1 Introduction
On dispose de nombreux géothermomètres et géobaromètres faisant appel aux équilibres minéralogiques dans les métapélites [1].
Dans cette étude, les données P et T ont été établies à partir des amphiboles calciques d'amphibolites (ortho- ou para) intercalées dans des métasédiments, parfois dans des orthogneiss acides. Les échantillons utilisés proviennent de la zone axiale des Pyrénées orientales : d'ouest en est, massif du Canigou, massif des Albères et massif du cap de Creus.
Les amphiboles ont été analysées à la microsonde électronique Camebax de l'université Paris-6 (Camparis).
Les valeurs de T et P ont été calculées à l'aide du thermobaromètre amphibole–plagioclase–quartz ± épidote, chlorite, calcite [2]. Ce dernier est basé sur la corrélation qui existe entre Si et Al dans l'amphibole, et sur le rapport de celle-ci.
À partir d'analyses ponctuelles de Si, Al et Mg par microsonde électronique, on détermine alors directement, à l'aide d'un programme informatique, les conditions P et T qu'a enregistrées cette portion de minéral à un instant t donné. Les valeurs de P et T sont alors réunies sur un diagramme P–T.
La direction globale de l'évolution P–T au cours du temps (chemins P–T–t) est définie en réunissant les analyses ponctuelles obtenues sur différents cristaux (zonations chimiques), et le sens de cette évolution est défini à partir d'analyses effectuées du coeur vers la périphérie des cristaux d'amphiboles (voir [3]).
2 Les amphiboles des amphibolites et des gneiss amphiboliques du Canigou
Elles ont été analysées dans les zones de l'andalousite et de la sillimanite, zones définies à partir des métapélites [4,5].
Cent quarante analyses ponctuelles d'amphiboles (essentiellement primaires) ont été réparties en deux groupes : amphiboles magnésiennes et amphiboles ferreuses [6]. Dans cette convention, une amphibolite peut renfermer à la fois les deux types d'amphiboles. C'est le cas de l'échantillon 7601 : les amphiboles magnésiennes étant dominantes, il a été classé avec ces dernières.
2.1 Amphiboles ferreuses (Fig. 1)
Sur un diagramme P–T, ces amphiboles suivent un trajet anti-horaire, qui passe par un point que l'on peut considérer comme proche du pic thermique (environ 650 °C), correspondant à la pression maximum calculée : 6,1 kbar. Le chemin prograde évolue d'abord à température quasiment constante, entre 3 et 6,1 kbar (quasi adiabatique). En dessous de 3 kbar, P et T varient de façon conjuguée dans le chemin rétrograde.
Plus précisément, les orthogneiss amphiboliques de Quazemi (Q1) [7] donnent des pressions entre 3 et 4 kbar. Dans les amphibolites du cortex et les « skarnoïdes amphiboliques » développés au contact des orthogneiss Q1 et des métapélites, les pressions se situent entre 3 et 2 kbar. Dans les orthogneiss, les amphiboles sont surtout des ferrohornblendes ; dans les amphibolites et skarnoïdes corticaux, on rencontre aussi des hornblendes hastingsitiques et des hornblendes ferro-pargasitiques.
Deux particularités sont remarquables :
- – dans une enclave psammitique à hornblende ferro-pargasitique et grenat, incluse dans les orthogneiss Q1, les pressions enregistrées sont supérieures à celles de l'encaissant (4 à 5 kbar) ;
- – dans une lentille d'exsudation de quartz à Fe–hornblende et sphène, située dans les orthogneiss Q1, la pression chute à 2 kbar (points entourés dans une ellipse de la Fig. 1).
Cependant, les pressions les plus fortes (6 kbar) ont été obtenues pour des amphibolites à grenat et cummingtonite du secteur de Taurinya : il s'agit d'une écaille tectonique remontée sur le versant nord du Canigou (écaille de Saint-Étienne), appartenant à la zone sillimanite–feldspath potassique [7]. Elles se situent entre 4 et 6 kbar. Les hornblendes sont surtout ferro-pargasitiques ou ferro-tschermakitiques, fournissant des pressions autour de 6 kbar, associées à de la ferro-hornblende et de la ferro-actinote tardive.
2.2 Amphiboles magnésiennes (Fig. 2)
Le chemin prograde est défini dès les basses pressions, entre 1,5 et 2,5 kbar, dans l'échantillon (5722), à hornblende actinolitique au centre et magnésio-hornblende au bord, puis entre 3 et 5 kbar dans l'amphibolite 2159 à Mg–hornblende et hornblende tschermakitique. Nous détaillons le cas des échantillons 7601 et 241 dans la zone de la sillimanite, pour lesquels le nombre de points analysés est important. L'amphibolite 7601 est à grenat, hornblende, cummingtonite, actinote, anorthite et quartz, où la nature des hornblendes est variée (Fe- ou, le plus souvent, Mg-hornblende, hornblende ferro-tschermakitique et tschermakite). Elle fournit à la fois les deux chemins prograde et rétrograde entre 3 et 6 kbar.
En revanche, l'échantillon 241 est une amphibolite à Mg-hornblende et cummingtonite, à l'exception d'un centre de hornblende tschermakitique, biotite, anorthite, quartz et opaque : il ne donne que le chemin rétrograde entre 5 et 1,5 kbar.
Dans le Canigou, les Figs. 1 et 2 définissent une courbe P–T–t anti-horaire.
