Abridged English version
The Archean terrain of Eastern Finland is a part of the Baltic shield. It represents a vast cratonized domain, spreading eastward up to the Russian territory. This domain is formed by a granito-gneissic basement and supracrustal ‘greenstone rocks’ mainly composed of mafic meta-volcanics and metasedimentary material. The greenstone formations are actually the matter of many discussions. For some authors, they correspond to enclaves of a primitive oceanic crust [1], while others consider that the mafic units postdate the granito-gneissic basement [16].
The Kuhmo greenstone belt here studied, is located in eastern Finland (Fig. 1). It spreads in a north–south direction on about 200 km and shows a maximal width of 20 km. The Finnish part of the Baltic shield is made of a gneissic and migmatitic basement (2700 to 3000 Ma) topped by greenstone mafic formations (2500 to 2650 Ma); it is intruded by granitoids (2400 to 2500 Ma) [10]. These three geological entities have been found in the studied area. The granitoid batholiths either intrude the Kuhmo greenstone belt itself or the surrounding gneissic basement. Most of the Kuhmo belt is formed by basic and ultrabasic metavolcanic rocks associated with metasediments. The belt appears as a synformal zone overlying the gneissic basement [3].
The purpose of this study is to characterize the deep structure of the Kuhmo greenstone belt using the gravity data. Qualitative and quantitative interpretation of the gravity anomalies associated to this belt will be given (Fig. 2). In order to better achieve this interpretation, filtering of the gravity data using the Fourier transform has been used to calculate the horizontal (Fig. 3) and the vertical gradient of the gravity signal. The qualitative interpretation of the Bouguer anomaly and the calculated horizontal and vertical gradient maps (Fig. 4) allows us to delineate the structures affecting the belt and the granito-gneissic basement. The deep morphology of the belt itself has been recognized with the help of the bi-dimensional modelling technique (Figs. 5 and 6). The final 3D model is based on the interpretation of 18 gravity profiles cutting across the belt (Fig. 2) and results from the lateral interpolation between the successive two-dimensional models (Fig. 6). The resulting shape shows that the belt displays purses-like structures close to the surface (Fig. 5), which support the hypothesis of the gravitational sinking of the still plastic heavy volcanic material within the light sialic crust. This mechanism is similar to an ‘inverse diapirism’ and is in good agreement with the thermal conditions which existed during Archean time [7]. The gravity modelling also shows that the structure of the belt is controlled by granitoids diapirs.
1 Introduction
Les terrains archéens de la Finlande orientale font partie du bouclier baltique, vaste domaine cratonique s'étendant largement vers l'est, jusqu'en Russie (Fig. 1). Ce domaine est constitué d'un socle granito-gneissique et de formations supracrustales connues sous le nom de « ceintures de roches vertes ». Ces ceintures sont constituées de roches volcaniques basiques et de métasédiments [3]. Leur mode de mise en place fait l'objet de nombreuses discussions. Pour certains, ces ceintures correspondent à des enclaves de croûte océanique primitive [1], alors que d'autres les considèrent comme des unités supracrustales mises en place postérieurement au socle granito-gneissique [16]. Certains auteurs, favorables à la seconde hypothèse, suggèrent que la formation de ces ceintures de roches vertes serait le résultat d'une tectonique verticale provoquée par un effet de gravité due à la mise en place d'importantes masses de roches volcaniques basiques lourdes au-dessus de la croûte sialique légère [7,12].
La ceinture de roches vertes de Kuhmo s'étend en direction nord–sud sur environ 200 km et présente une largeur maximale de 20 km. Elle a fait l'objet de nombreuses études pétrologiques, géochimiques, géochronologiques et structurales. Notre travail complète ces études en y intégrant la gravimétrie dans l'objectif de caractériser la structure profonde de cette ceinture.
2 Contexte géologique
Dans le secteur étudié, on retrouve les trois entités géologiques qui caractérisent les terrains archéens à savoir : un socle gneissique, une ceinture de roches vertes et des granitoı̈des [10].
- (a) Les études pétrographiques et géochimiques ont permis de montrer que le socle gneissique était formé d'orthogneiss dont l'âge s'étend de 2700 à 3000 Ma [3,10].
- (b) Les granitoı̈des d'âge 2400 à 2500 Ma se présentent sous forme de batholites intrudant aussi bien le socle gneissique que la ceinture de roches vertes [11].
- (c) La ceinture de roches vertes est essentiellement formée de roches basiques et ultrabasiques d'âge 2500 à 2650 Ma, associées à des métasédiments et des métavolcanites acides. Géométriquement, les matériaux de la ceinture apparaissent en synforme reposant sur le socle gneissique [3].
Des études structurales montrent que la mise en place du socle gneissique est antérieure à celle de la ceinture de Kuhmo [2] ; elles révèlent également l'existence d'une tectonique post-archéenne (cycle Karélien), caractérisée par des charriages et des cisaillements. Les études géochronologiques récentes ont confirmé la postériorité de la ceinture de roches vertes par rapport au socle gneissique et son antériorité par rapport aux granitoı̈des [10]. Ces résultats corroborent l'hypothèse qui considère les ceintures de roches vertes comme des unités supracrustales.
