Abridged English version
1 Location
Calcitic accumulations such as stalagmitic flowstone, fault infilling, calcrete, and travertine record isotopic and chemical properties of the water from which they precipitate. Following petrographic and palaeomagnetic analyses and absolute dating, such accumulations can be used as palaeo-environmental indicators in continental areas. Upper travertine deposits are common in southeastern Morocco, particularly in the Errachidia Basin (Fig. 1), which belongs to the Anti-Atlasic structural domain along the southern margin of eastern High Atlas.
With a surface outcrop of about 6 km2, the Irdi travertine is the largest amongst several surveyed travertines in the Errachidia Basin. It is located south of Errachidia, close to an ancient ford locally called ‘radier d'Erfoud’ in the Oued Ziz Valley, which here is incised into the surrounding Hamada de Meski (Fig. 2). It is well exposed along the valley floor, where present springs issuing from the Infra-Cenomanian aquifer are still producing calcitic deposits. Roadside exposures display irregular, fractured and swelled layers of carbonate, mostly dipping towards the present river.
2 Outcrop description
The travertine deposits rest upon well-consolidated fluvial conglomerates exposed in the Ziz River bed. Theses conglomerates also contain some travertine pebbles and sand beds with shells and reed prints. These fluvial deposits are classified to Middle Pleistocene (Amirian) on the geological map.
The overlying Irdi travertines are estimated to be ca. 10 m thick along the river exposures and in a road cut exposure two main types of interlayered facies can be seen:
- (1) massive carbonate facies, containing clastic grains and linear or branched voids filled by calcitic or ferruginous cements and interpreted as casts of plant stems and roots; most of the quartz grains show abrasion micromorphologies suggesting aeolian wear;
- (2) laminated thin travertine facies, many of the beds being dislocated and deformed with tepee structures; some lenticular cavities are filled by Fe and Mn rich clastic silt.
A highly disorganized level underlined by weathering features at the lower part of the section was identified as a discontinuity surface called ‘S surface’. The underlying portion was called ‘A: lower unit’ and the upper one ‘B: upper unit’ (see Fig. 3).
Close to the Irdi travertine in the Oued Ziz bed, several springs deliver highly mineralised water having a mineral composition similar to water from a borehole dug into the Infra-Cenomanian aquifer 5 km to the north and ultimately sourced by rainfall on the High Atlas [2,12,16].
3 U/Th dating
A sample from the lower travertine unit yielded a Middle-Pleistocene U/Th date of 262 kyr BP. A speleotheme from a cave in the Turonian cliff near Aoufous, 15 km north of the travertine outcrop, also provided a Middle-Pleistocene age.
Four U/Th dated samples from the Upper unit span an age range of 20 to 11.5 kyr BP (Upper Pleistocene). They suggest that the discontinuity S surface may represent an extended period of more than two hundred thousand years (see Table 1).
Résultats des datations par la méthode U/Th
U/Th dating results
U (ppm) | 234U/238U | 230Th/232Th | 230Th/234U | Âge (ka) | |
irdi-1 unité inférieure | 7,348 | 2,773 ± 0,0015 | >100 | 1,076 ± 0,027 | 262 ± 22,19 |
irdi-2 unité supérieure | 2,252 | 5,020 ± 0,038 | >100 | 0,146 ± 0,004 | 16,8 ± 0,5 |
irdi-3 unité supérieure | 2,069 | 4,637 ± 0,040 | >100 | 0,248 ± 0,010 | 29,9 ± 1,3 |
irdi-4 unité supérieure | 1,9 | 5,040 ± 0,042 | >100 | 0,102 ± 0,003 | 11,5 ± 0,4 |
irdi-5 unité supérieure | 1,916 | 5,025 ± 0,100 | >100 | 0,175 ± 0,011 | 20,3 ± 1,4 |
Aoufous | 0,309 | 1,034 ± 0,034 | >100 | 1,091 ± 0,037 | >350 |
4 Interpretation
An outline chronostratigraphy can be summarized as follows:
- – Middle Pleistocene, before 260 kyr BP, fluvial sedimentation, then travertine deposition of Lower unit, riparian vegetation and episodic aeolian sand grains inputs;
- – between ca. 260 kyr BP and 20 kyr BP, slight weathering and pedogenesis and some erosion;
- – Upper Pleistocene, ca. 20 kyr BP up to 11.5 kyr BP, deposition of carbonates of the upper unit together with episodic aeolian sand grains inputs and patches of swamp vegetation;
- – End Pleistocene, ca. 11.5 kyr BP, cessation of the massive travertine accumulation.
