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Comptes Rendus

Géodynamique
Évidences paléomagnétiques et paléontologiques en faveur d'une position antipodale du craton Ouest-Africain et de la Chine du Nord : conséquences paléogéographiques
Comptes Rendus. Géoscience, Volume 336 (2004) no. 2, pp. 159-165.

Résumés

La révision des données paléomagnétiques antérieurement acquises sur le craton Ouest-Africain et leur comparaison avec de nouvelles informations obtenues sur les filons et sur les formations riches en stromatolites a permis d'établir, à l'issue d'une critique des âges précédemment publiés, l'histoire du parcours du craton Ouest-Africain entre 2200 et 700 Ma. Ce trajet a été comparé à celui de la Chine de l'Est (qui se divise principalement en un bloc de Chine du Nord et en un bloc de Chine du Sud) entre 1400 et 700 Ma. On note qu'une partie de leur dérive est identique dès avant leur accrétion au sein du super-continent Rodinia. On note aussi que pendant le stade Rodinia, le craton Ouest-Africain et le bloc de Chine du Nord étaient localisés près de l'équateur, qu'ils étaient en position antipodale et qu'ils possédaient les mêmes assemblages stromatolitiques. Mis à part l'arrangement maintenant bien établi du puzzle rodinien en son centre, ces données établissent, pour la première fois, l'extension réelle de ses marges continentales orientales et occidentales vers 1000 Ma. On peut aussi en déduire que l'accrétion de Rodinia résulte principalement de déplacements orientés dans une direction nord–sud.

Reappraisal of the palaeomagnetic data previously published about the West African Craton and their comparison with the most recent information obtained on doleritic dykes and stromatolite-bearing formations allow us to propose, after a critical examination of the old geochronological data, a new path for the West African Craton between 2200 and 700 Ma. This path has been compared with that of eastern China (which can be simply divided into a northern and a southern China block) between 1400 and 700 Ma. We can observe that these two blocks show a common path before their accretion to the Rodinia super-continent. These two blocks, which were located close the equator and at the outboard of Rodinia at about 1000 Ma, were also characterized by identical stromatolitic assemblages. This result shows that West Africa and Eastern China represented the antipodal continental margins of Rodinia. One can also deduce from our data that the accretion of Rodinia mainly resulted from north–south-oriented displacements.

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DOI : 10.1016/j.crte.2003.11.003
Mot clés : craton Ouest-Africain, Chine de l'Est, Rodinia, paléomagnétisme, stromatolites
Keywords: West-African Craton, eastern China, Rodinia, palaeomagnetism, stromatolites
Jean-Pierre Lefort 1 ; Tahar Aı̈fa 1 ; Robert Bourrouilh 2

1 Géosciences-Rennes, université Rennes-1, bât. 15, campus de Beaulieu, 35042 Rennes cedex, France
2 Laboratoire Cibamar, université Bordeaux-1, av. des Facultés, 33405 Talence cedex, France
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Jean-Pierre Lefort; Tahar Aı̈fa; Robert Bourrouilh. Évidences paléomagnétiques et paléontologiques en faveur d'une position antipodale du craton Ouest-Africain et de la Chine du Nord : conséquences paléogéographiques. Comptes Rendus. Géoscience, Volume 336 (2004) no. 2, pp. 159-165. doi : 10.1016/j.crte.2003.11.003. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/geoscience/articles/10.1016/j.crte.2003.11.003/

Version originale du texte intégral

Abridged English version

The old palaeomagnetic data published in the 1970's for the West African Craton, poorly constrained by large error bars in geochronology and uncertainties regarding the primary or secondary magnetization [22], have been revised and compared with new data obtained on a large dike swarm and stromatolites-bearing rocks from the Algerian Sahara [1,2,12,13]. These formations range between 2200 and 700 Ma. The new data support the previously published APWP, but bring more accuracy and extend it up to 700 Ma. The main results mainly concentrate on the Reguibat uplift, an area that is located north of the West African Craton. It is now known that this uplift resulted from the accretion of two sub-zones, the Yetti and the Eglab sub-zone, which collided around 2000 Ma and participated in the formation of the first super-continent Columbia [12]. Because this paper is only dealing with the Rodinia puzzle, these data will not be discussed here.

