l'intérieur du bassin principal. Les sédiments y sont peu déformés, en dehors des zones proches des diapirs du mont Sedom et de celui de la PL. Ce dernier, localisé entre les sous-bassins nord et sud, est le plus grand du bassin de la mer Morte. Sa géométrie est tectoniquement contrôlée par des failles actives. À ce jour, le plus grand séisme instrumental localisé dans le voisinage immédiat de la PL et de GAH (mb = 5,1 ; 23 avril 1979) [4] suggère qu'à cet endroit, le système de failles fonctionne principalement en décrochement sénestre, avec une composante normale [12,16]. Cependant, l'origine des phénomènes de subsidence récents et rapides semblerait plutôt liée à l'abaissement du niveau de la mer Morte, qui provoque un double phénomène de compaction et d'appel de l'eau, essentiellement douce, des zones limitrophes vers la mer. Il en résulte un phénomène de lessivage des formations salines, abondantes dans la zone, qui crée des subsidences dont l'étendue est fonction de la nature des formations et des structures sous-jacentes. Quelquefois, les phénomènes de dissolution évoluent vers des vides souterrains, puis des effondrements. L'activité sismique modérée associée aux failles normales de la zone d'étude ne suggère pas un rôle tectonique direct ou significatif dans les phénomènes de subsidence observés ces dernières décennies. Cependant, on ne peut exclure une possible influence de ces failles en tant que zones de faiblesse, qui favoriserait une évolution plus rapide suivant des directions privilégiées. La tectonique locale pourrait donc influencer la répartition géographique des plages subsidentes.
4 Matériel et méthode
4.1 La prospection gravimétrique
Nos campagnes de reconnaissance de la zone de GAH ont commencé en 1989. Elles nous ont permis de consolider l'idée selon laquelle les effondrements résultent de cavités relativement volumineuses qui migrent de bas en haut, par suite d'effondrements successifs de leur toit. D'après les archives du ministère de l'Eau et de l'Irrigation (MEI), la profondeur des vides varie de 3 à 25 m, ce qui s'accorde avec nos observations sur le terrain. Les techniques de mesure fine des variations de la gravité sont adaptées à la détection de telles cavités. Compte tenu de la sensibilité des instruments et des perturbations topographiques, nous avons limité la prospection à une zone plate, avec une légère inclinaison vers l'ouest [2].
Nous avons employé un gravimètre Sodin (type G), dont l'erreur de lecture est de l'ordre de 0,005 mGal. La campagne de terrain a eu lieu en octobre–novembre 1994. Les 800 stations de mesure ont été disposées suivant une grille dont la maille avait une longueur de 15 m sur une surface rectangulaire de 300 m par 600 m. Le but de la campagne de mesures gravimétriques s'est limité à détecter la présence de cavités volumineuses et/ou proches de la surface. Les données ont subi les corrections standards jusqu'à l'obtention des anomalies de Bouguer en chaque point, calculées pour une densité de terrain égale à 2,2. La valeur de l'anomalie locale, calculée en chaque nœud de la grille, a été remplacée par une valeur résiduelle obtenue en appliquant une méthode inspirée de celle de Griffin [13] : la valeur résiduelle en un point correspond à la différence entre la valeur de l'anomalie de Bouguer au point considéré, d'une part, et la moyenne des huit valeurs des points adjacents, d'autre part [2]. Les tailles, formes et profondeurs des effondrements permettent d'adopter le modèle sphérique pour représenter les vides souterrains [2]. Pratiquement, seules ont été jugées significatives, et représentant des vides éventuels, les anomalies résiduelles inférieures à −0,05 mGal, valeur conservative marquant le seuil de détection dans les limites de cette campagne. Théoriquement, et dans ces conditions, une cavité sphérique souterraine ayant un rayon de 7 m et un centre situé à 20 m sous le point de mesure causerait une anomalie résiduelle égale à −0,06 mGal et devrait donc être détectable.
4.2 L'interférométrie radar
Les traitements interférométriques ont été effectués sur neuf images, cinq en mode ascendant et quatre en mode descendant (Tableau 1). Ces données couvrent respectivement la période du 30 juin 1993 au 29 mai 1999 et du 5 août 1993 au 12 octobre 1997.
