Abridged English version
The Hmeïma–Boujabeur zone is located in central–western Tunisia, close to the Algero-Tunisian border (Fig. 1). It is characterized by the Cretaceous brachyanticlines, separated by large Eocene synclines and some Triassic alignments oriented NE–SW [5]. This sector shows a lithological succession from the Triassic to the Quaternary with, however, the absence of the Jurassic. Lithologically, the main features are generally some marlo-carbonate alternations with the exception of the Middle Albian limestone: the Allam Member (Fahdene Formation), and of the reef limestone of Middle Aptian (Serj Formation).
These carbonates characterized by intense fracturation and important karstification, therefore have the property to be a regional thermal aquifer [1–3,9]. The main target of the present study is the detection of a geothermal aquifer, tectonic zones and faults, by using electrical and magneto-telluric methods. It consisted in performing 65 ES and 10 MTS in order to cover the whole region (Fig. 2). The resistivity map of the superficial land slice (Fig. 4) shows that high resistivity values () correspond to Triassic outcrops in the South and reef limestone outcrops (Middle Aptian) of Jebels Hmeïma and Harraba. On the other hand, at depth (map in AB = 2000 m), the resistivity shows an increase, probably linked to the carbonated features that could be the continuity, at depth, of the Aptian reef outcropping at the anticlines. The electrical identification of the Albian limestone (member Allam) and Aptian reef has been possible thanks to calibration (Fig. 5) of the ES 23 with the borehole data (Hmeïma: 6672/3) and the position of some ES (34 and 57) on outcrops (Fig. 6). Geoelectrical and electrostratigraphical cross-sections (Fig. 7) give evidence for distinct vertical and horizontal variations of resistivity and thickness. Reef limestones are represented as resistant levels whose resistivities range between 70 to 150 Ω m. The isobath map (Fig. 8) shows an important variation of the reef limestone at depth. This limestone outcrops at the anticlines (Harraba, Hmeïma and Slata), deepens at the synclines (Mellègue and Guern El Halfaya) and at the collapsed zones (graben of Boughanem). The assessment of the reef limestone thickness was difficult in spite of the length of the current lines (AB = 3000 m). For this reason, we used the magnetotelluric method that allows a more important investigation depth.
Although quantitative interpretation of the MT data is not easy, we tried to value the true resistivities and thickness. In spite of the relatively complex geology of the region, a 1-D [10] interpretation appears satisfactory as the two directions nearly show the same pace. Therefore, the interpretation interested an average of resistivity of these two directions: ( and ).
The cross-section (Fig. 9) presents the succession of three contrasted geoelectrical levels. The first one is a superficial conductor level (4–30 Ω m), whose thickness is about 110 m. It is represented by a marly to marlo-chalky facies that could be attributable to the Upper Aptian, except in the syncline. The second highly resistant level () may correspond to the Middle Aptian reef limestone outcropping to the east (Jebel Slata) and to the west. The third level, which constitutes a conductor substratum, may correspond to marls. From a structural point of view, we note the presence of two faults on both sides of the MTS2 promoting the reef limestone downfall. An isopach map has been established (Fig. 10) for the MTS that touched the reef limestone base (1, 3, 4, 6 and 10). For the other soundings, it has been appraised by interpolation. It ranges between 200 m, at the level of MTS 6, and 300 m, in Jebel Slata. This variation could be explained by the reef nature of the sedimentation complex. From a structural point of view, this survey allowed us to follow faults that play an important role in the hydrodynamic behaviour of the geothermal aquifer.
As a first stage, we identified two potentially favourable zones for the exploitation of the thermal water (Fig. 11).
1 Introduction
De par sa position de transition entre le craton africain et la plaque européenne, la Tunisie possède une géologie complexe, qui est loin d'avoir livré ses secrets et ses potentialités en ressources naturelles. La zone des diapirs, qui fait partie de la Tunisie septentrionale est caractérisée par plusieurs indices géothermaux, témoignant de l'existence d'un potentiel hydrothermal important dont l'évaluation reste embryonnaire.