The new African APWP has been compared with those of eastern China between 1400 and 700 Ma [10]. As a matter of fact, eastern China can be divided into three geological provinces: the Sino-Korean Craton (or northern block), the Yangtze Craton (or southern block) and Cathaysia. Because the data obtained on Cathaysia mainly concentrate on the Neoproterozoic [14], this zone has been discarded from our comparisons. All the data have been reduced to Teggeur site (26.2°N,−3.5°E) in Algeria for more accurate comparisons. One can observe (Fig. 1b) that the Chinese and African blocks partly follow the same drift in latitude as that already described for the Fennoscandian part of the Baltic Shield [10,16]. The drift of the northern China block and that of the West African Craton remained almost perfectly superimposed between 1500 and 950 Ma, southern China staying slightly isolated in the north. The northern China–West African Craton common drift predates the Rodinia continent accretionary stage, which is usually dated at around 1000 Ma.

Fig. 1

a. Localisation en latitude des cratons Ouest-Africain, de Chine du Nord, de Chine du Sud, d'Uruguay et de Fennoscandie entre 2200 et 700 Ma. Les barres d'erreur concernant les âges et les latitudes sont données. b. Courbes enveloppes tenant compte des incertitudes en âge et en latitude pour les cratons Ouest-Africain, de Chine du Nord et de Chine du Sud entre 2200 et 700 Ma, montrant la période de formation des super-continents Columbia et Rodinia. Hachurés horizontaux : bloc de Chine du Sud ; hachurés verticaux : craton Ouest-Africain ; hachurés obliques : bloc de Chine du Nord.

a. Location of the West African, Northern China, Southern China, Uruguay and Fennoscandian Cratons between 2200 and 700 Ma. The error bars in ages and latitudes are given. b. Envelopes taking account of the error bars in age and latitude for the West African, Northern China and Southern China Cratons between 2200 and 700 Ma. The approximate period of formation of Columbia and Rodinia super-continents is given. Horizontal ruling: southern China; vertical ruling: West African Craton; oblique ruling: northern China.

It is interesting to note that Eastern China, in general, and the West African Craton, in particular, display many similar Stromatolites genera between 1000 and 750 Ma [25]. There is no such similarity before and after this period of time. This result goes in hand with their identical location in latitude, which was close to the 1000 Ma equator, and with the large and contemporaneous development of limestone formations. At the same time, the central part of the Rodinia super-continent was supposed to be purely of continental nature.

All these data and the comparison of their APWP suggest that the West African and the Northern Chinese Cratons were located in an antipodal position and represented the Eastern and Western margins of the super-continent. This result represents the first attempt to locate the oriental and occidental boundaries of this equatorially centred super-continent.

1 Introduction

Les multiples reconstitutions du super-continent Rodinia actuellement publiées montrent un certain nombre de différences, qui ont parfois fait douter de la validité de cette entreprise par les chercheurs non spécialisés. Certaines de ces différences sont liées aux méthodes utilisées, telles que l'étude du paléomagnétisme, qui ne peut contraindre la position des continents en longitude, ou bien la géochronologie qui, en dehors de quelques cas particuliers, n'offre encore trop souvent que des données Rb/Sr anciennes, entachées d'incertitudes qui peuvent par exemple atteindre 43 et même 107 Ma pour les âges compris entre 2,2 et 1 Ga [22]. Ces incertitudes ne sont d'ailleurs pas nécessairement rédhibitoires, lorsque l'on sait que le puzzle rodinien peut souvent être affiné si l'on tient compte de la continuité des orogenèses grenvilliennes ou équivalentes entre deux paléocontinents voisins [22] et si l'on prend en compte la faible erreur que constitue une incertitude de 25 Ma, lorsque l'on considère les déplacements d'un craton sur plus de 1 Ga. Dans ces reconstructions, les plus grandes sources d'erreurs sont de fait liées à l'absence totale de données pour certains cratons. Ainsi, la position du craton Ouest-Africain ou de l'Amérique du Sud ne reposent-ils, par exemple, à 1 Ga, sur aucune donnée fiable. On sait aussi maintenant depuis peu que la Sibérie, bien qu'elle en ait été proche, n'a probablement jamais réellement fait partie de Rodinia [17] (Pisarevsky, communication personnelle).

La meilleure façon d'indiquer la position des continents pour lesquels il existe des informations serait d'abord de représenter leur localisation sur un graphe montrant les barres d'erreurs mesurées en latitude et en âge, avant de proposer une reconstitution paléogéographique. Ces assemblages ne représentant en réalité qu'une reconstruction possible et non une configuration définitive et irréfutable, nous nous proposons d'utiliser cette démarche pour comparer la position des cratons Ouest-Africain et de la Chine de l'Est. On verra quelles sont les conclusions paléogéographiques qui peuvent être tirées de cette comparaison.

