Abridged version
Past fire recurrence is hypothesized to impact vegetation structure and would thus alter the behaviour of future fires. Actually, plants constitute the wildland fuel that influence both fire ignition and fire spread [1,2]. The behaviour of wildland fires (i.e. rate of spread, fireline intensity and energy released) is hypothesized to vary according to the structure of the fuels, i.e. multi- or mono-layered [1,3,4]. In Mediterranean ecosystems, fuels are often heterogeneous both spatially and in terms of composition [5,6], while the fire behaviour models commonly used, as the semi-empirical model BEHAVE [7], do not explicitly take into account these heterogeneities. Fire simulations in Mediterranean heterogeneous fuels [8] indicate that the fire behaviour at stand scale depends on fuel composition, phytomass, density [9], amount and structural arrangement of dead and live biomass and spatial connectivity between fuels (both vertically and horizontally), i.e. contacts or distance between individuals in the same vegetation layer or between different layers, inducing a ‘ladder effect’ in fire spread [10]. As an example, fire would propagate slowly with low intensity in dense and mature Quercus suber L. woodlands due to a low understory, while it is faster and more intense in sparse stands with a dense understory made of shrubs [10].
In this paper, we examined the fire behaviour of stands affected by 0 to 4 fires along the past 50 years, with different time intervals between fires. The vegetation mosaic was dominated by Quercus suber L. and Erica–Cistus shrubland communities of southeastern France (Maures Massif, acidic soils). We tested five vegetation types from shrublands to woodlands (‘Woodland’, ‘Woodshrub’ for woodland on shrubland, ‘HighShrub’ for high shrubland, ‘MedShrub’ for medium shrubland, ‘Lowshrub’ for low shrubland), based on field classification, fitting well with European vegetation typologies such as Prometheus [11,12] and EUNIS [13].
We used the physical model Firetec [14,15], which is designed to model the fire behaviour in heterogeneous fuels such as those tested here. We measured different variables describing the vegetation structure, including height, base of tree crown or shrub layer, mean diameter, cover, plant water content, and bulk density. The velocity of the wind was constant in all simulations (10 m/s at a height of 40 m, as prescribed by the Fire Paradox project), and the slope was kept constant. We note that many validations were conducted with Firetec in Mediterranean shrublands [16] with abiotic and biotic parameters: slope [17], water content and vegetation density [18], in canopies [19–21], interactions between plumes of fire-back [16], radiative fluxes [20], and gas speed/temperature in the fire plume [22].
Long fire intervals and low fire recurrence lead to mono-layered fuels dominated by trees, which limit fire spread. Recurrent fires at short intervals favour low and sparse shrublands with low fuel biomass, which also makes new fires unlikely. We thus suggest that mature and submature forests are ‘self-protective’ against the fire risk, like low shrublands recurrently burnt that do not have enough plant material to burn readily. Conversely, intermediate fire recurrence leads to multi-layered fuels where trees and shrubs are interconnected spatially, inducing high fire intensity and spread, particularly for high shrublands (mean rate of spread 1.13 m/s, mean fire intensity 14 600 kW/m) and well-connected woodlands on shrublands (mean rate of spread 1.53 m/s, mean fire intensity 12 900 kW/m).
Our simulated spread rates were higher than those found in the literature (from 0.2 to 1.1 and 1.53 m/s). For example, the experiments of Fernandes et al. on low shrublands [1] predicted lower values (from 0,005 to 0,235 m/s with an empirical model) than those we obtained. This is probably linked to differences between the wind velocity they used and plant water content values, since their model was fitted over prescribed fires in probably far less severe conditions than the ones we used for extreme summer conditions in this study. Moreover, Firetec simulates an infinitely large fire front (cyclic lateral conditions), increasing the rate of spread [17,23], in comparison with an about 10 m large fire front for Fernandes et al. [1]. Concerning fire intensity values, Trabaud [24] gives values between 8000 and 40,000 kW/m for the crown fires, which are coherent with our results, as for the works of Pimont [15].
