1. Les puits de carbone, un recours nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique
L’accord de Paris est le tout premier accord mondial juridiquement contraignant sur le changement climatique, adopté lors de la conférence de Paris sur le climat (COP21) en décembre 2015 [CCNUCC 2015]. Avec pour objectif principal de contenir la hausse de la température moyenne de la planète bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels (sur la période de référence 1850–1900), et de la limiter autant que possible à 1,5 °C, l’accord de Paris vise également au renforcement des capacités d’adaptation et de résilience face aux effets du changement climatique, ainsi qu’à la mise en œuvre de flux financiers adaptés à ces objectifs.
Dans son article 4, il est indiqué que tous les Etats qui ont ratifié l’accord doivent chercher à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais et à opérer des réductions rapidement par la suite, conformément aux meilleures données scientifiques, de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle. Parvenir à cet équilibre, c’est parvenir à ce qui est appelé la « neutralité carbone », qui consiste à compenser par des puits de carbone la part d’émissions de CO2 incompressibles que nous ne pouvons ou ne savons pas encore réduire de manière satisfaisante. La « neutralité carbone en 2050 » est l’objectif principal retenu par la France pour sa politique d’atténuation du changement climatique, en application de l’accord de Paris [CESE 2020], et est maintenant inscrite dans la loi [République française 2019]. Par ailleurs la Commission européenne a présenté, le 4 mars 2020, une proposition de loi climat pour entériner l’objectif de neutralité carbone de l’Union européenne d’ici 2050 [Commission européenne 2020].
Il existe plusieurs types de puits de carbone. D’abord les puits de carbone dits naturels, mais pour lesquels une intervention humaine est nécessaire pour les préserver ou les renforcer. Les forêts en croissance constituent un puits de carbone, capable de retirer du CO2 de l’atmosphère par le mécanisme de photosynthèse, tout comme peuvent l’être les sols et terres agricoles qui stockent de la matière organique (humus, débris végétaux), ainsi que les océans qui piègent du CO2 atmosphérique par dissolution dans l’eau. Il existe aussi les puits de carbone dits technologiques, il s’agit essentiellement du puits de carbone géologique, qui consiste à capter le CO2 non pas dans l’atmosphère où il est très dilué, mais dans les fumées des usines qui le recrachent en abondance à des concentrations plus élevées, pour le stocker sous terre dans une couche géologique au-delà d’un kilomètre de profondeur.
Les puits de carbone naturels sont déjà mis à rude épreuve. Jusqu’au début de la révolution industrielle, les échanges naturels entre l’atmosphère, la végétation, les sols et les océans étaient équilibrés, ce qui explique que la teneur atmosphérique en CO2 soit restée constante sur plusieurs milliers d’années avant 1750. Mais depuis, l’on s’est mis à exploiter massivement les énergies fossiles extraites du sous-sol que sont le pétrole, le charbon et le gaz naturel, très riches en carbone. En brûlant ces combustibles fossiles pour la production d’électricité, le chauffage, l’industrie et le transport, le carbone se combine à l’oxygène de l’air pour former du dioxyde de carbone (CO2) qui est alors émis dans l’atmosphère. Heureusement la moitié de ces émissions de CO2 a été réabsorbée par la végétation et les océans, les puits de carbone naturels, mais l’autre moitié s’est accumulée dans l’atmosphère, conduisant au changement climatique. La teneur en CO2 de l’atmosphère, qui était restée en dessous de de 280 ppm (parties par million, soit 0.028%) depuis plus de 800 000 ans, est ainsi passée à 410 ppm (0,041%) en l’espace de 200 ans environ et continue de croître de plus en plus vite. Face à cet accroissement sans précédent, les puits de carbone naturels terrestre et océanique, même en les stimulant, ne suffiront pas. Leur capacité est limitée et certaines conséquences indésirables se font déjà sentir, telles que l’acidification des océans qui résulte de la dissolution du CO2 dans l’eau et qui perturbe les écosystèmes marins. De plus ils sont fragilisés par le réchauffement climatique, comme le montre par exemple la destruction de plus en plus fréquente des forêts par les tornades et les incendies. Il y a donc même un risque que ces puits de carbone naturels se transforment en sources de carbone.
Il convient donc d’activer aussi le puits de carbone géologique, ce qui revient à remettre dans le sous-sol, sous forme de CO2, le carbone d’où il a été extrait sous forme de charbon, de pétrole ou de gaz naturel. Le CO2 peut être ainsi piégé de manière permanente et ce piège n’est pas fragilisé par le réchauffement climatique. C’est la technologie appelée « Captage et Stockage de CO2 » (CSC, ou CCS en anglais pour « CO2 Capture and Storage »), sur laquelle le GIEC a publié un rapport spécial en 2005 [[GIEC 2005]; [ADEME, BRGM, IFP 2007]].
Le présent article explique comment développer un puits de carbone géologique, présente les premières opérations de CSC en fonctionnement dans le monde et fait part des travaux de recherche en cours pour permettre de déployer plus largement ce puits de carbone y compris en France. Il invite à penser des solutions à l’échelle des territoires et explique pourquoi le puits de carbone géologique peut offrir de la flexibilité aux pays et aux territoires pour atteindre la neutralité carbone et pour permettre une transition énergétique et écologique juste et inclusive.
Cet article reprend en grande partie l’article écrit par l’auteur dans le livre « No(s) Futur(s) » paru en librairie en juillet 2020, une anthologie de textes de science et de fiction destinée à sensibiliser, à informer et à produire des récits autour des enjeux du changement climatique (Figure 1, [Czernichowski-Lauriol 2020]). Cet ouvrage est préfacé par sa marraine, Valérie Masson-Delmotte, vice-présidente du groupe 1 du GIEC, groupe qui évalue les aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat.
2. Comment créer un puits de carbone géologique ?
Il faut d’abord capter le CO2 dans les fumées industrielles, car c’est là qu’il est émis en grande quantité, à une concentration élevée (de 4% à 40%, voire plus). Le capter directement dans l’air où il est extrêmement dilué (0,04%), ou sur des sources mobiles comme les pots d’échappement des voitures, est beaucoup plus complexe et coûteux, même si des recherches en ce sens sont en cours. Le captage consiste à séparer le CO2 des autres composés présents dans les effluents gazeux industriels (azote de l’air principalement, etc.). Cette étape peut être réalisée par différentes techniques déjà éprouvées ou en cours de développement pour améliorer les performances et réduire les coûts. Par exemple le captage de CO2 par absorption chimique dans des solvants aminés est classiquement mis en œuvre pour le traitement du gaz naturel, qui en contient un peu naturellement.
Puis le CO2 doit être transporté jusqu’à un lieu de stockage adéquat, car il ne peut pas être injecté n’importe où dans le sous-sol, il faut que les conditions géologiques s’y prêtent. Le CO2 capté est donc comprimé à forte pression (>73 atm), passant ainsi d’un état gazeux à un état dense assimilable à un liquide, puis il peut être acheminé par des canalisations (« carboducs ») jusqu’au lieu de stockage. Celles-ci devront être construites pour relier émetteurs de CO2 et site de stockage. Dans certains cas il pourra être envisagé de reconvertir des gazoducs ou oléoducs en carboducs. Il s’agit aussi d’une technologie éprouvée, car plusieurs milliers de kilomètres de canalisations transportant du CO2 sont déjà en opération dans le monde, principalement en Amérique du Nord et pour une injection dans des réservoirs pétroliers. Le transport par bateaux, par péniches et par camions peut aussi s’envisager.