2 La dérive du craton Ouest-Africain

Les anciennes données paléomagnétiques publiées par Sabaté et Lomax [22] pour la dorsale Réguibat (située au nord du craton Ouest-Africain) ne sont jamais utilisées dans les reconstructions de Rodinia, en partie parce que l'on ignore si la dérive des pôles (APWP) qu'ils proposent correspond à des aimantations primaires ou secondaires. De plus, les âges sur lesquels ils s'appuient [20,21], peuvent parfois montrer des barres d'erreur importantes. Nous avons repris l'étude de cette région [1,12] en essayant de caler nos résultats, d'une part, sur les nouvelles datations obtenues dans la région [8,9], mais aussi sur nos études paléomagnétiques consacrées aux filons de dolérites et aux formations datées [17] riches en stromatolites [1,13]. Sans reprendre ces études dans le détail, il ressort de ce travail :

  • (1) que les anciennes données géochronologiques sont globalement cohérentes, aux barres d'erreur près, si on les compare aux nouvelles mesures, bien qu'elles doivent être légèrement rajeunies ;
  • (2) que les composantes de haute température (HTc) obtenues sur les filons doléritiques [1], correspondent à des pôles dont la position est proche de celle obtenue à 2080 Ma par Sabaté et Lomax [22] et que les composantes de basse température (LTc) mesurées sur les mêmes filons donnent des pôles voisins de ceux datés à 1450 Ma par les mêmes auteurs. Les paléopôles intermédiaires isolés par la méthode des grands cercles sont proches de celui déjà daté à 1980 Ma. Notre dérive des pôles est donc homothétique de celle obtenue par les premiers auteurs et la valide ;
  • (3) que, sachant que les sites explorés se trouvent, l'un dans la zone du Yetti et l'autre dans celle des Eglab, nos données montrent que ces régions étaient initialement séparées avant de se réunir vers 2 Ga, générant ainsi la collision continentale birrimienne ; cette période correspond aussi à celle de l'accrétion du premier super-continent Columbia [12,19] ; la collision entre le Yetti et les Eglab constitue donc un témoin de la formation de ce super-continent ;
  • (4) que les études paléomagnétiques les plus récents menées au Sahara [1] concernant les formations à stromatolites datées sur argiles permettent, cumulées aux précédents, de proposer une dérive des pôles longue de plus de 1,2 Ga pour cette partie de l'Afrique [13].

La Fig. 1 associe toutes ces données tout en montrant les barres d'erreur en latitude et en âge enregistrées entre 2200 et 700 Ma. Elle permet de visualiser la dérive en latitude du craton Ouest-Africain au cours du temps.

3 La dérive des blocs nord et sud de la partie orientale de la Chine

Celle-ci est mal connue entre 1800 et 2500 Ma [11], mais mieux maı̂trisée entre 1400–1500 et 700 Ma, grâce aux données paléomagnétiques publiées par Huimin et Wenzhi [10]. Ces données sont cependant rarement utilisées dans les synthèses, car elles sont associées à des âges montrant des barres d'erreur proches de celles citées plus haut (encore qu'il y figure aussi des âges K/Ar et U/Pb beaucoup plus précis). Ces barres d'erreur ne nous sont pas toutes connues ; il semble qu'elles ne dépassent pas en général 25 Ma, ce qui est admissible, compte tenu de l'objectif que nous avons exposé. Nous avons repris toutes les données analytiques utilisables de la Chine de l'Est et les avons rapportées au site de Teggeur, situé dans les Eglab (26,2°N, −3,5°E), de façon à ce que les dérives en latitude de la Chine de l'Est et du craton Ouest-Africain soient comparables (Fig. 1a). Nous avons aussi recalculé les barres d'erreur en latitude, qui sont ici souvent importantes.

On doit encore noter que la Chine de l'Est se divise principalement en trois régions de socle ancien, le bloc sino-coréen (ou bloc de Chine du Nord au sens strict), le bloc du Yang Tse (ou bloc de Chine du Sud au sens strict) et la Cathaysia. La dérive de cette dernière région ne sera pas discutée, car elle a surtout fait l'objet d'études centrées sur le Néoprotérozoı̈que [12]. Sans reprendre le détail de ces études, il en ressort :

  • (1) que les blocs de la Chine du Nord et de la Chine du Sud ne se sont jamais beaucoup éloignés l'un de l'autre, ce que confirment les comparaisons que l'on peut faire au niveau des structures énigmatiques que sont les molar tooth structures dans chacun de ces blocs [5] ;
  • (2) qu'ils tendent fortement à se rapprocher à partir de 1300 Ma.