3 Données utilisées
3.1 Données gravimétriques
Les données gravimétriques utilisées proviennent d'un levé réalisé par le service géologique de la Finlande. Ce levé couvre la zone située entre les longitudes 28°48′E et 29°54′E et les latitudes 64°N et 64°30′N. Les données sont disponibles sous forme d'une carte de l'anomalie de Bouguer publiée à l'échelle e, avec une équidistance des courbes isoanomales de 1 mGal et une densité de correction de 2,67. Les nombreux points de mesure (1851) sont répartis de façon très homogène (Fig. 2). Cette carte a été numérisée avant de procéder au calcul des gradients vertical et horizontal.
3.2 Densités
Les valeurs de densité utilisées dans ce travail sont issues de mesures densimétriques effectuées au laboratoire sur des échantillons prélevés dans les principaux faciès rencontrés dans le secteur étudié (Tableau 1). Parmi les échantillons disponibles, trois types de roches faisaient défaut dans notre échantillonnage (les serpentines, les micaschistes et les schistes quartzo-feldspatiques) ; leurs densités ont été recherchées dans la littérature scientifique [4].
Densités utilisées pour la modélisation
Densities used in the modelling
Type de roche | Densité moyenne | Nombre de |
(g cm) | mesures | |
Amphibolites | 3,02 | 23 |
Gneiss | 2,69 | 39 |
Ultrabasite | 2,83 | 36 |
Gabbro | 2,93 | 08 |
Granite | 2,64 | 10 |
Quartzite | 2,60 | 16 |
Serpentinite | 2,56 | – |
Micashistes | 2,70 | – |
Schistes quartzo-feldspatiques | 2,72 | – |
4 Interprétation des anomalies gravimétriques
4.1 Interprétation qualitative
Le filtrage des données gravimétriques permet d'obtenir des renseignements supplémentaires sur l'organisation du sous-sol par rapport à ceux fournis par la carte d'anomalie de Bouguer. Ainsi, afin d'exploiter au mieux les données gravimétriques, nous avons effectué l'interprétation qualitative, non seulement sur la carte d'anomalie de Bouguer, mais aussi sur les cartes obtenues par filtrage du signal gravimétrique dans le domaine spectral à l'aide de la transformée de Fourier. Nous avons choisi deux types de traitement :
- – le calcul du gradient vertical permet d'avoir des anomalies transformées plus étroites, en amplifiant le signal de haute fréquence correspondant aux sources peu étendues et superficielles ; ainsi, les faibles hétérogénéités de densité à l'intérieur de la ceinture de roches vertes ou dans son encaissant seront mieux circonscrites sur la carte du gradient vertical ;
- – le gradient horizontal constitue un excellent moyen de localiser les contacts géologiques ; en effet, la limite entre deux blocs caractérisés par des densités différentes est soulignée par la ligne marquant les maxima des valeurs de ce gradient [5,6].
L'examen de la carte d'anomalie de Bouguer montre que la ceinture archéenne de Kuhmo est caractérisée par deux importantes anomalies positives. La première, localisée au nord (An-N) s'étend sur une quinzaine de kilomètres en direction nord–sud (Fig. 2). La seconde, (An-S) plus importante (30 km), est orientée NNW–SSE. La transition entre ces deux anomalies (zone ZT) correspondrait à un amincissement horizontal de la ceinture, même si à l'affleurement, celle-ci forme une bande continue de largeur constante (Fig. 2). Bien que les deux anomalies épousent parfaitement les limites de la ceinture de roches vertes de Kuhmo, on constate que les maxima gravimétriques ne sont pas situés au milieu de celle-ci, ce qui suggère une asymétrie des structures profondes et un enracinement de la ceinture vers l'ouest, au nord, et vers l'est, au sud. La carte du gradient vertical (niveau de gris, Fig. 4) et le tracé des maxima des valeurs du gradient horizontal confirment l'asymétrie de la géométrie de la ceinture de roches lourdes en profondeur, surtout au niveau de l'anomalie sud (Fig. 4).
Des anomalies négatives sont observées de part et d'autre de la ceinture (exemple A1, A2). Elles seraient dues à des diapirs de granitoı̈des [8]. Il existe en effet, deux générations de diapirs. Les uns, de petite taille et d'âge Archéen, situés à l'est de la ceinture et les autres datés du Karélien et observés à l'ouest.
La superposition des informations issues des cartes du gradient vertical et du gradient horizontal, combinée à l'examen de la carte d'anomalies de Bouguer, permet d'identifier quelques failles recoupant la ceinture. Certaines de ces failles coı̈ncident avec des dykes protérozoı̈ques (2400 Ma) [9] (Fig. 4). Au niveau du socle gneissique, les maxima des valeurs du gradient horizontal soulignent des limites de blocs qui définissent un champ de structures linéaires orientées NNW–SSE à l'est de la ceinture et nord–sud à l'intérieur et à l'ouest de celle-ci.