Liste des images ERS utilisées dans cette étude. (∗) Image maîtresse
List of ERS images used in this study. (∗) Master image
Mode ascendant : track 071/frame 0621 | ||
Numéros d'orbite | Dates | Base perpendiculaire |
ERS1-12228 | 30/06/93 | −51 m |
ERS1-23105 | 15/12/95 | −333 m |
ERS2-3432(∗) | 16/12/1995(∗) | 0(∗) |
ERS2-12951 | 11/10/97 | −156 m |
ERS2-21468 | 29/05/99 | −78 m |
Mode descendant : track 078/frame 2979 | ||
Numéros d'orbite | Dates | Base perpendiculaire |
ERS1-10744 | 05/08/93 | −14 m |
ERS2-12958(∗) | 12/10/1997(∗) | 0(∗) |
Orbites | Dates | Base perpendiculaire |
ERS1-21108 | 29/07/95 | −13 m |
ERS2-6445(∗) | 14/07/1996(∗) | 0(∗) |
En mode ascendant, la totalité de la mer Morte est couverte par une scène d'environ 100 km de côté. En mode descendant, il manque seulement le quart nord, mais cette partie ne concerne pas notre zone d'étude. Les traitements ont été effectués avec les programmes InSAR et DInSAR, conçus et réalisés au centre spatial de Liège [7–9]. Les interférogrammes ont été générés par la technique de l'interférométrie différentielle à quatre, trois et deux images [10]. Cette approche ne fait pas intervenir un modèle numérique de terrain (MNT) extérieur pour soustraire la phase topographique au moment de la génération de l'interférogramme différentiel (ID). Le MNT est réalisé à partir d'une paire d'images prises en tandem. Dans notre cas, il s'agissait de la paire du 15 et 16 décembre 1995 en mode ascendant. Lorsque l'on travaille avec trois ou quatre scènes, la géométrie d'acquisition de la paire qui sert à créer la phase topographique est transposée dans celle de la paire qui comporte les mouvements que l'on cherche à mettre en évidence. La phase topographique est alors soustraite de l'interférogramme qui contient les mouvements, l'ID est ainsi constitué. Dans le cas où l'on utilise deux images, la base perpendiculaire est choisie la plus courte possible, de manière à atténuer la phase topographique. Par exemple, à une base perpendiculaire de 13 m correspond une altitude d'ambiguı̈té d'environ 770 m. Une frange topographique de l'interférogramme représente donc une dénivellation de 770 m. Les zones plates, comme les nouvelles terres autour de la PL affectées par la subsidence, seront dès lors pratiquement dépourvues d'artefacts topographiques. Pour obtenir le taux de déplacement pour une période donnée, l'ID est déroulé et converti de manière à exprimer en millimètres les mouvements le long de la ligne de visée du capteur. Enfin, grâce à une série de coupes, des taux de déplacements sont déduits par rapport à des points considérés comme stables mais qui, en réalité, ne le sont pas nécessairement. En l'occurrence, nous savons que la péninsule surmonte un diapir [21] dont le taux de soulèvement pourrait être au maximum de 6 à 7 mm/an [11]. Il nous a été possible de cartographier les champs de déformation dans les deux modes.
En ce qui concerne l'incertitude des mesures interférométriques, la précision est calculée en chaque point au travers du pourcentage de la conservation de la phase d'un passage du satellite à l'autre. L'erreur sur la phase est supérieure ou égale à :
La cohérence étant définie comme [9] :
Nous choisissons les pixels dont la cohérence de la phase est conservée à 70 %, afin d'obtenir 10° d'erreur sur la phase, soit 1/36 de cercle. Un grand nombre de pixels de la partie nord du Lisan tourne autour de cette valeur. Pour un pixel dont la cohérence est supérieure ou égale à 0,7, l'erreur est inférieure ou égale au rapport entre l'altitude d'ambiguı̈té/36 pour un MNT et inférieure ou égale à 56 mm/36 pour les mouvements différentiels, soit 1,6 mm.
En matière d'éventuels effets troposphériques, nous avons observé des phénomènes identiques sur des couples interférométriques différents ; or, il ne peut y avoir de corrélation entre deux états troposphériques, sauf si l'on compare du très beau temps avec du très beau temps. Il est donc très improbable que les franges que nous avons observées soient dues aux effets atmosphériques.
Dans les régions à fort relief, une modification des conditions atmosphériques dans la troposphère entre les deux moments d'acquisition de la paire interférométrique introduit une variation du trajet aller-retour de l'onde émise par le radar, qui se traduit par un retard de phase sur l'interférogramme. Un système de franges non liées au déplacement apparaı̂t alors et parasite le signal associé aux déformations. Cet effet est d'autant plus critique que les conditions atmosphériques dépendent de l'altitude de chaque point de l'interférogramme. Dans ce cas, le système de franges parasites est totalement corrélé avec la topographie. La péninsule du Lisan pouvant être considérée comme plate en regard de ces phénomènes atmosphériques, un tel système de franges ne peut y exister.