Travertine deposition is linked to increased water input into the Infra-Cenomanian aquifer from increased rainfall and/or reduced evaporation on the eastern High Atlas and enhanced output in the Ziz valley floor springs. Locally, in the Ziz valley, contemporary dry conditions are suggested by the incorporation of aeolian grains in the travertines. The upper unit is coeval with the Upper-Pleistocene (Soltanian) last glacial maximum and the lower unit may relate to the Tensiftian Middle-Pleistocene glacial maximum, but the dating is not secure and must be clarified. The sedimentary hiatus spans a long period of time, comprising the last interglacial and the bulk of the last global cold period. It could be compared to the erosional period previously described in the western Anti-Atlas and the eastern High Atlas [6,22,24–27].
5 Conclusion
The travertine deposits of Irdi record some of the climatic fluctuation in the eastern High Atlas and in the Ziz valley during part of the Middle to Upper Pleistocene, i.e.: (1) more humid or colder conditions and local vegetation in the Middle Pleistocene (Tensiftian), (2) erosion and weathering period(s), (3) similar climatic conditions than (1) between ca. 20 and 11.5 kyr BP (Soltanian) and (4) a climatic change (reduced rain?) at the very end of Pleistocene. Wider studies on the numerous travertines of the Anti-Atlas domain together with systematic dating programmes hold out the prospect of greatly enhancing palaeoenvironmental understanding in this large under-researched but critical region.
1 Introduction
La calcite présente un intérêt particulier dans la mesure où, à la suite d'études pluridisciplinaires (méthodes radiométriques, isotopes stables, paléomagnétisme, palynologie, pétrographie sédimentaire...), elle permet notamment de préciser les conditions paléoenvironnementales ayant régné au Quaternaire. Les planchers stalagmitiques, souvent en relation avec des remplissages archéologiques, sont les plus fréquemment étudiés [13,15]. Les encroûtements de sol (calcrètes) sont aussi utilisés [11]. Les travertins se prêtent également bien à ce type d'étude [3,4,14]. Ces concrétions calcitiques mémorisent de façon subcontinue les caractéristiques isotopiques et chimiques de l'eau à partir de laquelle elles se forment. Elles peuvent fournir ainsi un enregistrement des variations climatiques en domaine continental.
Les dépôts travertineux récents sont bien représentés dans le Sud-Est du Maroc, dans la région d'Errachidia (Fig. 1). Leur étude peut aider à préciser les conditions paléoenvironnementales ayant régné pendant leur mise en place au Quaternaire sur cette marge saharienne. Par son étendue, son accessibilité et la qualité macroscopique des cristaux de calcite, un affleurement nous a paru particulièrement apte à fournir ces informations : il s'agit de l'affleurement du « radier d'Erfoud » ou d' « Irdi », situé dans la vallée de l'Oued Ziz, qui entaille la Hamada de Meski.
Cette étude nous a permis de caler les principales phases du concrétionnement par des méthodes radiochronologiques et paléomagnétiques. Nous avons ensuite examiné les différents faciès associés et leur agencement spatial, afin de reconstituer les fluctuations hydrologiques et d'en rechercher la signification climatique. Enfin, nous avons comparé les résultats obtenus à ceux des équipes travaillant actuellement dans les secteurs voisins. Un programme d'étude plus global est en cours de réalisation, qui intéresse l'ensemble des affleurements travertineux de la région (Fig. 1).
2 Localisation
Le bassin d'Errachidia appartient au domaine structural anti-atlasique [5] ; il est limité, au nord, par le flanc sud du Haut Atlas oriental et, à l'ouest, par les flancs nord et est de l'Anti-Atlas (Fig. 1). Dans cette région, une dizaine d'affleurements travertineux récents ont été repérés, dont les principaux sont reportés sur la Fig. 1.
L'affleurement étudié ici est placé au km 62 de la RP 21, au lieu-dit du radier d'Erfoud (Irdi) ou Jorf el Hammam (Fig. 2) sur la carte topographique au 1:100 000. Dans le lit de l'Oued Ziz, les sources actuelles sont appelées Aı̈n Timedrine [1,9,16]. De nombreux forages récents visant l'aquifère infra-cénomanien ont été effectués à proximité ; ils ont été nommés Irdi [12] : nous utiliserons également cette dénomination.
