Abridged English version
During the Late Cenomanian–Early Turonian Oceanic Anoxic Event (OAE-2 or Bonarelli event), organic-rich black shales were deposited worldwide, coinciding with the strong transgressive period during the Uppermost Cenomanian. New ecological niches were created and favoured intense biological proliferation that induced a massive organic matter (OM) production in surface water [1,10,12,13,19,23]. An oxygen minimum zone (OMZ) impinged onto the South Tethyan margin, where the organic-rich Bahloul Formation (Fig. 1A) is the expression of the OAE-2 event in north-central and south-central Tunisia. Consequently, a great quantity of OM has accumulated in different basinal environments [1,2,5,8,9,22,23,25]. The sealing of Lower Cretaceous structures during a distensive regime has persisted and formed graben systems that promoted organic-rich strata deposition throughout Upper Cenomanian to Lowermost Turonian times (Fig. 2).
Palaeogeographic interpretation suggests that the Bahloul facies distribution is limited to the intermediate deep water mass and could correspond to an OMZ sedimentation environment (Fig. 2) towards the South Tethyan margin [5]. Generally 20 to 30 m thick in average, the Bahloul deposits are composed of dark laminated limestones, alternating with light-grey indurated marls (Fig. 3). This alternation is considered as the expression of a climatic Milankovitch-type cyclicity recording 20-kyr precession [13], which correlates with CaCO3 fluctuations. These deposits correspond to high TOC values, reaching 18,7% [1]. The Bahloul was deposited during the Uppermost Cenomanian (upper part of the Rotalipora cushmani Zone) to the Lowermost Turonian (either top Whiteinella archaeocretacea Zone or base of Helvetoglobotruncana helvetica Zone), and corresponds largely to a basal transgressive system tract (TST). All the studied sections in Tunisia show that its base belongs to either a lowstand system tract (LST) or shelf margin wedge (SMW) [18,23,27].
A triple subdivision (referred to as peaks I, II and III) was based on small variations in the C-isotopic profiles that develop in the majority of the isotopic curves (δ13C) of all the studied sections and are pointed out by several authors [2,5,6,25]. In all the studied sections, except for the Gafsa area, where no foraminiferal studies were performed, the first isotopic excursion (I) always precedes the specialized keeled rotaliporids LO (Figs. 3 and 4). The second isotopic excursion (II) generally occurs above the last occurrence (LO) of Rotalipora cushmani and the third one (III) just below the appearance of the Quadrum gartneri nannofossil zone marker (Fig. 4). The Cenomanian/Turonian boundary occurs usually slightly above the maximum δ13C values [19]. Our results also indicate that the δ13C organic carbon seems to be a better correlation tool than δ13Ccarbonate for the C/T boundary (Fig. 4).
Nannofossils assemblages [10,25] are characterized by a low diversity, assigned to a combination of hostile conditions and dissolution during the Bahloul deposition. The palaeoecologic data suggest that the C/T deposits in Tunisia were restricted to a bathymetric belt, which corroborates the installation of a small OMZ in North-Central Tunisia and locally in the Gafsa Basin (Fig. 5). This OMZ is marked by decline in the planktonic foraminiferal diversity [29]. These forms are mainly represented by globular forms (Guembelitria, Whiteinella, Heterohelix, Hedbergella). The organic-rich Bahloul provinces are characterized by a type-II marine kerogen (IH between 200 and 700 mg HC/g TOC) [22] and TOC values reaching 18,7% [1], indicating excellent hydrocarbons source rock-quality. The OM thermal maturity presents a rather homogeneous distribution, with Tmax ranging between 430 and 500 °C (Fig. 1B).
In this synthesis dealing with the worldwide OAE-2 expression in the southern Tethyan margin, i.e. the Bahloul Fm., the organic-rich C/T deposits are distributed into three different areas (Fig. 1A), corresponding to small palaeobasins sealed by several palaeohighs (Fig. 2). The established δ13C isotopic triple subdivision may be used as a high-resolution correlation tool in a global scale (Fig. 4). The depositional model carried out in this work shows that the OM distribution followed the existing paleogeography during the C/T interval (Fig. 5).
