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Comptes Rendus

Comment améliorer l'allocation des ressources en santé pour une meilleure équité en Afrique ? Quelques voies d'avenir
Comptes Rendus. Biologies, Volume 331 (2008) no. 12, pp. 919-926.

Résumés

Pourquoi les résultats pour la santé en Afrique sont souvent décevants ? Parce-que nous n'avons considéré que la moitié de l'image en ce qui concerne l'allocation des ressources pour la santé. La plupart des projets financés par les gouvernements ont souvent abouti à des résultats décevants, certains indicateurs de santé avancent péniblement et d'autres stagnent. Pourquoi ? L'une des causes, selon l'auteur, serait la concentration des interventions sur le secteur public, sans tenir compte que la moitié des dépenses en santé en Afrique vont au secteur privé. Il est temps de considérer le système de santé dans sont entièreté, et pas que le secteur public.

Dans cet article le secteur privé est défini comme étant toute provision de service de santé fournie par un prestataire non-étatique, qu'il soit du secteur privé formel (pharmacie, clinique, par exemple) ou qu'il soit du secteur privé informel (tradithérapeute, échoppe, par exemple).

Most projects financed by governments often end in deceptive results; certain indicators of health improve little, and certain not at all. Why? One cause could be the concentration of initiatives in the public sector, whereas half of heath care spending in Africa is in the private sector. It is time to consider the health care system in its entirety, and not just the public part. In this article the private sector is defined as all service provision provided by non-governmental supplier, either in the formal private sector (pharmacy, private hospital, etc.) or in the informal private sector (local, traditional therapists, informal consultations, for example).

Métadonnées
Publié le :
DOI : 10.1016/j.crvi.2008.08.005
Mot clés : Partenariat public-privé, Systéme de santé, Secteur privé, Équité, Allocation des ressources du secteur santé
Keywords: Public–private partnerships, Private sector, Health system, Equity, Health sector resource allocation
Tonia Marek 1

1 La Banque mondiale, AFTH2, 1818 H Street, Washington, DC 20433, États-Unis
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Tonia Marek. Comment améliorer l'allocation des ressources en santé pour une meilleure équité en Afrique ? Quelques voies d'avenir. Comptes Rendus. Biologies, Volume 331 (2008) no. 12, pp. 919-926. doi : 10.1016/j.crvi.2008.08.005. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/biologies/articles/10.1016/j.crvi.2008.08.005/

Version originale du texte intégral

1 Trois idées préconçues sur l'Afrique et autres constats

Tant que les trois idées préconçues suivantes ne sont pas détruites, il est difficile d'avancer pour considérer le système de santé dans son entièreté :

  • • Première idée préconçue : la santé est principalement financée par le secteur public. Comme le montre le graphique, Fig. 1, plus de la moitié des dépenses en santé en Afrique sont d'origine privée, en provenance surtout de la poche des ménages, et seulement environ 30% proviennent de l'état et des bailleurs de fonds.
  • • Deuxième idée préconçue : le secteur privé n'est pas très développé en Afrique. Or, une grande partie des services fournis dans de nombreux pays africains provient du secteur privé. Par exemple, la Tanzanie (voir Fig. 2, et [1]), pourtant héritière d'un passé socialiste, où on voit qu'un tiers des dispensaires sont privés.
  • • Troisième idée préconçue : Le secteur privé est pour les riches et le secteur public pour les pauvres.

    Or, si l'on regarde les résultats des analyses de données des Enquêtes Démographie et Santé en Afrique par quintile de revenu, on se rend vite compte que les pauvres utilisent beaucoup les prestataires de santé non-publics lorsque leur enfant a une toux, une fièvre ou une diarrhée (Fig. 3).

Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3

Évidemment, le type de secteur privé utilisé diffère d'un pays à l'autre, et entre le milieu rural et urbain. Par exemple au Malawi, les pauvres, et les riches aussi, ont tendance à aller d'abord dans des échoppes qui vendent des médicaments, comme l'indique la Fig. 4.

Fig. 4

Ainsi, il est évident que les trois idées préconçues n'ont plus lieu. En fait, on a vu que la santé est surtout financée par les ménages et non par le secteur public ; qu'un secteur privé conséquent existe en Afrique, et qu'il est utilisé par les pauvres.