These results confirmed our hypotheses: past fire recurrence affects future fire behaviour, with multilayered vegetation (corresponding mainly to intermediate fire recurrence) producing more intense fires. Further simulations, with more vegetation scenes with varied shrub and canopy covers, would complete this study. This study has implications for the stand-scale management of these fire-prone ecosystems.
1 Introduction
Connaître la combustibilité des peuplements et le comportement du feu pour les principaux types de végétation est primordial en région méditerranéenne, où les incendies constituent une perturbation sévère et récurrente. De nombreuses études et expérimentations visent à identifier et quantifier les facteurs influençant le comportement des feux afin de réduire le risque d’incendie, limiter l’impact des feux, les contrôler ou prévoir leur évolution en temps réel [9,25–31]. Parmi ces facteurs, les conditions météorologiques et topographiques, ainsi que les caractéristiques de la végétation, sont souvent retenues [1,2,32]. En ce qui concerne les caractéristiques végétales, le comportement des feux (vitesse, intensité, énergie libérée…) est supposé varier selon la composition, la biomasse et la structure de la végétation [1,3,4].
Les facteurs du comportement du feu sont ainsi soumis à l’influence de facteurs naturels (dynamique de la végétation, interactions entre espèces, sol, climat), à l’action anthropique et aux perturbations. Différentes récurrences de feux sur cinquante ans entraînent différents faciès de structure végétale [33], ce qui devrait influencer en retour le comportement des feux futurs. En effet, la récurrence des feux se traduit par une modification de la structure de la végétation qui privilégie le développement de la strate basse aux dépends de la strate haute, en sachant que la continuité verticale du couvert constitue l’un des facteurs clés contrôlant le comportement du feu.
D’après les brûlages dirigés et les expériences tirées des modèles physiques les plus récents [1,27,34–36], les formations végétales denses et homogènes favorisent la propagation d’un feu. C’est le cas de formations hautes à Ulex parviflorus Pourr. en Espagne [9,29]. Au sein d’une même séquence de végétation, comme celle des landes à Ulex, le comportement du feu et le risque d’incendie varient en fonction du stade de développement de la végétation [37]. C’est pourquoi il est nécessaire d’étudier l’effet des différentes variables descriptives de la récurrence des feux : nombre de feux et intervalle de temps entre les feux.
Dans les formations végétales multi-stratifiées, le comportement du feu varie selon la continuité à l’intérieur des strates et entre strates. Ainsi, le feu se propagerait lentement, avec une faible intensité, dans des communautés matures à Quercus suber L. ayant un sous-étage clairsemé, alors qu’il serait plus rapide et intense dans des formations arborées plus claires, mais avec un sous-étage plus dense [10,36].
Les variations de structure de végétation (hétérogénéité verticale et horizontale de la végétation) sont particulièrement fortes dans les écosystèmes méditerranéens, du fait de la coexistence de nombreuses espèces ligneuses et herbacées dont les traits de vie répondent au régime des feux [38]. Les écosystèmes soumis à des feux récurrents peuvent d’ailleurs présenter une perte de résilience [39–43]. Il existe ainsi une large gamme de structures de végétation en région méditerranéenne, depuis les formations herbacées, puis arbustives dominées par des espèces ligneuses basses jusqu’aux forêts hétérogènes. De même, l’échelle d’hétérogénéité du combustible (de la particule au paysage) est très variable. Ainsi, les écosystèmes méditerranéens concernent une végétation particulièrement hétérogène spatialement [5,6].
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact de la récurrence passée des feux (nombre de feux en 50 ans) sur le comportement des feux futurs. Deux démarches sont possibles pour tester l’influence de la structure de la végétation sur le comportement de feux : l’expérimentation ou la modélisation. Les expérimentations in situ sont rares et plutôt issues de brûlages dirigés, qui correspondent à des feux peu intenses réalisés hors saison estivale à fort risque [36,44]. C’est pourquoi les démarches de modélisation, empirique ou physique [45–47], sont souvent utilisées. Dans la présente étude, nous avons procédé par modélisation en utilisant le modèle physique du feu Firetec [15,16]. Pour cela, nous avons étudié une séquence de végétation méditerranéenne depuis les maquis bas brûlés de manière récurrente vers les forêts matures ou submatures de chênes à long intervalle entre feux, voire non brûlées en 50 ans. Peu de simulations de feu ont déjà été réalisées à partir de scènes de végétation décrites précisément sur le terrain, les milieux en Provence calcaire ayant d’ailleurs été plus étudiés que ceux sur silice [15]. Ce travail est enfin destiné à enrichir notre base de connaissances afin de mieux gérer ces types de végétation sur le long terme pour diminuer le risque d’incendie.