Enfin le CO2 est injecté par un forage au-delà de 800 m de profondeur dans des couches géologiques profondes, poreuses et perméables, de type calcaire ou grès, où le CO2 vient se loger dans la porosité de la roche, entre les minéraux, repoussant sur les côtés l’eau salée qui y est généralement présente (Figure 2). Le CO2 se trouve toujours dans un état dense appelé « état supercritique » car, à ces profondeurs, sa température et sa pression sont supérieures à celles de son point critique (31 °C, 73 atm). Il n’est alors, ni à l’état gazeux, ni à l’état liquide, mais a des propriétés intermédiaires entre les deux, notamment une densité proche de celle d’un liquide et une viscosité proche de celle d’un gaz. Ce qui le rend moins enclin à remonter vers la surface qu’un gaz et maximise les quantités stockables dans un volume de roche donnée. Sa densité étant légèrement plus faible que celle de l’eau salée présente dans la couche réservoir de stockage, il a tendance à migrer lentement vers le sommet de cette couche, d’où la nécessité de la présence d’une couche argileuse imperméable au-dessus, appelée roche couverture, qui bloque sa remontée (piégeage structural). D’autres mécanismes de piégeage interviennent. Le CO2 dense est aussi piégé sous forme de bulles isolées dans les pores des roches traversées du fait des forces de capillarité (piégeage résiduel). Avec le temps, une partie du CO2 se dissout dans l’eau salée (piégeage par dissolution) et l’eau enrichie en CO2 dissous, devenant alors un peu plus lourde, a tendance à migrer vers le bas de la formation de stockage, tout ceci contribuant à piéger de plus en plus efficacement le CO2. Les réactions minéralogiques induites par le CO2 dissous qui acidifie l’eau peuvent même parfois conduire à la formation de minéraux carbonatés, ce qui piège le CO2 sous forme solide (piégeage minéralogique). L’importance relative de ces quatre mécanismes de piégeage varie au fil du temps et est dépendante des caractéristiques naturelles de chaque site de stockage ainsi que des conditions d’injection.
Mettre en œuvre le puits de carbone géologique nécessite donc d’assembler toute une chaîne de captage, transport et stockage de CO2. L’analogie la plus proche avec une pratique industrielle maitrisée et largement répandue dans le monde est celle de la production de gaz naturel (CH4, le méthane), puis de sa purification, transport par gazoduc et stockage saisonnier à l’état gazeux sous terre, dans une cavité saline ou dans la porosité d’une roche aquifère recouverte d’une roche couverture imperméable. Il est donc réaliste de penser qu’on pourra maitriser le déploiement à grande échelle du captage et stockage de CO2, même s’il y a des différences notables entre les deux filières qui doivent être prises en compte du fait de la nature différente du gaz et de la durée de stockage.
3. La nature nous montre qu’il est possible de stocker du CO2 sous terre
La nature nous montre que c’est faisable car il existe sous terre de nombreux réservoirs naturels de CO2, d’origine volcanique ou mantellique et vieux de plusieurs millions d’années, qui prouvent que les couches géologiques peuvent piéger durablement de très grandes quantités de CO2 [Pearce et al. 2004]. Dans le sud-est de la France par exemple, huit réservoirs naturels de CO2 ont été découverts lors de l’exploration pétrolière menée dans les années 1960, entre 2 et 4 km de profondeur (Figure 3 ; [Czernichowski-Lauriol et al. 2002]). Quand les forages ont été réalisés, croyant avoir découvert du pétrole ou du gaz naturel, c’est avec stupeur qu’il a été constaté que le fluide piégé était du CO2 (de 66 à 99% CO2 selon les cas). Ce CO2 est remonté des profondeurs de la terre à la faveur de failles et s’est accumulé sous une couverture argileuse dans la porosité de la roche sous-jacente. A d’autres endroits il s’est dissout dans les eaux présentes dans l’espace poral des roches rencontrées, dont certaines sont devenues des eaux carbogazeuses exploitées (Vichy, Badoit, Perrier …). Ailleurs, il a pu migrer jusqu’en surface et s’échapper dans l’air par un trou ou une fissure. Ces émanations gazeuses, appelées mofettes, sont souvent des curiosités naturelles comme à Neyrac dans l’Ardèche et dans la grotte du chien à Royat dans le Puy de Dôme. Dans certains pays, il y a même des geysers rejetant par intermittence de l’eau et du CO2. Les plus connus sont le geyser d’Andernach en Allemagne et Crystal Geyser dans l’Utah aux États-Unis, qui sont des attractions touristiques.
Les émanations naturelles de CO2 en surface ne causent dans la plupart des cas aucun dommage, car le CO2 se disperse dans l’air. Le CO2 n’est ni inflammable ni explosif, contrairement au méthane. C’est un gaz inodore que nous respirons en permanence et même avalons avec les boissons gazeuses. Il n’est pas toxique à faible dose, contrairement au monoxyde de carbone (CO) qui entraîne des pertes de connaissance dès que sa concentration dans l’air respiré dépasse 0,1%. Tant que la concentration en CO2 dans l’air, habituellement de 0,04%, ne dépasse pas 1%, il n’y a aucun effet physiologique. Au-delà, on peut observer une augmentation de la concentration en CO2 dans le sang et une raréfaction relative de l’oxygène de l’air. Cela peut se traduire par l’accélération du rythme respiratoire et des maux de tête, et, pour des concentrations plus marquées et une durée d’exposition prolongée, par des pertes de conscience voire la mort. Le risque d’asphyxie devient réel, seulement si la fuite a lieu au niveau d’un espace confiné (cave, grotte, bâtiment mal ventilé …) ou une dépression du sol, car le CO2 est un peu plus lourd que l’air et peut s’accumuler dans les points bas. Sinon, le gaz se disperse dans l’atmosphère, ce qui annihile évidemment l’objectif écologique, mais ne provoque pas une catastrophe sanitaire.
Des intoxications aiguës au CO2 en milieu ouvert ne sont possibles que par suite de phénomènes volcaniques libérant des centaines de milliers de tonnes de CO2 d’un seul coup, un débit qui n’a rien à voir avec celui des fuites mêmes les plus graves qui pourraient émaner d’un stockage de CO2. La catastrophe du lac Nyos au Cameroun en 1986 est dans tous les esprits. Elle a été causée par le dégazage brutal du CO2 d’origine volcanique qui était stocké sous forme dissoute dans les eaux profondes de ce lac de cratère, libérant brutalement en une nuit plus d’un million de tonnes de CO2 qui, étant plus lourd que l’air, est descendu dans les vallées encaissées et relativement confinées des alentours. Plus de 1700 personnes, le bétail et de très nombreux animaux sont morts dans les 24 h dans un rayon de 14 km. Dans le cas d’un stockage de CO2, il n’y a que l’éruption d’un forage qui pourrait relâcher beaucoup de CO2 d’un coup, mais les débits seraient bien moindres et de la neige carbonique solide se formerait en surface, du fait du refroidissement provoqué par la forte chute de pression. Il y a donc très peu de risques de provoquer des accidents mortels.