Enfin, si nous ne sommes pas encore en mesure de supprimer les effets atmosphériques des interférogrammes corrigés de la phase topographique, il est important d'être capable de reconnaı̂tre ces artéfacts afin qu'ils ne soient pas confondus avec des déformations. Les artéfacts atmosphériques de courte longueur d'onde (qui peuvent être confondus avec les déformations tectoniques à petite échelle) ont typiquement une échelle de longueur de l'ordre de 5 à 10 km et peuvent causer jusqu'à 6 cm d'excès de longueur du chemin optique. Nous n'en avons pas détecté sur nos interférogrammes.
4.3 Comparaison entre les couvertures géographiques des données interférométriques et gravimétriques
Les images ERS que nous avons traitées couvrent une superficie d'environ 100×100 km. Les zones prospectées par gravimétrie sont plus limitées. La PL a été couverte dans sa totalité en 1995, avec un point de mesure tout les 500 m en moyenne [15]. Cependant, les points de mesure n'ont pu être distribués de manière homogène sur les nouvelles terres, en raison des deux bassins d'évaporation. Les routes à l'emplacement des futures digues, ont été, en revanche, parsemées de points de mesures. Pour la région de GAH, un polygone de 300×600 m a été investigué. Le semis de points était homogène, avec une mesure tous les 15 m environ.
5 Principaux résultats issus de la gravimétrie et de l'interférométrie
5.1 Validation des données gravimétriques à Ghor Al-Haditha
Nous avons comparé la localisation des endroits qui présentaient une anomalie de Bouguer résiduelle négative à la fin de 1994 avec les puits qui se sont ouverts entre 1995 et 1999, tel que reporté par Taqieddin et al. [20] (Fig. 3). Les symboles qui représentent les effondrements sont identiques à ceux employés dans les références [2,20]. Les surfaces ne sont pas représentatives de l'emprise au sol des phénomènes.
Cette figure nous montre qu'entre 1995 et 1999, quatre effondrements se sont produits. Dans trois cas, il existe une bonne corrélation entre nos mesures et la cartographie des effondrements ; dans un quatrième, l'effondrement est proche d'une anomalie gravimétrique détectée. Une explication possible réside dans le fait que la remontée des cavités ne se fait pas toujours nécessairement de manière verticale mais, comme nous avons pu l'observé, de manière oblique. Le nombre d'anomalies est supérieur à celui des effondrements, car le processus d'effondrement nécessite du temps pour se généraliser à l'ensemble de la zone.
5.2 Détection et mesure du taux de subsidence sur la péninsule du Lisan
La Fig. 4 présente les contours de deux zones subsidentes (flèches A et B) d'un ID réalisé à l'aide de deux images pour la période du 29 juillet 1995 au 14 juillet 1996 (base perpendiculaire de 13 m, altitude d'ambiguı̈té de 770 m). À la zone (A) correspond pratiquement tout le segment de la digue qui s'est rompue sur 1650 m et par où s'est vidangé le bassin d'évaporation (56 millions de mètres cubes). Si nous ne pouvons affirmer que l'effondrement est lié à cette subsidence, la remarquable coı̈ncidence géographique des deux faits est à noter. Observons également que les deux zones subsidentes sont séparées par un col (stable, flèche C sur la Fig. 4), dans le prolongement duquel se trouve une des deux extrémités de la zone effondrée. Au niveau de l'axe central de la péninsule (qui correspond à la partie émergée avant 1960), nous observons des bosses et des fosses, interprétées comme de probables mouvements diapiriques [5].
À partir des ID déroulés et convertis en millimètres, il est possible de mesurer les déplacements relatifs à la période comprise entre les dates d'acquisition de la paire de mouvement (Fig. 5). Les informations issues de coupes tracées sur les ID correspondent aux déplacements le long de la ligne de visée du satellite (Fig. 6).
La coupe effectuée à travers la dépression (A) de la Fig. 4 permet d'estimer le déplacement à 44 mm sur 665 jours (±1,6 mm, pour une cohérence de 0,7), soit en moyenne 24 mm an−1.
5.3 Interprétation des résultats, complémentarité des approches gravimétrique et interférométrique
La Fig. 7 superpose et permet de comparer le champ d'anomalies gravimétriques cartographiées pour la PL [15] avec le champ des déformations superficielles contemporaines, établies par l'interférométrie différentielle (période du 29 juillet 1995 au 14 juillet 1996). On constate l'existence d'une corrélation qualitative des traits généraux des isolignes représentant les valeurs de l'anomalie de Bouguer (qui reflètent la géologie) avec les zones de mouvement de l'interférogramme (qui reflètent les déformations). C'est manifestement le cas pour la partie nord de la PL, où il est clair qu'aux minima observés en gravimétrie correspondent des zones en déformation détectées par interférométrie. La connaissance du terrain combinée avec ces mesures permet de raffiner l'interprétation des évènements en cours et une interprétation possible dans la problématique des aléas (Tableau 2).
