1 Introduction
Les marais « pestilentiels » et leur effet délétère sur la santé des soldats condamnés à vivre dans leur voisinage ont souvent été utilisés par les stratèges pour aider la victoire. Napoléon, qui disait volontiers « préférer un combat sanglant à un marais putride » connaissait les effets du « mauvais air » des marais, la malaria, sur la combativité des soldats : le paludisme n’avait pas disparu de Corse au XVIIIe siècle. C’est probablement le bacille de Shiga (Shigella dysenteriae) qui a aidé Dumouriez à vaincre les Prussiens et à sauver la jeune république à Valmy en 1792. Toutes les maladies infectieuses ont été, et restent encore, le principal adversaire des armées en opération. Celles-ci doivent apporter une attention particulière aux conditions d’hygiène environnementale et bien connaître l’épidémiologie des maladies infectieuses des zones où elles sont déployées.
En 1979, une épidémie majeure de charbon se déclare dans la région de Sverdlovsk, dans l'Oural. Plus de 40 victimes sont officiellement recensées et les autorités soviétiques déclarent qu’il s’agit d’une épidémie de charbon intestinal due à la consommation de viandes avariées. Elles nient farouchement l’existence d’installations militaires secrètes en charge de produire par fermentation de grandes quantités de Bacillus anthracis dans la zone où est survenue cette épidémie. Les enquêtes effectuées pendant plus de dix ans sur le terrain par Meselson et Guillemin 〚1〛, les investigations anatomopathologiques de Abramova 〚2〛 sur dossier et sur victimes ont fini par convaincre la communauté internationale de l’activité de l’installation fautive. Mais ce n’est qu’en février 1992 que Boris Eltsine finira par reconnaître officiellement son existence et l’origine accidentelle des cas de charbon dus à une erreur de manipulation dans le procédé de fermentation de B. anthracis pour le compte de Biopreparat, un complexe militaro-industriel en charge du plus vaste programme ultra-secret d’armement biologique connu à ce jour. Ce programme était connu des services de renseignement, mais son ampleur mal mesurée. Vladimir Pasechnik, directeur d’un institut de la région de Saint-Petersbourg appartenant à Biopreparat, et le médecin-colonel Ken Alibek, vice-directeur de Biopreparat, tous les deux réfugiés en Occident au début des années 1990, ont contribué à cerner ses contours et, surtout pour le second, à porter à la connaissance du public l’énorme machine industrielle imaginée par les Soviétiques 〚3〛. Même si certaines déclarations de Ken Alibek doivent être prises avec précautions, car elles servent les intérêts actuels de son auteur, rien ne manquait : cerveaux, techniciens, instituts de recherche, établissements industriels, terrains d’essai, etc. Bactéries, virus, toxines naturelles et sélectionnées, voire améliorées, ont fait l’objet de recherches poussées et de développement. Tout cela, alors que l’Union soviétique, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, était dépositaire de la Convention d’interdiction des armes biologiques, signée en 1972 et entrée en vigueur en 1975.
Ce n’est qu’en 1995 que l’United Nations Special Commission (Unscom) parvint enfin à se faire une idée du programme d’armement biologique mis sur pied par l’Irak à partir de la fin des années 1970. Il aura fallu la conjonction d’informations sur les énormes quantités de milieux de culture importés par l’Irak sans réelle justification industrielle et les déclarations de Hussein Kamal, gendre de Saddam Hussein, réfugié à l’étranger, pour que la menace qu’avaient fait peser ces armes sur les forces coalisées soient connues à leur juste mesure. Près de 20 000 litres de toxine botulinique A, concentrée 20 fois, plus de 8000 litres de suspension de B. anthracis, concentrée dix fois, des kilogrammes de ricine, d’aflatoxines figuraient dans cet arsenal. Une partie de ces produits avait même été chargée dans des bombes de 250 kg, des obus et des rockets. Remplies de toxines botuliques, 25 têtes de missiles Al Hussein, un dérivé du SCUD soviétique, avaient même été déployées. Tout cela était passé inaperçu aux yeux des inspecteurs de l’Unscom, car les installations d’Al Hakam et de Salman Pak avaient été soigneusement nettoyées et les productions restantes camouflées ou détruites : en l’absence d’information concrète, la communauté internationale est demeurée dans l’incertitude pendant quatre ans. Ces deux programmes récents ne doivent pas faire oublier les travaux de l’Unité 731 du général japonais Ishii Iro en Mandchourie, qui avaient abouti, au prix d’expérimentations humaines sordides, à des armes utilisées en Chine au début de la seconde guerre mondiale 〚4〛. L’efficacité opérationnelle réelle de ces armes au cours du conflit sino-japonais n’est pas prouvée. En revanche, il est aujourd’hui bien établi que le choléra, dispersé lors de ces opérations, a fait plus de 10 000 victimes dans les forces japonaises elles-mêmes 〚5〛.