2 Matériel et méthodes
2.1 Site d’étude et échantillonnage
Le site d’étude est inclus dans la partie nord-est du massif des Maures dans le Var, sur substrat géologique homogène (granitique et gneissique). Il présente cinq principaux types de végétation, que l’on peut retrouver dans les classifications européennes, telles que Prometheus [11,12] ou EUNIS [13]. Ils comprennent : les maquis bas ou « Lowshrub » (de hauteur inférieure à 1 m) dominés par les cistes Cistus salviifolius L., C. albidus L. and C. monspeliensis L., les maquis moyens ou « Medshrub » (hauteur de 1 à 3 m) à biomasse faible à forte, dominés par les cistes (principalement Cistus monspeliensis) et le calycotome Calicotome spinosa Link, les maquis hauts (3 à 6 m) ou « Highshrub » dominés par la bruyère arborescente Erica arborea L., les suberaies sur maquis ou « Woodshrub » et les chênaies mixtes ou « Woodland » (chêne-liège, chêne vert et chêne pubescent : Quercus suber L., Q. ilex L. et Q. pubescens Willdenow). Cette diversité de faciès répond à une mosaïque de feux qui, connue sur les cinquante dernières années, a permis de classer 51 placettes de 400 m2 (surface généralement utilisée en phytoécologie pour analyser les composition, structure et biomasse) en cinq modalités de récurrence de feux selon le nombre de feux et le temps depuis le dernier feu et l’avant-dernier feu. L’historique des feux a été obtenu par photo-interprétation et analyse d’images satellites pour les feux les plus récents (Fig. 1). Les modalités de récurrence de feux, les variables de feu et les types de végétation sont indiqués dans le Tableau 1.
Classes basées sur la récurrence des feux, données obtenues à partir d’analyses d’images satellitaires et photographies aériennes depuis 1959.
Classe de récurrence de feu | Nombre de feux depuis 1959 | Temps (ans) depuis le dernier feu | Année du dernier feu | Temps (ans) depuis l’avant-dernier dernier feu | Année de l’avant-dernier feu | Types de végétation dominants |
1 | 0, contrôle | 47 | 1959 au moins | Inconnu | Inconnu | Suberaies, chênaies mixtes |
2 | 1 | 16 | 1990 | 31 | 1959 au moins | Maquis hauts |
3 | 2 | 16 | 1990 | 26 | 1964 | Maquis moyens sous suberaies |
4 | 2–3 | 16 | 1990 | 5 | 1985 | Maquis moyens arborés |
5 | 3–4 | 3 | 2003 | 13 | 1990 | Maquis bas |
2.2 Le modèle Firetec
Firetec est un modèle physique de feu, tridimensionnel, de transport à deux phases développé initialement au laboratoire de Los Alamos et co-développé par l’Inra d’Avignon depuis 2004. Le modèle est décrit dans les publications suivantes [14,16]. Il permet de simuler le comportement du feu dans des combustibles complexes (hétérogènes et multi-stratifiés), car il spatialise explicitement le combustible sur un maillage tridimensionnel (avec une résolution voisine de 2 m). De plus, Firetec calcule le champ de vent en fonction des caractéristiques locales de la végétation, mais aussi de la topographie et des conditions météorologiques ambiantes. Dans le modèle, la propagation du feu résulte de la combinaison de trois processus simultanés : la combustion de particules solides, le transfert d’une partie de la chaleur émise par la combustion, puis son absorption par le combustible non brûlé, et enfin l’inflammation de ce combustible. Le modèle est basé sur une approche de transport en phase gazeuse en incorporant le processus de la combustion et les échanges de chaleur convectifs et radiatifs. Il permet d’aborder un grand nombre de problèmes liés aux feux de forêts, que ce soit à l’échelle du paysage ou de la parcelle forestière incluant des traitements de prévention des incendies. Un grand nombre de validations ont été conduites avec le modèle. Celles-ci concernent les calculs d’écoulements [48], le comportement du feu en présence de topographie [17], la propagation du feu dans des garrigues méditerranéennes [16], la sensibilité de la vitesse de propagation à la densité et la teneur en eau du combustible dans des maquis espagnols [18], la propagation du feu dans des canopées [19–21], l’interaction entre panaches dans le contexte du contrefeu [16], les prédictions de flux radiatifs à l’interface habitat/forêt [20], ainsi que la vitesse et la température des gaz dans le panache [22].