3 Description de l'affleurement du radier d'Erfoud
L'affleurement du radier d'Erfoud a fait l'objet d'un rapport interne à la direction des Mines et de la Géologie [9] et figure sur la carte géologique de Tafilalt–Taouz au 1:200 000 [10]. Une coupe a été proposée par M. Amharref [2]. L'affleurement est daté de l'Amirien sur la carte géologique.
Il occupe une aire d'une dizaine de kilomètres carrés, qui est traversée par le lit mineur de l'Oued Ziz (Fig. 2). Sur la rive gauche de l'oued, la disposition générale des couches forme un ensemble de dômes imbriqués recouvrant les alluvions de la rivière. Les travaux de la route RP 21 ont permis de dégager une tranchée orientée nord–sud, qui découvre une succession complexe de plus de 6 m de haut, dont la partie basale a été rendue inaccessible par la réfection de la route et la construction du pont remplaçant le radier. C'est un ensemble de bancs irréguliers, lenticulaires, fracturés, plus ou moins désorganisés. La partie supérieure montre une nette inclinaison en direction de la rivière.
Au niveau du radier, on observe des alluvions anciennes conglomératiques polygéniques, hétérométriques et très indurées, riches en éléments calcaires jurassiques et granitiques. Attribuées classiquement au Pléistocène moyen (Amirien), elles sont intercalées de passées plus fines et de niveaux fins à coquilles de bivalves et roseaux. Elles contiennent localement des galets de travertin. La base de la formation travertineuse est intercalée dans la partie supérieure de ces alluvions.
Dans l'ensemble de la coupe (Fig. 3), on rencontre plusieurs faciès dominants qui s'interpénètrent :
- (1) des faciès carbonatés à éléments détritiques, à cavités rectilignes ou ramifiées, qui peuvent être remplies secondairement par un ciment de calcite ou un sédiment rougeâtre plus grossier ; ces cavités correspondent à des emplacements de végétaux, tiges et racines ; les éléments détritiques constituent en masse environ 25 % de la roche ; ils comprennent du quartz et des feldspaths ; de nombreux grains de quartz mats et très arrondis illustrent le façonnement éolien ;
- (2) des faciès travertineux à lamines millimétriques ondulées, dont l'organisation générale en lentilles convexes vers le haut rappelle celle des tipis des faciès évaporitiques [18] ; des espaces vides existent entre des lamines ; ces cavités, de dimensions variables, sont pour certaines colmatées par des recristallisations carbonatées secondaires ; d'autres cavités lenticulaires sont remplies de sédiments détritiques riches en oxydes de fer ; des niveaux sont particulièrement riches en oxydes de manganèse.
Certains de ces travertins sont constitués d'une calcite très pure, qui a valu à ces roches d'être appelées onyx [9], alors que d'autres ont des impuretés qui les colorent en rouge ou noir.
Des niveaux à lamines désorganisées prennent un aspect bréchique dans les cas extrêmes. Un tel niveau est visible de part et d'autre de la tranchée de la route et délimite un niveau de discontinuité remarquable, nommé « S », souligné localement de poches décimétriques à remplissage détritique rouge, témoignant d'une phase d'érosion et d'altération.
La désorganisation des bancs est encore accentuée par une fracturation subverticale à remplissage en couches multiples. Ce désordre apparent peut être en partie expliqué par la cristallisation et dissolution des sels, probablement des sulfates, et le déplacement des griffons.
La variabilité des faciès travertineux peut être mise en parallèle avec les observations des travaux antérieurs [4,14,23]. Ils peuvent être également dénommés tufs [17].
Une coupe locale (Fig. 3) a été choisie sur le coté ouest de la route, en fonction des possibilités de datation radiochronologique (épaisseur et qualité de la calcite). Dans cette coupe, la discontinuité « S », bien visible, sépare une unité inférieure « A » d'une unité supérieure « B » (Fig. 3). Les principaux microfaciès observés sont les suivants.
Dans l'unité inférieure A (échantillon irdi-1), le travertin est formé d'une calcite bien cristallisée, de teinte blanche, qui repose sur des lits carbonatés imprégnés de mouches de manganèse, soulignant le litage, et qui est ravinée par un niveau détritique ocre. La base est formée de cristaux de sparite, associés à des fibres d'aragonite. Des cristaux palissadiques se développent ensuite, incluant ou non des fibres d'aragonite. Dans la partie terminale, des pseudomorphoses de calcite sparitique remplacent les cristaux palissadiques. Situées sous une discordance majeure (surface S), ces pseudomorphoses témoignent d'une diagenèse secondaire per descensum provoquée par la circulation de fluides à l'interface entre les niveaux détritiques et les niveaux carbonatés.
