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Comptes Rendus

Évolution / Evolution
Haeckel, un darwinien allemand ?
Comptes Rendus. Biologies, Volume 332 (2009) no. 2-3, pp. 110-118.

Résumés

Le biologiste allemand Ernst Haeckel (1834–1919) est souvent considéré comme le plus éminent des darwiniens de son pays, dans la mesure où, dès 1862, il déclarait accepter les conclusions auxquelles Darwin était parvenu trois ans plus tôt dans l'Origine des espèces et où, par la suite, il n'eut de cesse de se proclamer partisan du naturaliste anglais et de défendre la théorie de l'évolution. Néanmoins, l'examen détaillé de ses ouvrages, en particulier de la Morphologie générale (1866), révèle qu'il s'inscrit dans une tradition fort éloignée de la pensée de Darwin. Malgré son acceptation de l'idée de sélection naturelle, qu'il érige en argument en faveur du matérialisme, il adopte en réalité une vision de l'évolution assez proche à certains égards de celle de Lamarck. Il témoigne ainsi des ambiguïtés de la réception du darwinisme en Allemagne dans la seconde moitié du xixe siècle.

German biologist Ernst Haeckel (1834–1919) is often considered the most renowned Darwinian in his country since, as early as 1862, he declared that he accepted the conclusions Darwin had reached three years before in On the Origin of Species, and afterwards, he continuously proclaimed himself a supporter of the English naturalist and championed the evolutionary theory. Nevertheless, if we examine carefully his books, in particular his General Morphology (1866), we can see that he carries on a tradition very far from Darwin's thoughts. In spite of his acceptance of the idea of natural selection, that he establishes as an argument for materialism, he adopts, indeed, a conception of evolution that is, in some respects, rather close to Lamarck's views. He is, thus, a good example of the ambiguities of the reception of Darwinism in Germany in the second part of the 19th century.

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Accepté le :
Publié le :
DOI : 10.1016/j.crvi.2008.07.006
Mot clés : Haeckel, Darwinisme allemand, Loi biogénétique fondamentale, Morphologie, Lamarckisme, Gastraea
Keywords: Haeckel, German Darwinism, Biogenetic law, Morphology, Lamarckism, Gastraea
Stéphane Schmitt 1

1 CNRS, REHSEIS, UMR 7596, Université Denis-Diderot Paris VII, case courrier 7064, 2, place Jussieu, 75251 Paris cedex 05, France
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Stéphane Schmitt. Haeckel, un darwinien allemand ?. Comptes Rendus. Biologies, Volume 332 (2009) no. 2-3, pp. 110-118. doi : 10.1016/j.crvi.2008.07.006. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/biologies/articles/10.1016/j.crvi.2008.07.006/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

Si la réception de Darwin en France fut, on le sait, fort difficile, il peut sembler que sa pensée fut accueillie beaucoup plus rapidement et favorablement en Allemagne. Heinrich Georg Bronn (1800–1862) traduisit De l'Origine des espèces un an après sa parution en anglais, et dès 1864 Fritz Müller (1822–1897) publiait un ouvrage intitulé Pour Darwin [1] (sur la réception de Darwin en Allemagne, voir notamment Rupp-Eisenreich [2], Nyhart [3] et Gliboff [4]). Surtout, le savant britannique disposa sur le sol germanique de plusieurs partisans très ardents, dont le plus célèbre est sans nul doute Ernst Heinrich Haeckel (1834–1919), professeur à l'université d'Iéna à partir de 1862. Ce biologiste, outre des études très détaillées sur certains groupes zoologiques (radiolaires, éponges…), publia de nombreux ouvrages généraux, et en particulier des textes relevant de ce que l'on qualifierait aujourd'hui de vulgarisation scientifique (sur Haeckel, la littérature est abondante : les biographies les plus complètes et les plus récentes sont celles de Di Gregorio [5], et de Richards [8], où l'on trouvera une liste de références ; voir aussi Krausse [6] et Uschmann [7]). Haeckel n'eut de cesse de se proclamer darwinien. Le premier ouvrage dans lequel il développait sa vision du transformisme, en 1866, était intitulé : Morphologie générale des organismes. Principes généraux de la science des formes organiques, établie mécaniquement sur la théorie de la descendance réformée par Charles Darwin [9] ; le nom de Darwin apparaît également dans les titres de ses cours, ou encore de ses communications à des congrès.