1 Introduction
Les événements anoxiques océaniques (EAO) représentent des intervalles de stockage du carbone organique à l’échelle globale. Le terme EAO, proposé par Schlanger et Jenkyns [27] s’applique aux épisodes de distribution globale des black shales, laminés et riches en matière organique (>1 % pondéral de carbone organique total ou COT), enregistrés dans des séquences pélagiques de la partie médiane du Crétacé et plus particulièrement, celui d’âge Cénomanien/Turonien EAO-2 ou Bonarelli event [21,27,28]. Les épisodes majeurs de stockage de matière organique (MO) en domaine marin retentissent sur la composition isotopique du C de l’eau de mer, qui conditionne à son tour la composition isotopique des substances qui s’y forment : carbonates et MO marine [2,15]. En l’occurrence, l’EAO-2 correspond, dans plusieurs coupes à travers le domaine téthysien, à une augmentation du δ13C, observée sur les carbonates (+2,5 ‰ en moyenne) comme sur la MO (+4 ‰ en moyenne) [2,19,20,28,30]. Le calibrage biostratigraphique de la courbe représentative des variations isotopiques de δ13C confère à cette anomalie positive [2,19,28] un caractère synchrone, susceptible d’être utilisé pour des corrélations à grandes distances [2,20,28,30]. Les données isotopiques de δ13C, couplées à un calage biostratigraphique et à des données de COT et de CaCO3, nous ont permis d’affiner la corrélation des dépôts du Cénomanien/Turonien (C/T) du faciès Bahloul (Tunisie) à partir des travaux antérieurs. Le but de cet article est de montrer, d’une part, l’existence d’une zone à minimum d’oxygène (ZMO) régnant lors du dépôt des black shales du faciès Bahloul et, d’autre part, de proposer un modèle de dépôt rendant compte de leurs caractères, pour une région de la Téthys ayant bien enregistré la sédimentation du Crétacé supérieur, et notamment la limite Cénomanien/Turonien (C/T).
2 Relation entre l’accumulation de la MO et la structuration de la Tunisie au Cénomanien/Turonien
Le cadre géologique de la Tunisie montre deux domaines distincts : (1) une zone subsidente située au nord, formée de terrains mésozoïques et cénozoïques épais, et caractérisée par des déformations alpines, et (2) une province paléozoïque stable située plus au sud, occupée par des terrains jurassiques et par des structures plus jeunes, relativement minces et non déformées [9,12]. Les couches, d’âge C/T, riches en MO, ne sont reconnues que dans le premier domaine structural (Fig. 1A). La distribution et le contenu organique de ce faciès ont été fortement contrôlés par l’emplacement des fossés d’effondrement (Fig. 2) durant la transition C/T [1,7–9,22,23]. En revanche, pour quelques régions et durant la même période, les interprétations privilégient des déplacements verticaux pour expliquer les mouvements ascensionnels synsédimentaires du complexe triasique [1,9]. La structuration de ces fossés, liés à la phase de rifting, est principalement associée à l’ouverture de la Néotéthys vers le nord-est [17] et à celle de l’Atlantique central au sud-ouest. Cette phase de rifting en Tunisie n’a pas commencé avant la période Jurassique supérieur–Crétacé inférieur [7,9,17]. Le rifting enregistré au cours du Trias–Jurassique inférieur serait plutôt en liaison avec la séparation du bloc Apulien lié, à cette période, au bord septentrional de la plaque africaine [16]. Le maximum de la richesse en MO des dépôts C/T est habituellement atteint dans la périphérie des dômes triasiques, mais surtout dans les fossés d’effondrement (Fig. 2). Les mouvements diapiriques ont également joué un rôle, en contrôlant les dépôts C/T en Tunisie septentrionale.