Si du CO2 arrivait à s’échapper d’un stockage à travers les failles et fractures naturelles présentes dans la roche couverture ou les couches sus-jacentes, les fuites seraient alors plus modestes, n’atteindraient pas forcément la surface, ou mettraient longtemps à y arriver et s’y manifesteraient sous forme de mofettes isolées, sans doute alignées selon les lignes de faille. C’est ce que l’on observe sur un site naturel en Italie (Latera, en Toscane) où du CO2 d’origine volcanique arrive en surface au niveau d’une prairie [CO2GeoNet 2008]. Les émanations gazeuses sont faibles et très localisées, alignées sur une ligne de faille ou à l’intersection de failles. Elles ressemblent à des points clairs au milieu de la verdure, du fait d’une modification ou d’une disparition très localisée de végétation. Si ces émanations s’arrêtaient, la végétation pourrait revenir. En cas de fuite localisée dans la nappe phréatique, ce n’est pas le CO2 qui est en soit dangereux, puisque nous buvons des eaux naturelles carbogazeuses, mais les impuretés qui l’accompagnent et la possibilité que la concentration en certains métaux (plomb, zinc, manganèse, aluminium, arsenic …), naturellement présents en quantités très faibles dans l’eau, puisse augmenter du fait des réactions minéralogiques induites par l’acidification de l’eau. Cela altérerait alors la qualité de l’eau, qui pourrait ne plus être conforme aux normes pour l’eau potable. En cas d’arrêt de la fuite, la ré-équilibration chimique entre l’eau et les minéraux devrait conduire à un repiégeage de ces éléments.
Quoi qu’il en soit, les stockages de CO2 devront être conçus pour éviter toute fuite en dehors du réservoir de stockage et être surveillés pour s’assurer que c’est bien le cas, tout en prévoyant des mesures à prendre en cas de comportement anormal. D’où l’importance d’une série de mesures préventives et palliatives.
4. Comment s’assurer qu’un stockage de CO2 soit réalisé en toute sécurité pour la population et l’environnement local ?
Comment choisir un bon site ? Quelles sont les lignes de conduite à respecter pour s’assurer, avec un niveau de confiance suffisant, que le CO2 soit stocké à long terme et en toute sécurité dans la formation de stockage ? Il y a cinq grandes catégories de mesures, qui se répartissent tout au long du projet de stockage, depuis sa conception initiale jusqu’à l’arrêt de l’injection et jusqu’à la fin de la phase de surveillance qui se prolonge au-delà, pour vérifier que le site évolue vers une stabilité à long terme (Figure 4 ; [Bouc et al. 2012]).
La première repose sur une bonne sélection et caractérisation du site de stockage : la roche réservoir et la roche couverture doivent présenter des caractéristiques naturelles adéquates en termes de porosité, de perméabilité, d’épaisseur et d’étendue latérale. Il est aussi important de connaitre leurs propriétés chimiques, thermiques et mécaniques qui conditionneront aussi la performance du stockage. Il faut repérer s’il existe des failles, en particulier au niveau de la roche couverture, et des forages pré-existants dans le secteur. On évitera bien sûr de faire un stockage dans une zone où la sismicité est trop élevée, car elle pourrait affecter l’intégrité des puits et de la roche couverture, ou réactiver des failles trop proches. Il faut aussi caractériser les formations situées au-dessus, y compris la nappe phréatique, ainsi que l’environnement de surface, car il faudra éviter toute nuisance (fuite, mouvement de terrain) qui affecterait localement les écosystèmes ou les activités humaines. Cette caractérisation initiale constituera aussi un état de référence indispensable auquel pourra être comparée toute mesure effectuée pendant ou après la fin de l’injection, pour savoir dire si un changement observé est induit par le stockage ou résulte d’une autre cause.
La deuxième catégorie de mesures doit évaluer comment effectuer un stockage performant. Des expériences en laboratoire et des modélisations numériques sont réalisées pour simuler l’injection du CO2 dans le réservoir et le comportement du stockage sur le long terme, bien après la fin de l’injection, sur des milliers d’années. Elles doivent prendre en compte toutes les informations acquises lors de la caractérisation initiale du site, mais aussi les caractéristiques du CO2 à injecter en termes de quantité (tonnes par jour) et de qualité (% et nature des impuretés). Car selon le procédé de captage mis en œuvre et le type de fumées traitées, il peut y avoir quelques % d’impuretés dans le CO2 (N2, O2, SOx, NOx …). L’objectif est d’estimer combien de CO2 on va pouvoir stocker (capacité de stockage), de dimensionner les opérations d’injection (nombre, position, inclinaison et type de forages), afin de stocker sans causer de dommages mécaniques qui pourraient fracturer la roche couverture ou être ressentis en surface, et de prévoir au cours du temps où le CO2 dense et le CO2 dissous vont se répartir dans la formation hôte ainsi que la proportion relative des quatre mécanismes de piégeage. Les marges d’incertitude dans les prévisions sont ensuite évaluées de manière à tenir compte de la connaissance forcément imparfaite du milieu naturel géologique et des hypothèses prises pour les modélisations qui sont toujours des représentations simplifiées de la réalité. Les opérations de stockage sont donc dimensionnées avec des marges de sécurité pour qu’aucun phénomène indésirable ne se produise et n’impacte des éléments vulnérables.
La troisième catégorie de mesures doit permettre que les opérations d’injection et de fermeture du site soit menées correctement : il est essentiel de mesurer en continu la pression d’injection, le débit, la température et la composition du CO2 injecté. Par des méthodes géophysiques (sismiques, gravimétriques, électriques, électromagnétiques …), il est aussi possible de mesurer de façon indirecte, puis de cartographier la distribution du panache de CO2 dense et les changements qui se produisent dans le réservoir. Il faut notamment s’assurer que les pressions au sein du réservoir restent toujours inférieures à la pression de fracturation de la roche couverture et n’induisent pas de microséismes ou des déformations perceptibles en surface. Les modélisations initiales sont affinées et améliorées en prenant en compte tous les paramètres mesurés en cours d’injection de manière à décrire le plus fidèlement possible le comportement du stockage. A la fin de l’injection, le puits est bouché en injectant dans le forage un ciment résistant sur une importante hauteur cumulée pour éviter toute remontée de CO2.
La quatrième catégorie de mesures concerne la surveillance attentive de tous les milieux qui pourraient être impactés par le stockage dans le cadre de son fonctionnement normal ou en cas de défaillance. C’est-à-dire non seulement le réservoir de stockage mais aussi la roche couverture, les forages, les roches au-dessus du stockage, la nappe phréatique, la surface du sol ou le plancher marin, les écosystèmes. Ceci pour rechercher s’il y a des fuites de CO2 ou pour identifier de possibles impacts liés au stockage, d’où l’importance d’avoir dressé avant l’injection un état de référence. Différentes méthodes de mesure et d’auscultation du sol et du sous-sol sont combinées pour être capable de détecter, localiser et quantifier le CO2 et les changements induits, ou pour vérifier qu’il n’y en a pas. La surveillance doit être très active pendant l’injection, puis se poursuivre après la fin de l’injection. Elle pourra ensuite être progressivement allégée du fait de la relaxation progressive des déséquilibres générés par l’injection. Puis elle pourra être arrêtée si les observations et les modèles montrent de manière convergente que le stockage évolue vers une stabilité à long terme et que les risques d’une évolution altérée sont très peu probables. Le stockage s’apparentera alors à un gisement naturel de CO2.