Il nous reste encore un constat d'importance à faire : c'est de voir à quoi est utilisée la majeure partie de la dépense des ménages pour la santé. Comme l'indique la Fig. 5, l'argent que dépense le ménage est surtout utilisé pour acheter des médicaments, et comme on l'a vu plus haut, ces médicaments sont surtout achetés dans le secteur privé. Bien que l'exemple du graphique soit sur le Mali, cette constatation est quasi-universelle pour les pays non industrialisés.

Fig. 5

2 Quelques voies d'avenir

Basé sur ces constats, il nous reste à présent à voir comment d'abord améliorer l'efficacité de la dépense des ménages et ensuite comment améliorer l'efficacité et l'équité de la dépense publique.

Pour améliorer l'efficacité de la dépense des ménages, il y a plusieurs voies, et nous parlerons de deux d'entre elles :

  • – comment améliorer la qualité et la couverture des services utilisés par les pauvres ?
  • – comment faire en sorte que le médicament soit de meilleure qualité et moins cher ?

2.1 Comment améliorer la qualité et la couverture des services utilisés par les pauvres ?

Pour cela, analysons la qualité des services privés qui sont utilisés par les pauvres. Nous nous rendons compte que le secteur privé fait face aux mêmes problèmes de qualité des services que le secteur public. En effet, une enquête effectuée dans 164 structures privées à Kampala, Uganda a montré que dans ces structures 81% des cas simples de paludisme et 64% des cas de pneumonie n'étaient pas traités correctement (Omaswa, [2]). Une autre étude effectuée dans des cliniques d'Afrique du Sud a donné les résultats du Tableau 1. Dans ce cas le secteur privé semble plus performant que le secteur public, mais le score est loin d'être idéal tout de même.

Tableau 1

Traitement dans une clinique privée d'Afrique du Sud

Type d'intervention analysée Public (%) Privé (%)
IST diagnostiquées avec approche syndromique correcte 68 85
IST traitées correctement 80 97

Heureusement, il y a des solutions relativement simples à ce problème. Ainsi, au Kenya, le Kenya Medical Research Institute a formé des gérants de boutiques qui vendaient des antipaludéens. Cette formation de 2 à 4 jours a permis d'augmenter le pourcentage d'enfants recevant la dose correcte d'antipaludéens de 7% à 65%. De même, à Madagascar, la franchise de 17 cliniques de santé de la reproduction « Top-Réseau » a permis d'améliorer le pourcentage des médecins du réseau qui font un diagnostique et un traitement correct des IST de 50 à 90%.

2.2 Comment faire en sorte que le médicament soit de meilleure qualité et moins cher ?

Les ordonnances contiennent trop souvent des spécialités qui pourraient facilement être substituées par des génériques, moins chers. Avec des ordonnances chères, le résultat est que le patient n'achète que le médicament le moins cher ou ne prend pas la dose complète de traitement.

Au Mali, les Comptes nationaux de santé de 2006 ont émis les suggestions suivantes pour pallier à ces problèmes :

  • – que l'État applique le réglementation sur les prix des génériques dans le privé et aussi dans le public ;
  • – que les génériques soient la règle et qu'ils soient plus disponibles dans le public ;
  • – former les prescripteurs, du public et du privé, pour une utilisation plus rationnelle des médicaments.

Il est connu que la qualité des médicaments n'est pas la même partout. En effet, outre les imitations qui deviennent un fléau mondial, le consommateur doit faire face aussi à des médicaments qui n'ont pas toujours subi une évaluation de qualité stricte, des médicaments mal entreposés ou périmés. En 2003, l'OMS avait analysé des échantillons de comprimés de chloroquine dans sept pays africains (OMS, [4]) et avait trouvé que ces comprimés n'étaient pas aux normes dans 50% des boutiques/revendeurs et dans 43% des pharmacies privées. Le problème était le même dans le secteur public ou les médicaments n'étaient pas aux normes dans 70% des hôpitaux de district et dans 46% des centres de santé. La plupart du temps ces comprimés étaient soit sur-dosés soit sous-dosés.