3 Extension et caractéristiques du faciès Bahloul en Tunisie
Durant l’intervalle C/T, la Tunisie se situait dans la marge sud de la Téthys, dont elle était limitée par un talus pendant généralement vers le nord (Fig. 5). Dans ce domaine, se sont accumulés des faciès riches en MO, regroupés sous le nom de formation Bahloul par P.-F. Burollet [11]. L’existence d’une telle province riche en MO a été confirmée par des données pétrolières [7–9] et d’affleurement [1,3,5,22,23,25,26,29]. L’interprétation paléogéographique (Fig. 1A) suggère que la distribution du faciès Bahloul ait été limitée à la profondeur de la tranche d’eau intermédiaire (quelques centaines de mètres), sous l’influence d’une ZMO (Fig. 2) vers la marge sud de la Téthys [5]. Épais de 20 à 30 m en moyenne, le Bahloul est formé d’une alternance régulière de calcaires laminés et/ou noduleux noirs à grisâtres et de niveaux marneux présentant des valeurs de COT qui oscillent entre 1 % et 13,35 % [6]. Une valeur de 18,7 % de COT [1] a même été rapportée dans un échantillon du bassin de Gafsa (Oued Berda). Ces alternances de faciès, plus ou moins riches en MO (Fig. 3), sont interprétées comme résultant d’alternances d’oxygénation des fonds marins, elles-mêmes interprétées comme le résultat de cycles de précession de 20 ka [13]. Elles existent également, sur une échelle plus petite, sous forme d’une alternance entre des lamines claires et des lamines sombres, d’échelle millimétrique. La plupart des coupes étudiées montrent une augmentation rapide de la valeur de COT à la base, reflétant la transition de conditions aérobies à des conditions anaérobies [25]. En Tunisie, au sein du Bahloul, a été mis en évidence un faciès riche en MO comprenant plusieurs intercalations de couches riches en radiolaires [29], signalé aussi en Algérie, au nord de l’accident sud-atlasique, en plusieurs localités [12] formant probablement une bande continue le long de la plate-forme nord africaine au cours de la partie moyenne du Crétacé, en allant de la Tunisie jusqu’au Pré-Rif marocain [25]. De tels dépôts siliceux riches en MO ont été définis en 1986 comme étant le marqueur de la limite C/T [30].
4 Âge et séquences du Bahloul
La formation Bahloul s’est déposée durant le Cénomanien supérieur (partie supérieure de la zone à Rotalipora cushmani) et le Turonien inférieur (partie inférieure de la zone à Helvetoglobotruncana helvetica). La partie supérieure de cet horizon est connue pour être diachrone. Son âge s’étend donc sur toute la zone à W. archaeocretacea jusqu’à la partie basale de la zone à Helvetoglobotruncana helvetica. Malgré les recherches menées dans des secteurs miniers tels que Bougrine et Garn Halfaya, où un âge C/T a été attribué par calage stratigraphique [24], le Bahloul dans la région de Kalâat Senan était supposé Cénomanien supérieur [26]. Cependant, cette interprétation a été plus tard corrigée par Accarie et al. [2], qui, avec les moyens biostratigraphiques fournis par les nannofossiles calcaires, ont démontré que la formation Bahloul dans cette région atteint également le Turonien inférieur, conformément aux idées de Maamouri et al. [23]. La durée minimale du dépôt de ce faciès riche en MO dans la région de Gafsa s’étend depuis la partie inférieure de la zone à ammonite à Metoicoceras geslinianum jusqu’à la partie moyenne de la zone à Pseudaspidoceras flexuosum [1]. Le Bahloul en Tunisie coïncide généralement avec un intervalle transgressif (IT) enregistrant des valeurs de COT relativement élevées. Dans quelques régions, sa partie basale peut appartenir au prisme de bas niveau marin (PBN), comme dans la région de Guern Halfaya [23], ou à un prisme de bordure de plate-forme (PBP), comme dans la coupe type [21] et la région de Kalâat Senan [26]. Le prisme de haut niveau (PHN) surmontant l’IT à cachet Bahloul, dans la plate-forme interne tunisienne, est généralement représenté par des dépôts de faible tranche d’eau, comme les carbonates marins bioclastiques du Gattar ou les unités équivalentes, alors que le faciès le plus septentrional est représenté par les argiles de la formation Kef.