L’usage de l’agent de la morve (Burkholderia mallei) avait été tenté, sans succès, au cours de la première guerre mondiale par les Allemands contre les chevaux de l’armée française et même sur le territoire des États-Unis. L’assassinat de Reinhardt Heydrich, chef de la Gestapo et des services de sécurité allemands, par des patriotes tchèques au printemps 1942 a probablement été perpétré à l’aide d’une grenade spécialement préparée par les services secrets britanniques avec des tubes de verre contenant de la toxine botulique : ce haut dignitaire nazi a présenté avant sa mort des signes cliniques s’apparentant à ceux observés lors d’une intoxication botulique 〚6–7〛. En septembre 1978, le 11 septembre, Gregory Markov décédait. Ce Bulgare, journaliste de l’opposition, réfugié en Grande-Bretagne, avait été victime quelques jours plus tôt d’une agression à Londres : son agresseur l’avait piqué avec un parapluie dont l’extrémité avait été équipée d’un système d’injection de microbilles contenant de la ricine. Dix ans plus tard, en septembre 1984, dans l’Oregon, des adeptes de la secte Rajneesh contaminent des plats préparés dans des Salad bar à l’aide de salmonelles. Plus de 750 personnes sont malades, dont une quarantaine sont hospitalisées.
En mars 1995 l’attentat au sarin, perpétré par la secte Aum dans le métro de Tokyo, ouvre officiellement l’ère du terrorisme chimique.
2 Dangers menaces et risques « biologiques »
Le danger représenté par les maladies infectieuses est permanent, en particulier dans les pays en développement à bas niveau d’hygiène. Les opérations militaires favorisent l’exposition aux maladies infectieuses et imposent donc des stratégies de prévention et de contrôle renforcé de l’hygiène. Prévenir les maladies infectieuses, c’est l’une des premières missions du service de santé des Armées dans la préparation opérationnelle des forces armées. Deux opérations récentes illustrent l’exercice de cette responsabilité : les forces de maintien de la paix envoyées au Timor en 1999 ont été vaccinées contre l’encéphalite japonaise et, plus récemment, au Kosovo, des dispositions visant à éviter les infections par le virus de Crimée–Congo, transmis par les tiques, ont été prises : usage d’insectifuges, port de tenues couvrantes. De plus, une surveillance sérologique a été mise sur pied et l’imprégnation des tenues militaires par des insecticides préconisée.
La menace, c’est actuellement l’usage terroriste des agents pathogènes. Elle n’est pas nouvelle, mais la menace de désorganisation du fonctionnement de nos sociétés du seul fait que de tels actes puissent être perpétrés est peut être la leçon la plus évidente de la crise récente. Les attentats sur les tours du World Trade Center et sur le Pentagone ont fait près de 4000 victimes, leurs conséquences financières et humaines sont lourdes, mais elles sont limitées dans le temps et la société y fait face de manière rationnelle. Les enveloppes contaminées avec B. anthracis n’ont fait que quatre ou cinq victimes. Quelques centaines de personnes ont été exposées. Pourtant, cette crise, qui durait depuis plusieurs semaines à la fin de l'année 2001, a donné lieu à des milliers de fausses alertes. Pour la France, plus de 4000 interventions de la sécurité civile ont été recensées à la mi-décembre 2001. Les deux laboratoires de la Défense qui ont procédé à la recherche de bacilles du charbon ont traité plus de 2500 échantillons. Cela a totalement paralysé leur activité de recherche pendant un mois. Les services de l’État ont fait face et la désorganisation a été limitée. En sera-t-il de même la prochaine fois ? Certainement, si les mesures initiées sous la pression des événements sont prolongées par des actions concrètes. Pour éviter d’être surpris par cette menace, il faut identifier les risques et préparer les mesures et moyens de les contrer. La prolifération des armes biologiques fait partie de ces risques. La prolifération qui accompagne l’accès généralisé aux biotechnologies est rendue possible par l’extraordinaire dualité des équipements et des finalités de ces technologies et est facilitée par la circulation non contrôlable de l’information scientifique et technique. Les risques de voir des pays « proliférants » développer des systèmes d’armes utilisant des agents infectieux ou toxiques « conventionnels » ne sont pas à négliger, même si l’expérience montre que ces armes sont toujours délicates à manier dans un contexte opérationnel. Pour le futur proche, la militarisation d’agents pathogènes et de toxines « naturelles » restera encore le risque majeur. Comme pour les agents chimiques de guerre, tels que l’ypérite ou les composés organophosphorés, qui ont été inventés au cours de la première moitié du XXe siècle, les bactéries et virus militarisés au cours de ce XXe siècle sont donc ceux sur lesquels doivent se porter prioritairement les efforts de défense. Les pathologies liées aux infections bactériennes par B. anthacis 〚8〛, Yersinia pestis 〚9〛, Francisella tularensis 〚10〛, celles entraînées par les intoxications riciniques ou botuliques 〚11〛 et les infections virales par le virus de la variole 〚12〛 ou certaines encéphalites doivent trouver des réponses en termes de moyens d’alerte, de détection, de diagnostic rapide, de prévention et de traitement.