La cinquième catégorie de mesures concerne la maitrise des risques en cas d’évolution altérée du stockage. Que ce soit des fuites ou des désordres mécaniques, il faut pouvoir comprendre leurs causes et estimer la gravité de leurs conséquences qui est fonction de l’ampleur du phénomène et de la présence d’éléments vulnérables autour du stockage, à savoir les populations, les infrastructures humaines et les écosystèmes naturels. Par exemple, face à un séisme ressenti, il sera important de savoir s’il est dû à la sismicité naturelle ou s’il s’agit de sismicité induite par les opérations d’injection. En cas de fuite de CO2 en surface, pour en apprécier la gravité pour les populations, il faudra mesurer la concentration dans l’air du CO2 et des substances associées et faire des simulations pour voir comment il se disperse dans l’atmosphère et s’il peut s’accumuler en partie dans des points bas ou des zones mal ventilées. C’est pendant la période d’injection que les risques sont les plus élevés, mais ils peuvent être facilement contrôlés. Sur le long terme, le niveau de risque décroit avec le temps, car l’augmentation de pression qu’avait causée l’injection se dissipe en partie progressivement, du fait de processus naturels d’atténuation (dissolution dans l’eau du réservoir, minéralisation, etc.), jusqu’à atteindre une stabilité.
En conclusion, il est clair que la maitrise du risque passe avant tout par des mesures préventives, telles qu’un bon choix de site et des opérations d’injection et de surveillance correctement effectuées. Chaque site doit faire l’objet d’une analyse des risques détaillée et prévoir les mesures correctives à mettre en place en cas d’irrégularités. Il est indispensable de pouvoir détecter au plus tôt toute défaillance par des réseaux de surveillance adaptés. De nombreuses méthodes de surveillance ont été développées pour être en mesure de détecter, localiser et quantifier toute anomalie dans tous les milieux : dans les forages, le réservoir, la roche couverture, les roches sus-jacentes (au-dessus), la nappe phréatique, la surface du sol ou le plancher marin, les écosystèmes. Elles se basent sur des techniques géochimiques, géophysiques, biogéochimiques et même de télédétection (par avion, drône ou satellite). Quant aux mesures correctrices, il est par exemple possible de réduire la pression dans le réservoir, en diminuant le débit d’injection de CO2 ou en extrayant de l’eau salée qui y est présente. Il est aussi envisageable de colmater une zone de faille ou le ciment défectueux d’un puits. Enfin, s’il s’avère que le stockage présente des défauts majeurs imprévus, il peut aussi être décidé d’arrêter l’injection, et comme mesure ultime de maîtrise du risque de récupérer le CO2 injecté pour l’acheminer vers un site de stockage plus approprié ou pour le rejeter à l’atmosphère. Certes, le but initial était d’éviter par le stockage d’émettre du CO2 dans l’atmosphère, mais le fait de devoir le faire pour un stockage défectueux ne remettrait pas en cause l’intérêt d’activer ce puits de carbone dans de nombreux autres endroits.
Depuis les années 2000, des textes juridiques et réglementaires ont été élaborés pour encadrer cette nouvelle technologie de captage et stockage de CO2, afin qu’elle puisse être mise en œuvre en toute sécurité pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Deux conventions internationales dont l’objectif est la protection du milieu marin ont été amendées pour permettre un stockage de CO2 sous les fonds marins (Protocole de Londres, Convention OSPAR). Depuis 2009, il existe une directive européenne relative au stockage géologique de CO2, qui a été transposée en droit français en 2010 et 2011 [Union Européenne 2009]. Récemment des normes ISO internationales ont été élaborées relatives au captage, au transport et au stockage du CO2. L’exploitant d’un site de stockage connait donc les lignes de conduite à respecter et doit demander un permis de stockage. Quant aux autorités nationales de contrôle, elles savent ce qu’il convient d’exiger et de vérifier.
Au-delà d’une période de surveillance active du site de stockage par l’exploitant, le transfert de responsabilité à l’Etat est prévu, une trentaine d’années après la fin de l’injection, sur la base de trois conditions : la conformité entre les modèles et les observations, l’absence de fuite détectable, la démonstration de l’évolution du stockage vers la stabilité à long terme. L’exploitant doit démanteler toutes les installations dont l’Etat ne fera plus usage et doit fournir à l’Etat un plan de surveillance reposant sur des mesures passives, c.-à-d. ne nécessitant pas une intervention particulière de l’Etat mais faisant partie de ses missions générales (par exemple via le suivi des aquifères d’eau potable, de la sismicité, des teneurs en CO2 en surface, etc.). L’exploitant devra aussi indiquer à l’Etat les mesures actives qu’il avait prévues lors de la phase sous sa responsabilité, afin que l’Etat puisse les activer en cas de dysfonctionnement. Mais en principe le site de stockage évoluera vers un état d’équilibre stable et se confondra sur le long terme avec un gisement naturel de CO2.
5. Les installations de captage et stockage de CO2 déjà en fonctionnement dans le monde
Actuellement, il y a 19 opérations de taille industrielle en fonctionnement dans le monde, captant et stockant chacune de l’ordre de 1 million de tonnes de CO2 par an (soit pour chacune l’équivalent des émissions en CO2 de 250.000 voitures sur un an) [GCCSI 2019]. Le Tableau 1 en donne la liste et les principales caractéristiques. Dix de ces opérations sont adossées à du traitement de gaz naturel (méthane), car celui-ci peut contenir 10% ou plus de CO2. Il faut donc purifier le méthane en réduisant son taux de CO2 sous 2,5% avant de pouvoir le vendre. C’est une pratique qui existe depuis longtemps, bien avant la prise de conscience des enjeux climatiques, le CO2 capté étant relâché dans l’atmosphère. L’opération de Sleipner en Norvège est une première mondiale, car c’est la première fois qu’il a été décidé à des fins purement climatiques de réinjecter le CO2 dans le sous-sol (sous la Mer du Nord). Et cela fait presque 25 ans qu’elle est en fonctionnement.