Le présent travail a été entrepris dans le but de caractériser géométriquement les calcaires récifaux en se basant sur des méthodes géoélectriques complémentaires [12], à savoir le sondage électrique (SE) et le sondage audio-magnétotellurique (SAMT), très efficaces pour fournir une image électrique complète du sous-sol.
2 Cadre géologique et hydrogéologique
La recherche des énergies renouvelables se substituant à l'énergie épuisable s'est accrue ces dernières années en Tunisie. Parmi ces énergies renouvelables, l'énergie géothermale a attiré l'attention, en particulier parce que la Tunisie compte plusieurs anomalies géothermiques importantes, comme celle de la zone de Hmeïma. L'utilisation de l'eau chaude a montré sa grande réussite dans les domaines de la thérapeutique et de l'agriculture sous serre. Les recherches d'énergie à haute enthalpie sont en cours pour la génération d'électricité et pour le chauffage urbain.
Le présent travail constitue l'un des volets de ces recherches et a pour objectif l'évaluation des potentialités géothermiques de Hmeïma.
La zone d'étude est localisée au Centre ouest de la Tunisie, au voisinage de la frontière algéro-tunisienne [5]. Elle couvre l'aire limitée géographiquement par les longitudes et et les latitudes et (Fig. 1). Dans sa partie sud-ouest, cette zone est caractérisée par la présence des brachyanticlinaux crétacés, séparés par de vastes synclinaux éocènes et quelques alignements triasiques orientés NE–SW [6].
Dans ce secteur, les terrains qui affleurent s'étendent du Trias au Quaternaire avec, cependant, absence du Jurassique. Lithologiquement, les faciès rencontrés sont généralement des alternances marno-calcaires à l'exception des calcaires du membre Allam, d'âge Albien moyen (formation Fahdene), et des calcaires récifaux, d'âge Aptien moyen (formation Serj).
L'analyse de la carte structurale nous permet de dégager un ensemble de structures anticlinales et synclinales de direction atlasique, constituant les monts de Mellègue [6]. Parmi ces structures, on peut citer : les anticlinaux de Harraba, Hmeïma, Slata et Boujabeur et les synclinaux de Mellègue, Guern El Halfaya et El Aoudje, ainsi que le fossé d'effondrement d'Ouled Boughanem [5]. L'ensemble est affecté par une fracturation intense.
La zone d'étude a été considérée comme l'une des anomalies géothermiques à fort gradient en Tunisie [1–3,9,13,15,16].
Les mesures de température prises directement dans le forage de Hmeïma (n° IRH : 6672/3), d'une profondeur de 263 m, indiquent des valeurs de l'ordre de 39 °C et un gradient géothermique positif (Fig. 3). En revanche, les mesures indirectes, utilisant la géothermométrie chimique, aboutissent à des valeurs de température du réservoir entre 48 et 80 °C (soit à des profondeurs variant de 500 à 1200 m) [3,14].
L'étude géochimique de la zone [9] montre que l'aquifère géothermique est de nature carbonatée, attribuable aux calcaires récifaux de l'Aptien. Pour mieux caractériser géométriquement cet aquifère, on a eu recours à une étude géophysique, objet de la présente note.
3 Étude géophysique entreprise
La connaissance de l'aquifère des calcaires récifaux peut être améliorée par une étude géophysique permettant de mieux comprendre la structure du sous-sol, grâce à l'identification des résistivités et des épaisseurs des couches souterraines. Pour répondre à ces objectifs, deux méthodes géophysiques [4] ont été adoptées : le sondage électrique (SE) et le sondage audio-magnétotellurique (SAMT). La première a totalisé 65 SE de type Schlumberger, répartis suivant huit profils. La deuxième présente l'avantage d'être plus légère, et surtout d'avoir une profondeur d'investigation plus importante. Elle comporte 10 SAMT, répartis suivant trois profils passant par les principaux pointements de la région (Fig. 2).