Il ne faut pas négliger pour autant la prise en compte d’autres facteurs de risque. Tout d’abord, ce sont des facteurs dépendant de la cible elle-même : c’est la vulnérabilité de l’homme fragilisé par le stress ou par des infections ou pathologies intercurrentes. Il est certain qu’une agression biologique perpétrée au cours d’une épidémie de grippe pourrait voir ses effets majorés. Ensuite, ce sont des facteurs liés au développement des connaissances en biologie. Le décryptage des génomes, la réduction de la biodiversité par la sélection génétique d’espèces animales ou végétales pour leur valeur économique, les progrès en ingénierie des biomolécules et, en biotechnologies, le développement des vecteurs de thérapie génique, l’explosion des neurosciences... autant de domaines où l’humanité fait parfois des sauts dans l’inconnu. Ces sauts ne sont pas exempts de risques. Les risques de voir la biologie entrer dans le concept de nouvelles armes ou systèmes d’armes, dans de nouvelles stratégies d’asservissement par agression physique ou psychique, par agression économique, sont à prendre sérieusement en considération 〚13〛.
Mais quand on parle de maladies infectieuses, d’armes biologiques, la dualité civilo-militaire s’estompe face à la réalité. C’est une évidence. Il n’existe pas de réelle fracture dans le concept de défense contre les armes biologiques et de lutte contre les maladies infectieuses naturelles. Que l’on parle de dangers, de menaces ou simplement de risques : l’expérience acquise dans la lutte contre les maladies infectieuses permet de faire face à des dangers d’ordre naturel, accidentel ou provoqué ; cette expérience est directement transposable pour apprendre à faire face à des menaces terroristes ou militaires et préparer les mesures qui s’imposent. Cette expérience permet également de mieux mesurer les risques, pour les anticiper, grâce notamment à une vigilance accrue dans l’évolution des technologies du vivant. Cette expérience n’est pas seulement celle des militaires, elle est celle de tous ceux, civils et militaires, qui sont en charge de la santé publique, de la santé économique de notre société. Les dangers, menaces et risques biologiques ont ceci de particulier : l’agression ne distingue pas l’uniforme ; tout être vivant est une cible potentielle. La vigilance, la défense doivent être globales ; cela implique une prise de conscience de tous les acteurs civils et militaires pour coordonner les efforts devant conduire à une posture de défense efficace.
3 Une posture de défense pour réduire les vulnérabilités
Une posture de défense efficace se décline en trois niveaux : prévenir, gérer, restaurer. À chacun de ces niveaux correspondent des fonctionnalités particulières, que ce soit pour les responsables des opérations ou pour les responsables de santé. Pour ces derniers, la dualité civilo-militaire ne se conçoit à cet égard que dans les conditions de la mise en œuvre des procédures et moyens.
En matière de santé :
- • prévenir, c’est surveiller, s’informer, se préparer ;
- • gérer, c’est appliquer des méthodes et mettre en oeuvre des moyens destinés à prendre en charge des victimes ou des impliqués (sujets susceptibles d’avoir été exposés, mais ne présentant aucun signe clinique) ; il faut éviter l’extension des effets et garder le contrôle de la situation sanitaire, surtout en cas de risque de contagion ;
- • restaurer, c’est soigner les malades, c’est réparer les dégâts psychosociaux.
Six grandes fonctions sont associées à cette posture de défense :
- • alerter, avant l’événement ou le plus tôt possible après son déclenchement, ce qui impose un système de recueil et d’analyse d’information épidémiologique du type « réseau sentinelle » ;
- • détecter, diagnostiquer, identifier, ce qui nécessite des laboratoires équipés, organisés en réseaux et travaillant selon des procédures et des méthodes validées ;
- • définir et mettre en place des moyens médicaux de prévention et de traitement ;
- • prendre en charge les victimes et les impliqués dans des structures médicalisées, hôpitaux ou locaux aménagés à cet effet ;
- • former, informer, entraîner ;
- • promouvoir et gérer des programmes de recherche pour améliorer les performances des moyens existant, développer de nouveaux outils ou médicaments, mieux connaître les risques et anticiper les menaces.