À la base de l'unité supérieure B (échantillon irdi-2), la roche est composée de mamelons carbonatés, formés par la croissance de très fines aiguilles d'aragonite. La qualité originelle de ces carbonates a été oblitérée par une déformation qui a provoqué une ouverture du système et la précipitation de carbonates secondaires en faible quantité.
Au sommet de l'unité supérieure B (échantillon irdi-3), l'ensemble est lité et comprend trois épisodes carbonatés séparés par deux épisodes détritiques majeurs. Le premier épisode carbonaté correspond à une zone micritique faiblement structurée. Le second est caractérisé par une cristallisation palissadique limpide interrompue par des apports argileux, d'abord sporadiques puis plus importants, au point d'étouffer momentanément la cristallisation des carbonates et produire leur dissolution partielle. Le dernier épisode carbonaté est formé de gerbes de calcite translucide incluant de fines aiguilles d'aragonite. Cet ensemble est entrecoupé de deux épisodes de dissolution importants.
Ces caractères pétrographiques plaident en faveur d'un dépôt carbonaté primaire, interrompu épisodiquement par des apports détritiques, qui a subi par la suite des phases de dissolution et de recristallisation plus ou moins marquées, selon les échantillons. Les datations ont porté sur les échantillons de calcite ou d'aragonite dont la pureté a été évaluée par spectroscopie infrarouge.
4 Exutoires actuels
Dans le lit de l'oued, de plusieurs griffons sort une eau fortement minéralisée, légèrement gazeuse, avec des précipitations salines, des voiles de carbonates et des précipitations rouges, encroûtant localement les galets actuels de l'oued Ziz. L'eau est riche en chlorures et en carbonates [2,12]. Son résidu solide atteint [1]. Une série de forages effectués dans la région a fourni une eau jaillissante très chargée en sels [1]. Ces sources et forages sont les exutoires de la nappe de l'Infracénomanien [16], alimentée en grande partie par les réseaux karstiques du Jurassique du Haut Atlas [2,12]. Cette nappe est en majeure partie captive et les caractères de l'aquifère sont encore mal connus. La transmissivité est faible [2] et les rapports isotopiques montrent un temps de résidence élevé [12], impliquant une vitesse de percolation faible.
5 Datation
Le choix de l'échantillonnage devant l'affleurement a été dicté par l'épaisseur du travertin et la pureté macroscopique de la calcite, en particulier l'absence de lits argileux pouvant entraı̂ner une limitation de l'emploi de la méthode U/Th. La position des points d'échantillonnage est présentée sur la Fig. 3. De plus, un spéléothème a été collecté vers Aoufous, à 15 km au nord, dans une cavité creusée dans la corniche turonienne.
5.1 Datation par la méthode U/Th
Cinq échantillons de travertin ont été datés par la méthode U/Th ; quatre ont été prélevés sur la coupe choisie, un échantillon (irdi-4) sous le pont routier, au niveau de l'oued Ziz, et éloigné de la coupe de référence d'une trentaine de mètres (Fig. 3). Les résultats sont présentés dans le Tableau 1.
Si l'on admet que le rapport 234U/238U est celui de l'eau d'origine, on distingue deux groupes de valeurs (2,7 et 5), qui différencient les deux entités stratigraphiques séparées par la discontinuité « S ».
L'échantillon irdi-1, sous la discontinuité, présente une teneur élevée en 234U, qui rend un lessivage peu probable. Il date donc le sommet de l'unité inférieure à 262 ka BP.
Le spéléothème (plancher stalagmitique) d'Aoufous est encore plus ancien : il présente un équilibre isotopique 230Th/234U et fournit un âge supérieur à 350 ka BP.
Les échantillons irdi-2, irdi-4 et irdi-5 fournissent des âges, en cohérence avec leur position stratigraphique, compris entre 20,3 et 11,5 ka BP.
L'âge obtenu sur irdi-3 est en contradiction avec les âges obtenus sur les trois autres échantillons de la même unité, si l'on considère sa position stratigraphique. L'analyse minéralogique de cet échantillon indique des passées détritiques plus importantes que dans les autres. Par conséquent, on peut envisager (si l'on tient compte du rapport 230Th/234U) que des migrations de radioéléments interfèrent sur l'âge obtenu.