Pour autant, comme l'ont déjà noté les historiens (notamment Dougherty [10]), le « darwinisme » de Haeckel n'est guère fidèle à la pensée de Darwin. Ancrée dans une tradition nationale très particulière, fortement marquée encore par les conceptions de la Naturphilosophie qui ont fleuri au début du xixe siècle, la biologie allemande des années 1860 et 1870 était en réalité bien préparée à la réception d'une théorie évolutionniste, mais dans le même temps, et paradoxalement, elle portait en elle les germes d'une interprétation largement biaisée de cette théorie. De fait, les conceptions développées à cette époque en Allemagne sont, à certains égards, plus proches de celles de Lamarck, et elles ne sont pas sans rappeler parfois les tendances néo-lamarckiennes de la biologie française contemporaine. L'exemple de Haeckel est, à cet égard, particulièrement représentatif, non seulement par son importance historique et la grande popularité de ses ouvrages, mais aussi par l'ambiguïté de son attitude à l'égard de Darwin, dont il détourne les idées autant qu'il les révère. Nous exposerons ici quelques-unes des conceptions de cet auteur, qui témoignent précisément de l'hétérodoxie de son darwinisme.

2 Le contexte allemand et les premiers travaux de Haeckel

Lorsque Haeckel publie sa Morphologie générale, il existe déjà un darwinisme allemand. En fait, L'Origine des espèces a été connue et diffusée pratiquement immédiatement après sa parution en anglais. La traduction de Bronn [11] joua assurément un rôle important dans ce transfert culturel rapide, mais ce rôle fut ambigu. En effet, Bronn prit des libertés assez grandes avec le texte initial, et ces libertés n'étaient pas sans conséquences. Pour ne prendre qu'un exemple, d'autant plus significatif qu'il concerne le titre même de l'ouvrage, l'anglais favoured est rendu par l'adjectif vervollkommneten, c'est-à-dire « plus perfectionnés » (voir Nyhart [3], pp. 111–112), ce qui évidemment tend à dévoyer totalement le fondement même de la théorie darwinienne : là où Darwin envisage des êtres vivants dotés de certaines caractéristiques, qui se trouvent (par hasard) être favorables à leur survie dans certaines circonstances, Bronn suggère plutôt une sorte de mouvement ascendant vers une perfection de plus en plus grande, ce qui n'est certainement pas la même chose.

En réalité, il ne fait qu'énoncer une idée déjà vieille de plusieurs décennies, bien connue de la plupart des naturalistes (qui toutefois n'y adhèrent pas explicitement, le plus souvent), et selon laquelle les espèces vivantes se transforment au fil des générations, non pas de manière aléatoire, mais en suivant une loi de complexification croissante. Cette loi peut revêtir une composante finaliste ou pas, selon les auteurs. Lamarck, par exemple, n'y voyait qu'une loi de la nature au même titre que la gravitation, d'autres en faisaient une expression du plan divin, sans que les deux explications fussent exclusives d'ailleurs. La Naturphilosophie, courant intellectuel qui s'est épanoui en Allemagne à partir de l'extrême fin du xviiie siècle, a largement contribué à diffuser cette conception [12]. Or c'est ce fonds culturel qui forme l'héritage de Bronn, lequel a été formé par des Naturphilosophen ou des sympathisants, et il est connu parmi les naturalistes de son temps pour ses théories générales sur l'histoire de la Terre ou la morphologie des êtres vivants [13,14]. Il a proposé des « lois de développement » (Entwickelungsgesetze) qui rendent comptent aussi bien de l'embryogenèse des organisme que de la succession des espèces à la surface de la Terre, une succession qu'il n'explique pas par une évolution mais par des apparitions multiples, chacune plus élaborée que la précédente. C'est au travers de ce prisme qu'il considère le livre de Darwin et qu'il en modifie substantiellement la teneur dans sa traduction et dans un généreux appareil de notes et de suppléments qui biaisent nécessairement la lecture de l'ouvrage.