Pour améliorer la qualité du médicament, une des solutions pourrait consister à mettre en place un réseau de franchises pharmaceutiques. Ce type de franchise est en train de se développer : il y a les “CFW Shops” au Kenya, avec un réseau de 65 boutiques, il y a le réseau de 44,000 boutiques “Janani” en Inde, par exemple. Ce type de franchise permet d'assurer un contrôle de qualité et une formation adéquate à tous les membres du réseau par le franchiseur, qui peut être une pharmacie ou une ONG de la place.

2.3 Comment améliorer l'efficacité et l'équité de la dépense publique ?

Nous examinerons de manière succincte quelques possibilités pour améliorer l'équité dans la gestion des ressources financières et l'efficacité des dépenses pour les ressources humaines, il y a bien d'autres solutions qui ne sont pas proposées dans le présent article [5,6].

Pour les ressources financières, l'équité de la dépense pourrait grandement être améliorée. Par exemple, prenons le cas du Mali, où l'état a fait un effort de diviser le pays en trois zones de pauvreté et d'analyser ses dépenses par zone. Cependant, la Fig. 6 indique bien que malgré cet effort, les dépenses par habitant dans la zone la plus pauvre on doublé entre 1999 et 2004 mais elles ont plus que triplé dans la zone 2, qui est moins pauvre. L'idéal aurait été de faire le contraire. Nous ne considérons pas les données de la zone 3 où se trouve la capitale car elles incluent des dépenses pour le secteur hospitalier tertiaire, qui dessert la population du pays entier. Un bon ciblage des ressources financières est possible.

Fig. 6

Pour les ressources humaines, bien que la plupart des pays non industrialisés d'Afrique a un besoin en plus de ressources humaines formées, il est cependant possible d'améliorer grandement l'existant.

Comme nous le voyons dans la Fig. 7, au Mali environ un tiers des étudiants infirmiers et 40% des étudiants sages-femmes commencent mais ne terminent par leur formation professionnelle. Ceci est une grosse perte dans un pays ou les taux de scolarisation sont bas et où ce type de formation spécialisée coute cher à l'état. Il faut absolument diminuer ce taux d'échec.

Fig. 7

En outre, 21% des médecins du secteur public sont utilisés comme administrateurs et pas pour prodiguer des soins.

Même lorsqu'un médecin spécialiste existe, il est parfois sous employé. Par exemple, à l'hôpital régional de Kayes au Mali, faute de matériel tel un œsophagoscope et un audiomètre, tous les cas de corps étrangers sont systématiquement évacués à la capitale, Bamako, c'est-à-dire à plus de 400 kilomètres, alors qu'il y a un ORL à Kayes, un Cubain, qui ainsi ‘chôme’ par manque d'équipements appropriés. De même, à l'hôpital de Kati, qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de la capitale du pays, le service d'odontostomatologie n'est pas fonctionnel faute de fauteuil dentaire, de radio dentaire, etc., ainsi les deux chirurgiens dentistes et leurs trois assistants médicaux ne sont pas fonctionnels non plus. La répartition des ressources humaines existantes est un problème récurrent, ainsi l'hôpital de Mopti ne dispose que de 63 agents sur les 219 prévus alors que l'hôpital du Point G à Bamako dispose d'un surplus de 215 personnel (546 agents par rapport aux 331 prévus). (Rapport sur la situation des hôpitaux du Mali, 2005–2007, publié en Décembre 2007 par l'Agence nationale d'évaluation des hôpitaux, Ministère de la santé, Mali.)

La plupart de ces problèmes pourraient être résolus grâce à une meilleure gestion et peu d'investissement.

2.4 Comment améliorer l'utilisation des ressources existantes via le partenariat-public privé ?

Le partenariat public-privé (PPP) est une méthode de gestion qui peut aider à améliorer l'efficacité de la dépense des ménages et celle du secteur public.