3.1 La surveillance, l’alerte : concept d’un « réseau sentinelle » adapté
Aucune méthode automatisée spécifique n’est opérationnelle sur le terrain. Il est illusoire de penser que des détecteurs d’alerte spécifiques d’agents pathogènes pourront être installés dans des lieux publics de grand passage, tels que le métropolitain ou les halls de gare. Peut-être verra-t-on un jour des détecteurs dans les systèmes de ventilation des immeubles et des salles de cinéma ? Mais la technologie n’a pas encore franchi le pas qui permettrait de disposer de systèmes fiables, fonctionnant en continu. Il en va de même des matériels militaires.
Les seuls systèmes d’alerte en continu qui pourraient voir le jour sont des détecteurs génériques d’aérosols sous forme de balises, couplées en réseaux pour réduire la probabilité de fausses réponses et pilotées par des ordinateurs. Des solutions à base de lasers ou de spectromètres sont en expérimentation.
Le principe de l’alerte est donc aujourd’hui largement basé sur le recueil, l’analyse et l’exploitation d’informations par un réseau de recueil épidémiologique, dont l’existence est déterminante. Un tel réseau repose sur une organisation nodale et hiérarchisée de collecte, de transfert et d’exploitation rapide de l’information, jusqu’à un « centre expert » qui dispose d’une base de données épidémiologiques de référence par pays et par région. Celle-ci doit être remise à jour en temps réel et disposer d’éléments décentralisés. Ce sont les conditions qui permettraient, également en temps réel, aux exploitants de ce « Centre expert » et des éléments décentralisés d’analyser, d’interpréter et de restituer une information pertinente et donc, s’il y a lieu, de déclencher une alerte.
En pratique, face à un acte délibéré, il s’agit d’identifier le(s) premier(s) cas suspect(s) d’émergence d’une maladie infectieuse ou toxique, que ce soit chez l’homme ou chez l’animal, si l’on s’en tient aux maladies humaines, aux anthropo-zoonoses et aux zoonoses.
Des « réseaux sentinelles » de ce type existent pour certaines pathologies, telles que la grippe (GROG). C’est la mission de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) pour la santé publique. Le Service de santé des armées (SSA) dispose d’un réseau équivalent à son échelle et pour ses besoins. Ce dernier est connecté à celui de l’INVS, avec lequel il collabore étroitement.
3.2 Le réseau de laboratoires : des laboratoires de premier échelon « polyvalents » et des laboratoires de deuxième échelon « spécialisés »
La détection opérationnelle ne prévoit pas de systèmes disponibles en routine sur le terrain avant cinq ans. C’est aussi vrai pour les systèmes à usage militaire que pour les systèmes destinés à la protection civile. Quelques développements industriels ont été faits aux États-Unis sous forme de tests immunologiques à usage unique. Ils doivent être qualifiés. Des systèmes embarqués dans des véhicules laboratoires sont également en cours de développement et des versions civiles de ces dispositifs seront certainement étudiées. De toute façon, les diagnostics clinique et biologique resteront des compléments indispensables pour assurer la prise en charge des malades et des impliqués et suivre l’évolution de leur état de santé.
Le diagnostic clinique repose d’abord sur la symptomatologie. C’est la raison pour laquelle une approche par grands syndromes des principaux agents concernés par un usage délibéré est préférable. À côté du syndrome fébrile, qui accompagne le plus souvent les maladies infectieuses, quatre syndromes sont à prendre en considération en cas d’agression volontaire par dispersion aérienne d’agents biologiques infectieux ou toxiques :
- • un syndrome respiratoire, qui concerne essentiellement le charbon 〚8,14〛, la peste 〚9〛, la tularémie 〚10〛 et les agressions par toxiques suffocants. Le tableau clinique et les images radiologiques ne suffisent pas, en général, pour porter un diagnostic ;
- • un syndrome cutané et muqueux, souvent très évocateur, par exemple pour la variole 〚12〛, le charbon cutané, les fièvres hémorragiques. Le chancre d’inoculation tularémique 〚15〛 n’est pas retrouvé dans l'infection respiratoire et la forme ulcéronécrotique habituelle de cette maladie peut se manifester par des adénopathies localisées (région pré-auriculaire ou sous-maxillaire). Quant au bubon pesteux 〚15〛, adénopathie douloureuse et fixée, il est absent des formes pulmonaires primaires de la peste.
