1 Introduction
Le climat a varié dans le passé, de manière continue et à différentes échelles de temps. Les glaciations se sont intensifiées au cours du Quaternaire moyen et supérieur. Plusieurs phases glaciaires ont pu être identifiées, notamment à partir de l'analyse des sédiments marins, des calottes glaciaires et des enregistrements continentaux. Une analogie entre ces enregistrements à l'échelle mondiale a confirmé qu'il s'agissait bien de changements climatiques globaux et synchrones. Le dernier de ces cycles glaciaires–interglaciaires a commencé avec l'Éémien, il y a quelque 125 000 ans. Cet interglaciaire a été suivi d'une glaciation progressive, qui a culminé avec le dernier maximum glaciaire, vers 21 ka (ka : millier d'années) BP (BP : Before Present ; avant le présent). Une déglaciation rapide a ensuite fait place à l'interglaciaire actuel, l'Holocène. Ce dernier a commencé il y a 10 000 ans et l'optimum climatique fut atteint il y a environ 6000 ans. Le climat du dernier maximum glaciaire était fondamentalement différent du climat actuel. Des inlandsis de 2 à 3 km d'épaisseur couvraient une partie importante des continents dans les hautes latitudes nord. L'étendue de la banquise était largement plus grande qu'actuellement. Le niveau des mers était inférieur à l'actuel d'au moins 115 m. La végétation était, elle aussi, très différente. La température globale de l'air en surface était de 5 °C plus basse que maintenant en moyenne annuelle. Le cycle hydrologique fut affecté par tous ces changements, avec un impact important sur l'environnement à l'échelle régionale.
L'étude des climats du passé est indispensable pour comprendre les mécanismes de la variabilité naturelle du climat. Cette variabilité reflète l'ensemble de toutes les interactions complexes entre le forçage externe du climat, la dynamique des différentes composantes du système climatique (atmosphère, océan, biosphère, hydrosphère, cryosphère) et les rétroactions au sein même de ce système. Les modèles mis au point pour reproduire les variations climatiques observées sont de plus en plus performants, ce qui autorise leur utilisation pour tenter de prédire le climat futur.
La théorie astronomique des paléoclimats, rendue populaire par Milankovitch [36], permet d'expliquer les variations climatiques aux échelles de 10 000 à 100 000 ans, en particulier la récurrence des cycles glaciaires–interglaciaires du Quaternaire. C'est la variation à long terme des distributions saisonnières et en latitudes de l'énergie solaire, qui joue un rôle clé dans cette explication. Elle est elle-même fonction de trois paramètres astronomiques : l'excentricité (dont les périodes principales se situent autour de 400 et 100 ka), la précession climatique (avec quatre périodes principales autour de 23 et 19 ka) et l'obliquité (dont la période principale est proche de 41 ka) [6].
Un modèle climatique de complexité intermédiaire (LLN 2-D NH) a été développé à Louvain-la-Neuve [22], pour montrer que ces variations de l'insolation induisent bien la récurrence des cycles glaciaires-interglaciaires. Il s'agit d'un modèle latitude–altitude pour l'hémisphère nord. Il représente les principales composantes du système climatique, c'est-à-dire l'atmosphère, la couche de mélange de l'océan, les banquises, les continents, les champs de neige et les inlandsis, ainsi que leurs interactions. Comme le modèle ne possède pas encore de cycle du carbone, la concentration en CO2 dans l'atmosphère y est considérée comme un forçage extérieur, en plus de l'insolation [7,8,12,22]. Validé sur le climat présent, ce modèle s'est montré capable de reproduire les principales caractéristiques de la circulation atmosphérique générale et du cycle saisonnier de la couche de mélange de l'océan, de la banquise et du champ de neige [22]. De plus, de nombreuses expériences de sensibilité ont mis en évidence le rôle des différents forçages, ainsi que l'importance des processus de rétroaction au sein du système climatique.