2.3 Description du combustible
Afin de prendre en compte l’hétérogénéité du combustible et sa contribution à la propagation du feu, les paramètres importants dans la description du combustible sont sa charge et son recouvrement. Ainsi, pour chaque espèce caractérisant les types de végétation, les paramètres suivants ont été retenus : la hauteur (mètres), la base du houppier vert ou bas de la strate (m), la taille caractéristique ou diamètre moyen de l’individu L (m) et le recouvrement (%). Trois compartiments de végétation sont considérés : les arbres, les arbustes isolés et les nappes de végétation basse constituées de ligneux bas et/ou d’herbacées (voir Annexe). Les pourcentages de recouvrement peuvent dépasser 100 % par compartiment et/ou pour l’ensemble de ceux-ci dans le maillage constituant les scènes de végétation dans Firetec, du fait de la superposition des trois compartiments ou du recouvrement des espèces au sein d’un même compartiment. Les espèces ayant un faible recouvrement (seuil fixé de 5 à 10 % pour des espèces n’émettant pas de composés organiques volatiles inflammables [49,50] pouvant favoriser la propagation verticale et horizontale) n’ont pas été prises en compte, car elles ne jouent pas un rôle significatif dans la propagation du feu, ce qui permet également de ne pas alourdir les calculs engendrés lors de la simulation.
À partir de cette description de la structure végétale, chaque type de végétation répondant à une classe de récurrence de feu a été subdivisé en un faciès moyen et en deux variantes de ce faciès qui lui sont particulièrement différentes. Le faciès moyen a été calculé à partir des moyennes de chaque variable décrivant la structure de végétation (1 à 5). Le faciès a correspond aux faciès typiques et le faciès b aux faciès alternatifs avec strate basse plus haute, ces variantes permettant de constituer un écart-type autour des types moyens.
2.4 Modélisation de la végétation et de sa teneur en eau
D’autres données ont ensuite été récoltées pour compléter ces variables descriptives issues du terrain : la teneur en eau et la masse volumique des différents végétaux. Les teneurs en eau des espèces rapportée au poids sec sont issues des données du réseau de surveillance hydrique de la végétation méditerranéenne (http://www.reseau-hydrique.org/). Les teneurs retenues sont des valeurs moyennes en conditions estivales sévères à très sévères (15 juillet au 15 août) sur la période 1996–2006. Les données de masse volumique ρ (kg/m3), ainsi que le rapport surface/volume σ (m−1) ont été recueillies pour les feuilles et les rameaux inférieurs à 2 mm dans le cadre du programme européen Fire Paradox [51]. Ces types de particules sont les seules considérées dans la suite de l’étude en tant que combustible fin qui participe activement à la propagation du feu. Les données pour les particules mortes n’étant pas toujours disponibles, une seule espèce jugée importante dans le comportement du feu a été utilisée : E. arborea L. (espèce structurante mature à sénescente). Lorsque les données n’étaient pas disponibles dans la base de données, elles ont été extrapolées à partir d’espèces possédant les mêmes caractéristiques et corrigées à partir d’indices comme le leaf area index (LAI) [52].