- • un syndrome neurologique, qui peut évoquer, soit le botulisme 〚11〛, si le tableau clinique se présente sous forme d’une paralysie flasque avec mydriase accompagnée d’une paralysie de l’accommodation et de l’assèchement des sécrétions salivaires – ce tableau, évocateur, diffère de celui observé en cas d’intoxication par toxique organo-phosphoré –, soit une encéphalite virale 〚15〛, dont les signes, accompagnés de fièvre, de douleurs, de raidissements, peuvent aller de simples céphalées jusqu’à des convulsions et des troubles majeurs de la conscience et du comportement ;
- • un syndrome digestif, à ne pas négliger en cas d’acte terroriste, qui concerne certaines toxines, comme les entérotoxines staphylococciques et, plus généralement, les bactéries entéropathogènes, responsables de toxi-infections alimentaires ; ce syndrome accompagne souvent les autres syndromes, en particulier le syndrome neurologique.
Le diagnostic biologique repose sur la sérologie et la recherche de l’agent pathogène.
Ce diagnostic doit être fait précocement pour adapter le traitement. La précocité de la séroconversion par rapport à l’apparition des signes cliniques, par exemple dans le cas de la variole, si elle est détectée, peut être décisive pour lancer une vaccinothérapie, qui a sa place dans le traitement de cette affection.
La recherche de l’agent pathogène et son identification peuvent relever de laboratoires spécialisés et de techniques peu usitées en routine. L’origine et la complexité des prélèvements sont deux autres paramètres à prendre en compte. Tout cela impose la mise en place d’un réseau hiérarchisé de laboratoires associant des laboratoires spécialisés dans l’environnement, des laboratoires vétérinaires, des laboratoires hospitaliers, le laboratoire P4 Jean-Mérieux, en cas de risque majeur, et les centres nationaux de référence.
Actuellement, seulement deux laboratoires sont en mesure de prendre en compte des « colis suspects » qui contiendraient, soit des produits radioactifs, soit des produits chimiques de guerre, soit des agents biologiques infectieux. Ces laboratoires appartiennent au ministère de la Défense : il s’agit du centre d’études du Bouchet, établissement de la Délégation générale pour l’armement et du centre de recherche du Service de santé des Armées Émile-Pardé, à Grenoble. C’est la raison pour laquelle, dans la version initiale du plan d’urgence gouvernemental, seuls ces deux laboratoires figurent en tant que laboratoires de premier échelon pour la prise en charge, après élimination des dangers pyrotechniques, de tout colis suspect de nature inconnue. Leur première mission est d’éliminer les risques radiologiques et toxiques, puis certains pathogènes de classe 4, avant de procéder ou de faire procéder à la recherche d’autres pathogènes moins dangereux. Ils sont capables, sur ce schéma, de faire face à un nombre réduit de demandes simultanées, car les procédures sont très lourdes. Ils ne peuvent assurer un débit important si les alertes augmentent, les réactions de peur dans le public générant spontanément un grand nombre de demandes, parfois non réfléchies. C’est ce qui s’est passé en octobre 2001, quand l’alerte à la poudre contaminée au bacille du charbon a abouti à un nombre d’alertes qui est monté jusqu’à 200 par jour au cœur de la crise. Des laboratoires ont dû être désignés en renfort par zone de défense par le ministère de la Santé. L’analyse du retour d’expérience permettra d’améliorer le fonctionnement du système.
Le réseau des laboratoires de deuxième échelon a pour mission d’identifier et d’authentifier les agents. Cette mission a une double vocation : orienter la prise en charge clinique, s’il y a lieu, des malades et des impliqués, apporter des éléments de certitude lorsqu’une information judiciaire est ouverte, en particulier lors d’actes délibérés. Ils établissent la « carte d’identité » de l’agent ou des agents en cause.
Tout cela passe par plusieurs étapes nécessitant une procédure rigoureuse pour assurer la traçabilité des échantillons et des actes, de la collecte à l’envoi des résultats. Pour cela :
- • il faut d’abord assurer la biosécurité du prélèvement, de son transport et de son analyse ; cela nécessite au minimum un confinement de classe 3, parfois de classe 4 pour les virus les plus dangereux, dont celui de la variole et ceux des fièvres hémorragiques ;
- • il faut disposer de techniques pertinentes et validées, qu’elles relèvent de la microbiologie classique, de la physiopathologie, de l’immunodiagnostic ou de la biologie moléculaire ; certaines peuvent être conduites dans des zones non confinées ; d’autres nécessitent ces zones ; la validation de ces techniques nécessite que soient conduites régulièrement des évaluations inter-laboratoires, notamment pour les pathogènes, rarement recherchés en routine. Ces techniques et les matériels pour les mettre en œuvre sont établis par consensus entre experts et en référence aux bonnes pratiques de laboratoire. Une certification internationale pourrait être requise pour des réquisitions particulières.