5 Caractéristiques isotopiques du Bahloul
La composition isotopique du C a été analysée, parfois avec une forte résolution, dans de nombreuses coupes du Bahloul [2,5,15]. Nous avons tenté de corréler ces données entre les différentes coupes, dans le but de comparer la distribution du δ13C à l’échelle tunisienne et de comparer ces courbes du δ13C avec les données existant à l’échelle mondiale [28]. Notamment, nous avons tenté d’identifier les trois pics ou « excursions » positives du δ13C observés dans plusieurs coupes de la limite C/T (Western Interior, Bassin anglo-parisien en particulier [10,28]). Dans ce but, la corrélation établie a dû être étayée par un calage biostratigraphique fin (foraminifères planctoniques, nannofossiles et ammonites). La Fig. 3 montre que, dans plusieurs coupes tunisiennes, on peut reconnaître les trois pics (dénommés ici I, II et III) avec les mêmes calages biostratigraphiques caractéristiques (positions relatives par rapport à la dernière occurrence de Rotalipora cushmani et apparition du nannofossile marqueur Quadrum gartneri). Cependant, les 11 coupes tunisiennes montrent que les trois pics sont beaucoup plus visibles lorsqu’on dispose de la composition isotopique du C mesurée sur la MO plutôt que sur les carbonates. Les variations du réservoir océanique de C seraient ainsi mieux enregistrées par la MO d’origine marine que par les carbonates formés en milieu marin. En Tunisie, on n’observe pas de covariations précises entre les courbes de δ13C, COT et CaCO3, mais on remarque que, globalement, les valeurs de COT sont plus fortes dans l’intervalle de plus fortes valeurs de δ13C, avec un décalage temporel (retard) dans l’élévation des valeurs de COT. Ce phénomène est observé ailleurs également dans le monde [5,20].
Par ailleurs, la quantité de matière organique accumulée dans les sédiments dépend de nombreux paramètres (nature des organismes sources, intensité de la production, épaisseur de la colonne d’eau, taux de sédimentation, granularité des sédiments, degré d’oxygénation de la colonne d’eau, caractère redox des eaux interstitielles, etc. [4]). Le contenu en carbone organique (COT) est donc un paramètre qui dépend énormément des conditions locales de sédimentation. Il ne peut donc guère être utilisé comme outil de corrélation à une échelle fine (même si certains épisodes de l’histoire de la Terre, à l’instar de la limite C/T, sont identifiables par un COT élevé). En revanche, le δ13C (organique ou minéral) est un paramètre lié au réservoir océanique de carbone et relativement peu sensible aux conditions locales de sédimentation ; sa valeur d’outil de corrélation est donc bien connue pour être bonne. Pour conclure, nos résultats montrent que si la limite C/T peut être facilement identifiée à l’échelle téthysienne par la mesure du COT, il faut avoir recours au δ13C pour les corrélations fines à l’échelle de cette limite.