L'unité supérieure s'est donc formée entre 20 et 11,5 ka BP environ.
5.2 Données paléomagnétiques
L'aimantation rémanente naturelle (ARN) a été mesurée sur les cinq échantillons. Seul l'échantillon supérieur (irdi-3) possède une ARN suffisamment forte pour être décelée. Le signal est surtout dû à la présence de magnétite (méthode de Lowrie, 1990). L'inclinaison positive mesurée est en faveur de l'acquisition de l'ARN au cours de la période magnétique normale Brunhes, c'est-à-dire depuis 780 ka BP. La stabilité des particules de magnétite dans un milieu aqueux va dans le sens de la clôture du système (J.-J. Blanc, communication orale).
6 Interprétation et discussion
6.1 Chronologie
Elle peut être reconstituée comme suit.
(1) Au Pléistocène moyen, vers 350 ka BP, environ fonctionne un karst dans les calcaires turoniens d'Aoufous. Vers 262 ka BP (Tensiftien selon la chronologie de Texier et al. [21]), finissent de se déposer les travertins de l'unité inférieure, produits par le fonctionnement de sources encroûtantes : cette période correspond au stade isotopique 8. Il s'intercale quelques apports détritiques sableux, d'origine éolienne probable. La végétation colonise les marais associés.
(2) Un important hiatus est observé dans le dépôt ; il peut être expliqué par plusieurs types de variations simultanées ou successives : (i) ralentissement ou arrêt du fonctionnement des sources par rabattement de la nappe, (ii) érosion des dépôts, (iii) altération et pédogenèse. Les deux premières causes suggèrent une ou plusieurs phases de moindre précipitation sur le Haut Atlas.
(3) Au Pléistocène supérieur (entre 30 ka et 11,5 ka BP – Soltanien, stade isotopique 2) se met en place l'unité supérieure. Les sources encroûtantes sont actives et les productions carbonatées reprennent. L'apport détritique (sable), en partie au moins d'origine éolienne [7], augmente, tandis que s'installent des marécages.
(4) À la fin du Pléistocène ou au tout début de l'Holocène cessent les dépôts massifs de travertin. Actuellement, seules subsistent quelques concrétions carbonatées dans le lit de l'oued Ziz.
6.2 Variations climatiques
L'intérêt paléohydrologique des travertins a déjà été souligné dans les milieux lacustres [23]. Ici, ces dépôts sont liés au fonctionnement de la nappe de l'Infracénomanien. Cette dernière est en grande partie alimentée par les précipitations sur le Haut Atlas, qui s'infiltrent dans les réseaux karstiques, le marquage isotopique montrant que la contribution des précipitations sur la Hamada de Meski est secondaire [12]. Ainsi, ce sont les conditions environnementales régnant sur la bordure sud du Haut Atlas qui contraignent principalement les caractères du dépôt.
Du fait du transit de l'eau dans l'aquifère, on peut considérer qu'il existe un décalage temporel entre les conditions climatiques contemporaines de l'alimentation de la nappe et celles qui règnent lors de la formation du travertin. La vitesse de circulation de l'eau dans l'aquifère n'est pas connue de façon précise actuellement. Elle ne peut donc être estimée que très grossièrement dans les temps anciens. Compte tenu des vitesses mesurées ou calculées dans des aquifères captifs lithologiquement comparables [8,19] et de la distance horizontale de l'affleurement à la bordure du Haut Atlas, le retard pourrait atteindre plusieurs milliers d'années.
Le dépôt massif de travertin est favorisé par (1) une nappe bien alimentée par des précipitations efficaces abondantes sur le Haut Atlas et accessoirement sur la région du dépôt (fortes précipitations et/ou évapo-transpiration réduite), (2) une couverture végétale et un sol donnant des eaux d'infiltration acides, (3) la dissolution karstique des calcaires jurassiques et (4) une forte charge en solution de l'eau de la nappe. On note que l'augmentation des précipitations en climat dit humide et la réduction de l'évapotranspiration en climat plus froid ont le même effet sur la recharge de la nappe.
Les calcaires gréseux à plantes, disséminés dans la coupe, peuvent témoigner de conditions épisodiques et locales plus arides : les plantes étaient installées dans des marécages alimentés par les sources où arrivaient des grains éoliens.