4 Les mesures médicales pour la prévention et le traitement
Les mesures médicales concernent à la fois les moyens de prévention (vaccination, chimioprophylaxie, immunoprophylaxie passive), de traitement et de maîtrise de l’environnement (exemple, l’hygiène en campagne). Elles portent également sur les procédures de leur mise en œuvre.
4.1 Vaccinations
Un calendrier de vaccination adapté aux opérations extérieures (Opex) et séjours outre-mer est appliqué au risque B naturel, tous les vaccins ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou éventuellement une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) 〚16〛.
Concernant les vaccinations en vue d’acquérir une protection immunitaire contre des agents susceptibles d’être utilisés lors d’une agression militaire ou terroriste, une attitude de vaccination systématique n’apparaît pas être la solution adaptée, en dehors de tout contexte de menace identifiée ou de danger 〚17〛 ; une évaluation au cas par cas est à faire.
En revanche, disposer de stocks de vaccins est une attitude raisonnable, surtout si ces vaccins ont des délais d’action courts et présentent un intérêt thérapeutique. De plus, ils peuvent être indiqués pour la prévention ciblée de populations impliquées ou à risque, notamment après une agression avérée. La constitution de ces stocks, compte tenu des coûts de développement, de fabrication et d’entretien ne peut relever que du ministère de la Défense. Cela impose la mise en place de programmes interministériels et de coopérations européennes et internationales. Bien entendu, ces vaccins, comme tous les produits de santé, doivent recevoir un agrément des autorités de santé publique, quelles que soient les populations auxquelles ils sont destinés 〚18〛.
4.2 Prophylaxie passive
En l’absence de vaccins, d’autres méthodes sont utilisées (antibioprévention, antiviraux, immunoglobulines spécifiques et antidotes, etc.). Comme pour la vaccination, aucune attitude systématique n’est à préconiser. Une telle prophylaxie ne vise que les personnes ou populations à risque.
- • Chimioprophylaxie anti-infectieuse : il s’agit d’utiliser un antibiotique (par exemple, fluoroquinolone ou doxycycline contre le charbon) ou un antiviral (par exemple, Ribavirine contre la fièvre hémorragique Crimée–Congo) chez les personnes exposées ou susceptibles de l’être.
- • Immunoglobulinoprophylaxie : il s’agit d’utiliser des anticorps antidotes ; leur application concerne en particulier les toxines (botulisme, ricine) ; certaines infections peuvent également être prévenues ou traitées de cette manière.
- • Antidotes anti-toxines : utilisation de substances chimiques empêchant ou inhibant les effets néfastes des toxines, si elles existent.
L’utilisation de ces produits est « probabiliste » et privilégie la rapidité d’exécution. Après identification et caractérisation de l’agent, une adaptation de la prévention est éventuellement ordonnée.
4.3 Traitement
Les traitements associent des mesures générales de soins, avec réanimation le cas échéant. La prescription d’antibiotiques, d’antiviraux ou d’antidotes spécifiques est faite chaque fois que cela est possible. La doctrine de prise en charge médicale des agents les plus fréquents du risque B (charbon, peste, tularémie, brucellose, fièvres hémorragiques, variole, botulisme, etc.) a été consignée dans un document de l’Agence française de sécurité des produits de santé (AFSSaPS), diffusé dans le cadre du plan Biotox. Ces fiches, applicables aussi bien dans un contexte civil que militaire, ont été mises au point par des commissions d’experts, réunissant des spécialistes civils et militaires.
Ces mesures de traitement doivent être accompagnées par des procédures de décontamination ou de désinfection des effets personnels et de l’environnement. Les sujets contacts et les impliqués sont pris en charge à titre préventif pour limiter l’extension possible de maladies infectieuses par « porteurs sains » ou malades non déclarés.
Ces pratiques correspondent à des stratégies classiques pour la prise en charge de maladies infectieuses épidémiques ou sporadiques mais contagieuses, notamment dans le cas de maladies émergentes. Il s’agit simplement d’appliquer les bonnes pratiques médicales et de répondre à des considérations éthiques.
4.4 Maîtrise de l’environnement biologique
Un bon standard d’hygiène limitera l’impact d’une agression B, qu’elle soit naturelle, militaire ou terroriste. C’est un point essentiel. Cela nécessite une discipline renforcée dans l’applications de mesures simples mais efficaces concernant :
- • la consommation et l’utilisation de l’eau d’alimentation ;
- • l’alimentation ;
- • l’hygiène individuelle, corporelle et vestimentaire ;
- • l’organisation et la propreté des lieux de vie ;
- • la lutte contre les insectes et les arthropodes « vecteurs » et les rongeurs ;
- • la rigueur dans les bonnes pratiques d’hygiène et de soins (lutte contre l’infection nosocomiale) ;
- • la décontamination soigneuse des sujets exposés et des malades.