6 Caractéristiques paléoécologiques
Les recherches paléoécologiques détaillées réalisées dans les dépôts du Bahloul ont utilisé l’analyse des microfaciès [26], le caractère planctonique/benthique des foraminifères [29], les nannofossiles calcaires [2,10,25] et les ammonites [1]. Les assemblages des nannofossiles sont caractérisés par une faible diversité, attribuée à une combinaison de conditions hostiles et une dissolution durant la sédimentation [10,25]. Un renouvellement faunique dans les assemblages des nannofossiles a été enregistré dans la formation Bahloul, où la forme opportuniste Watznaueria barnesae représente l’espèce la plus fréquente [10,25]. Les données paléoécologiques suggèrent que les dépôts C/T sont limités par une ceinture bathymétrique [29] qui peut refléter l’installation d’une petite ZMO en Tunisie centro-septentrionale et, localement, dans le bassin de Gafsa. Cette ZMO est marquée par l’abondance des Heterohelix, dès la base de la formation, et par la réduction des formes planctoniques chez les foraminifères, qui ne sont plus représentés que par des formes à loges globuleuses (Guembelitria, Whiteinella, Hedbergella), ainsi que par l’absence des formes benthiques [29]. Toutefois, la préservation des ammonites et la présence de niveaux repères régionaux à bioturbations évoquent un environnement alternativement anoxique et dysoxique. Les habitants de subsurface de la zone photique inférieure perdent leurs habitats par suite de l’expansion de cette ZMO et disparaissent. Le début du rétrécissement de cette zone, à la fin du haut niveau eustatique, a peut-être créé de nouveaux habitats, induisant le renouvellement faunique enregistré chez les radiolaires et les foraminifères planctoniques [14,29].
7 Caractéristiques géochimiques de la MO du Bahloul
Les provinces où la formation Bahloul est riche en MO sont caractérisées par un kérogène d’origine marine de type II (IH entre 200 et 700 mg HC/g COT), avec des concentrations en COT de plus de 10 %, indiquant de roches mères d’hydrocarbures d’excellente qualité [5,9,22,24]. La maturité thermique de la MO présente une distribution variable, avec des Tmax généralement compris entre 430 et 500 °C, mais pouvant atteindre localement des valeurs plus fortes (Fig. 1B). L’observation au microscope de ces sédiments indique que le kérogène est dominé par une matière organique amorphe (MOA). Son origine algaire ou bactérienne se manifeste par une forte fluorescence jaunâtre sous lumière ultraviolette. La distribution des biomarqueurs moléculaires est caractérisée par des n-alcanes, des stéranes, des hopanes et des isoprénoïdes acycliques, indiquant une MO d’origine marine (algaire ou zooplanctonique) [5]. Les méthylhopanes indicateurs de cyanobactéries ou de méthylotrophes sont largement présents dans les dépôts de la formation Bahloul [5]. L’occurrence du bisnorhopane dans ces black shales reflète une source plutôt bactérienne, probablement liée à un environnement de dépôt fortement réducteur, riche en soufre.
8 Discussion sur les environnements de dépôts
8.1 Relation entre paléogéographie et expansion d’une ZMO : modèle de dépôt
La tectonique distensive qui a favorisé l’ouverture de plusieurs bassins (Fig. 2) a permis localement le dépôt de sédiments riches en MO sous une ZMO. Ces petits bassins sont limités par des paléo-hauts-fonds (Fig. 5), qui ont peut-être limité les échanges des eaux océaniques déjà appauvries en oxygène en induisant une stratification des eaux marines. Ces paléoreliefs ont réagi à des manifestations diapiriques ayant provoqué des inversions de subsidence marquant des irrégularités dans la topographie.
La distribution de la MO reflète la paléogéographie existant au cours de l’intervalle C/T, avec des zones relativement hautes qui étaient baignées par une ZMO où la circulation réduite a engendré un déficit en oxygène (Fig. 5). Un autre mécanisme applicable pour le bassin de Gafsa est la mise en place d’une halocline ayant provoqué la stratification des eaux [1]. Cette dernière fut causée par la circulation des eaux hypersalées engendrées par le lessivage des évaporites du Trias.