Les 19 opérations de captage et stockage de CO2 en fonctionnement dans le monde en 2019 [GCCSI 2019]. En aquifère salin profond (AQ) ou en réservoir d’hydrocarbures avec récupération assistée de pétrole (RH)
Continent | Pays | Nom de l’opération de CSC | Type d’installation industrielle où le CO2 est capté | Capacité de captage de CO2 (Mt CO2/an) | Type de stockage de CO2 | Année de mise en opération | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Europe | Norvège | Sleipner | Traitement de gaz naturel | 1 | AQ | sous la mer | 1996 |
Snohvit | Traitement de gaz naturel | 0,7 | AQ | sous la mer | 2008 | ||
Amérique | Etats-Unis | Terrell (ex Val Verde) | Traitement de gaz naturel | 0,4-0,5 | RH | sur terre | 1972 |
Enid Fertiliser | Production d’engrais | 0,7 | RH | sur terre | 1982 | ||
Shute Creek | Traitement de gaz naturel | 7 | RH | sur terre | 1986 | ||
Century Plant | Traitement de gaz naturel | 8,4 | RH | sur terre | 2010 | ||
Coffeyville | Production d’engrais | 1 | RH | sur terre | 2013 | ||
Air Products | Production d’hydrogène par reformage de gaz naturel | 1 | RH | sur terre | 2013 | ||
Lost Cabin | Traitement de gaz naturel | 0,9 | RH | sur terre | 2013 | ||
Illinois Industrial CCS | Production d’éthanol | 1 | AQ | sur terre | 2017 | ||
Petra Nova | Production d’électricité à partir de charbon | 1,4 | RH | sur terre | 2017 | ||
Etats-Unis et Canada | Great Plains Synfuels Plant & Weyburn-Midale | Production d’hydrogène par gaséification du charbon | 3 | RH | sur terre | 2000 | |
Canada | Boundary Dam CCS | Production d’électricité à partir de charbon | 1 | RH | sur terre | 2014 | |
Quest | Production d’hydrogène par reformage de gaz naturel | 1 | AQ | sur terre | 2015 | ||
Brésil | Petrobras Santos Basin CCS | Traitement de gaz naturel | 3 | RH | sous la mer | 2013 | |
Asie | Arabie Saoudite | Uthmaniyah | Traitement de gaz naturel | 0,8 | RH | sur terre | 2015 |
Emirats Arabes Unis | Abu Dhabi CCS Phase 1 | Production d’acier et de fer | 0,8 | RH | sur terre | 2016 | |
Chine | Jilin | Traitement de gaz naturel | 0,6 | RH | sur terre | 2018 | |
Océanie | Australie | Gorgon | Traitement de gaz naturel | 3,4-4 | AQ | sous la mer | 2019 |
Deux opérations sont adossées à des centrales thermiques produisant de l’électricité à partir de charbon, l’une au Canada depuis 2014, la première au monde, l’autre aux Etats-Unis depuis 2017. Une autre est adossée à une usine sidérurgique à Abu Dhabi depuis 2016, une première mondiale aussi. Deux opérations concernent la production d’engrais aux Etats-Unis. Trois opérations en Amérique du Nord concernent la production d’hydrogène à partir de charbon ou de gaz naturel. Enfin il y a une usine de production de biocarburants (éthanol) à partir de maïs aux Etats-Unis, qui fonctionne depuis 2017, c’est la première dans le monde à être équipée d’un système de captage et stockage de CO2. A noter que dans ce cas, contrairement aux 18 autres, le CO2 émis n’est pas le résultat de l’utilisation d’énergie fossile, mais de la fermentation biologique du maïs, qui pour pousser avait absorbé du CO2 atmosphérique par photosynthèse. Le CO2 stocké est donc indirectement du CO2 atmosphérique, ce qui revient à retirer du CO2 de l’atmosphère. C’est ce que le GIEC appelle un scénario à émissions négatives, c.-à-d. où du CO2 est retiré de l’atmosphère pour être stocké dans le sous-sol, sachant que plus on tarde à réduire les émissions à la source, plus on aura besoin de recourir à ce type de solutions [GIEC 2019].
Quant aux stockages, ils sont réalisés, en dehors des zones montagneuses, dans des bassins sédimentaires qui sont le résultat d’un dépôt de sédiments dans le passé géologique conduisant à une alternance de couches géologiques poreuses et perméables remplies d’eau, appelées aquifères, et de couches imperméables de type argiles, marnes, ou sel. En proche surface ces aquifères sont remplis d’eau douce et sont souvent utilisés pour fournir de l’eau potable, on parle de nappe phréatique. En profondeur l’eau est de plus en plus salée et devient même plus salée que l’eau de mer, donc totalement impropre à la consommation humaine. Localement cette eau est parfois remplacée par du pétrole, du méthane (CH4) ou même du CO2 naturel, piégés dans les pores des roches. C’est ainsi qu’on distingue deux cibles pour le stockage de CO2. D’une part les aquifères salins profonds qui offrent des capacités de stockage de CO2 très importantes et ont une grande étendue géographique, ce qui favorise le rapprochement entre émetteurs de CO2 et sites de stockage. D’autre part, les gisements de pétrole et de gaz naturels épuisés ou sur le déclin, dont l’existence montre qu’une structure naturelle de piège existe. Ceux-ci sont présents dans un nombre d’endroits plus limités et ont des capacités de stockage moindre ; néanmoins, c’est une solution attrayante d’autant plus que l’injection de CO2 dans ces réservoirs peut faciliter l’extraction d’une partie des hydrocarbures restants. Le procédé dit de « récupération assistée d’hydrocarbures par injection de CO2 » est déjà largement utilisé dans l’industrie pétrolière depuis quelques décennies, notamment aux Etats-Unis mais aussi en Europe.
Sur les 19 opérations en fonctionnement, 5 font l’objet de stockages en aquifère salin profond, les 14 autres en réservoir pétrolier et sont associées à de la récupération assistée de pétrole. C’est que dans ce cas, les coûts du captage, transport et stockage de CO2 sont compensés par la vente du pétrole additionnel produit. Les deux stockages en aquifères profonds salins en Norvège sous la mer du Nord ont pu être réalisés car leurs coûts sont compensés par l’exonération de paiement d’une taxe existant dans ce pays sur les émissions de CO2 offshore. Les 3 autres ont pu bénéficier de subventions publiques. Il est par ailleurs important de noter que 15 des 19 stockages sont réalisés sur les continents, tandis que les 4 autres sont situés sous le plancher océanique.
6. Les coûts de mise en œuvre et la recherche d’un modèle économique viable
Les coûts du captage et stockage de CO2 sont actuellement compris entre 20 et 120 € par tonne de CO2 évité [ZEP 2015]. L’essentiel du coût (jusqu’à 80%) est lié au processus de captage. Mais celui-ci est très réduit si le CO2 est déjà séparé dans le cadre du processus de production, comme c’est le cas pour le traitement du gaz naturel et la production d’engrais et de bioéthanol. Cela explique pourquoi ce type d’industries est déjà fortement représenté parmi les 19 opérations de CSC déjà en fonctionnement. Les coûts de captage les plus importants concernent les installations où le CO2 dans les fumées est plus dilué, à savoir la production d’électricité à partir de charbon ou de gaz, ainsi que la production d’acier et de ciment. Le coût du transport et du stockage du CO2 représente une part relativement faible du coût total du projet, soit environ 10 € par tonne de CO2 pour un stockage à terre, et 25 € pour un stockage sous la mer. Tous ces coûts ne sont que des estimations car ils sont dépendants d’un grand nombre de facteurs, tels que le coût de l’énergie, la distance de transport et la profondeur du stockage. Comme pour tout type de technologies, on s’attend à des réductions de coûts importantes à la suite des premiers retours d’expérience et de l’apprentissage par la pratique, mais aussi via l’émergence de nouvelles méthodes et procédés qui sont actuellement à divers stades de développement.