L’ensemble de ces paramètres est intégré dans un éditeur de combustible avant simulation et obtention des principales variables de comportement de feu (Fig. 2). Ce modèle permet les superpositions de strates lorsque celles-ci sont disjointes (arbres/arbustes). Quatre fichiers sont alors constitués et correspondent à des tableaux contenant les variations spatiales de la densité du combustible fin, c’est-à-dire du feuillage à l’échelle de la plante, du rapport surface/volume de ce combustible fin, de la teneur en eau du combustible fin et de la hauteur réelle de végétation dans la maille. Afin de vérifier le réalisme des scènes de végétation générées, des visualisations sous Fire Paradox Fuel Manager (FPFM) et sous R [53] ont été réalisées (packages akima, ellipse, rgl).
2.5 Les simulations avec Firetec
Afin de tester l’effet de la structure sur le comportement de feu, les simulations sont effectuées dans des conditions de vent ambiant identiques. Les simulations sont réalisées avec un vent de 10 m/s (36 km/h) à 40 m de hauteur. L’air ambiant est supposé sec et à une température voisine de 30 °C. Le domaine de calcul est de 320 × 40 m. La ligne d’allumage est située à 80 m de la frontière amont du domaine (x = 80 m). La zone d’étude pour les calculs d’intensité du feu et de vitesse de propagation est située sur 100 m de propagation (entre x = 140 et 240 m). Dans le cas de feux qui s’éteignent avant la fin du domaine de simulation, on donne les caractéristiques en début de propagation.
2.6 Les variables physiques de feu en sortie de Firetec
Les données de sortie de Firetec sont les variables thermodynamiques décrivant l’état de la matière (végétation et air ou phase gazeuse), calculées en chaque point du domaine au cours du temps. Il est alors nécessaire d’effectuer des post-traitements pour obtenir les données suivantes : biomasses initiale et finale (part consommée ou perte en masse), teneurs en eau initiale et finale (donnant la perte en eau), position du front de feu au cours du temps, vitesse de propagation (Rate of Spread [RoS]) au cours du temps et intensité (kW/m) au cours du temps. L’intensité est calculée sur la base de la consommation instantanée de combustible en fonction du temps, selon la formule de Byram [54] :
, avec ΔM la consommation de combustible par unité de temps (en kg/s) et L la largeur du front de feu (ici, 40 m).
2.7 Analyses de données
Nous avons réalisé des tests de comparaison multiples (tests non paramétriques de Kruskal-Wallis, suivis de tests de Student-Newman-Keuls lorsque l’hypothèse nulle H0 était rejetée) [55] pour observer les relations entre les différentes variables de sortie du modèle de comportement de feu selon les cinq modalités de récurrence de feux. Ces analyses statistiques ont été réalisées sous le logiciel R [53] (packages ade4 and vegan) et Statgraphics™ [56].
3 Résultats
3.1 Les faciès de végétation présentent différentes caractéristiques de combustibilité
Le Tableau 2 montre l’évolution du recouvrement en arbres, arbustes et nappes pour les 15 types sélectionnés (détails en Annexe) avant simulation du comportement de feu par Firetec. Pour les types de végétation classés moyens, le recouvrement des strates basses (herbacées et arbustives) diminue quand la strate haute augmente. Les types a indiquent en général des dominances marquées arborées ou arbustives, alors que les types b sont plutôt caractérisés par une strate basse surdéveloppée et une strate haute sous-développée. Lorsque le recouvrement est proche, comme pour les types 1 (chênaies) et 4 (maquis moyens arborés), qui concernent pourtant des végétations très différentes, il est nécessaire de regarder les charges et les hauteurs des espèces dans chaque type. Malgré le faible effectif des simulations, l’ensemble de ces données permet de traiter une gamme de situations assez large. À titre d’illustration sont présentées sur la Fig. 3 les scènes réalisées sous R pour les types a et b.
Recouvrements de végétation par strate pour chaque type testé.