8.2 Les zonations de maturité de la formation Bahloul
Dans la majorité des sites étudiés en Tunisie (Fig. 1B), la MO du Bahloul [3,20,22] a connu une évolution diagénétique assez poussée (domaine de la catagenèse). La distribution du Bahloul se répartit en couloirs d’orientation préférentielle NE–SW dans le domaine centro-septentrional et d’orientation presque est–ouest à NE–SW dans le domaine oriental. La MO contenue dans ce faciès montre divers stades de maturité : (1) immature (425 à 435 °C) à submature (435 °C), (2) mature (435 à 450 °C) et (3) surmature (450 à 550 °C). Ces variations des Tmax et de la maturité reflètent la subsidence et le flux thermique qui ont contrôlé la maturation de la MO.
8.3 Contexte global
L’examen de la MO et des profils isotopiques de δ13C des coupes C/T dans plusieurs localités du monde a montré que les extinctions majeures de la faune se sont produites pendant des intervalles de temps caractérisés par des valeurs de δ13C relativement élevées (Fig. 3). Ces valeurs isotopiques élevées coïncident généralement avec le dépôt de black shales dominés par une MO d’origine marine (kérogène de type II). Les marqueurs isotopiques, paléoécologiques, biostratigraphiques et géochimiques dont nous disposons ici peuvent être des outils de corrélation à l’échelle mondiale (Fig. 4). Les trois excursions majeures et significatives du profil isotopique de δ13C sont trouvées dans la majorité des coupes C/T étudiées en Tunisie (Fig. 3) et dans le monde (Fig. 4). Ces trois pics nous permettent de bien corréler les bassins lointains isolés. La similitude paléoécologique et l’extinction simultanée de la faune à formes spécialisées (foraminifères, radiolaires, ammonites, nannofossiles calcaires…) survenant pendant l’intervalle séparant la première et la troisième excursion de δ13C nous permettent de bien localiser et reconstituer le scénario de l’événement anoxique EAO-2. Par ailleurs, notre interprétation, se basant sur les premières occurrences (PO) et dernières occurrences (DO) des nannofossiles calcaires et des foraminifères, montre que cet événement n’est pas synchrone (Fig. 4) à l’échelle mondiale.
9 Conclusion
De cette synthèse, il ressort le fait que les dépôts C/T riches en MO du Bahloul se répartissent en trois domaines différents correspondant à des emplacements de paléobassins profonds qui montrent des paléoreliefs différents. Ces emplacements ont été le siège de dépôts de sédiments de type bathyal dont l’âge varie de la partie supérieure de la zone à Rotalipora cushmani (Cénomanien supérieur) jusqu’au toit de la zone à Whiteinella archaeocretacea et, dans quelques régions, jusqu’au mur de la zone à Helvetoglobotruncana helvetica. Ces black shales, marquant l’événement d’inondation le plus intense au cours du Phanérozoïque, ont été déposés dans un intervalle transgressif. Une corrélation des données isotopiques du carbone, complétée par des résultats géochimiques et par des données biostratigraphiques, a permis une subdivision fournissant un outil de corrélation à l’échelle régionale, compatible avec ce qui est observé à l’échelle globale. Le modèle de dépôt proposé ici indique que la distribution de la MO suit la paléogéographie existant au cours de l’intervalle C/T, avec des zones relativement hautes baignées par une ZMO où la circulation réduite a peut-être fait augmenter le déficit en oxygène. Toutefois, la préservation des ammonites et la présence de niveaux repères régionaux à bioturbations dans cet intervalle de temps évoquent un environnement alternativement anoxique et dysoxique.
Nous soulignons qu’il ressort de l’analyse des séries tunisiennes que le δ13C marque des évolutions beaucoup plus tranchées quand il est mesuré sur la MO, par rapport aux valeurs obtenues sur les carbonates. De ce fait, les excursions du δ13C sont beaucoup plus aisément corrélables. Ces observations suggèrent que le δ13C mesuré sur MO serait un meilleur outil que le δ13C mesuré sur les carbonates pour déterminer la limite C/T.
Remerciements
Nous remercions Madame Dalila Zaghbib-Turki, ainsi que les deux relecteurs de ce travail.