Pour que de nouveaux projets puissent voir le jour, les coûts de mise en œuvre doivent être compensés par des revenus, il faut donc un modèle économique viable qui pousse à investir, ce qui est encore rarement le cas. Peu de pays ou de régions ont commencé à donner un prix au carbone afin de lutter contre le changement climatique, et les niveaux de prix sont encore trop bas. Le marché européen d’échange de quotas d’émissions de CO2 a été créé en 2005 mais il a mal fonctionné du fait de causes diverses (trop de quotas attribués gratuitement, crise économique de 2008, fraude …), ce qui fait que le prix de CO2 sur ce marché est descendu très bas, à environ 5 € la tonne de CO2. C’est notamment pour cela qu’il n’y a pas encore d’opérations de captage et stockage de CO2 en fonctionnement en Europe, en dehors de la Norvège. Mais ce prix commence à augmenter et a atteint 25 € début 2020 sur ce marché européen. Certains pays ont instauré une taxe carbone, comme la Norvège dès 1991 (valeur de 57 € la tonne de CO2 en 2018) d’où l’opération CSC de Sleipner. La France en a introduit une en 2014, qui valait 7 € à l’époque, 55 € en 2018 et qui devrait monter progressivement jusqu’à 100 € en 2030. Les conditions économiques favorables au déploiement du puits de carbone géologique seront atteintes dès que le prix du carbone aura suffisamment augmenté et qu’en parallèle le coût du CSC aura suffisamment baissé. A noter qu’aux Etats-Unis, un crédit d’impôt dit 45Q attribue actuellement un crédit de 50 dollars par tonne pour le CO2 stocké de manière permanente en aquifère salin profond, et 35 dollars par tonne dans le cas d’un stockage en gisement d’hydrocarbure avec récupération assistée de pétrole [GCCSI 2020a]. C’est un signal fort qui encourage les investissements et la préparation de nouveaux projets de taille industrielle.
7. Des efforts accrus de recherche pour pouvoir déployer massivement ce puits de carbone
Via les 19 opérations industrielles de captage et stockage de CO2 en fonctionnement dans le monde, environ 40 Mt de CO2 sont captées par an et plus de 230 Mt de CO2 ont été déjà injectées dans le sous-sol en toute sécurité. L’Agence Internationale de l’Energie estime, dans un de ses scénarios, que 107 Gt de CO2 devront être stockées d’ici à 2060 pour atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie à moindre coût [AIE 2019]. Ce qui veut dire qu’il faudrait plus de 2000 nouvelles opérations de CSC, voire bien plus si l’on veut pouvoir limiter le réchauffement à 1,5 °C [GCCSI 2020b]. Les capacités de stockage au niveau mondial sont en principe suffisantes (au moins 2000 Gt CO2 comme le rapporte le GIEC dans son rapport spécial de 2005), mais cela nécessite un saut d’échelle considérable ! C’est pourquoi des efforts accrus de recherche et d’innovation sur cette technologie ont été demandés par les États, que ce soit au niveau international par la « Mission Innovation » sur les énergies propres lancée à la conférence COP21 sur le climat à Paris en 2015 [Mission Innovation 2017, 2019], au niveau européen par le plan stratégique pour les technologies énergétiques élaboré en 2015 [SET-Plan 2017], et en France où ce puits de carbone géologique est mobilisé de manière prudente, à hauteur de 15 Mt CO2/an en 2050, dans le scénario de référence de la Stratégie Nationale Bas-Carbone révisée [MTES 2020].
Un grand nombre de projets de recherche et de tests à échelle pilote sont donc en cours en Europe et dans le monde, afin d’augmenter les performances, faire baisser les coûts, réduire toujours plus les risques, faciliter le déploiement dans des contextes variés. Quatre nouvelles opérations de CSC sont déjà en construction, deux en Chine et deux au Canada. Dix autres sont en phase avancée de préparation, dont deux en Europe. L’une en Norvège où le CO2 va être capté sur deux usines proches d’Oslo, une cimenterie et une usine de valorisation énergétique des déchets, pour être stocké sous la mer du Nord au large de Bergen. L’autre aux Pays-Bas où Rotterdam se prépare à être une plaque tournante pour la collecte de CO2 de diverses industries et son stockage sous la mer du Nord. Par ailleurs le Royaume-Uni commence sérieusement à préparer plusieurs projets de captage de CO2 en provenance de plusieurs types d’industries pour le stocker aussi sous la mer du Nord [GCCSI 2019].
8. Où en est-on en France ?
En France, il n’est pas encore prévu de projet de grande envergure. Mais la recherche académique et industrielle est très active et quelques installations pilotes ont vu le jour pour tester à échelle réduite des technologies de captage, comme sur la centrale à charbon du Havre et bientôt sur l’usine sidérurgique de Dunkerque. Par ailleurs, TOTAL a testé à Lacq une première chaîne industrielle intégrée de captage-transport-stockage de CO2 en Europe, avec un pilote intégrant le captage de CO2 sur une chaudière à gaz, son transport par une canalisation de 27 km et son stockage dans un gisement de gaz épuisé à une profondeur de 4,5 km (réservoir de Rousse proche de Lacq). Plus de 51 000 tonnes de CO2 ont ainsi été stockées avec succès de 2010 à 2013 [TOTAL 2013].
Le BRGM, service géologique national, a été le premier acteur français à se mobiliser, en participant dès 1993 au premier projet de recherche européen intitulé « The underground disposal of carbon dioxide », dans le cadre du 3ème Programme Cadre de Recherche et Développement européen (3ème PCRD) appelé « Joule II » [Holloway et al. 1996]. A l’époque, certaines personnes pensaient déjà que l’homme était en train de perturber le climat et qu’il ne fallait pas attendre d’en être sûr pour trouver des solutions, sinon ce serait trop tard. Ce projet a permis de conclure en la pertinence du concept de captage de CO2 au niveau des installations industrielles et de son stockage permanent dans le sous-sol, afin de lutter contre le réchauffement climatique.
Actuellement, la France coordonne 4 projets de recherche européens dans le cadre du 8ème PCRD appelé Horizon 2020. Le BRGM coordonne le projet ENOS « Enabling Onshore CO2 Storage in Europe » (2016–2020), qui s’attaque aux spécificités du stockage du CO2 onshore (sur le continent), proche des lieux d’émission, car l’Europe ne peut pas compter uniquement sur un stockage dans le sous-sol de la mer du Nord pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 80% d’ici 2050 [Gastine et al. 2017]. Le BRGM coordonne aussi le projet STRATEGY CCUS (2019–2023) qui élabore des scénarios de déploiement de solutions de captage, stockage et utilisation du CO2 dans 8 régions jugées favorables d’Europe du Sud et de l’Est, dont la vallée du Rhône (du complexe industriel de Fos-Berre/Marseille jusqu’à Lyon) et le Bassin parisien (de Dunkerque au Havre, Paris et Orléans). L’objectif est de fournir aux gouvernements et aux citoyens des pays concernés (France, Espagne, Portugal, Croatie, Grèce, Roumanie, Pologne) un aperçu de la faisabilité du déploiement de cette solution technologique dans leurs régions, en lien étroit avec un large éventail d’activités socio-économiques locales, afin de les aider à atteindre la neutralité carbone. L’IFP Energies nouvelles coordonne le projet CHEERS (2018–2022) qui va tester un procédé innovant de captage du CO2 sur un pilote en Chine, ainsi que le projet 3D (2019–2022) qui veut faire la démonstration d’un autre procédé innovant de captage de CO2 sur l’aciérie d’ArcelorMittal à Dunkerque. Ce dernier projet s’inscrit dans une étude plus globale consacrée au développement du futur pôle européen de captage-stockage de CO2 de Dunkerque - Mer du Nord.