En outre, si l'on compare les valeurs de P et T obtenues à partir des amphiboles avec celles données par les géothermobaromètres appliqués aux métapélites, la corrélation est assez satisfaisante. Avec ces derniers, les températures varient entre 450 et 675 °C, et les pressions entre 3,5 et 5,7 kbar, avec une moyenne de 4,3 kbar [8]. Selon [9], la pression dans le Canigou est de 4 kbar.
3 Les amphiboles des Albères et du cap de Creus
3.1 Le massif des Albères
Trois échantillons ont été étudiés :
- – une amphibolite de la couverture paléozoïque (série de Canaveilles) du socle paragneissique, située dans la zone de l'andalousite. Les points représentatifs s'alignent suivant un chemin rétrograde entre 5 et 2 kbar (Fig. 3), empiétant largement sur le domaine de la sillimanite. Cette roche est une hornblendite à anorthite renfermant 2,14 % d'olivine normative. La sous-saturation en SiO2 peut expliquer la surestimation des valeurs de pression. La position de la courbe évolutive coïncide avec celle des amphibolites de Sant-Baldiri, dans le massif du cap de Creus ;
- – deux échantillons pris dans les paragneiss du socle : l'un, au début de la formation, est une amphibolite à grenat, hornblende ferro-tschermakitique et ferro-hornblende, cummingtonite, andésine, biotite et quartz ; l'autre, à la base de la série, est à ferro-hornblende, oligoclase, biotite et quartz. L'ensemble des points fournit un chemin prograde, puis rétrograde, entre 3 et 4,6 kbar, et permet de définir un chemin P–T–t anti-horaire. La corrélation avec les thermobaromètres pour les métapélites est bonne [8] : les pressions étant de 3,7 kbar dans la couverture et de 4,1 kbar dans le socle, pour dans les kinzigites. On peut rapprocher les conditions P–T–t proposées pour les Albères de celles obtenues dans les gneiss et métapélites de Catalogne (massif des Guilleries) : 660 °C maximum dans la zone de la sillimanite, et 3,5 à 5 kbar [10], selon un cheminement P–T–t de type anti-horaire.
Sur la Fig. 3, l'ensemble des points s'inscrit dans une évolution de type BP/HT.
3.2 Les amphiboles des amphibolites du cap de Creus
On dispose de deux groupes d'échantillons : les métabasites de Port de la Selva (El Port) dans la zone de la sillimanite, et ceux de Sant-Baldiri dans les zones de la sillimanite et de l'andalousite [1,11].
Sur la Fig. 4, les premiers fournissent une courbe P–T–t rétrograde bien définie entre 650 °C–6,2 kbar et 475 °C–2 kbar. Les points entre 6,2 et 5,7 kbar correspondent à des hornblendes dont les centres sont ferro-tschermakitiques ou tschermakitiques, avec cummingtonite. L'un de ces points est proche de la limite séparant les domaines de la sillimanite et du disthène. Les seconds définissent une courbe rétrograde, entre 620 °C–5,7 kbar et 500 °C–1 kbar, un peu décalée par rapport à la précédente, et qui coïncide bien avec les chemins P–T–t rétrogrades des Albères. L'ensemble des points ne donne pas accès au chemin prograde.
La comparaison avec les données obtenues par les thermobaromètres pour les métapélites est très bonne. Selon [12], le métamorphisme de basse pression/haute température du cap de Creus dans les zones de l'andalousite et de la sillimanite évolue selon une courbe rétrograde entre 700 °C–6,4 kbar et 400 °C–1 kbar.
4 Conclusion
Une évolution du métamorphisme régional en trois épisodes a été récemment proposée pour la zone axiale des Pyrénées orientales [1] : épisode 1 initial de moyenne pression à disthène 1 et staurotide 1, définis dans le Canigou sous forme de reliques blindées ; épisode 2, le plus important, de type HT/BP à andalousite et staurotide 2 dans le Canigou, sans staurotide 2 dans les Albères ; un épisode 3 tardif à disthène 3 et staurotide 3 connus dans les Albères et surtout dans le cap de Creus [12–14]. Le schéma typologique est donc : disthène–andalousite–disthène.
L'ensemble des points reportés sur les Figs. 1 à 4 tombe intégralement dans les domaines de l'andalousite et de la sillimanite, et mettent en relief l'importance de l'épisode 2. Cet épisode principal montre une évolution P–T–t de type anti-horaire, en contradiction apparente avec les données de Gibson [9,15]. Cette évolution se poursuit à l'identique à travers l'épisode 3.
Cependant, le passage de l'épisode 1 à l'épisode 2 est bien de sens horaire [1,8]. Il est possible que l'épisode 1 soit relativement distinct dans le temps des épisodes 2–3.
Selon [16], l'épisode 3 ressort très bien dans le cap de Creus et les Albères, le chemin rétrograde tombant dans le domaine du disthène.
Les pressions de l'ordre de 6 kbar enregistrées dans le Canigou et le cap de Creus correspondent à une épaisseur de croûte de 20 kilometres, qui sont incompatibles avec le degré de métamorphisme enregistré par les roches basiques correspondantes et avec la nature du métamorphisme de type BP/HT. Les amphiboles renfermant plus de 13 % d'alumine tendent à surévaluer les pressions. Cette surestimation des pressions par les géothermobaromètres en général a été soulignée par Barbosa et Fonteilles [17].