2 Sensibilité du modèle climatique à la concentration en CO2
Au cours des 400 000 dernières années, la concentration en CO2 atmosphérique a varié entre 180 et 300 ppmv, avec une valeur moyenne de 225 ppmv [39]. Si on impose une faible concentration en CO2, 210 ppmv, correspondant aux valeurs typiques des périodes glaciaires, le modèle est capable de simuler une succession de périodes glaciaires et interglaciaires plus ou moins comparables aux reconstructions géologiques. Dans ces conditions, la concentration en CO2 est, en effet, suffisamment faible pour permettre la mise en place de rétroactions qui amplifient la réponse climatique directe au forçage astronomique. Il s'agit principalement des rétroactions liées à la vapeur d'eau, à l'albédo et aux inlandsis. À l'opposé, une concentration élevée en CO2 ne permet pas la formation de grandes calottes de glace. La réponse climatique au CO2 est cependant loin d'être linéaire. Ainsi, pour une concentration en CO2 intermédiaire (250 ppmv), la réponse du modèle peut être plus proche de celle due à une faible concentration ou de celle due à une concentration élevée et ce, en fonction de l'insolation et de l'état, glacé ou non, dans lequel se trouve la Terre [13].
Alors que les variations de l'insolation sont capables, à elles seules, d'entraîner des variations climatiques de type glaciaire–interglaciaire, les variations de la concentration en CO2 seules ne le sont pas. Pour une distribution d'insolation fixée, le système climatique se maintient, soit dans un état glaciaire, soit dans un état interglaciaire et ce, malgré les variations de la concentration en CO2 [31].
3 Le climat des trois derniers millions d'années
Les premiers inlandsis importants de l'hémisphère nord se sont formés il y a environ 3 Ma (Ma : million d'années). Différentes hypothèses, comme l'effet combiné de l'augmentation de l'amplitude de l'obliquité et de celle de la précession [35], ont été proposées pour expliquer l'intensification des glaciations de l'hémisphère nord. Li et al. [28], utilisant le modèle LLN 2-D NH, ont suggéré une influence complémentaire de la diminution de la concentration en CO2. Le modèle ainsi forcé a simulé trois intervalles de glaciation entre 3 et 2 Ma BP. Entre 2 et 1 Ma BP, le spectre du volume de glace est dominé par une période de 41 ka et ce, en conformité avec les enregistrements de . Enfin, après 1 Ma BP, simulation et enregistrements géologiques sont tous deux caractérisés par des spectres où, cette fois, la période de 100 ka domine.
Au cours du Pliocène supérieur, la concentration en CO2 était élevée et les calottes de l'hémisphère nord étaient petites. Dans ces conditions, toute augmentation de l'insolation, même modeste, peut entraîner une déglaciation, un âge glaciaire « accidentel » ne pouvant se développer que si les étés sont particulièrement froids. Cette condition n'est satisfaite que pour une combinaison adéquate de la précession et de l'obliquité et uniquement si l'excentricité est grande. Au contraire, durant le Pléistocène supérieur, la concentration en CO2 était plus faible, ce qui a permis le développement de calottes importantes. Dans ce monde « glacé », les interglaciaires sont à présent accidentels et ne peuvent se développer que lorsque l'insolation est très élevée. Cette condition est atteinte pour des valeurs maximales de l'excentricité, pour une obliquité importante et lorsque le solstice d'été est au périhélie.
4 Les 400 000 dernières années
Le modèle climatique, dans sa version actuelle, ne contient pas de cycle du carbone. Nous avons donc dû considérer le CO2 comme un forçage externe et non comme la rétroaction qu'il est en réalité. Des résultats récents [16,19,27] montrent qu'une telle hypothèse de travail ne biaise pas nécessairement les résultats du modèle. Au contraire, l'accélération des changements climatiques, due aux rétroactions du cycle de carbone à laquelle ils arrivent, permet de supposer que notre hypothèse de travail sous-estime en fait l'impact astronomique. De manière générale, la réponse du modèle au forçage astronomique [3] et au CO2 [39] reproduit assez bien les enregistrements géologiques du climat des 400 000 dernières années [5,13,38] (Fig. 1) et, en particulier, le volume de glace estimé par SPECMAP [25,34]. En revanche, le modèle a tendance à surestimer la fonte des calottes durant les interglaciaires, à moins que le volume de glace continentale dans l'hémisphère sud, non simulé dans le modèle, n'ait changé de manière importante à ces époques. Cette fonte des calottes dans le modèle LLN n'empêche toutefois pas la glaciation suivante de se développer.