La mise en place de l'unité inférieure (Pléistocène moyen ; stade isotopique 8 ; Tensiftien) et de l'unité supérieure (Pléistocène supérieur terminal ; stade isotopique 2 ; Soltanien supérieur) correspondrait à des phases plus humides ou moins chaudes sur le Haut Atlas oriental. L'absence de dépôt massif de travertin en deçà de 11,5 ka BP peut être expliquée par des conditions plus arides, ralentissant son dépôt et favorisant son érosion.
6.3 Comparaison avec les régions voisines
Une grande lacune est donc mise en évidence entre 262 ka et 20 à 30 ka BP. Une phase comparable d'ablation et altération avec pédogenèse locale a déjà été reconnue dans des travaux antérieurs.
Sur le littoral atlantique, Weisrock et al. [24] décrivent des sols rubéfiés entre 35 et 17 ka BP (fin du Pluvial soltanien), tandis que Coude-Gaussen [6] indique une grande phase d'érosion des vallées jusqu'à 18 ka BP. Weisrock et al. [25] identifient un hiatus vers 30 ka BP dans la succession de l'oued Tamroust. Cette même discontinuité est retrouvée par Thorp et al. [22] dans les sédiments soltaniens du Sud de l'Anti-Atlas, où sont identifiés des grains éoliens. Weisrock et Barrada [26] confirment une phase d'érosion au cours du Soltanien entre 25,86 et 14,67 ka BP. Wengler et al. [27] datent la fin des dépôts de la moyenne terrasse soltanienne de l'oued Assaka à environ 24 ka BP.
Plus proche du lieu de la présente étude, dans le Haut Atlas oriental, Zeroual [28] décrit un hiatus dans les dépôts du lac Isli entre 28 et 20 ka BP et le début d'une phase humide à partir de 20 ka BP. Compte tenu des imprécisions inhérentes aux mesures, tous ces travaux confirment donc un événement érosif majeur aux alentours de 20 à 30 ka BP. De même, comme pour le concrétionnement massif des travertins de l'unité supérieure, Thorp et al. [22] signalent que l'alluvionnement du Soltanien supérieur au sud de l'Anti-Atlas cesse vers 13 à 10,6 ka BP.
7 Conclusion
La puissance des dépôts travertineux reflète les conditions climatiques régnant sur le Haut Atlas par le biais de la recharge de la nappe de l'Infracénomanien. Les occurrences détritiques et les traces de végétation témoignent des conditions locales régnant sur la marge saharienne. En résumé, les principaux résultats obtenus sont les suivants.
- • Au Pléistocène moyen (260 ka BP, Tensiftien, stade isotopique 8) les précipitations efficaces sont importantes sur le Haut Atlas : dépôt de travertin de l'unité inférieure.
- • Suivent des phases d'érosion et de pédogenèse probablement multiples, dont les dernières sont seules conservées et datées vers 20 ka BP (stade isotopique 2). Ces conclusions rejoignent celles des travaux antérieurs [6,22,24–27].
- • Entre 25 et 15 ka BP environ (compte tenu du retard estimé de la réponse de la nappe), la forte recharge de la nappe indique des précipitations efficaces abondantes sur le Haut Atlas ; les travertins de l'unité supérieure se déposent jusqu'à 11,5 ka BP.
- • Des phases d'aridité locale, illustrées par l'apport de sable éolien, apparaissent épisodiquement.
- • Les deux phases de concrétions mises en évidence sont situées pendant les stades isotopiques 2 et 8 qui correspondent aux phases froides en Europe.
Une phase moins humide et/ou plus chaude commencerait donc sur le Haut Atlas oriental à partir de −11,5 ka BP environ, soit à la fin du Pléistocène, donc dans une tranche de temps proche de celle que proposent P. Rognon et G. Coude-Gaussen [7,20] sur le littoral atlantique. Elle s'exprime par un rabattement de la nappe et un arrêt des dépôts travertineux épais. Quelques suintements subsistent jusqu'à nos jours dans le lit mineur de la rivière.
Ces résultats montrent que l'étude de cet affleurement de travertin peut apporter quelques précisions à la connaissance des conditions paléoclimatiques ayant régné sur le Haut Atlas oriental et la marge saharienne par le biais du fonctionnement paléohydrologique de la nappe de l'Infracénomanien. L'étude des autres affleurements travertineux du Bassin d'Errachidia permettra de compléter ces conclusions.
Remerciements
Nous remercions C. Hurtebise et C. Thomas pour la préparation des échantillons, ainsi que M. Thorp dont les commentaires ont permis de grandement améliorer le manuscrit original.