Modalité de feu/faciès de végétation | Strates | % Recouvrement (type moyen) | % Recouvrement (variante a) | % Recouvrement (variante b) |
1/Suberaie–chênaie | Haute | 40 | 60 | 44 |
1/Suberaie–chênaie | Basse | 43 | 33 | 28 |
2/Maquis haut–suberaie s/maquis | Haute | 29 | 24 | 49 |
2/Maquis haut–suberaie s/maquis | Basse | 52 | 75 | 51 |
3/Maquis moyen–suberaie sur maquis | Haute | 27 | 60 | 18 |
3/Maquis moyen–suberaie sur maquis | Basse | 56 | 40 | 52 |
4/Maquis moyen arboré | Haute | 38 | 19 | 19 |
4/Maquis moyen arboré | Basse | 40 | 67 | 68 |
5/Maquis bas à moyen | Haute | 17 | 18 | 20 |
5/Maquis bas à moyen | Basse | 64 | 47 | 69 |
3.2 Le comportement du feu prédit en fonction des modalités de récurrence des feux
Les sorties du modèle sont résumées dans le Tableau 3 et illustrées dans la Fig. 4. Les valeurs sont des moyennes, sauf lorsque le feu s’arrête (valeurs désignées par un astérisque).
Principales sorties de Firetec.
Modalités de feu/faciès de végétation | Type moyen | a | b |
RoS (km/h) | |||
1 | 0,72* | 0,00* | 0,432* |
2 | 3,78 | 4,068 | 1,656 |
3 | 3,924 | 5,508 | 2,196 |
4 | 1,26 * | 3,492 | 2,844 |
5 | 1,404 | 1,584 | 1,116 |
Intensité (kW/m) | |||
Type moyen | a | b | |
1 | 1000,00 * | 450,00 * | 280,00 * |
2 | 9800,00 | 14600,00 | 3000,00 |
3 | 7960,00 | 12900,00 | 5800,00 |
4 | 1700,00 * | 7830,00 | 6270,00 |
5 | 2100,00 | 780,00 | 1640,00 |
Perte en masse de la canopée (%) | |||
Type moyen | a | b | |
1 | 1,10 | 0,16 | 0,00 |
2 | 69,74 | 67,69 | 46,53 |
3 | 64,00 | 68,72 | 52,17 |
4 | 8,93 | 66,50 | 66,48 |
5 | 31,08 | 18,18 | 30,08 |
Perte en eau (%) | |||
Type moyen | a | b | |
1 | 2,10 | 1,20 | 0,90 |
2 | 60,00 | 64,60 | 42,10 |
3 | 55,20 | 59,10 | 44,90 |
4 | 4,80 | 56,20 | 51,70 |
5 | 26,10 | 20,00 | 34,00 |
Nos résultats confirment que le comportement du feu varie selon les cinq classes de récurrence de feux passés, avec un effet de la structure de la végétation et des conditions de simulation. D’une part, la densité du recouvrement de la strate haute de végétation atténue le vent au sol, contrairement à celui de la strate basse qui augmente les variables du feu (vitesse, intensité, pertes en masse et en eau). On peut citer en exemple le comportement de feu du type moyen 2 (maquis haut), avec un recouvrement moyen au sol de 52 %, contre seulement 29 % de recouvrement arboré, ce qui induit des vitesses du vent au sol suffisantes pour la propagation au sol et en cime. D’autre part, les vitesses et intensités sont d’autant plus fortes que la biomasse et la connexion spatiale sont importantes. Citons le type 3a (suberaie sur maquis moyen) dont le recouvrement reste faible au sol (38 %) en comparaison du recouvrement arboré (63 %), mais avec une forte connexion spatiale entraînant une augmentation de la vitesse et de l’intensité du feu. Les distances entre les individus sont de l’ordre du mètre, ce qui se traduit dans Firetec par un couvert assez continu et homogène (maille de 2 m). La taille de la canopée se situe entre 1,60 m (bas) et 5 m (haut) et la teneur en eau est voisine de 60 % du poids sec (ce qui est faible pour des arbres). Le sous-étage est marqué par la dominance d’E. arborea L., avec des individus assez denses et parfois sénescents. Enfin, le feu du type 4a (maquis moyen) est rapide et d’intensité élevée, moins que 4b (variante), vraisemblablement en raison des différences de composition et de la présence d’individus morts de Calicotome (teneur en eau 10 %).