Comme nous l'avons vu, le secteur privé est utilisé par les pauvres mais ce secteur a des problèmes de qualité des services. Travailler avec le secteur privé existant permettrait à l'État d'améliorer la couverture ainsi que la qualité des services de santé. Les gouvernements sont capables d'influencer le secteur privé par divers moyens, comprenant en particulier :

  • • Le financement du secteur privé afin de le rendre plus efficient ou ciblé (tels qu'un appui financier destiné aux programmes d'assurance santé et à la promotion de la demande comme pour des mutuelles de santé communautaires ou des bons) ;
  • • Des réformes législatives et réglementaires permettant des environnements propices au secteur privé ;
  • • Des partenariats officiels avec le secteur privé visant à encourager la prestation de certains types de services de santé.

Un gouvernement choisira le type de partenariat selon la responsabilité, ou le risque, qu'il veut garder pour lui ou déléguer au partenaire privé, comme schématisé dans le Tableau 2.

Tableau 2

Types de responsabilités/risques transférés au secteur privé selon différents types de PPP et lors de privatisation

Responsabilité transférée au secteur privé Contrat simple de services Contractualisation Leasing Concession Franchise Privatisation
Provision de services × × × × × ×
– gestion générale × × × × ×
– du matériel × × × × ×
– du personnel × × × × ×
Entretien des biens × × × ×
Construction et réhabilitation × × ×
Propriété des biens × ×
Risques liés à la demande de services Souvent Presque toujours Toujours Toujours
Accès au financement privé Parfois Toujours Parfois Toujours

Nous présentons à présent une vue d'ensemble de certaines de ces pratiques, en particulier les bons, la contractualisation, et les franchises. La privatisation en santé est rare, sauf pour quelques cas de centrales d'achat de médicaments qui ont été privatisées en Afrique de l'Ouest.

3 Les bons (“vouchers”)

Les programmes de bons en matière de services de santé constituent un mécanisme de subvention pour la prestation de services particuliers à des groupes ciblés, grâce au bon pouvant être échangé pour l'achat complet ou partiel d'un bien ou d'un service. L'idée principale étant que dans certaines circonstances, subventionner la demande se révèle être plus efficace que d'accorder des subventions pour améliorer l'offre. Les bons sont créés pour inciter à accroitre l'utilisation du produit ou du service en question. L'objectif est de sélectionner spécifiquement des interventions de santé ayant un bon ratio cout-efficacité, et de cibler directement les groupes vulnérables.

En Afrique, des programmes de bons ont été mis en place pour la distribution de contraceptifs (en Zambie), et la prestation de services de santé de la reproduction (au Kenya). En Tanzanie, le programme de bons pour l'achat de moustiquaires imprégnées par les femmes enceintes a contribué à augmenter le pourcentage de ménages avec au moins une moustiquaire de 37 à 73% entre 1997 et 2000 (Tami et al. [7]). Un autre programme à succès de bons pour des services de santé de la reproduction a été mis en œuvre au Nicaragua (Borghi et al. [8]). Ce programme, géré par une ONG, vise les travailleuses du sexe qui échangent leurs bons contre le dépistage et le traitement des IST, l'information, et les préservatifs, fournis par des prestataires privés à but lucratif ou des ONG. Un des résultats est que 528 IST ont effectivement été guéries alors qu'en l'absence du programme il a été calculé que seulement 85 IST auraient été guéries.

4 La contractualisation des services de santé

Trois conditions de base doivent être satisfaites afin de garantir le succès de la contractualisation :

  • – une connaissance de base des services devant être contractualisés (afin d'être apte à définir le contenu du contrat) ;
  • – une capacité à gérer le contrat ;
  • – des fonds suffisants pour couvrir les couts des services au niveau prévu.

La contractualisation est un type de PPP dans lequel le secteur public acquiert des services spécifiques chez un prestataire privé. La contractualisation remplace les structures de gestion hiérarchiques typiques des bureaucraties par des relations contractuelles entre les acquisiteurs et les prestataires – c'est-à-dire en séparant l'acquisition de l'offre. Comme schématisé dans le Tableau 3, on passe de l'allocation par budget historique, à des contrats qui exigent des résultats. La ligne ‘contrat de services’ a été incluse pour montrer que certains contrats, quand ils sont mal élaborés, ce qui existe encore fréquemment partout dans le monde, ne permettent pas de motiver le prestataire à bien faire. L'auteur a eu cette expérience en République Dominicaine ou presque US$ 15 millions étaient attribués par le secteur public à des privés (ONG et à but lucratif) sur base de contrats ‘de complaisance’, dont la plupart ne mentionnaient même pas les objectifs à atteindre, ni la durée du contrat.

