Plan
Comptes Rendus

Prise en charge médicale du bioterrorisme
Comptes Rendus. Biologies, Volume 325 (2002) no. 8, pp. 907-909.

Résumés

Au risque, récemment accru, de bioterrorisme a été opposé le plan Biotox, destiné à prendre en charge toute personne qui serait soumise à une potentielle contamination par un agent infectieux utilisé à des fins terroristes. Il doit tenir compte des caractéristiques du bioterrorisme, c’est-à-dire de la période d’incubation, qui est fonction des agents infectieux bactériens ou viraux utilisés, du nombre variable de sujets potentiellement concernés, de la difficulté du déclenchement de l’alerte et du diagnostic de l’agent responsable. Ce plan repose sur des centres hospitaliers référents, possédant des services de maladies infectieuses. Ceux-ci sont chargés d’assurer l’information, l’organisation et la coordination de l’accueil des sujets contacts ou des sujets infectés pour les isoler et les traiter. L’expérience récente pratique a permis de tester ce plan, d’en préciser certains éléments et d’en corriger d’autres.

Against the recently accrued risk of bioterrorism, the Biotox plan has been set up in order to take in charge any person that could be facing a potential terrorist contamination. It has to take into consideration the components of bioterrorism, i.e. the incubation period, the function of bacterial or viral agents, the variable number of concerned people, the difficulty of alert launching, and the diagnosis of the responsible agent. This plan relies on hospitals comprising departments of infectious diseases. Those are specifically in charge of informing, organising, and coordinating the reception of people having been in contact or infected by infectious agents, in order to isolate and treat them properly. The recent experience has allowed to test this plan, to precise and correct some of its features.

Métadonnées
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DOI : 10.1016/S1631-0691(02)01503-2
Mot clés : bioterrorisme, maladie du charbon, variole
Mots clés : bioterrorism, anthrax, smallpox
François Bricaire 1

1 Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47–83, bd de lˈHôpital, 75013 Paris, France
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François Bricaire. Prise en charge médicale du bioterrorisme. Comptes Rendus. Biologies, Volume 325 (2002) no. 8, pp. 907-909. doi : 10.1016/S1631-0691(02)01503-2. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/biologies/articles/10.1016/S1631-0691(02)01503-2/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

Le risque d’une action bioterroriste a conduit les autorités de tutelle, depuis de nombreux mois déjà, à réfléchir sur les modalités de prise en charge médicale des sujets concernés.

L’actualité récente a contraint les responsables à accélérer cette réflexion, pour mettre en place ce qu’il est convenu d’appeler le « plan Biotox ».

Celui-ci comprend un certain nombre de mesures, qui s’intègrent dans un concept plus large de prise en charge hospitalière des catastrophes, dénommé le « Plan blanc ». Aussi, a-t-il été décidé d’adjoindre à ce plan de base, déjà implanté, un complément, à savoir Biotox.

Cette prise en charge doit tenir compte de divers éléments caractéristiques du bioterrorisme, et notamment de la notion de période d’incubation caractéristique de l’agent infectieux responsable. Celle-ci a pour corollaire une possible dispersion des sujets concernés, la nécessité d’accueillir et de gérer des sujets contacts. Elle permet, en revanche, de mettre en place des mesures d’accueil et surtout de gérer au mieux les mesures préventives : antibioprophylaxie et vaccination, éventuellement.

Cette prise en charge doit aussi tenir compte d’un risque variable quant au nombre de sujets concernés, parfois faible, voire étalé dans le temps, comme aux États-Unis avec le charbon, potentiellement plus élevé, comme ce pourrait aussi être le cas si une source massive de germes était répandue, avec même un risque épidémique pour certains agents, comme la peste ou la variole.

2 Biotox

Le plan Biotox, fruit d’une longue réflexion, a donc été établi pour répondre au mieux aux risques induits par le bioterrorisme. Les ministères de tutelle (Santé, Défense, Intérieur) ont présidé à sa mise en place. De façon schématique, il repose sur des centres hospitaliers référents, répartis dans les sept zones de défense française. Trois régions possèdent deux centres référents : l’Ouest, l’Est et l’Île-de-France.

Chaque centre référent s’appuie sur un service de maladies infectieuses. Celui-ci est chargé d’assurer l’information du corps médical comme du public, de coordonner les actions, d’élaborer et de diffuser des fiches techniques, nécessaires à une bonne prise en charge. Ils doivent assurer l’accueil des sujets contacts, l’hospitalisation pour isolement et le traitement des sujets infectés.

Des laboratoires référents sont concernés par ce plan pour assurer au mieux et au plus vite les diagnostics microbiologiques nécessaire.

En fonction du nombre de sujets concernés ou de la situation géographique de l’acte terroriste, sont concernées d’autres structures, sous l’impulsion du centre référent : autres services de médecine, autres hôpitaux selon les nécessités.

C’est dire que toutes ces mesures doivent être évolutives et coordonnées au mieux par la mise en place d’une cellule de crise, activée dès que l’alerte est repérée, ce qui n’est pas a priori chose aisée.

Les centres référents assurent aussi l’organisation de l’information.

3 En pratique

Une fois la cellule de crise constituée, toutes les personnes concernées sont prévenues : cliniciens, laboratoires, administration, médecine du travail, syndicats. L’accueil doit être mis en place au mieux :

  • • pour accueillir les contacts, les informer, les traiter si nécessaire ; un nombre élevé de sujets doit nécessiter la structure la plus appropriée possible pour éviter de perturber les services d’accueil des urgences ;
  • • pour accueillir des sujets infectés, transférés par le Samu, directement si possible, dans les services de maladies infectieuses référents où, en premier lieu, ils seront isolés dans des chambres individuelles avec SAS ; c’est ici que le nombre de sujets peut amener à réquisitionner tout un service, à nécessiter des transferts de malades autres vers diverses structures de l’hôpital ; si le nombre croît, les autres services seront concernés, ce qui pourra obliger à différer d’autres activités de l’établissement, telles des interventions chirurgicales programmées ; cette activation en couronnes des structures hospitalières peut bien sûr conduire à des conditions d’isolement moins satisfaisantes.

