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Comptes Rendus

La lutte contre la contrefaçon de médicaments en Afrique : expériences et rôle des pharmaciens
Comptes Rendus. Biologies, Volume 331 (2008) no. 12, pp. 982-985.

Résumés

La contrefaçon de médicaments est un fléau mondial, qui touche aujourd'hui tout particulièrement l'Afrique. Selon les estimations de l'OMS, alors que les contrefaçons de médicaments représentent environ 1% du marché dans les pays développés, ce taux s'élève jusque-là 30% sur les marchés africains.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer l'importance de ce phénomène en Afrique, qu'il s'agisse des faiblesses de la législation et des contrôles, des problèmes d'accès au médicament ou de l'attitude des gouvernements.

Les médicaments contrefaits peuvent présenter des niveaux de risques différents suivant le type de contrefaçons dont il s'agit (principe actif contenu ou non, dosage correct ou non, présence de substances toxiques, etc.). En Afrique, de tristes exemples ont montré l'impact dévastateur que l'usage de médicaments contrefaits peut avoir (au Nigeria en 1990 ou au Niger en 1995 par exemple).

Les pharmaciens ont un rôle important à jouer dans la lutte contre la pénétration des médicaments contrefaits, à la fois en garantissant la sécurité de la chaîne pharmaceutique et en menant des actions auprès des patients.

Plusieurs organisations internationales telles que la CIOPF (Conférence des Ordres des Pharmaciens Francophones) ont émis des recommandations sur ce sujet. Mais l'expérience et l'expertise d'organisations nationales telles que l'Ordre de la Côte d'Ivoire sont également riches d'enseignements et méritent d'être présentées.

The counterfeiting of medicines is a global scourge, which is particularly serious in the African continent. According to WHO estimations, whereas counterfeit medicines represent 1% of the market in developed countries, up to 30% of the medicines sold in African countries are counterfeit.

Several factors may explain this high rate in Africa, from the weaknesses of legislation and controls, to the lack of affordability of medicines and the attitude of governments.

A counterfeit medicine represents different levels of risk, depending if the active substance is present or not, if the dosage is the right one, if the product contains toxic substances, etc. In Africa, several examples sadly showed the terrible impact the use of counterfeit medicines may have (i.e. Nigeria, 1990, Niger, 1995).

Pharmacists have a crucial role to play in fighting against the penetration of counterfeit medicines, both in securing the distribution chain, and in leading some actions towards patients. The FIP has produced some guidelines on this issue by adopting a statement (which was last updated in 2003) and by providing pharmacists with useful tools on its website. Several international organizations such as the CIOPF (International conference of French-speaking Orders) produced recommendations on this issue. However, the experience and expertise gained by national organizations from countries such as Côte d'Ivoire are also worth sharing and are presented here.

Métadonnées
Publié le :
DOI : 10.1016/j.crvi.2008.08.017
Mot clés : Contrefaçon de médicament, Afrique
Keywords: Counterfeit medicines, Africa

Martine Chauvé 1

1 Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 4, avenue Ruysdael, 75008 Paris, France
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Version originale du texte intégral

1 La contrefaçon, un fléau pour le continent africain

1.1 Définitions

Selon l'Organisation mondiale de la santé, un médicament contrefait est un médicament qui est délibérément et frauduleusement muni d'une étiquette n'indiquant pas son identité et/ou son origine véritable.

La contrefaçon peut viser une spécialité de référence (produit de marque) ou un médicament générique.

La contrefaçon de médicaments peut recouvrir des réalités tout à fait différentes [1] : La présentation et/ou composition de la contrefaçon peut être identique au médicament initial, mais la composition peut également en être différente (absence, sous dosage ou surdosage de principe actif, présence d'ingrédients nocifs) ; Il peut enfin s'agir d'une falsification du conditionnement (permettant par exemple de « repousser » la date de péremption de médicaments périmés).

1.2 Ampleur du phénomène

L'OMS a publié en novembre 2006 les dernières estimations de l'ampleur du phénomène au niveau mondial. Selon l'OMS, alors que seulement 1% des médicaments dans les pays développés seraient des contrefaçons (bien qu'on assiste à une augmentation du nombre de saisies dans ces pays), jusqu'à 30% des médicaments vendus sur le marché africain sont contrefaits. Certains pays sont particulièrement touchés par ce fléau (Angola : 70%, Nigeria, etc.). Les contrefaçons se concentrent dans le marché illicite des médicaments.

1.3 Facteurs favorisant le développement du marché des médicaments contrefaits

Comment peut-on expliquer l'ampleur de ce phénomène sur le continent africain ? Plusieurs facteurs concourent au développement des contrefaçons de médicaments : une législation faible quant au circuit du médicament, une absence ou une faiblesse des autorités de régulation du médicament, le manque de contrôles efficaces des médicaments importés, l'absence de lois ou une inefficacité dans leur application, parfois la corruption et les conflits d'intérêts, une absence de protection sociale qui, combinée à des prix élevés, conduit à la recherche d'un accès aux traitements à moindre coût, l'alimentation du marché illicite (par des médicaments non utilisés par exemple).