Tableau 3

Évolution de l'allocation des ressources au secteur privé

Allocation au secteur privé Objectifs spécifiés ? Résultats demandés ? Motivation a bien faire ?
Budget historique Parfois Non Aucune
Budget par capita ou autre critère objectif Parfois Non Non
Contrat de services Parfois Parfois Non
Contrat de services bien fait Oui Oui Contrat rompu ou pas renouvelé
Contrat de performance Oui Oui Payé mieux si résultats meilleurs
Contrat de résultats (« output based aid ») Oui Oui Payé seulement si résultats

La contractualisation a été utilisée avec succès en Afrique dans le domaine des soins de santé primaires, de la formation, de la nutrition. Au Sénégal et à Madagascar, les projets PNC et SECALINE sont deux exemples de contractualisation dans lesquels une approche de gestion déléguée de contrats fut utilisée afin de mettre en œuvre des projets de nutrition à grande échelle ciblant les enfants et les femmes enceintes et allaitantes. Au Sénégal, le PNC a utilisé des GIE, qui n'étaient pas des professionnels de la santé, pour fournir des services de nutrition dans les quartiers pauvres des dix grandes villes du pays. La malnutrition sévère a disparue chez les enfants âgés de 6 à 11 mois et la malnutrition modérée chez ceux âgés de 6 à 35 mois a baissé de 28% à 24% dans les quartiers ciblés. A Madagascar une approche similaire a été utilisée mais adaptée au milieu rural avec comme résultat une nette diminution de la malnutrition (T. Marek et al. [9]).

Nous pouvons aussi bâtir sur les succès obtenus dans d'autres continents, par exemple, en Inde des évaluations ont montré l'efficacité de contractualiser avec des ONG et des cabinets privés. Le premier exemple concerne une évaluation entre deux zones, une gérée par une ONG contractualisée, le Mahavir Trust, qui elle-même travaillait avait des privés, et une autre zone, Osmaina, gérée par le secteur public [13] :

  • • Le Mahavir Trust a commencé le TB DOTS en 1995 avec des fournisseurs de services de santé privés ;
  • • Expansion en 1998 à 500,000 personnes qui ne sont pas couvertes par le secteur public ;
  • • L'accord stipule que le MS fournit médicaments, formation, fournitures de labo, et le Mahavir paye le personnel et les frais de fonctionnement.

L'analyse des résultats indique que la zone couverte par les ONG a fait mieux que la zone couverte par le secteur public pour plusieurs paramètres (Fig. 8). Un autre exemple de contractualisation avec des cabinets de médecins privés pour augmenter le taux d'accouchements assistés a montré l'efficacité de cette approche dans l'état de Gujarat (voir Fig. 9 et [10]).

Fig. 8
Fig. 9

5 La franchise des services de santé

L'avantage de la franchise est qu'avec un seul contrat avec le franchiseur, le gouvernement atteint tout un réseau de franchisés. Les franchises servent en général à augmenter la couverture ou/et la qualité des services de santé.

De nombreux exemples de franchises existent, pour la distribution de produits tels les condoms (grâce en particulier à PSI en Afrique), les médicaments (CFW au Kenya [11], Janani en Inde [12] avec 40,000 boutiques) ou les moustiquaires imprégnées (en Tanzanie et au Ghana avec les ‘Mamasanté’ de Freedom from Hunger qui deviennent les représentants locaux de ventes de certains produits) et pour l'offre de services tels la santé de la reproduction (RedPlan Salud au Pérou qui implique plus de 1000 sages-femmes qui fournissent des services dans sept villes).

La question est : les franchises ciblent-elles les pauvres ? Il semblerait que oui, car ce ciblage se fait souvent de manière géographique, les franchisés étant établis dans des quartiers ou zones pauvres (Fig. 10).