Relation entre les données gravimétriques et interférométriques ainsi que l'interprétation dans le cadre des aléas. Les minima sont localisés sur la Fig. 7
Relation between gravimetry, interferometry and the interpretation in the frame of geo-hazard assessment. Minima values are indicated in Fig. 7
Gravimétrie | Interférométrie | Interprétation (geo-hazard) |
Minima 1 | subsidence B | possibilité d'affaissement de la digue |
Minima 2 | subsidence A | destruction de la digue |
Minima 3 | soulèvement | sub-dôme du diapir du Lisan, pos- |
sibilité d'affaissement de la digue |
Pratiquement, la comparaison est toutefois limitée aux zones qui ont conservé la phase du signal rétrodiffusé. Ce paramètre, appelé cohérence de phase, est une mesure du degré de similitude entre deux surfaces imagées. Pour que l'on puisse observer des figures d'interférence, il faut que la cohérence soit préservée durant la période qui sépare les deux acquisitions de la paire de mouvements (les ondes rétrodiffusées doivent maintenir une différence de phase constante). Sur la PL, les activités humaines et le rapide recul de la ligne de rivage pourraient être la cause de la disparition de la cohérence aux environs immédiats de la digue. Le reste de la péninsule conserve très bien la cohérence. Dans les zones où la cohérence est perdue, le champ des déformations non apparent pourrait être complété/suggéré par extrapolation (avec précaution) à partir des données de la gravimétrie.
À GAH, la décorrélation temporelle est due aux travaux agricoles qui diminuent considérablement la cohérence. Elle n'a pas permis la combinaison entre l'interférométrie et la gravimétrie. La détection classique des cavités par des mesures micro-gravimétriques a donné les résultats escomptés.
6 Conclusions
- – Pour la partie septentrionale de la péninsule de Lisan, il est remarquable de constater que des anomalies coı̈ncident spatialement à la fois dans les données gravimétriques et interférométriques. C'est tout à fait évident pour un dôme secondaire du diapir du Lisan, mais aussi pour les deux zones subsidentes (Fig. 4A et 4B). Une approche combinée améliore la cartographie des zones dangereuses.
- – Dans les régions qui conservent la cohérence, il est possible d'individualiser à temps certaines zones à risque d'effondrement à l'aide de la technique interférométrique. À Ghor Al-Haditha, l'absence de cohérence rend actuellement impossible la mise en évidence des mouvements précurseurs par une telle technique (difficulté qui pourrait toutefois être surmontée par l'adoption des coins réflecteurs, garantissant une cohérence suffisante).
- – Par ailleurs, les cavités souterraines métriques à décamétriques, dont les signes avant-coureurs, à l'échelle locale, sont quasiment inexistants ou très rapides, ont été détectées par gravimétrie à GAH. Cette approche est efficace ponctuellement, mais reste moins bien adaptée à un problème d'envergure régionale.
- – Le caractère dynamique du problème dans la zone étudiée nécessiterait la mise en place d'une surveillance continuelle de l'évolution et de l'analyse des zones potentiellement dangereuses. La surveillance par interférométrie pourrait déclencher l'alerte, en mettant en évidence les zones les plus exposées et dont l'évolution des signatures interférométriques laisse présager une évolution vers l'effondrement ; cette surveillance serait mise en valeur par la création d'un réseau gravimétrique (et du nivellement de précision) judicieusement réparti au voisinage des ouvrages d'art et constructions existant dans la zone. Elle permettrait en cas de nécessité d'approfondir l'investigation à l'échelle locale. De plus, cette approche permettrait d'améliorer la connaissance phénoménologique de ces aléas et de développer des procédures d'évaluation plus efficaces de la vulnérabilité des milieux exposés.
Remerciements
Les images ERS indispensables à cette étude ont été fournies par l'ESA (AO3.307). La coopération de l'ingénieur S. Fadda, du MEI–Jordanie, ainsi que les efforts de MM. S. Al-Qoraan, A. Mohsen et N. Al-Jalamdeh de l'université de Jordanie lors de la campagne gravimétrique ont été hautement appréciés. Les recherches de D. Closson sont financées par la Région wallonne (projet First Université) et l'École royale militaire (projet Bemat).