1.4 Les dangers de la contrefaçon

On estime que 32,1% des médicaments contrefaits ne contiennent pas de principe actif, 21,4% contiennent le mauvais principe actif, 20,2% ne contiennent pas la bonne quantité de principe actif, 15,6% contiennent le bon dosage du bon principe actif mais pas le bon emballage, et pour 8,5% des médicaments contrefaits, des taux importants d'impuretés ou de substances toxiques ont été détectés. Enfin, 1% des contrefaçons de médicaments ne sont que des copies illégales de produits (cf. Fig. 1).

Fig. 1

Les contrefaçons de médicaments.

Ainsi, les médicaments contrefaits peuvent être dangereux de différentes manières. En Afrique, de tristes exemples ont montré l'impact dévastateur que ceux-ci peuvent avoir : au Nigeria, en 1990, un sirop contre la toux à base de diéthylène glycol a causé la mort de 109 enfants ; au Niger, en 1995, lors d'une épidémie de méningite, 50 000 personnes ont été vaccinées par des vaccins contrefaits (inefficaces), causant la mort de 2500 personnes (par défaut de protection vaccinale).

2 Le rôle du pharmacien dans la lutte contre les contrefaçons

2.1 Le pharmacien, acteur de la sécurisation de la chaîne : l'organisation du circuit légal des médicaments

Dans de nombreux pays africains, il existe une chaîne pharmaceutique : les médicaments ne peuvent être vendus que par des pharmaciens inscrits à l'Ordre (au niveau de l'industrie, de la distribution, des officines, ...).

Il est indispensable de permettre aux pharmaciens de vérifier la licité de leurs sources d'approvisionnement via des registres d'établissements autorisés par l'Agence du médicament et par la mise en ligne des listes des pharmaciens inscrits au Tableau de l'Ordre.

A travers les sanctions disciplinaires, l'Ordre peut en outre sanctionner les pharmaciens exploitant délibérément des contrefaçons de médicaments.

2.2 Les actions du pharmacien auprès des patients : l'éducation des patients sur les sources d'approvisionnement

Le pharmacien doit conseiller aux patients de n'acheter ses médicaments qu'auprès de sources fiables. En cas de doute sur une source d'approvisionnement, le patient peut se référer à l'Ordre des pharmaciens ou au Ministère de la santé (Fig. 2).

Fig. 2

Exemple d'affiche de sensibilisation du grand public aux contrefaçons (REMED).

Les pharmaciens peuvent délivrer des messages simples tels que demander aux patients de leur signaler tout changement dans l'efficacité ou dans l'aspect des médicaments, même si ces derniers n'ont pas été achetés dans la pharmacie.

3 Les engagements et actions des pharmaciens

3.1 Les actions des organisations internationales de pharmaciens

Au-delà du groupe IMPACT de la Fédération internationale pharmaceutique, les initiatives de la Conférence internationale des ordres de pharmaciens francophones (CIOPF) méritent d'être soulignées.

La CIOPF est une association rassemblant les Ordres nationaux de pharmaciens des pays qui ont en commun l'usage du français. Elle a été créée en 1994 et comporte aujourd'hui 31 membres.

Le 16 février 2006, la CIOPF a adopté une déclaration intitulée : « Les pharmaciens s'engagent pour préserver la sécurité des patients face aux médicaments ». Dans ce texte, la CIOPF émet un certain nombre de recommandations qui s'adressent à la fois aux pharmaciens, aux pouvoirs publics et aux patients. Le texte de la déclaration est consultable à l'adresse suivante : http://www.ciopf.org.

Mais il convient également d'agir à l'échelle nationale et locale. De nombreuses actions ont ainsi été menées par les Ordres africains.

3.2 Les combats particuliers menés par les Ordres africains : exemple de la Côte-d'Ivoire

En Côte d'Ivoire, des groupes criminels structurés et puissants, qui bénéficient de soutiens en plus haut lieu, sont à l'origine des contrefaçons de médicament.

Depuis fin 2006 : l'Ordre des pharmaciens mène une campagne active de lutte contre les « médicaments de la rue » autour de trois axes : couper les sources d'approvisionnement, sensibiliser la population aux risques, saisir et détruire les médicaments des sites connus (cf. Fig. 3).

Fig. 3

Campagne de communication de l'Ordre des pharmaciens de Côte d'Ivoire.

Concrètement, l'Ordre a radié du tableau les pharmaciens impliqués, a demandé la fermeture des marchés de médicaments de rue et la suppression des doubles comptes des pharmaciens auprès des grossistes répartiteurs.

Cette bataille n'a pas été menée sans difficultés. Les pouvoirs publics ont affiché une certaine réticence à cette politique, et le 1er juin 2007, le siège du Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens de Côte d'Ivoire a été attaqué par des hommes armés.

4 Conclusion

Les pharmaciens sont des acteurs majeurs de la lutte contre les contrefaçons, de par leur expertise du médicament et leur capacité à détecter des produits contrefaits, de par leur sélection des sources fiables d'approvisionnement, de par leur contact régulier avec les patients (information des populations sur les risques des sources illégales).

Toutefois, leur action n'est efficace que si elle est soutenue par les pouvoirs publics.


Bibliographie

[1] Guide pour l'élaboration de mesures visant à éliminer les médicaments contrefaits, OMS, Genève, 1999


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