Comme la majorité des savants allemands, Haeckel a manifestement lu la traduction de Bronn, c'est en tout cas son titre (et non celui de l'original anglais) qu'il cite lorsqu'il fait mention pour la première fois de Darwin, dans sa monographie sur les radiolaires de 1862 [15, p. 231]. Quoique plus jeune d'une génération, il a lui aussi été formé par des professeurs familiers, voire sympathisants de la Naturphilosophie. Ainsi, son étude sur les radiolaires s'inscrit dans la continuité des travaux de Johannes Müller (1801–1858), dont il a suivi les cours. Il saisit l'occasion pour commencer à exposer ses propres conceptions. Ces protozoaires marins lui apparaissent clairement comme des êtres vivants primordiaux, des cas limites, situés aux confins des mondes inorganique et organique. Ils constituent donc un argument fort en faveur d'une origine matérielle de la vie terrestre. Mais les radiolaires présentent également d'autres particularités remarquables. Ainsi, leur cycle de vie est relativement complexe et comporte une succession de stades libres et de stades coloniaux, ce qui pose le problème de l'individualité des organismes. Haeckel résout cette question en introduisant une distinction entre individus physiologique et morphologique : le premier est représenté par l'ensemble de la colonie, qui forme un tout du point de vue fonctionnel, et le second correspond à chacun des éléments de l'agrégat colonial, éventuellement susceptible de s'en détacher et de devenir par conséquent un individu physiologique. Cette distinction sera généralisée et étendue à l'ensemble du monde vivant en 1866.

D'autre part, cette étude des radiolaires se heurte au problème de leur extrême diversité, qui rend difficile la reconnaissance d'un type commun, ce qui conduit Haeckel à un réexamen de ce concept. En effet, si ce dernier revêt une dimension incontestablement géométrique, les organismes réels, à la différence des cristaux inorganiques, sont le résultat d'une longue histoire adaptative, de sorte que les formes primordiales ne sont que très difficilement reconnaissables dans les formes actuelles. Ainsi, dans cette première monographie, apparaissent les deux principales orientations de la morphologie haeckelienne : l'établissement de niveaux d'individualités et la recherche des formes originelles cachées derrière la multitude des formes observables. Ces deux objectifs donneront lieu à deux sciences particulières : la promorphologie et la tectologie.

3 Fondements morphologiques du transformisme haeckelien

La Morphologie générale de 1866 est un ouvrage monumental, à la fois par la taille (plus d'un millier de pages) et par le style, souvent aride et d'une extrême rigueur. L'on ne retient en général de cette œuvre majeure que les passages consacrés à la théorie de l'évolution et à la loi de récapitulation, en négligeant ce qui, pour Haeckel, était l'objectif central : le programme morphologique. Ce point est important car il dénote le changement de perspective par rapport à Darwin : ce dernier, certes, reconnaît l'intérêt des similitudes morphologiques (anatomiques et embryologiques) entre organismes dans sa théorie, et il leur consacre un chapitre dans l'Origine des espèces. Mais ce n'est pas son point de départ, et c'est plutôt son approche, que l'on pourrait qualifier de « populationnelle », qui fait la force et l'originalité de sa pensée. Au contraire, Haeckel, comme de nombreux biologistes allemands (mais aussi français et britanniques), demeure dans le cadre des disciplines morphologiques et part de ces considérations pour construire une théorie de l'évolution. Nous nous attarderons donc quelque peu sur l'analyse de cet ouvrage, qui sans être le plus populaire qu'ait écrit Haeckel, est celui où les fondements de ses conceptions apparaissent le plus clairement.

La première partie du livre est consacrée à l'établissement de la définition exacte de la morphologie, de sa position par rapport aux autres sciences de la nature, et de sa subdivision en plusieurs sous-disciplines. La morphologie est ainsi présentée comme « la science générale des rapports de forme internes et externes des corps naturels vivants, des animaux et des plantes, au sens large du terme. L'objet de la morphologie organique est par conséquent la reconnaissance et l'explication de ces rapports de forme, c'est-à-dire leur réduction à des lois naturelles déterminées ». Or, les formes vivantes présentent une immense diversité, et elles ne se laissent pas facilement décrire, comme les cristaux, par les méthodes mathématiques habituelles ; d'où la nécessité de redéfinir précisément les enjeux, les objectifs et les moyens de la discipline, et en premier lieu d'en établir les divisions internes. Pour cela, Haeckel choisit comme fil directeur la spécificité des êtres organisés, dont les différentes propriétés fondamentales déterminent autant de champs d'étude particuliers.

Tout d'abord, la complexité structurale des êtres vivants, qui contrairement aux corps minéraux, sont composés de parties distinctes, de différents ordres, mérite de faire l'objet d'une science particulière, la « mérologie, étude des parties, ou tectologie, étude de la composition des corps par des parties différentes ». Il s'agit en réalité d'une étude des différentes niveaux d'individualité morphologique des organismes : « les parties constitutives des individus […] sont elles-mêmes dans un certain sens des individus, de sorte que nous pourrions considérer l'organisme individuel entier comme un système d'individus de différents ordres, associés de manière unitaire » (vol. 1, p. 25). Ainsi, se trouve établie la première grande distinction entre les mondes inorganique et organique. Dans ce dernier, la notion d'individualité n'est pas univoque, et la morphologie se doit d'en tenir compte.

