1 Introduction
L’agriculture urbaine est devenue à travers le monde entier, et spécifiquement dans les pays en développement, l’une des activités nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire des citadins. Les travaux de Smith et al. [1], de Niang [2], d’Akinbamijo et al. [3] et de Koc et al. [4] ont montré que l’agriculture urbaine est socialement importante. Le Bénin a connu un développement de l’agriculture urbaine, avec un fort usage d’intrants. Ainsi, la population a développé une stratégie locale de production maraîchère qui s’est traduite par l’utilisation des fientes de poulets et d’eaux des marécages pour amender et arroser les produits maraîchers. Mais la présence d’éléments traces dans les fientes représente une contrainte majeure envers son utilisation en agriculture. Cela pourrait être à l’origine d’intoxications alimentaires au niveau des consommateurs de légumes frais. Ayant donc remarqué qu’un nombre croissant de maraîchers préfèrent cette utilisation, ce travail a évalué les impacts que cette pratique pourrait avoir sur la qualité toxicologique de Solanum macrocarpon. Pour cela, l’étude a pris en compte le plomb. Des travaux ultérieurs s’étaient intéressés au cadmium et avaient fait l’objet de publications.
2 Cadre, matériel et méthodes d’étude
2.1 Cadre d’étude
Quatre sites ont été inclus dans l’étude, à savoir un site témoin à Glo-Djigbé, mis en place uniquement pour les besoins de l’étude, et trois sites maraîchers à Houéyiho, Fidjrossè et Agongbomey. Tous les maraîchers de ces sites utilisent les fientes de poules pondeuses pour amender les différentes cultures produites. Seul un site, celui de Glo-Djigbé n’a pas connu de compostage de fientes avant amendement des cultures. En effet, aucun compostage n’y a été réalisé, alors que sur les autres sites, les fientes sont laissées au séchage pendant trois jours à deux semaines environ. Deux systèmes d’arrosage, à savoir le forage et la terre creusée du marécage, sont pratiqués sur deux sites. Les deux autres sites d’étude connaissent un seul système d’arrosage : terre creusée de marécage pour le site d’Agongbomey et robinet pour celui de Glo-Djigbé.
2.2 Matériel d’étude
Des sachets blancs étiquetés avec des markers, des gants stériles, une glacière, etc. ont été utilisés pour les prélèvements. Un spectrophotomètre d’absorption atomique (SAA) et de la verrerie ont été utilisés pour les tests.
2.3 Méthodes d’étude
Il s’est agi d’une étude transversale qui s’est déroulée à Cotonou de novembre 2011 à janvier 2012, sur quatre sites de culture de S. macrocarpon. Sur chaque site, des prélèvements de sols, d’eaux d’arrosage, de feuilles de S. macrocarpon et de fientes ont été réalisés chez deux maraîchers choisis de façon aléatoire. Le plomb a été dosé au laboratoire des sciences du sol, eaux et environnement de l’Inrab au Bénin, selon la méthodologie décrite par Dougnon et al. [5]. Les moyennes et écarts-types ont été calculés et le test de Student appliqué avec un seuil de signification de 0,05 avec XL Stat 2011.
3 Résultats et discussion
3.1 Contamination des fientes de poulets
Les moyennes obtenues, en mg/kg, pour les fientes de poulets sont présentées sur la Fig. 1. On note un pic de contamination au niveau du site de Glo-Djigbé.
Les fientes ayant servi à l’amendement des différents sites d’étude sont toutes contaminées par le plomb. Ces résultats sont confirmés par les travaux de Gupta et Charles [6], qui ont trouvé des valeurs inférieures à 35 mg/kg dans des échantillons de fientes. De même, Kouassi et al. [7] ont trouvé que les fientes épandues sur les sols maraîchers d’Abidjan sont riches en plomb. Cependant, elles demeurent faibles par rapport à la valeur seuil Afnor, qui est 180 mg/kg [7]. Ces indices de contamination sont significativement différents au niveau du site de Glo-Djigbé comparé aux autres sites. Cela serait certainement dû au fait que les fientes de poulets proviennent de divers poulaillers. Toutefois, la présence d’une forte concentration de plomb dans les fientes du site témoin de Glo-Djigbé n’ayant connu aucun compostage pourrait signifier que le compostage joue un rôle assez important dans la capacité de rétention de métaux lourds des fientes. En effet, des fientes humides et compactes retiendraient mieux le plomb que des fientes sèches, de la même manière que les sols lourds en retiennent [8].