4 Comparaison entre la dérive du craton Ouest-Africain et celle des blocs chinois

La Fig. 1b montre l'évolution de ces trois cratons en fonction du temps et de la latitude, en tenant compte des marges d'erreur précédemment décrites. Malgré les incertitudes, on note entre 1500 à 950 Ma une excellente superposition de la dérive du craton Ouest-Africain et du bloc de la Chine du Nord. Nous avons aussi déjà remarqué qu'entre 1000 et 800 Ma en Chine [10] et qu'entre 1900 et 950 Ma en Afrique [13], ces dérives étaient proches de celle enregistrée dans la partie fennoscandienne du craton Baltique [18]. Ces évolutions montrent l'ordre dans lequel les accrétions successives se sont faites. Dans le domaine qui nous concerne, la formation du craton Ouest-Africain a été suivie par l'accrétion de la Fennoscandie [16], puis par celle du bloc de la Chine du Nord, menant ainsi à la formation finale de Rodinia vers 1000 Ma. La Chine du Sud, quoique localisée avec moins de précision, semble avoir toujours été localisée au nord de la Chine du Nord avant son accrétion définitive à Rodinia. À partir de 950 Ma, on observe un début d'éclatement de cet ensemble, qui signe le commencement de la dispersion de Rodinia. Notons à nouveau que la formation du super-continent Rodinia reste confinée à la latitude de l'équateur.

5 Essai de comparaison entre les formations à stromatolites de Chine de l'Est et du craton Ouest-Africain

La région nord du craton Ouest-Africain (Algérie, Mauritanie, Mali) a fait l'objet de longues études concernant la systématique des formations à stromatolites [3], les molar tooth structures [4] et leur datation géochronologique [6,7]. En Chine de l'Est, la succession des assemblages stromatolitiques a donné lieu à une importante compilation [25], qui concerne principalement les provinces du Jixian et du Yangtze. Les âges des formations étudiées s'étalent entre 1900 et 600 Ma. Le Tableau 1 résume les ressemblances existant entre la Chine de l'Est et le bouclier Ouest-Africain entre 1000 Ma, âge de Rodinia, et 750 Ma, époque où sa dispersion est presque achevée. Si dans ce tableau n'apparaissent que les espèces dominantes répertoriées dans chaque zone géographique, il en existe, d'autres moins fréquentes, telles que Tilemsina, par exemple, connue à la fois dans les deux domaines. Pour la Chine, les espèces n'ont pas été citées, car les détails des déterminations sont presque toujours en chinois. On remarque néanmoins de nombreuses similitudes entre le craton Ouest-Africain et la Chine de l'Est. Plus haut et plus bas dans la colonne stratigraphique, les genres et les espèces sont totalement différents, ce qui justifie notre comparaison.

Tableau 1

Comparaison entre les principaux taxons de stromatolites reconnus en Chine de l'Est et dans le craton Ouest-Africain entre 1000 et 750 Ma. Les niveaux cités pour le craton Ouest-Africain [23] correspondent aux niveaux datés (les barres d'erreur sur les âges sont comprises entre 20 et 50 Ma) [7]. Pour la Chine, les types d'assemblage retenus par Yuzuo et al. [25] sont cités, mais les barres d'erreur sur les âges sont inconnues

Comparison between the Stromatolites taxa described in Eastern China and in the West African Craton [23] between 1000 and 750 Ma. In the West African Craton, the dated levels usually show error bars between 20 and 50 Ma [7]. The numbers of the Chinese assemblages are given [25]. Error bars for the Chinese ages are not known

Craton Ouest-Africain Chine de l'Est
Niveaux datés Ages (Ma) Taxons dominants Assemblages paléontologiques Ages (Ma) Taxons dominants
I5 ∼890 Conophyton ressoti V et VI Conophyton
I6 ∼875 Gymnosolen Gymnosolen
I7 ∼865 Tungussia globulosa Serizia radians Tungussia
I10 ∼775 Jurusiana Jurusiana
I11 ∼775–695 Tyfounkeila ?

L'abondance des formations carbonatées riches en stromatolites de genres semblables confirme que les régions considérées étaient toutes deux localisées en bordure du continent exondé et à des latitudes tropicales ou subtropicales [15].