La deuxième grande différence entre les êtres vivants et les corps inertes est l'impossibilité de décrire les premiers par les outils ordinaires de la géométrie : alors que les cristaux sont délimités par des plans, des droites et des angles bien déterminés, les organismes ont quant à eux des formes irrégulières, variables, plastiques. Il est donc nécessaire de rechercher les formes fondamentales ou primitives dont dérivent ces formes organiques réelles : ceci est l'objet de la promorphologie, qui représente par conséquent une sorte d'équivalent biologique de la cristallographie. Par ailleurs, au contraire des cristaux, les organismes ne croissent pas par simple adjonction homogène de molécules, mais par intussusception : ils présentent donc un développement, qui est étudié par l'ontogénie. Enfin, la quatrième particularité des êtres vivants est l'inconstance de leurs formes : alors que les « espèces » de cristaux se définissent par une forme intangible, conséquence immédiate des lois physico-chimiques aussi bien à l'échelle de l'individu qu'à celle de l'espèce, les espèces vivantes voient quant à elles leurs formes évoluer, s'adapter au cours du temps, de sorte que l'espèce biologique ne peut être définie rigoureusement par une forme, mais par des liens généalogiques : de même que l'individu, l'espèce se développe à l'échelle de sa lignée. L'étude de ce développement des espèces est la phylogénie. Toute la science haeckelienne se structure d'après ces quatre disciplines fondamentales.

Dans la tectologie, Haeckel considère plusieurs ordres d'individus associés de manière hiérarchique : successivement, les « plastides » (c'est-à-dire, grosso modo, les cellules), les organes, les antimères, les métamères, les « personnes » (individus au sens courant) et les colonies. Chacun de ces niveaux est constitué de deux ou plusieurs individus d'ordre immédiatement inférieur et fait l'objet d'une discipline propre. Le but de la tectologie est donc de reconnaître la structure des formes vivantes, de les décomposer en leurs individus élémentaires, et d'établir les lois d'assemblage et d'agrégation des individus. Le problème central est l'émergence d'une unité physiologique dans un agrégat de parties primitivement indépendantes et identiques. Car le corps des êtres vivants, à l'exception des plus simples (protistes, animaux et végétaux unicellulaires), est une construction complexe, et la plupart des « individus » au sens courant possèdent en réalité cinq ou six niveaux d'individualité morphologique. La compréhension de leur anatomie requiert par conséquent une réflexion générale sur la notion d'individu.

Étymologiquement, le terme « individu », comme celui d' « atome », signifie « ce qui ne peut être divisé ». Mais seul le mot « atome » a conservé son sens initial, celui d'individu ne renferme plus désormais que l'idée d'unité. De ce fait, il n'a qu'une définition relative. On peut à la rigueur définir un individu absolu dans le cas des êtres inorganiques : il s'agit du cristal ; mais toute tentative équivalente chez les êtres vivants se heurte aux problèmes posés par la reproduction asexuée, les cycles complexes de certains parasites, etc. Haeckel souligne que cette difficulté n'a échappé ni aux botanistes ni aux zoologistes. Les premiers, depuis longtemps, considèrent les plantes comme des êtres composés : certains estiment que l'individu végétal élémentaire est le bourgeon, d'autres la feuille (éventuellement métamorphosée en pièce florale), d'autres encore toute partie susceptible de redonner par bouture une plante entière ; d'autres enfin préfèrent réserver ce rôle à la cellule végétale. Quant aux zoologistes, ils ont fait la différence entre l'individu en tant qu'unité fonctionnelle autonome, capable de réaliser par elle-même les principales fonctions vitales, et l'individu en tant qu'étendue spatiale dotée d'une structure déterminée.

Les botanistes ont donc mis l'accent sur la hiérarchie des individualités structurales au sein des organismes, les zoologistes sur l'opposition de la forme et de la fonction. Or, selon Haeckel, ces deux points de vue sont complémentaires et correspondent à deux types d'individualités, morphologique et physiologique, la première étant caractérisée par son étendue spatiale, la seconde par sa capacité d'autosubsistance. Chacune des six catégories d'individus morphologiques peut correspondre soit à un individu physiologique indépendant (un « bionte »), soit à une partie d'un individu physiologique dont le degré d'organisation est supérieur.