De plus, la comparaison du climat des différents interglaciaires permet de mettre en évidence le rôle qu'y joue l'insolation. En effet, durant les deux stades isotopiques 5 et 11, la concentration en CO2 reste élevée assez longtemps. En revanche, le volume de glace reste faible durant le stade 11 (voir section suivante), alors qu'il varie de manière significative pendant le stade 5. Ce comportement différent entre les stades 5 et 11 ne peut dès lors s'expliquer que par une différence fondamentale entre les distributions d'insolation qui les caractérisent. Au stade 11, l'insolation reste presque constante dans le temps par suite d'une valeur de l'excentricité proche de zéro. Au stade 5, les valeurs relativement élevées de l'excentricité induisent des variations importantes de l'insolation, dont l'amplitude atteint 20 % de la valeur moyenne à 65°N en juin. Finalement, à l'Holocène, le modèle montre une légère dégradation du climat depuis 6000 ans, qualitativement semblable au refroidissement observé au Groenland [26].
Ces expériences confirment que les variations orbitales de la Terre et, par conséquent, de l'insolation jouent un rôle de métronome sur les âges glaciaires [24]. De plus, elles montrent que le CO2 renforce le cycle de 100 ka et améliore les valeurs simulées de la température de surface [23,33]. Elles soulignent aussi toute l'importance de plusieurs processus gouvernant la réponse du système climatique aux divers forçages. Il s'agit des rétroactions albédo–vapeur d'eau–température [10], végétation–albédo [4], de l'effet de continentalité et d'altitude sur les calottes, de la réponse isostatique de leur socle rocheux [17] et de la déstabilisation de leur front sud lors de la fonte [9,11].
5 Un analogue du climat futur : le stade isotopique 11
L'Éémien a souvent été considéré comme un analogue du climat futur. Toutefois, une analyse détaillée montre que les forçages astronomiques à l'œuvre durant l'Holocène et l'Éémien sont fortement différents. En revanche, le climat autour de 400 ka BP montre une meilleure analogie avec le présent ; les paramètres astronomiques y ont un comportement fort similaire à celui du passé récent et du futur proche (prochaines dizaines de milliers d'années). L'excentricité atteindra son prochain minimum dans 27 ka et l'orbite de la Terre sera alors presque circulaire, une situation similaire à celle qui s'est produite il y a 366 ka. Tant durant l'Holocène et le proche futur que durant le stade isotopique 11 (autour de 400 ka BP), l'amplitude des variations de la précession climatique (modulée par l'excentricité) et de l'insolation (dominée par la précession, pour la plupart des latitudes et périodes de l'année) est faible [6]. En tenant compte de ces conditions, le modèle LLN 2-D NH a permis de confirmer que le stade isotopique 11 constituait un bon analogue du climat présent et futur [32]. Cette conclusion vient d'être confirmée en matière de température pour la carotte de Vostok. La déglaciation conduisant au stade 11 y est extrêmement similaire à celle qui a conduit à notre interglaciaire. Ceci laisse supposer qu'il y a des chances que le long interglaciaire du stade 11 (28 000 ans) se répète dans l'avenir [1].