3.2 Contamination des sols de maraîchage
Les moyennes obtenues sont présentées sur la Fig. 2. On remarque un pic de contamination du sol de Houéyiho par le plomb (Fig. 2).
Les sols des sites maraîchers sont tous contaminés par le plomb. Ces résultats sont vérifiés par les travaux de Chidikofan [8], qui a souligné que le sol de Houéyiho était fortement contaminé par les métaux lourds. Cela pourrait s’expliquer par la situation géographique du site, au cœur du trafic routier. Toutefois, la pollution du sol du site témoin montre à quel point la pollution atmosphérique n’a pas de limites. Il ne faut néanmoins pas exclure le fait que les grandes quantités de fientes de poulets et de déchets organiques utilisés sur les sites maraîchers depuis des années pourraient avoir contaminé ces sols en plomb [8].
3.3 Contamination des eaux d’arrosage
Les eaux sont peu contaminées par le plomb, avec des moyennes comprises entre 0,017 et 0,038 mg/L. Elles contiennent donc des résidus de plomb à des taux inférieurs à la norme recommandée par la FAO. Cette norme est de 5 mg/L [9]. Chidikofan, qui avait travaillé sur le site de Houéyiho, a abouti aux mêmes conclusions [8]. On pourrait alors dire que les eaux d’arrosage des sites d’étude, malgré quelques traces de plomb, ne présentent pas de risques toxicologiques majeurs.
3.4 Contamination des feuilles de S. macrocarpon
Les moyennes obtenues sont présentées sur la Fig. 3. Les feuilles issues de tous les sites dépassent les normes fixées par la FAO en matière de contamination de légumes par le plomb.
Sur le site témoin de Glo-Djigbé, le taux de plomb est neuf fois supérieur à la valeur limite, qui est de 0,1 mg/kg [10]. Il a atteint près de 11 fois cette valeur sur les sites de Houéyiho et de Fidjrossè, et quatre fois sur le site d’Agongbomey. La pollution de ces feuilles par le plomb serait alors due, soit à la contamination des sols par ce métal, soit à celle des fientes. C’est ce que soulignent Kozlowski et Baraniecki [11] en affirmant que, généralement, la présence de métaux lourds dans les feuilles de légumes est liée à celle de métaux dans le sol. L’amendement des sols par les fientes non compostées de façon correcte a tendance à rendre disponibles les métaux dans le sol [12]. Les fortes teneurs en plomb des sols de maraîchage devraient donc expliquer leur accumulation dans les végétaux [13]. Par ailleurs, le plomb peut aussi s’accumuler dans d’autres substances, telles que la viande d’escargot géant (Achatina achatina), comme l’ont notifié Edorh et al. [14]. Il ressort de ces travaux que les escargots ont accumulé des teneurs moyennes en plomb de 8,56 mg/kg. L’étude a considéré ces escargots comme des bio-indicateurs de la contamination par le plomb, ce qui n’est pas forcément le cas du légume étudié.
4 Conclusion
Des contaminations des fientes de poulets, des eaux d’arrosage, des sols et des feuilles de S. macrocarpon par le plomb ont été détectées sur tous les sites d’étude, avec des valeurs parfois supérieures aux normes recommandées par la FAO. La présence de métaux lourds dans les légumes des différents sites d’étude pourrait être à l’origine d’intoxications et nuisances alimentaires. Le compostage des fientes de poulets avant leur application sur les légumes fait partie des mesures atténuantes.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.