L'individu morphologique de premier ordre, le plastide, est la plus petite unité vivante qui soit. Les plastides peuvent s'associer entre eux pour former des individus morphologiques de deuxième ordre, les organes, conformément à deux lois essentielles, la loi d'agrégation et la loi de différenciation ou de division du travail. L'organe est généralement défini par son rôle physiologique, mais cette fonction ne peut être réalisée que grâce à son unité morphologique. Il peut à son tour s'assembler et se différencier, constituant ainsi des individus morphologiques de troisième ordre, les antimères ou « parties opposées », « portions du corps ou segments situés les uns à côté des autres (et non l'un derrière l'autre), clairement individualisés, des complexes équivalents d'organes contenant toutes, ou presque toutes les parties essentielles du corps de l'espèce (tous les organes typiques), assemblées de telle sorte que chaque antimère, complexe d'organes, représente les propriétés les plus essentielles de l'espèce, et que seul le nombre des antimères soit l'élément déterminant de la forme de l'espèce » (vol. 1, p. 305). Les animaux à symétrie bilatérale sont donc composés de deux antimères, ou de plusieurs paires d'antimères, alors que les animaux rayonnés et les plantes en comportent un plus grand nombre disposés en cercle. Les antimères constitutifs d'un être vivant peuvent être parfaitement identiques ou présenter certaines différences, éventuellement de nature adaptative. Dans le cas des organismes à symétrie bilatérale, les antimères sont associés par paires dont chaque élément est l'image de l'autre dans un miroir.

Contrairement aux antimères, placés les uns à côté des autres, les individus de quatrième ordre, ou métamères, sont disposés l'un à la suite de l'autre. Ce sont, par exemple, les anneaux des animaux segmentés, ou les vertèbres des vertébrés avec leurs organes associés, etc. En plus du terme « métamère », Haeckel introduit aussi deux adjectifs encore utilisés aujourd'hui : « homonome » et « hétéronome », désignant respectivement des métamères identiques (comme chez certaines annélides) et des métamères différenciés (comme chez les arthropodes ou les vertébrés).

Les personnes, ou « prosopes », sont les individus au sens habituel, du moins chez les animaux supérieurs, car ils correspondent souvent à l'individualité physiologique. Néanmoins, cette correspondance reste relative, et le bionte peut être représenté par des individus morphologiques de tous ordres.

Enfin, les individus morphologiques de sixième ordre, associations de personnes, sont les colonies véritables ou « cormes ». Ils sont représentés notamment par les plantes supérieures. En effet, les phanérogames sont composés la plupart du temps de métamères (un entre-nœud avec une feuille ou des pièces florales) formant des tiges ou rameaux feuillés, qui sont donc des personnes ; la plante ramifiée, association de plusieurs tiges feuillées, est par conséquent une colonie. Mais il existe également des cormes dans le règne animal : c'est le cas des siphonophores, de certains échinodermes tels que les ophiures (chacun de leurs bras étant l'équivalent d'un ver segmenté, c'est-à-dire d'une personne)... Ces colonies se forment le plus souvent par bourgeonnement latéral de personnes.

Il est important de noter que chacun des six niveaux d'individualité morphologique, des plastides aux colonies, peut exister à l'état d'organisme indépendant, c'est-à-dire de bionte. Ce dernier peut se présenter sous trois formes. Le bionte « réel », individu physiologique au sens strict, correspond à l'état le plus développé, le plus complet de l'être vivant considéré, donc à l'état adulte. Ainsi, le bionte réel des phanérogames est un individu morphologique de sixième ordre, celui des vertébrés un individu morphologique de cinquième ordre, celui des Volvox (algues unicellulaires coloniales) un individu morphologique de deuxième ordre, etc. Le bionte virtuel, quant à lui, est un individu physiologique non encore développé, incomplet, mais susceptible de produire un bionte réel. De ce fait, son niveau d'individualité morphologique est nécessairement inférieur ou égal à celui du bionte réel correspondant. Les œufs et tous les stades embryonnaires sont donc des biontes virtuels, de même qu'une bouture ou une bulbille de plante, ou toute partie d'animal capable de régénérer l'organisme entier. Enfin, le bionte partiel est une partie d'organisme capable de se détacher d'un bionte réel ou virtuel et de survivre plus ou moins longtemps, mais sans pouvoir régénérer à elle seule un bionte réel. L'on peut citer comme exemple le bras hectocotyle du mâle des céphalopodes (qui est utilisé lors de l'accouplement), les proglottis (anneaux détachables) du ténia, etc. Chaque type de bionte peut être représenté par un individu morphologique de n'importe quel ordre.