La région Centre-Val de Loire s’intéresse à cette technologie et cofinance deux projets de recherche régionaux coordonnés par le BRGM. Le projet CO2SERRE (2020-2022) étudie comment capter le CO2 émis par deux usines près d’Orléans, une chaufferie biomasse et une sucrerie, pour l’utiliser dans les serres locales qui ont des besoins croissants car le CO2 stimule la croissance des plantes et améliore les rendements, et pour stocker le surplus localement sous forme de CO2 dense dans un aquifère salin profond. Un concept similaire a été étudié aux Pays-Bas dans le cadre du projet de recherche européen ENOS (Figure 5). Un autre projet, appelé GEOCO2 (2019–2020), étudie le potentiel en région Centre-Val de Loire du concept combinant le stockage du CO2 sous forme dissoute avec la production de chaleur géothermique et qui avait fait l’objet à l’origine d’un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche [Kervévan et al. 2017].
La France est par ailleurs membre fondateur d’ECCSEL, l’infrastructure de recherche européenne sur le captage et le stockage de CO2. Depuis 2017, elle a un statut juridique (ERIC – European Research Infrastructure Consortium), avec 5 états fondateurs : la Norvège (siège), la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. ECCSEL est une infrastructure de recherche distribuée qui met à la disposition des chercheurs et ingénieurs du monde entier des plates-formes de recherche de pointe pour développer les technologies de captage, stockage et utilisation de CO2. ECCSEL-FR, inscrit dans la stratégie nationale des infrastructures de recherche [MESRI 2018], rassemble l’ensemble des équipements et organismes français permettant d’assurer la présence française dans l’infrastructure européenne ECCSEL. Le BRGM a été désigné par le gouvernement français pour en assurer la coordination.
Le BRGM héberge à Orléans le siège de l’association CO2GeoNet, le réseau d’excellence européen sur le stockage géologique de CO2 initié en 2004 grâce à un projet européen (6ème PCRD) et qui est devenu une association loi 1901 en 2008 [Czernichowski-Lauriol et al. 2009]. Ce réseau a grandi d’année en année, ses membres sont actuellement 29 instituts de recherche sur 21 pays. CO2GeoNet, à travers ses 4 domaines d’activité (recherche, formation, conseil et expertise scientifique, information et communication) a consolidé son rôle de voix scientifique de l’Europe sur le stockage géologique du CO2. Son évènement phare est l’Open Forum organisé chaque année à Venise pour permettre de débattre des avancées réalisées pour la mise en œuvre du puits de carbone géologique. CO2GeoNet est accrédité, en tant qu’ONG Recherche, par la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique et participe chaque année, depuis la COP21 à Paris, à la conférence mondiale sur le climat, en organisant des conférences et des stands d’exposition pour expliquer ce qu’est ce puits de carbone et comment le mettre en œuvre [Czernichowski-Lauriol et al. 2017]. Une des réalisations marquantes de CO2GeoNet est la brochure « Que signifie vraiment le stockage géologique de CO2 ? », disponible en 30 langues [CO2GeoNet 2008].
En France, de plus en plus de laboratoires académiques, d’organismes de recherche et d’entreprises se mobilisent pour développer les technologies de captage et de stockage de CO2, mais aussi diverses options de valorisation du CO2. La plupart sont regroupés au sein du Club CO2, un lieu d’échanges, d’informations et d’initiatives entre les acteurs du monde industriel et de la recherche [Club CO2 2015]. Créé en 2002 sous la coordination de l’ADEME, avec le soutien du BRGM et de l’IFP Energies nouvelles, le Club CO2 est devenu une association loi 1901 en 2008, d’abord sous présidence du BRGM puis de l’IFP Energies nouvelles depuis 2020. Il est important de noter que tous ces acteurs français sont à la pointe de la recherche et de l’innovation dans ce domaine au niveau international et couvrent tous les maillons de la chaine de valeur : captage, transport, stockage, utilisation du CO2. Les compétences sont donc là pour viser une mise en œuvre en France et des marchés à l’export, comme souligné dans la feuille de route nationale [ADEME 2011].
A noter que la Stratégie Nationale Bas-Carbone révisée en 2020 appelle à soutenir les développements d’unités pilotes et éventuellement commerciales en captage et stockage du carbone (CSC), ainsi qu’en captage et utilisation du carbone (CUC) avec l’utilisation du CO2 comme matière première dans la fabrication de carburants ou de produits chimiques [MTES 2020].
9. Des solutions à penser d’abord à l’échelle des territoires
La neutralité carbone en 2050 ne sera atteignable que si nous mobilisons tous les moyens possibles et que nous nous attaquons à tous les secteurs émettant des gaz à effet de serre : transport, habitat, agriculture, industrie, transformation d’énergie, déchets. Bien sûr, en premier lieu, il faut tout faire pour réduire à la source les émissions de CO2 : consommer moins d’énergie en promouvant la sobriété et l’efficacité énergétique, développer les énergies renouvelables, éviter le plus possible d’avoir recours aux énergies fossiles, ce qui n’est pas simple car elles assurent encore aujourd’hui plus de 80% de la production totale d’énergie dans le monde, modifier les processus industriels et les pratiques agricoles, arrêter les déforestations massives … Mais pour la part d’émissions de CO2 incompressible que nous ne pouvons ou ne savons pas encore réduire de manière satisfaisante, il faudra actionner les puits de carbone pour compenser les émissions, afin de parvenir à la neutralité carbone, indispensable pour limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C.
Penser des solutions à l’échelle des territoires c’est utiliser les atouts d’un territoire pour faire émerger la meilleure combinaison de moyens, en associant l’ensemble des acteurs de ce territoire (collectivités, préfecture et services déconcentrés de l’état, entreprises, universités, organismes de recherche, agences, associations, citoyens …). Car, en fonction des caractéristiques géographiques, géologiques et socio-économiques d’un territoire, beaucoup de variantes dans les solutions et dans les combinaisons de solutions sont possibles pour trouver ce qui est le mieux adapté au territoire. Et plus la panoplie d’outils est large, plus les chances de pouvoir atteindre les objectifs fixés sont importantes, et plus cela offre de la flexibilité pour parvenir à le faire à moindre coût et de manière juste, c’est-à-dire sans que personne ne soit laissé au bord du chemin. Pouvoir mettre en œuvre un puits de carbone géologique peut permettre de fortement contribuer à tout cela.