5 Les moyens d’hospitalisation et lieux d’hébergement médicalisés pour prise en charge de victimes et d’impliqués
Les moyens d’hospitalisation ou d’hébergement diffèrent, selon que l’agression biologique concerne des militaires en opération ou des populations civiles sur le territoire national.
5.1 En opération
En opération, il faut adapter les capacités de traitement médical et la logistique santé à la menace.
5.1.1 Adaptation des capacités de traitement médical
Des structures de soins, destinées au traitement des sujets exposés et des malades victimes d’une attaque B, devront être équipées de moyens permettant de préserver un niveau d’hygiène élevé et être servies par du personnel spécialisé, entraîné à l’exercice particulier de la médecine dans un environnement dégradé. Celles-ci seront déployées en zones non contaminées et non exposées à une extension de la contamination, mais au plus près des zones contaminées.
5.1.2 Adaptation de la chaîne de traitement sous menace biologique
Elle doit donc répondre aux critères suivants :
- • systématisation de l’emploi de structures de protection collective (éléments techniques modulaires : tentes protégées type MOSTHOM®) ;
- • systématisation de la mise en œuvre des mesures de protection individuelle pour le personnel soignant et de l’emploi des sacs de transports pour blessés ;
- • adoption d’une chaîne santé classique, véritable ossature du dispositif, à élargir en cas d’agression biologique ;
- • mise en place des moyens de prélèvement et de diagnostic rapide, adaptés aux formations sanitaires de campagne ;
- • prépositionnement en base arrière des moyens lourds dédiés à la « défense médicale biologique » (formation de traitement médical, moyens de décontamination, stocks de vaccins et de médicaments « précieux ») ;
- • mise en réserve opérationnelle d’une capacité de transport, réservée à la mise en place des moyens spécifiques en fonction du lieu et de l’importance de l’agression biologique.
Pour ce qui concerne l’application des mesures techniques de prévention, de soin et de décontamination, la constitution d’équipes mobiles spécialisées entraînées sur le modèle « Bioforce » est un mode de réponse à approfondir.
La constitution et la gestion de stocks stratégiques d’antibiotiques, d’antiviraux, de vaccins, de désinfectants, d’effets de protection (gants, masques chirurgicaux, blouses, surbottes, etc.) est à intégrer au processus de planification opérationnelle. La taille de ces stocks et leur rotation dépend notamment de données capacitaires en termes d’effectifs projetables et de délai de réapprovisionnement.
5.2 En métropole
Comme pour les laboratoires, il faut disposer d’un réseau d’hôpitaux capables d’accueillir, voire d’isoler, des victimes d’agression biologique ou des personnes impliquées. La nature de la prise en charge et les méthodes ne diffèrent pas de ce qui est préconisé pour des malades présentant une pathologie infectieuse, selon qu’elle est contagieuse ou non. Ce qui peut rendre difficile la gestion de crise, c’est le nombre de malades ou d’impliqués à gérer simultanément. La capacité des hôpitaux peut être rapidement dépassée s’il s’agit d’un acte volontaire touchant un grand nombre de personnes : le risque majeur, c’est la désorganisation par afflux massif.
Le seul moyen de gérer une telle situation serait d’organiser des lieux d’accueil médicalisés, notamment pour les impliqués, réels ou supposés. Ces lieux d’accueil devraient être connus, facilement accessibles et disposer de capacités d’hébergement pour mettre en observation, si nécessaire, les consultants. Ils devraient également disposer de moyens de désinfection, en particulier par douchage.
Les hôpitaux d’instruction des armées participent au service public et, en cas de crise consécutive à une agression biologique, ils s’intègreraient naturellement au réseau des hôpitaux publics identifiés pour accueillir les victimes, malades ou impliquées, d’une telle agression.
Comme pour la situation opérationnelle, il faut donc prévoir la constitution et la gestion de stocks stratégiques prépositionnés et leur rotation.
6 La formation et l’entraînement des acteurs, l’information du public
La formation des acteurs de santé publique et leur entraînement sur différents types de scénarios sont des éléments fondamentaux de l’efficacité de la mise en œuvre d’un plan de lutte contre les agressions biologiques. Cette formation passe par la connaissance des dangers, des menaces et des risques, par la connaissance des matériels et des procédures de mise en œuvre, par la maîtrise de la situation, pour éviter la démoralisation et la débâcle.
Pour les militaires, cela concerne toutes les phases de la préparation des forces, de la gestion de crise et de celle de la post-crise. Pour la sécurité civile et les responsables de la santé publique, il en va de même : connaître les moyens dont on dispose, savoir gérer la situation, éviter la panique et la désorganisation, source de plus de pertes que l’agression elle-même. Une stratégie de communication, des personnels bien formés et entraînés sont autant d’éléments dirimants à cet égard.