3.3 La combustibilité diffère-t-elle selon la récurrence de feux passés ?
Les analyses de variance montrent des différences significatives pour la vitesse de propagation, l’intensité du front de flammes, la perte en masse et la perte en eau, avec des valeurs maximales pour les modalités 2 et 3 à temps long depuis le dernier feu et peu de feux en cinquante ans (1 à 2), représentées par les maquis hauts et moyens, sous suberaie plus ou moins claire (Fig. 5). Les différences sont toutes significatives (tests SNK, p < 0,05), mais de façon plus contrastée pour la perte en masse, la vitesse de propagation du feu et l’intensité (corrélées à p < 0,001). L’effet du temps depuis le dernier feu (tests SNK, p < 0,01 ou < 0,05) est toujours supérieur à celui du nombre de feux (tests SNK, p < 0,05) (Fig. 6). L’effet du temps depuis l’avant-dernier feu est aussi testé (l’intervalle entre les feux pouvant affecter la combustibilité comme la résilience), mais il ne montre aucune influence significative.
4 Discussion
En termes de récurrence de feux, les analyses de variance montrent que les variables de feu les plus influentes sont le temps depuis le dernier feu, puis le nombre de feux. Seize ans après le dernier feu, la biomasse s’est accumulée suffisamment pour entraîner une forte combustibilité (formant notamment des maquis hauts à connexions spatiales très marquées), alors que près de 50 ans sans feu permet l’installation de formations arborées auto-protectrices en termes de combustibilité (chênaies mixtes surtout).
En ce qui concerne le recouvrement végétal, celui des strates basses (herbacées et arbustives) diminue généralement quand la strate haute augmente, limitant ainsi les apports en lumière et exerçant une compétition pour les ressources du sol aux dépens du sous-étage. Une notion de seuil de recouvrement entre les strates haute et basse est apportée par le rapprochement du comportement de feu du type 4 (maquis moyen arboré) avec le type 2b (suberaie sur maquis haut) dont le recouvrement total atteint environ 100 % : le feu s’y propageant plus que dans le type moyen 4, où il ralentit, on peut supposer qu’un seuil de recouvrement pourrait se situer entre 40 et 50 % pour chacune des strates.
Ainsi, on confirme une absence de propagation du feu en faciès submatures non brûlés depuis au moins cinquante ans, en raison du recouvrement au sol insuffisant et d’un fort couvert arboré empêchant le vent d’augmenter au sol, puis une intensité du feu qui globalement décroît, avec une récurrence des feux croissante, depuis les maquis hauts et suberaies sur maquis jusqu’aux maquis moyens à bas (types ayant subi de 1 à 3 ou 4 feux en cinquante ans).
L’observation de suberaies sur maquis particulières (de type 3a) avec une propagation du feu d’abord en cime en est un bon exemple, alors qu’une telle chose est rare sur le terrain et que le feu simulé présente des vitesses et intensités fortes.
Ces résultats confirment nos hypothèses de départ, selon lesquelles des formations arbustives matures (maquis hauts), en raison de leur forte continuité verticale et de leur proportion de particules mortes, entraînent des feux plus intenses. Cela rejoint l’approche par un indice théorique de risque de propagation proposé par plusieurs auteurs [9,29,37], où un niveau de risque maximal est observé dans les maquis hauts à sous-étage mature à sénescent (Fig. 7).