4.2 Interprétation quantitative
La modélisation gravimétrique a été réalisée grâce à la méthode bidimensionnelle de Talwani et Heirtzler [15]. Cette technique de modélisation, qui consiste à calculer l'effet gravimétrique dû à un modèle de départ dont on fait varier la géométrie, a été choisie parce qu'elle est très précise lorsqu'on dispose de bonnes mesures de densité et que l'on connaı̂t la largeur des corps à l'affleurement. Ce choix est également justifié par le fait que le corps modélisé est très allongé.
Afin de mieux cerner la structure d'ensemble de la ceinture, la modélisation a été réalisée selon 18 profils choisis perpendiculairement à sa direction d'allongement (Fig. 2). Ces profils ont été échantillonnés sur la carte d'anomalies résiduelles, obtenue après soustraction de la carte d'anomalie de Bouguer d'un gradient régional est–ouest d'environ 0,37 mGal km−1. L'interpolation par la méthode du minimum de courbure [13] entre les modèles obtenus permet d'avoir une image tridimensionnelle de la structure profonde de cette ceinture.
L'interprétation quantitative a permis d'obtenir une série de modèles en coupe, qui montrent pour la plupart une forme « en bourse » (Fig. 5a). Pour certains profils, l'anomalie est trop large par rapport à l'affleurement, ce qui oblige, soit à adopter une structure déversée, soit à ajouter un bloc latéral. Dans la branche sud de la ceinture, l'addition de masses légères assimilées à des dômes de granites déformant la ceinture permet d'expliquer l'anomalie (Fig. 5b).
La juxtaposition des 18 modèles bidimensionnels obtenus (Fig. 6a) et la représentation sous forme de bloc-diagramme de la base de la ceinture (Fig. 6b), permettent de visualiser sa structure globale et de rendre compte de la variation latérale de son épaisseur, qui est comprise entre 4 et 4,5 km. Dans la zone de transition entre les deux principales anomalies, cette épaisseur n'est que de 2 km.
5 Discussion et conclusion
La modélisation gravimétrique bidimensionnelle montre que la forme en profondeur de la ceinture de roches vertes de Kuhmo est très variable en largeur. Ceci serait lié aux déformations successives provoquées par des remontées de diapirs de granitoı̈des. Certains modèles montrent toutefois que la structure initiale a été préservée par endroits ; elle présente alors la forme d'une gouttière qui s'élargit en profondeur, suggérant une structure en « bourse » qui corrobore le modèle de mise en place par enfouissement gravitaire [7,12]. Selon Gorman at al. [12], ce modèle consiste en la mise en place, au-dessus d'une couche sialique, d'un énorme volcan bouclier d'environ 100 km de diamètre et 5000 à 7000 m d'épaisseur. Le matériel volcanique commence à s'enfoncer par suite de l'inversion du gradient de densité. La subsidence se poursuit en provoquant la création, dans la zone centrale, d'un bassin où s'accumulent des sédiments détritiques. Le mouvement descendant s'accentue et permet un approfondissement du bassin central et un raccourcissement de l'ensemble de la masse volcanique. Le phénomène aboutit à la formation d'une structure en « champignon inversé ».
Bien que la modélisation gravimétrique n'aboutisse pas à une solution unique, nous pensons que nos modèles reflètent la réalité, car ils sont très contraints par la géométrie de surface et les densités mesurées. Plusieurs arguments, plaident en faveur de nos modélisations.
1. Sachant que la formation du socle gneissique est antérieure à celle de la ceinture de Kuhmo [10], il est logique d'imaginer que cette ceinture, de nature essentiellement basique (et donc lourde), s'est mise en place sur une croûte sialique préexistante légère. Ceci explique l'inversion du gradient de densité observé au niveau des résultats des mesures densimétriques que nous avons réalisées. En effet, les valeurs moyennes obtenues pour la ceinture et son encaissant gneissique sont respectivement 2,92 et 2,69 g cm−3.
2. L'épaisseur actuelle des roches vertes serait, d'après les données géologiques, de l'ordre de 5000 à 6000 m [14], ce qui est compatible avec nos modèles gravimétriques, où elle atteint un maximum de 6000 m. Notons cependant que, compte tenu de l'effet de l'érosion, l'épaisseur initiale de la pile volcanique devrait être largement supérieure à 5000 m pour initier le processus d'enfouissement [7].
Après sa mise en place, la ceinture archéenne de Kuhmo a été marquée par une phase d'érosion qui aurait ramené la topographie fini-archéenne à un niveau proche de l'Actuel, comme le montrent les dépôts conglomératiques de la base du Protérozoı̈que observés au-dessus des terrains archéens. Plus tard, la ceinture a été reprise par la tectonique karélienne, qui s'est manifestée, entre autres, par la mise en place de diapirs de granitoı̈des qui ont intrudé la ceinture de roches vertes.