Une analyse de sensibilité a montré que la longueur de l'interglaciaire simulé par le modèle au stade 11 était fortement contrainte par la phase entre l'insolation et la concentration en CO2 atmosphérique [30]. Plus précisément, c'est uniquement si l'insolation et la concentration en CO2 décroissent simultanément que le modèle simule un début de glaciation précoce (autrement dit, un court interglaciaire). Dans les autres cas, la période interglaciaire se prolonge sur plusieurs dizaines de milliers d'années. Or, pour l'interglaciaire actuel, nous savons que l'insolation diminue depuis 10 ka, alors que la concentration en CO2 dans l'atmosphère a continué d'augmenter pendant toute cette période (même hors activités humaines, sauf si l'hypothèse de Ruddiman [40] d'un anthropocène qui aurait déjà commencé il y a 8000 ans, s'avérait être réelle). Ceci explique pourquoi, dans nos simulations, notre interglaciaire persiste pendant plusieurs dizaines de milliers d'années et ce, pour presque tous les scénarios utilisés (Fig. 2). Ces scénarios supposent, (1) soit une concentration en CO2 constante, faible (210 ppmv), (2) soit une concentration variable, identique à celle des 131 000 dernières années, (3) soit un scénario similaire sur lequel se superpose une perturbation liée aux activités humaines augmentant la concentration naturelle jusqu'à 750 ppmv au cours du prochain millénaire. Le volume de glace continentale simulé sous le scénario (1) augmente dès le début de la simulation. Il reste inférieur à pendant les 15 000 prochaines années. Ensuite, il augmente plus rapidement et un premier maximum est atteint à 61 ka AP (AP : After Present ; dans le futur) . Le prochain maximum glaciaire est bien atteint 40 ka plus tard, avec un volume de glace de . Dans le cas des scénarios (2) et (3), le volume de glace continentale de l'hémisphère nord reste inférieur à jusqu'à 50 ka AP environ. La calotte groenlandaise disparaît même complètement pendant quelques milliers d'années dans le cas du scénario (3). Ensuite, les calottes se reforment rapidement pour atteindre un premier maximum vers 65 ka AP, et enfin le prochain maximum glaciaire est atteint à 101 ka AP avec un volume de . Une faible différence entre le volume de glace simulé dans le cas du scénario naturel (2) et du scénario anthropique (3) subsiste jusque 75 ka AP (Fig. 2).
Au cours des 100 000 prochaines années, la température moyenne annuelle de l'hémisphère nord montre une tendance générale à la décroissance. Cette tendance est plus faible dans le scénario (1) (0,012 °C ka−1) que dans le scénario (2) (0,027 °C⋅ka−1). Pendant les 50 000 prochaines années, la température simulée sous le scénario (1) est 1 °C plus basse que celle simulée par le scénario (2). La réponse directe à l'augmentation de la concentration en CO2 au cours du prochain millénaire est de 2,8 °C. Bien que cette augmentation de température soit de courte durée, elle reste de 0,6 °C pendant plus de 15 000 ans, avant de reprendre sa valeur naturelle (Fig. 2). Il faut souligner que ce scénario (3) est relativement conservatoire. En effet, il suppose un retour à des concentrations naturelles en CO2 après 1000 ans, autrement dit, on suppose que le système climatique est capable d'assimiler très rapidement des émissions d'origine anthropique. Ce n'est très probablement pas le cas. Une simulation complémentaire, pour laquelle la concentration en CO2 atmosphérique diminue lentement (jusqu'à 270 ppmv dans 100 ka), montre que l'absence de glace continentale dans l'hémisphère nord persiste durant plus de 100 ka. De plus, l'augmentation de température, en moyenne annuelle, est encore supérieure à 2 °C dans 100 ka.
Le modèle climatique LLN 2-D NH contient une représentation simple du cycle hydrologique : en moyenne hémisphérique, la précipitation totale égale l'évaporation. La distribution en latitude est proportionnelle à la distribution actuelle et une correction pour les précipitations sur les calottes est appliquée [22]. Dès lors, les variations des précipitations suivent celles de la température, plus faibles dans le cas du scénario (1) et plus importantes lors d'une augmentation de la concentration en CO2 (scénario (3) ; Fig. 2).