La composition des êtres vivants ainsi établie, Haeckel reprend à son compte les lois énoncées par Bronn sur le degré de perfectionnement des organismes. Ces derniers sont d'autant plus évolués que le niveau d'individualité morphologique atteint est élevé et que ses parties constitutives sont différentes, spécialisées et dépendantes les unes des autres, c'est-à-dire que le polymorphisme, la division du travail et la centralisation de l'organisme sont plus importants.

Au total, cette « tectologie » pourrait apparaître comme une synthèse des idées en vogues dans la morphologie allemande depuis la première moitié du xixe siècle. Mais la grande originalité de Haeckel va consister à intégrer la dimension temporelle, à la fois à l'échelle de l'organisme et à celle des espèces et des catégories taxonomiques supérieures.

4 La « loi biogénétique fondamentale »

En plus des individualités morphologiques et physiologiques, définies dans l'espace, Haeckel introduit une notion nouvelle, l'individualité temporelle ou généalogique. Cette innovation répond à une double spécificité du monde vivant : le développement des organismes (biontes) et celui des espèces, qui ne sont pas immuables mais naissent, s'épanouissent et meurent.

Le premier niveau de cette individualité temporelle correspond sensiblement à l'individu au sens habituel, c'est-à-dire l'être vivant considéré de sa naissance (en général l'œuf fécondé) à sa mort. Certains cas sont problématiques, notamment lorsqu'il n'y a pas de reproduction sexuée, de sorte que Haeckel tente de généraliser la définition en proposant de parler plutôt de « produit de génération » ou « produit germinatif », qui représente l'ensemble des stades traversés au cours du cycle reproductif de l'espèce considérée.

De la même façon que les individus morphologiques, les individus généalogiques élémentaires s'organisent en unités d'ordres supérieurs. La première d'entre elles est l'espèce, qui « n'est rien d'autre qu'une somme de cycles génératifs semblables et se compose d'une multitude de cycles génératifs » (vol. 2, p. 30). L'espèce elle-même est soumise à des variations au cours des temps géologiques ; il existe donc une unité généalogique supérieure, la lignée ou le « phylum », terme introduit par Haeckel. On a donc une hiérarchie des individualités généalogiques, de même que l'on a une hiérarchie des individualités morphologiques. Cette notion joue un rôle tout à fait central dans la biologie de Haeckel. Elle lui permet en effet d'introduire l'idée d'un triple parallélisme entre les trois niveaux d'individualité, « c'est-à-dire la remarquable correspondance de la succession des états morphologiques qui se manifeste entre les trois différents ordres d'individualité généalogique. Dans ce triple parallélisme des développements individuel, systématique et paléontologique, dans l'analogie génétique du bionte, de l'espèce et du phylum, nous découvrons l'une des preuves les plus irréfutables de la vérité de la théorie de la descendance, car seule cette dernière est à même de nous expliquer en termes de causes mécaniques ce parallèle » (p. 31).

Ce parallélisme est au cœur de la « loi biogénétique fondamentale », c'est-à-dire de la loi de récapitulation. Ce thème avait largement été traité par la morphologie pré-darwinienne. C'est un compatriote de Haeckel, Fritz Müller, qui lui donna sa dimension phylogénétique [1]. En étudiant le développement des pénéides (crevettes) du Brésil, il était parvenu à la conclusion que, depuis l'œuf jusqu'à l'adulte, ces animaux traversent tous les stades de l'évolution de leur groupe, les malacostracés, et notamment que les stades nauplius et zoé représentent des états ancestraux de cette lignée. Il généralisa ces vues et affirma que le développement des organismes, n'était souvent rien d'autre qu'un résumé, éventuellement altéré, de leur histoire évolutive.