La tenue de protection du personnel est, a priori, relativement simple pour le cas du bioterrorisme. Elle doit être efficace et permettre au personnel de poursuivre aisément ses activités de soins : masque chirurgical, casaque, surchaussures, lunettes et calotte autorisent une protection efficace contre tous les agents infectieux, viraux ou bactériens a priori concernés par le bioterrorisme. Les mesures d’hygiène dites universelles sont essentielles, en commençant par l’indispensable lavage des mains. Des consignes existent pour la gestion des déchets et de tous les effluents. Doivent également être prévus d’éventuels accueils dans des structures de réanimation, ainsi qu’un accueil pédiatrique.

La gestion sécurisée des prélèvements en laboratoire est également prévue, variable, selon les possibilités locales, de l’utilisation d’une zone de laboratoire réservée aux techniques de tels prélèvements jusqu’à un laboratoire dédié et protégé. D’une façon globale, il est demandé aux cliniciens de réduire au maximum les prescriptions d’examens mettant en avant les données de la clinique, tant sur le plan du diagnostic que sur celui de la surveillance des malades.

4 En fonction des agents infectieux

Sans entrer dans les détails, les agents bactériens principalement responsables justifient une antibiothérapie prophylactique pour les contacts proches, curative pour les malades.

Le choix antibiotique tient compte de la sensibilité des germes, en considérant le fait que des souches peuvent éventuellement avoir été modifiées et être devenues résistantes.

En prophylaxie, la durée de l’antibiothérapie tient compte de la période d’incubation. Celle-ci peut être longue, comme avec Bacillus anthracis, pour lequel des spores peuvent éclore jusqu’à 40 jours après le comptage. Le choix des fluoroquinolones, actives sur les souches de charbon comme sur celles de la peste ou de la tularémie, s’est ainsi vu justifié. Toutefois, cette prophylaxie n’est pas sans inconvénient : outre son coût, elle peut provoquer des effets indésirables et modifier négativement la flore environnante, sélectionnant des bactéries résistantes. C’est pourquoi l’emploi de cyclines, voire peut-être d’une ampicilline, est également possible, sous réserve d’une vérification de sensibilité par le laboratoire de bactériologie.

En cas de variole, les réflexions conduites amèneraient à vacciner en couronnes la population à partir d’un cas contact. Une vaccination systématique reste déraisonnable, compte tenu des risques d’accidents, neurologiques notamment, avec ce vaccin ancien dont on connaît les risques. L’apparition des anticorps en une dizaine de jours permettrait en tout cas d’assurer une protection, profitant d’une incubation plus longue de la maladie de 12 jours environ. C’est dire qu’il serait nécessaire de vacciner rapidement avec le stock de lots disponibles. Cette action ne serait pas sans problème, les équipes médicales devant vacciner en nombre par scarification, seule technique validée à ce jour, même si l’injection intradermique pourrait être envisagée.

L’absence de toute variole depuis des années n’a pas permis de tester de molécules antivirales. Toutefois, d’un point de vue théorique, le Cidofovir surtout, mais aussi la Ribavirine, pourraient avoir une action curative efficace sur ce pox-virus. Cette même Ribavirine a également une certaine efficacité sur les virus de Lassa et de Crimée–Congo, responsables des fièvres hémorragiques.

L’expérience récente a permis de tester la mise en place d’un certain nombre de mesures du plan Biotox.

La validité des mesures d’accueil des sujets contacts et de leur prise en charge dans des hôpitaux référents, ainsi que dans d’autres structures hospitalières, a pu être démontrée. La mise en place des cellules de crise a été validée, tandis qu’ont été mises en évidence les difficultés d’une bonne communication et d’une information standardisée.

Cette expérience a permis de réfléchir sur les modalités de l’antibioprophylaxie. Elle a permis de mieux définir l’utilité des prélèvements de nez pour rechercher des spores de charbon. Si l’intérêt épidémiologique est ici évident, l’utilité en matière de diagnostic et de conduite pratique pour guider un traitement apparaît nettement aléatoire, pour ne pas dire inutile, voire néfaste.

Surtout, cette expérience a mis en évidence des disfonctionnements qui sont l’objet de réflexions pour améliorer ou modifier un certain nombre de mesures. Elle a surtout montré la difficulté pour les laboratoires référents de gérer techniquement la manipulation de sources nombreuses (des enveloppes) à analyser rapidement. C’est ici que des améliorations doivent être apportées, pour que soient obtenus des résultats fiables dans les meilleurs délais et pour permettre ainsi de ne traiter prophylactiquement que pendant le temps le plus court possible, si le prélèvement devait s’avérer négatif.

Ces données, rapidement exposées ici, sont à la base de la prise en charge médicale du bioterrorisme. Des améliorations doivent être incontestablement apportées, des compléments fournis aux diverses équipes intervenantes : Samu, pompiers, services hospitaliers, etc.

Toutefois, même élaborées au mieux, ces mesures risquent d’être mises en défaut, ne serait-ce que du fait des modalités de l’action terroriste qui, par son essence même, se doit de surprendre pour être efficace. Espérons surtout qu’elles n’auront pas à servir ou qu’elles ne resteront que très partielles, comme ce fut, ou comme c’est encore le cas en France, en particulier.


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