6 Changements climatiques à l'échelle régionale
Le modèle atmosphérique régional (MAR) [20,21], couvrant l'Europe occidentale, a ensuite été utilisé pour étudier les variations climatiques liées à une augmentation de la concentration en CO2 et à un changement des paramètres orbitaux. Il s'agit d'un modèle aux équations primitives, dans lequel la coordonnée verticale est la pression normalisée σ. Les nuages et les précipitations sont représentés par un schéma de type Kessler. Les variables pronostiques et les équations de conservation sont incluses pour les différents hydrométéores (nuages, pluie, neige, grêle) [20]. Le modèle atmosphérique est couplé à un modèle de sol et comprend des schémas radiatifs solaire et infrarouge [18,37] semblables à ceux des modèles de circulation générale (GCM). Le schéma de fermeture de la turbulence utilisé est celui d'ordre 1,5 de Therry et Lacarrère [42]. Une paramétrisation de la convection profonde a également été introduite [15]. Les informations météorologiques aux frontières du domaine sont fournies par un modèle de circulation atmosphérique générale, forcé par des conditions aux frontières observées ou simulées par le modèle de complexité intermédiaire (LLN 2-D NH). Les simulations numériques couvrent une année. Nous présenterons ici uniquement les résultats pour l'hiver (décembre–janvier–février : DJF) et pour l'été (juin–juillet–août : JJA).
La première simulation porte sur les conséquences climatiques d'un triplement de la concentration en CO2 par rapport à la période actuelle (plus précisément une augmentation de 345 ppmv à 1100 ppmv) [14] (Fig. 3). Comme on peut s'y attendre, la température augmente fortement, davantage sur les continents que sur les océans. En été, la région méditerranéenne subit les plus fortes augmentations de température ( en Espagne, en France et en Angleterre). En revanche, en hiver, les augmentations de température sont les plus importantes dans le Nord de l'Europe (supérieure à 7 °C dans le Nord de la France). Le réchauffement des hautes latitudes en hiver est lié au changement d'étendue de la glace de mer sur l'océan et de la neige sur le continent (formation tardive, fonte hâtive, diminution de la couverture estivale). En moyenne globale annuelle, les précipitations augmentent légèrement. Toutefois, la plupart des régions d'Europe occidentale subissent une assez forte réduction des précipitations estivales. Par exemple, la réduction est supérieure à 1 mm j−1 au Nord-Est de la France, la moyenne actuelle y étant de 1,9 à 2,7 mm j−1 (région Meuse–Haute-Marne). En hiver, pour les concentrations actuelles en CO2, les précipitations en Europe sont essentiellement de type stratiforme. En revanche, l'augmentation de la concentration en CO2 et le réchauffement qui en découle modifient cette caractéristique, une partie importante des précipitations hivernales prenant un caractère convectif. La comparaison entre ces deux états devient dès lors plus délicate, de même que l'établissement de conclusions générales à partir d'une seule année de simulation.
La seconde simulation porte sur l'effet d'un changement du forçage astronomique [14]. L'insolation considérée est celle de 67 ka AP. Elle est caractérisée par une augmentation dans l'hémisphère nord, de mars à août, pouvant atteindre 40 W m−2 en juin à 65°N, et par une diminution de l'insolation dans l'hémisphère nord le reste de l'année, inférieure à 4 W m−2 en septembre à 65°N. Le changement de température qui en découle reflète le changement de forçage. Les températures d'hiver diminuent, de manière plus marquée aux hautes latitudes à cause des rétroactions liées à l'augmentation de la couverture neigeuse, alors que les températures d'été augmentent, de 6 °C en Espagne, de 3,5 °C en Angleterre et de 2,5 °C dans le Nord de la France. En hiver, les précipitations augmentent significativement sur les îles Britanniques (), sur l'Ouest de la France, sur la péninsule Ibérique et en région méditerranéenne. Cette augmentation des précipitations se propage depuis le Groenland et est issue des conditions aux frontières tirées du modèle global (GCM). En été, il y a une nette fracture entre le nord, où les précipitations augmentent ( en Angleterre, dans le Nord de l'Allemagne), et le sud, où elles diminuent ( en Espagne).