Fig. 10

6 Que doivent faire le gouvernement et le secteur privé pour obtenir des PPP à succès ?

Le secteur public doit s'adapter pour mieux s'engager dans des PPP en s'assurant, grosso modo, de ce qui suit :

  • 1. En renforçant le rôle de l'état afin qu'il puisse continuer à assurer ses fonctions essentielles :
    • – Élaboration de la politique de santé ;
    • – Recherche de financements ;
    • – Financement du système de santé ;
    • – Réglementation ;
    • – Contrôle de la qualité et de l'équité ;
    • – Suivi et évaluation ;
    • – Dissémination de l'information ;
    • – Allocation efficace et efficiente des ressources.
  • 2. En renforçant la capacité à contractualiser du Gouvernement, des collectivités locales, grâce à la formation, aux leçons apprises.
  • 3. En s'assurant que le secteur privé est inclus dans les formations techniques.

Le secteur privé doit aussi s'adapter pour pouvoir s'engager dans des PPP et ainsi pouvoir bénéficier de financements du Gouvernement et contribuer aux objectifs de santé publique. Le secteur privé doit : (a) s'organiser en groupes afin de faciliter le dialogue ; et (b) gagner sa place à la table de prises de décisions, dans certains fora.

7 Conclusion

Il est grand temps que les Gouvernements, les institutions de développement et les bailleurs de fonds en général s'intéressent au système de santé dans son ensemble et pas seulement au secteur public, comme cela a été presque exclusivement le cas jusqu'à présent. Afin de mobiliser les ressources existantes du secteur privé, différentes modalités de PPP sont possibles. Cependant, pour réussir il faudra s'appuyer sur les leçons apprises des succès et des échecs, et se préparer de manière adéquate à entrer dans des partenariats de manière professionnelle et rigoureuse.


Bibliographie

[1] S. Mac Donagh; S. Murray; T. Ensor Examining the role of private maternity services in Nepal, India, and Tanzania, 2003 http://www.options.co.uk/documents/FinalTanzaniareport.pdf

[2] F. Omaswa Utilizing the potential of formal and informal private practitioners in child survival in Uganda, 1999 http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PNACN871.pdf

[3] N. Palmer et al. Private providers and implications for public health, Bull. WHO, Volume 81 (2003) no. 4

[4] OMS, The quality of antimalarials, http://whqlibdoc.who.int/hq/2003/WHO_EDM_PAR_2003.4.pdf, 2003

[5] T. Marek et al. Contractualisation (Général): Tendances et perspectives des partenariats entre les secteurs public et non-étatique pour améliorer les services de santé en Afrique, Banque Mondiale, 2006 http://go.worldbank.org/AM899JPG00

[6] Perrot J., De Roodenbeke E., Contractualisation (Général) : La contractualisation dans les systèmes de santé, Karthala, 2005

[7] A. Tami et al. Bons (Tanzanie): Use and misuse of a discount voucher scheme as a subsidy for insecticide-treated nets for malaria control in southern Tanzania, 2005 http://heapol.oxfordjournals.org/cgi/content/abstract/18/2/163

[8] J. Borghi et al. Bons (Nicaragua): The cost-effectiveness of a competitive voucher scheme to reduce sexually transmitted infections in high-risk groups in Nicaragua, 2005 http://heapol.oxfordjournals.org/cgi/content/full/20/4/222

[9] T. Marek et al. Contractualisation (Madagascar, Sénégal): Successful contracting of prevention services: fighting malnutrition in Senegal and Madagascar, Journal of Health Policy and Planning, Volume 14 (1999) no. 4, pp. 382-389

[10] R. Bhat et al. Contractualisation (Gujarat, Inde): Maternal health financing – issues and options – a study of Chiranjeevi Yojana in Gujarat, Indian Institute of Management, Ahmedabad, India, March 2007 http://www.iimahd.ernet.in/publications/data/2006-08-03rbhat_Revised_Mar07.pdf

[11] Franchises (CFW, Kenya), http://www.cfwshops.org et Robert Bates, What Works in Africa, The American, Jan/Feb. 2007 www.american.com

[12] Franchises (Ghana), http://www.freedomfromhunger.org/pdfs/mbh_concept.pdf

[13] Floyd et al. Contractualisation (Hyderabad, Inde): Cost and cost-effectiveness of public and private sector collaboration in tuberculosis control: evidence from India, Bull. WHO, Volume 84 (2006), pp. 437-445


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