Les vitesses de propagation prédites par Firetec pour des grands feux sous conditions extrêmes sont compatibles avec les feux observés en 2003 dans le Var [57]. Les vitesses de feu obtenues sur nos quinze types de végétation sont logiquement plus fortes que dans les brûlages dirigés de Fernandes et al. [1] (0,005 à 0,235 m/s) conduits sur des faciès semblables (formations arbustives basses d’Erica et Chamaespartium). Les travaux de Stocks et al. [58] et Taylor et al. [59] fournissent également des valeurs en dessous de celles obtenues avec Firetec (de l’ordre de 1 m/s). Ceci est probablement lié aux différences de types végétaux, conditions de vent et d’humidité du combustible. De plus, Firetec utilise, dans la présente étude, un front infiniment large de feu (conditions latérales cycliques), et on sait que la vitesse de propagation augmente avec la largeur du front de feu [60,61]. Les brûlages dirigés de Fernandes et al. [1], comme les expériences de Stocks et al. [58], font quelques dizaines de mètres de large. Les simulations réalisées avec Firetec correspondent à des conditions sévères (vent moyen proche de 40 km/h, faibles teneurs en eau, etc.), contrairement aux brûlages dirigés, qui s’effectuent toujours en conditions climatiques moins sévères (printemps, hiver) afin de rester contrôlables (feux d’intensité faible). Les teneurs en eau des combustibles morts ont été fixées à 10 %, tandis que celles de Fernandes et al. [1] ont été observées entre 14 et 21 %. Par ailleurs, la hauteur de flamme est fortement reliée à l’intensité de la chaleur du front de feu [1]. Trabaud [62] fournit des valeurs d’intensité d’après Van Wagner pour les feux de cime : entre 8 000 et 40 000 kW/m. Ces valeurs sont un peu plus élevées que celles de nos résultats. Cela est également à relier avec l’inflammabilité propre des espèces, qui dépend également des teneurs en eau et du rapport surface/volume des particules. Des échelles d’inflammabilité ont d’ailleurs été proposées, pouvant aider à la gestion du risque d’éclosion des feux selon le peuplement considéré [63].
5 Conclusions
La récurrence des feux affecte la structure de la végétation, et subséquemment le comportement du feu : les types de végétation ayant subi une récurrence de feux au cours des dernières décennies montrent des variations significatives de comportement du feu en perte en masse, en vitesse de propagation, en intensité du feu et en perte en eau de la végétation. Les résultats sont cohérents avec les hypothèses de départ : une absence de propagation du feu en faciès submatures non brûlés depuis au moins cinquante ans, puis une intensité du feu qui globalement décroît avec une récurrence des feux croissante, depuis les maquis hauts et suberaies sur maquis jusqu’aux maquis moyens à bas (types ayant subi de un à trois ou quatre feux en cinquante ans). Des taux de recouvrement sont soulignés entre les strates haute et basse, entraînant des seuils de propagation du feu qui peut passer ou non en cime. La composition est également contributive, de même que la proportion en particules fines éventuellement sénescentes. Ces résultats apportent des nuances aux simulations, généralement réalisées sur un type de végétation en particulier à partir d’estimations visuelles de recouvrement et biomasse, et à partir de modèles empiriques ou semi-empiriques du feu : ainsi, les suberaies sur maquis et les maquis arborés peuvent représenter des combustibilités fortes du fait de leur continuité verticale, qui ne paraît pas toujours avec la seule considération du recouvrement.
Connaissant cette hiérarchie de combustibilité pour quinze faciès de végétation répondant à cinq classes de récurrence de feux, les efforts des gestionnaires du risque d’incendie pourraient être ciblés sur les maquis hauts et les suberaies sur maquis à forte connexion spatiale. Une étude approfondie avec plus de simulations permettrait d’aller plus loin dans les différences inter- et intra-types de végétation afin de passer à l’échelle du paysage. Il pourrait aussi être intéressant de comparer et valider les résultats obtenus par la modélisation avec l’avis d’experts du comportement du feu, notamment de pompiers. Cela nécessiterait un protocole spécifique de sélection des personnes et de choix des variables qualitatives et quantitatives. Certains auteurs [64] ont effectué une telle démarche de recueil d’expertise, notamment en faisant varier l’abondance du sous-étage et l’irrégularité structurale (exprimée par des variations de diamètre des troncs).
Remerciements
Cette étude a été réalisée en étroite collaboration avec l’Inra d’Avignon dans le cadre du projet européen Fire Paradox à travers la phase de préparation des fichiers d’entrée, la phase de simulations et de post-traitements des données de sortie, et l’analyse du comportement de feu. Nous remercions chaleureusement Éric Rigolot sur la validation de la démarche et nos collègues du Cemagref ayant participé à ce travail, du terrain au laboratoire : Samuel Alleaume, Jonathan Baudel, Laurent Borgniet, Simon Brewer, Aminata N’Diaye Boubacar, Olivier Chandioux, Roland Estève, Anne Ganteaume et Willy Martin.