Enfin, nous avons étudié le cas d'une augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique (de 345 ppmv à 550 ppmv) sous les conditions de forçage astronomique de 67 ka AP [14]. Tout comme dans le cas d'une augmentation de la concentration en CO2 sous le forçage astronomique actuel, la température augmente, tant en été qu'en hiver. En hiver, elle augmente essentiellement sur le continent, du Sud de la France au Nord de l'Allemagne. Bien que l'augmentation du CO2 atmosphérique soit plus faible que dans l'expérience « période actuelle », l'amplitude des augmentations de température est semblable dans les deux expériences (de l'ordre de en France, en République tchèque et en Allemagne). Toutefois, il pourrait s'agir d'un artefact lié au choix des conditions aux frontières. En revanche, l'augmentation de température en été est réduite par rapport à l'expérience « période actuelle » et est principalement localisée dans le Sud de l'Europe.
Une caractéristique commune aux deux expériences d'augmentation de la concentration en CO2 concerne l'effet sur les changements de climat en montagne. En hiver, le réchauffement est réduit en altitude par rapport à la plaine, probablement parce que l'altitude permet à la neige de se maintenir et ainsi à la rétroaction température–albédo de continuer à jouer son rôle. En revanche, en été, l'augmentation de température est plus importante en montagne qu'en plaine. En montagne, le réchauffement initial entraîne la fonte des neiges et permet la mise en place de la rétroaction positive albédo–température, qui amplifie le réchauffement initial.
En hiver, le modèle suggère une forte diminution des précipitations dans le Bassin méditerranéen ( en Espagne), alors que les précipitations augmentent dans le nord ( en France, en Angleterre, dans le Nord de l'Allemagne). En été, comme pour l'époque actuelle, une augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique entraîne une diminution des précipitations sur pratiquement toute l'Europe ( en Angleterre, en Espagne), sauf sur quelques régions très localisées ( en République tchèque, dans le Nord de l'Allemagne).
7 Conclusion
Les variations de l'énergie solaire reçue par la Terre, induites par les variations de l'orbite de la Terre autour du Soleil et de l'inclinaison de son axe de rotation, jouent un rôle fondamental dans les variations climatiques du Quaternaire, aux échelles de temps allant de la dizaine à plusieurs centaines de milliers d'années. Un modèle climatique, tel que LLN 2-D NH [22], permet de mieux comprendre le fonctionnement du système climatique et les mécanismes de rétroaction qui entrent en jeu lors des changements climatiques. Outre le rôle prépondérant de l'insolation, le CO2 joue un rôle d'amplificateur du signal initié par ces variations de l'insolation. Toutefois, le rôle du CO2 augmente significativement lorsque les variations de l'insolation sont faibles, comme c'est le cas au stade 11 et durant l'Holocène. Le modèle LLN 2-D NH, appliqué au futur, permet également d'établir des projections pour les grandes lignes du climat futur, suggérant que le climat interglaciaire puisse se maintenir pendant 50 000 ans. Il ne faut toutefois pas oublier qu'un nombre important d'hypothèses sous-tend ce modèle et qu'il ne représente que l'hémisphère nord.
L'utilisation d'une hiérarchie de modèles (modèle global de complexité intermédiaire, modèle de circulation générale, modèle régional) permet d'estimer la réponse du système climatique, à l'échelle régionale, pour des états climatiques futurs. Les résultats obtenus ici devront encore être confirmés, notamment par l'application de la même procédure d'imbrication par d'autres groupes, par des analyses de sensibilité plus poussées, par des modèles plus complets de la circulation océanique et du cycle du carbone et par l'étude de l'impact de la variabilité naturelle sur les résultats.
Acknowledgments
Merci à ceux qui, par les nombreuses discussions qu'ils ont eues avec nous, ont permis de faire avancer ce travail, en particulier Dominique Raynaud, Michel Crucifix, Philippe Marbaix, Xavier Fettweis. Ce travail a été partiellement réalisé dans le cadre du projet EU Bioclim (contrat FIKW-CT-2000–00024). Nous remercions également le coordinateur (Andra), le secrétariat technique (Quantisci) et les participants au projet Bioclim.