En 1866, Haeckel reprend cette idée, mais en l'intégrant à son système morphologique. L'ontogenèse est la répétition de la phylogenèse, car ces phénomènes correspondent tous deux au développement d'un individu généalogique : individu de premier ordre dans le cas de l'ontogenèse, de deuxième ou troisième ordre dans celui de la phylogenèse. Par ailleurs, il existe une relation très étroite entre la succession des stades de développement, phylogénétique ou ontogénétique, et la hiérarchie des individus morphologiques. Car tout bionte réel, pour atteindre l'état d'achèvement dans lequel il se trouve, a dû traverser successivement tous les niveaux d'individualité inférieurs au sien, à partir du plastide (qui correspond en général à l'œuf fécondé). Le mécanisme de l'évolution, par addition terminale de stades de développement, prend tout son sens avec la notion d'individualité morphologique : le progrès phylogénétique correspond en effet à l'acquisition d'un niveau d'individualité supplémentaire, c'est-à-dire à l'agrégation de parties identiques, suivie éventuellement d'une différenciation de ces parties et d'une répartition des tâches. Par conséquent, la tectologie des organismes constitue la clef de voûte de la loi biogénétique fondamentale.

En fait, le parallélisme invoqué par Haeckel est plus que triple, puisque non seulement l'ontogenèse du bionte est un résumé de sa phylogenèse et de l'organisation systématique du groupe auquel il appartient, mais, en outre, une fois atteint l'état adulte, la hiérarchie de ses parties constitutives représente une sorte d'image figée de toute cette progression. Si l'on considère un organisme complexe, tel qu'un mammifère ou une plante à fleurs, il est donc doublement un compendium, sinon du monde vivant dans son ensemble, du moins de l'histoire de sa lignée depuis les origines de la vie : une première fois lors de son développement, qui reprend toutes les étapes de la complexification organique depuis les monères primitives (figurées par l'œuf) jusqu'à l'individualité morphologique de cinquième ou sixième ordre, puis une seconde fois à l'état adulte, dont chaque degré d'organisation figure une étape de la progression phylogénétique ou ontogénétique. Chacune de ses cellules est une image à la fois de son lointain ancêtre unicellulaire, de l'œuf fécondé dont il est issu, et des protistes actuels.

Si l'on prend comme référence l'organisme d'un mammifère adulte, celui-ci se trouve par conséquent au point de convergence de quatre séries : la série ontogénétique, qui part de l'œuf fécondé ; la série phylogénétique, issue des monères ancestrales ; la série systématique, menant des protistes actuels aux vertébrés supérieurs ; la série tectologique, enfin, qui comprend, dans le cas d'un mammifère, cinq degrés d'individualité morphologique (Fig. 2). Cette vision évoque celle des Naturphilosophen, qui avaient déjà proposé cette idée d'une double récapitulation du monde par le développement embryonnaire et par la structure achevée, un héritage que Haeckel revendique explicitement. Cependant, à la différence de ses prédécesseurs, il n'admet pas la conception linéaire de l'échelle de la nature, mais il conçoit l'évolution comme un processus divergent, arborescent, comme le montrent les nombreux arbres phylogénétiques qui émaillent son œuvre. C'est d'ailleurs lui qui est à l'origine de cette forme de représentation de l'évolution des espèces et des liens de parenté entre les différents groupes, forme qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours avec le plus grand succès (Fig. 1).

Fig. 2

Position d'un adulte de mammifère dans le système morphologique de Haeckel, au point de convergence des séries tectologique, systématique, ontogenétique et phylogénétique (d'après [12]).

Fig. 1

Arbre phylogénétique du vivant selon Haeckel (1866) [9].

Ces grands principes, énoncés en 1866, forment le socle de la pensée haeckelienne, qui s'exprimera également dans des ouvrages de plus grande diffusion. Ils seront appliqués quelques années plus tard à la reconstitution de l'arbre phylogénétique des animaux dans le cadre de la théorie de la Gastraea.

5 La théorie de la Gastraea

L'hypothèse de la Gastraea représente le prototype de toutes les spéculations ultérieures sur la phylogenèse des animaux. Le scénario imaginé par Haeckel à partir de 1870 [16–19] a en effet séduit des générations de morphologistes, et continue aujourd'hui encore à inspirer de nombreux spécialistes de l'évolution animale.

C'est l'étude des éponges qui constitue le point de départ de sa réflexion. Jusqu'alors, la position systématique de ces êtres était incertaine : l'opinion la plus commune, en 1870, était qu'il s'agissait de colonies de protozoaires, et c'est d'ailleurs parmi les protistes que Haeckel les rangeait en 1866. C'est au cours de son séjour aux Canaries (1866–1867) qu'il a l'intuition d'une véritable homologie entre le système digestif des éponges et celui des coraux. Il affirme en 1870 que « les éponges sont, de tous les organismes, les plus proches des coraux », se fondant sur des arguments histologiques (les feuillets des coraux ont les mêmes spécificités que ceux des spongiaires) et surtout embryologiques : il observe en effet que la larve des éponges (une sorte de sac composé de deux couches de cellules) est similaire à celle des cœlentérés [20]. Or, selon la « loi biogénétique fondamentale », cela implique que les deux lignées sont très proches et issues d'une forme ancestrale commune qu'il nomme dans un premier temps le Protascus.