L'interprétation de l'ensemble des SE a été menée qualitativement et quantitativement [7,8,15].
3.1 Interprétation qualitative
Cette interprétation a consisté en l'établissement de cartes d'isorésistivités apparentes et de pseudosections (Fig. 4).
La cartes d'isorésistivités pour AB = 100 m montre des valeurs de fortes résistivités () correspondant aux affleurements triasiques, au sud, et aux affleurements calcaires récifaux (Aptien moyen) des Jebels Hmeïma et Harraba. Les faibles valeurs des résistivités apparentes correspondent généralement à la plaine d'Ouled Boughanem, traduisant ainsi la couverture mio-plio-quaternaire, de nature argilo-sablo-marneuse. En profondeur (carte en AB = 2000 m), la résistivité apparente montre une augmentation liée probablement au faciès carbonaté qui serait la continuité, en profondeur, de l'Aptien récifal affleurant au niveau des anticlinaux.
Les pseudosections montrent des anomalies résistantes (), enracinées en profondeur et qui seraient liées aux calcaires aptiens. La verticalité des courbes d'isorésistivités pourrait être liée à la présence de failles.
3.2 Interprétation quantitative
L'identification électrique des calcaires de l'Albien (membre Allam) et récifaux de l'Aptien a été rendue possible grâce aux calages du SE 23 sur le forage Hmeïma (n° IRH : 6672/3) (Fig. 5) et des SE 34 et 57 sur des affleurements (Fig. 6). Il en découle que l'on peut attribuer des valeurs de résistivités réelles de 120 Ω m aux calcaires récifaux aptiens et de 60 Ω m à ceux de l'Albien. Les terrains à dominante argilo-marneuse sont caractérisés par des résistivités faibles.
La généralisation de ces critères à l'ensemble des SE nous a permis d'établir des coupes géoélectriques et électrostratigraphiques [8] et des cartes en isobathes des calcaires récifaux.
Les coupes géoélectriques (Fig. 7) suivant les différents profils montrent l'alternance, de haut en bas, de huit niveaux géoélectriques, dont les plus importants sont : le Mio-Plio-Quaternaire, représenté par du matériel hétérogène, moyennement résistant (), discordant sur le Cénomanien et couvrant la plaine d'Ouled Boughanem ; les calcaires de l'Albien moyen résistant (50 Ω m), situés entre deux niveaux conducteurs attribués à l'Albien supérieur marno-argileux et l'Albo-Aptien supérieur marno-calcaire ; enfin, le niveau très résistant, qui correspond aux calcaires récifaux (52–1000 Ω m) de l'Aptien moyen. Ce dernier présente un intérêt hydrothermal dans la région. Pour cette raison, nous l'avons caractérisé par une carte en isobathe (Fig. 8). Elle montre une grande variation de la profondeur des calcaires récifaux. En effet, affleurant au niveau des différents anticlinaux (Harraba, Hmeïma et Slata), ces calcaires s'approfondissent au niveau des synclinaux (Mellègue et Guern El Halfaya), ainsi qu'au niveau des zones effondrées (fossé d'Ouled Boughanem).
L'épaisseur de ces calcaires n'est pas évaluée, et ce, malgré l'importance de la longueur des lignes d'émission (AB de 2000 à 3000 m). C'est pour cette raison qu'on a eu recours à une autre méthode dont la profondeur d'investigation est plus importante. Il s'agit de la méthode magnétotellurique. En effet, le secteur d'étude a été prospecté par dix sondages audio-magnétotelluriques (SAMT), répartis suivant trois profils (P1, P2 et P3) et reliant Jebel Harraba, Jebel Hmeïma et Jebel Slata (Fig. 2). Aucune station AMT n'a pu être réalisée sur une station électrique ; par conséquent, l'interprétation des SAMT est faite indépendamment de celle des sondages électriques. De plus, aucun forage ne se trouve dans le triangle prospecté par SAMT, ce qui présente encore une indétermination quant à l'attribution des résistivités.