6 Conclusions

On sait déjà, grâce au paléomagnétisme, mais aussi grâce aux corrélations entre les orogenèses grenvilliennes connues sur différents continents, que les anciens cratons qui constituent aujourd'hui le cœur de l'Amérique du Nord, de la Baltique, de l'Antarctique, de l'Inde et de l'Australie formaient l'essentiel de Rodinia, mais on a beaucoup de mal à situer un certain nombre de petits cratons, qui sont souvent, faute de contraintes, rejetés à la périphérie du super-continent. Notre étude permet, pour la première fois, de montrer que le craton Ouest-Africain et que la Chine de l'Est étaient bien à la périphérie de Rodinia et qu'ils en constituaient les marges continentales. Ces marges étaient, par ailleurs, localisées à la hauteur des tropiques ou proches de ceux-ci. Compte tenu de l'incertitude en longitude propre au paléomagnétisme, deux solutions sont possibles : (a) les zones étudiées étaient proches l'une de l'autre dans le puzzle rodinien ; (b) elles étaient situées de façon antipodale l'une par rapport à l'autre (Fig. 2). Cette dernière possibilité est soutenue par le trajet très différent de la dérive apparente de leurs pôles (APWP) avant le stade collisionnel final.

Fig. 2

Représentation possible de Rodinia vers 1 Ga inspirée de Weil et al. [24] et modifiée par Unrug (non publié) pour les continents principaux. Il s'agit seulement d'une tentative pour les fragments appartenant à l'Amérique du Sud et à l'Afrique sub-saharienne. Dans cette région, seul le craton Ouest-Africain est localisé avec précision. L'objectif principal de cette figure est de montrer l'extension possible des marges continentales antipodales d'Afrique de l'Ouest et de Chine de l'Est (zones hachurées) et leurs localisations tropicale et sub-tropicale. AZ : craton de l'Amazone ; C : craton du Congo ; F : Fennoscandie ; G : Groenland ; KA : craton du Kalahari ; NC : bloc de Chine du Nord ; RP : craton du Rio de la Plata ; SC : bloc de Chine du Sud ; SF : craton de São Francisco ; WAC : craton Ouest-Africain.

Possible reconstruction of the Rodinia puzzle partly taken from Weil et al. [24] and modified by Unrug (unpublished) for the main continents. The reconstruction is only tentative for southern America and the sub-Saharan blocks. In this zone the West African Craton is the only piece accurately located. The main purpose of this figure is to show the antipodal position of the West African and Eastern Chinese margins (hatched) and their tropical and sub-tropical locations. AZ: Amazonian Craton; C: Congo Craton; G: Greenland; F: Fennoscandia Craton; KA: Kalahari Craton; NC: North China block; RP: Rio de la Plata Craton; SC: South China block; SF: Sao Francisco Craton; WAC: West African Craton.

À moins d'imaginer que, dès 1400 Ma, tous les continents étaient déjà alignés selon l'équateur (ce que l'on sait être inexact si l'on se réfère à l'ensemble des travaux actuellement publiés sur le sujet), la position péri-rodinienne précoce et la faible dérive en latitude que nous constatons pour le craton Ouest-Africain et pour le bloc de la Chine du Nord entre 1400 et 1000 Ma mènent à une importante conclusion de nature géodynamique. Elles impliquent nécessairement que l'agglomération des autres continents dans le puzzle de Rodinia n'a pu se faire à la suite de déplacements est–ouest, mais seulement grâce à des accrétions nord–sud, ce que pourrait confirmer la distribution globalement est–ouest des chaı̂nes grenvilliennes aux alentours de 1 milliard d'années [24].

Remerciements

Nous tenons à remercier l'Unesco (programmes PICG 440, 447, 485) pour l'aide financière qui nous a été apportée lors de nos déplacements ainsi que l'ORGM (Algérie) pour le soutien logistique qui nous a été accordé sur le terrain au Sahara. Nous remercions aussi Jean-Bernard Edel et Max Deynoux pour leur lecture attentive du manuscrit initial. Ces travaux ont été réalisés à Géosciences Rennes, CNRS UMR 6118.


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[23] R. Trompette, Le Précambrien supérieur et le Paléozoı̈que inférieur de l'Adrar de Mauritanie (bordure occidentale du bassin de Taoudeni, Afrique de l'Ouest). Un exemple de sédimentation de craton. Étude stratigraphique et sédimentologique, Trav. Lab. Sci. Terre, St-Jérôme, Marseille, 7, 1973, 702 p

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