Deux ans plus tard, il généralise ces vues. Se fondant sur la découverte chez divers animaux de stades à deux feuillets formés par invagination à partir d'une sphère creuse, la « blastula », et équivalents au Protascus, il lui apparaît que ce stade, qu'il appelle désormais la « gastrula », est « la forme embryologique la plus importante et significative de tout le règne animal ». Conformément à la loi de récapitulation, cette universalité d'un stade embryonnaire le conduit à imaginer un pendant phylogénétique de la gastrula, qu'il nomme par analogie la Gastraea, laquelle serait par conséquent l'ancêtre de tous les métazoaires.

Cette théorie de la Gastraea va bouleverser profondément la vision du monde animal. Sa conséquence la plus importante est sans doute la réorganisation de la systématique animale, qui va se fonder désormais, et pour longtemps, sur la reconstitution de formes ancestrales déduites à partir des embryons des espèces actuelles. Tout un « programme de recherche » va s'édifier autour de ces conceptions dans les dernières décennies du xixe siècle, qui donnera lieu à une littérature très abondante.

6 Conclusion

À l'exemple de Haeckel, beaucoup d'auteurs de cette époque se réclameront de Darwin. Pour autant, on mesure à quel point toute cette tradition s'écarte de la pensée darwinienne. Certes, Haeckel n'ignore pas la sélection naturelle, il en parle souvent, il lui attribue même un rôle dans la transformation des espèces. Mais elle n'est pas du tout au centre de sa conception de l'évolution, laquelle est fondée en réalité sur une forte tradition d'études morphologiques qui avait déjà, bien avant Darwin, proposé l'hypothèse d'une l'évolution des espèces. Or cette évolution était dirigée et régie par des lois de complexification croissante, conçues soit de manière finaliste, soit de manière purement matérialiste (c'est cette seconde interprétation que retient Haeckel, violemment moniste et anticlérical). Ainsi la « loi biogénétique fondamentale », qui suppose une évolution procédant par ajout successif de stades de développement, n'est qu'une reformulation transformiste de conceptions antérieures selon lesquelles le développement embryonnaire était parallèle à la fois à la chaîne des êtres et à la succession des espèces à la surface du globe.

Tout se passe comme si la parution de l'Origine des espèces avait servi de déclencheur, et précipité l'acceptation de l'hypothèse de la descendance avec modification par une majorité de biologistes allemands, sans que la composante la plus originale de l'ouvrage darwinien, la sélection naturelle, n'ait été réellement intégrée. La situation en France est apparemment plus claire, l'opposition à Darwin y étant généralement plus franche, y compris parmi les partisans de théories transformistes. Ce constat met en tout cas sérieusement en cause la notion de « révolution darwinienne » dans les années 1860–1870, comme l'ont déjà noté des historiens (voir notamment [21–23]). Dans le domaine des sciences morphologiques et de l'interprétation des similitudes et des différences anatomiques et embryologiques entre les êtres vivants, c'est plutôt une impression de continuité qui domine pour la période considérée. Les changements véritablement les plus importants qui surviendront dans les sciences de la vie à la fin du xixe siècle et au début du xxe concerneront plutôt les disciplines expérimentales (comme la mécanique du développement en embryologie), puis l'étude de l'hérédité, que les sciences de l'évolution proprement dites. Ce n'est que plusieurs décennies plus tard, avec la constitution de la théorie synthétique (dite « néo-darwinienne ») dans les années 1920 à 1940, que la sélection naturelle commencera véritablement d'être acceptée avec un certain consensus.


Bibliographie

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[18] E.H. Haeckel Die Physemarien, Gastraeaden der Gegenwart. Nachträge zur Gastraea-Theorie, Jenaische Zeitschrift für Naturwissenschaft, Volume 10 (1876), pp. 55-98

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[23] W. Coleman Limits of the recapitulation theory: Carl Friedrich Kielmeyer's critique of the presumed parallelism of earth history, ontogeny, and the present order of organisms, Isis, Volume 64 (1973), pp. 341-350


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