Les résultats sont interprétés quantitativement à l'aide de modèles tabulaires (1D) – coupes géoélectriques et cartes en isopaques – dont on s'intéresse uniquement aux informations fournies par les résistivités apparentes (), dans deux directions perpendiculaires : (dans la direction nord–sud) et (dans la direction est–ouest).
Le long de cette coupe (Fig. 9), deux structures différentes peuvent être mises en évidence : un synclinal à l'est et un demi-anticlinal à l'ouest. Ces structures présentent la succession de trois niveaux géoélectriquement contrastés.
Un premier niveau superficiel conducteur (4–30 Ω m), d'épaisseur de plus de 110 m. Il correspond à un faciès marneux à marno-calcaire, qui pourrait être attribuable à l'Aptien supérieur, sauf au niveau du synclinal. Un deuxième niveau très résistant () pourrait s'apparenter à des calcaires récifaux de l'Aptien moyen affleurant à l'est (Jebel Slata) et à l'ouest. Mais, au niveau du synclinal, et en tenant compte du contexte géologique, ce niveau pourrait correspondre aux calcaires moyens de l'Albien. Un troisième niveau, constituant un substratum conducteur, peut correspondre à des marnes.
Du point de vue structural, on note la présence de deux failles de part et d'autre du SMT2, ayant favorisé l'effondrement des calcaires aptiens.
L'épaisseur des calcaires récifaux n'a été évaluée que par les SAMT qui ont touché sa base (1, 3, 4, 6 et 10). Pour les autres sondages, elle a été estimée par interpolation (Fig. 10), tout en tenant compte de la géologie de la région. Elle varie de 200 m, au niveau du sondage 6, à 300 m, au Jebel Slata. Cette variation pourrait s'expliquer par la nature récifale et le contexte de sédimentation (espace disponible, nature du bassin, etc.).
4 Synthèse et discussion
La confrontation des résultats des différentes méthodes complémentaires utilisées a permis d'établir une carte de synthèse (Fig. 11). Elle montre que la région d'étude est affectée par une fracturation intense qu'on peut classer en trois familles :
- – une première famille, de direction dominante NW–SE, représentée surtout par les failles bordières du fossé d'effondrement d'Ouled Boughanem ;
- – une deuxième famille, de direction NE–SW, affectant surtout les anticlinaux tels que Jebel Harraba, Guern El Halfaya et Jebel Slata ;
- – une troisième famille, de moindre importance (est–ouest), représentée par une faille décrochante dextre. Cette dernière, vraisemblablement régie par une compression NW–SE, est responsable de l'effondrement de la limite sud du fossé.
Par ailleurs, la région étudiée pourrait être considérée comme un bassin hydrogéologique où les calcaires récifaux, à plus de 500 m de profondeur, sont susceptibles de constituer un bon réservoir d'eau thermale (). Il apparaît également que la zone étudiée constitue l'aire de décharge de ces eaux chaudes. Ceci est surtout confirmé par l'existence d'un certain nombre d'indices d'eau chaude et par un gradient géothermique positif mesuré dans le forage de Hmeïma.
Comme étape préliminaire, nous avons avancé deux zones jugées favorables à l'exploitation de l'eau chaude confinée dans les calcaires récifaux aptiens. Ces zones (Fig. 11) sont choisies à la lumière de la compilation de tous les résultats. Un forage d'une profondeur de l'ordre de 500 m pourrait être réalisé dans chaque zone, où nous pensons capter l'eau chaude avec un débit raisonnable et une température supérieure à 45 °C. Ce forage pourrait certainement servir de point étalon pour tout travail géophysique complémentaire.