Divers schémas de captage et de stockage de CO2 peuvent être imaginés, il faut donc élaborer le schéma le plus adapté au territoire. On peut penser par exemple à capter le CO2 de tous les émetteurs géographiquement proches, comme dans un bassin industriel, pour le transporter par la même canalisation jusqu’à un même stockage. On peut aussi penser à avoir plusieurs petits stockages plutôt qu’un gros et unique stockage. Et si aucune possibilité de stockage ne semble possible sur le territoire, aller le stocker dans une région ou pays où cela est possible, comme sous la mer du Nord. Ou bien trouver des voies pour utiliser ce CO2. Depuis longtemps le CO2 est utilisé pour faire des boissons gazeuses, des extincteurs, comme réfrigérant, solvant, etc. Depuis quelques années des recherches sont menées pour trouver d’autres voies de valorisation du CO2, en l’utilisant comme matière première pour fabriquer de nouveaux produits (matériaux, plastiques, carburants synthétiques …). Cela pourrait permettre de catalyser le développement des technologies de captage de CO2 et du CSC, du fait notamment des revenus économiques générés. On parle alors, pour toute la chaine de valeur, de CSCV (avec valorisation, ou CCUS en anglais). Cependant on ne pourra utiliser qu’une petite partie du CO2 émis (< 5%) et beaucoup de ces produits ne font que retarder l’émission, car leur durée de vie est souvent courte. Le stockage est donc indispensable pour réduire les émissions de CO2 à un niveau compatible à ce qui est requis pour la lutte contre le changement climatique.
Les stockages de CO2 pourraient être pensés pour récupérer par la même occasion de la chaleur géothermique contenue dans les couches géologiques profondes, afin d’alimenter un réseau de chaleur ou une industrie proche, comme étudié par exemple dans le projet GEOCO2 mentionné ci-dessus. La température du sous-sol augmente naturellement avec la profondeur, par exemple à 2 km de profondeur elle est en moyenne de 60 °C. Une configuration possible serait de doter un doublet géothermique d’une fonction de stockage de CO2. La France maitrise bien le système du doublet géothermique en aquifère salin profond, il y en a notamment plus de quarante en fonctionnement dans le bassin parisien depuis les années 1970. Le principe est de pomper l’eau chaude présente dans l’aquifère profond par un forage producteur, puis de réinjecter l’eau refroidie dans ce même aquifère par un forage injecteur après en avoir récupéré la chaleur. Dans de nouveaux doublets géothermiques spécialement conçus à cet effet, il pourrait être envisagé d’injecter du CO2 avec l’eau refroidie, en l’ayant au préalable dissous dans cette eau. Tout le CO2 serait alors stocké sous forme dissoute, il n’y aurait pas de CO2 stocké sous forme dense. On n’aurait alors plus besoin d’avoir une roche couverture pour prévenir tout risque de remontée du CO2 vers les formations géologiques supérieures, comme dans l’approche "classique" d’un stockage de CO2. Mais la quantité de CO2 injectable est physiquement limitée par la solubilité du CO2 dans l’eau, donc cette solution ne serait adaptée que pour de petits émetteurs industriels dispersés sur le territoire. Il est important de noter que l’acidification de l’eau liée à la dissolution du CO2 est fortement atténuée par les processus de dissolutions et précipitations minérales et ne conduit pas à la création d’une cavité souterraine.
D’autres synergies sont possibles avec les énergies renouvelables. Si le couplage du stockage de CO2 avec la géothermie devrait offrir la possibilité de production renouvelable de chaleur, son couplage avec la biomasse énergie devrait permettre de pomper activement le CO2 atmosphérique, ce qu’on appelle des scénarios à émissions négatives [GIEC 2019; Hilaire et al. 2019]. Par ailleurs, un des moyens envisagés pour résoudre le problème du stockage de l’électricité en excès produite par les énergies renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque) est de faire de l’électrolyse de l’eau pour former de l’hydrogène et de le combiner avec du CO2 capté pour produire des hydrocarbures synthétiques (méthane, méthanol, gazoline, DME …), qui sont facilement transportables, distribuables et stockables en utilisant la plupart du temps les infrastructures existantes, et qui viendraient en substitution des ressources fossiles primaires. Le CSC pourra donc être utile non seulement pour décarboner les sources d’émissions fixes, mais aussi les émissions diffuses des secteurs du transport ou de l’habitat.
Le déploiement de l’hydrogène, dont on pense qu’il jouera un rôle majeur dans la transition énergétique pour décarboner l’industrie, le transport et le chauffage des bâtiments, pourrait aussi être facilité par la technologie CSC. L’hydrogène est considéré comme le vecteur d’énergie propre par excellence, car sa combustion ne génère que de l’eau. Mais le premier défi est d’arriver à le produire en grandes quantités. L’un des moyens envisagés est de le produire par électrolyse de l’eau à partir des énergies renouvelables, dont la part dans le mix énergétique ne cessera d’augmenter à l’avenir (cet hydrogène est dit « vert »). D’importantes recherches sont menées dans ce but. L’hydrogène qui est aujourd’hui principalement utilisé par l’industrie est produit à 95% à partir de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel) - cet hydrogène est dit « gris ». Sa production génère donc du CO2, mais si on le capte pour le stocker sous terre, on pourrait produire par ce biais-là de grandes quantités d’hydrogène décarboné (cet hydrogène est dit « bleu »). Dans ce schéma, les émissions de CO2 auparavant diffuses sur le territoire seraient concentrées en un point, celui où l’hydrogène est produit, où elles pourraient être captées et stockées, décarbonant ainsi toute la chaîne des usages ultérieurs. Cet hydrogène décarboné via le stockage de CO2 devrait faciliter le déploiement de l’hydrogène dans le mix énergétique de demain, en attendant que l’hydrogène vert soit en mesure de prendre le relais, ou en appoint à l’hydrogène vert.
L’hydrogène peut être injecté dans les infrastructures gazières, avec un taux de quelques pourcents, afin de décarboner progressivement le contenu des réseaux de distribution de gaz naturel et les usages associés. Ce taux pourrait être augmenté ultérieurement moyennant des adaptations des réseaux. Des infrastructures spécifiques de transport et de stockage de l’hydrogène sont aussi envisagées. Par exemple, le projet « H21 North of England » vise la conversion totale du réseau de gaz naturel du Nord de l’Angleterre en réseau 100% hydrogène, afin de décarboner les habitations (chauffage domestique, cuisine), les industries et le transport [Northern Gas Networks, Cadent, Equinor 2018]. Ce projet prévoit de produire de l’hydrogène bleu à partir de gaz naturel avec stockage de CO2 sous la mer du Nord et stockage d’H2 en cavités salines sur le continent en Angleterre.
10. Conclusion
La lutte contre le changement climatique et la transition énergétique et écologique sont intimement liées. Il faut agir pour pouvoir enrayer les grands problèmes liés au climat, à la perte de la biodiversité et aux pollutions diverses, qui se vivent maintenant à l’échelle de la planète. Mais il est très complexe d’appréhender quelles actions mener du fait des multiples interrelations entre les activités humaines. Il est important que les actions soient menées en cohérence les unes par rapport aux autres et que les solutions mises en œuvre soient les plus efficaces possibles pour atteindre les objectifs, mais aussi les plus économiques et les plus justes socialement. Toutes les solutions et combinaisons de solutions doivent donc être étudiées, sans a priori. Remettre le carbone dans le sous-sol d’où il a été extrait offre un moyen efficace pour réduire les émissions résiduelles incompressibles de CO2 et même pour retirer du CO2 qui est déjà dans l’atmosphère. Une boucle vertueuse pour l’environnement et le climat. C’est le puits de carbone géologique, qui consiste à imiter la nature en créant des stockages de CO2 analogues aux nombreux gisements naturels de CO2.