Le service de santé des Armées (SSA) a pris conscience depuis de nombreuses années qu’il s’agit là d’un des fondamentaux de l’action à mener pour faire face de manière cohérente à un risque d’agression biologique. La priorité qu’il s’est donné est de former des formateurs :
- • capables de transmettre une information simple et pratique sur les risques et les pathologies en cause ;
- • sur le management médical et la prise en charge des malades et impliqués après agression volontaire.
Pour cela, le SSA dispose d’abord de son expérience dans la gestion des risques infectieux naturels dans un contexte d’émergence épidémique. Ce savoir-faire est directement transposable à la gestion d’une crise comportant une menace d’agression volontaire par arme biologique. Le SSA possède également un savoir-faire et des moyens lui permettant de faire face aux risques particuliers représentés par les armes biologiques.
Il a ainsi pu mettre sur pied, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, un module de formation aux risques nucléaires, radiologiques biologiques et chimiques (NRBC), intégrant ces savoir-faire. Ce module est à la fois théorique et pratique. Il dure cinq jours et s’adresse à une vingtaine de médecins, le plus souvent des urgentistes, mais également à des responsables de la sécurité publique, non-médecins. Le premier module de formation a été réalisé fin novembre 2001 au centre de recherche du service de santé des Armées et a associé des médecins des armées, des médecins des sapeurs pompiers et des médecins des Samu. Au cours de l’année 2002, trois modules du même type sont programmés.
7 La recherche : priorités et organisation
Une bonne préparation à faire face aux dangers, menaces et risques d’agression biologique passe par un effort de recherche significatif. Pour le danger naturel des maladies infectieuses, l’effort à consentir sur certaines affections ne souffre pas de discussion, dès lors qu’il s’agit de problèmes de santé publique. Il y a quatre ans, un programme de recherche interministériel sur les maladies infectieuses avait été lancé. Il a conduit à un certain nombre de projets, qui ont été financés d’abord par le ministère de la Recherche, mais également par le ministère de la Défense. Il faut espérer que cette initiative sera poursuivie, car quatre ans ont été juste suffisants pour fédérer les équipes et faire naître des projets fondamentaux et appliqués parfois très originaux.
7.1 Priorités interministérielles sur les agents
Une bonne prise en compte des risques et des menaces ne se conçoit pas en dehors d’une coopération civilo-militaire étroite. Un consensus s’est aujourd’hui établi entre le ministère de la Santé et le ministère de la Défense pour privilégier les trois axes prioritaires suivants :
- • variole : diagnostic rapide, antiviraux (efficacité du cidofovir, de la ribavirine), vaccins de nouvelle génération ;
- • charbon pulmonaire : diagnostic rapide, efficacité des associations d’antibiotiques, vaccin ;
- • toxines (botulique et ricine) : diagnostic rapide, antidotes et immunoglobulines pour la prévention et le traitement.
D’autres risques biologiques de moindre niveau de probabilité sont également à prendre en compte, notamment pour ce qui concerne le diagnostic rapide : peste, tularémie, fièvres hémorragiques, encéphalites virales, morve et pseudo-morve, etc.
Enfin, eu égard aux ressources nécessaires à mobiliser pour atteindre une masse critique suffisante (budget, chercheurs, infrastructure) pour les recherches en vaccinologie, une mise en perspective européenne est nécessaire.
7.2 Domaines technologiques transversaux prioritaires pour le service de santé des Armées
Pour le ministère de la Défense, les recherches biomédicales à conduire concernent plus particulièrement trois grands domaines, correspondant à ses trois grandes missions opérationnelles dans la prise en compte des risques et menaces ; il s’agit de :
- • l’architecture d’un système d’alerte épidémiologique, basé sur des réseaux et définissant l’organisation de la collecte, de l’analyse et de la restitution d’informations épidémiologiques nécessaires à la détection du (des) premier(s) cas, lors d’une agression biologique intentionnelle ;
- • la mise au point de systèmes de collecte d’échantillons simples et sûrs et de diagnostic rapide pour les formations sanitaires de campagne ; ils sont destinés à assurer la qualité, la biosécurité et la traçabilité des prélèvements et à orienter le diagnostic pour mettre en œuvre les stratégies de prévention et de traitement le plus tôt possible ;
- • la définition de médicaments et de procédés pour la prévention, le traitement et la désinfection, dont l’efficacité et l’innocuité soient optimales et le mode d’administration adapté aux conditions de prescription en contexte de crise majeure.
7.3 Domaines à privilégier en matière de veille scientifique et technique
Une veille scientifique et technique active est impérative pour préserver l’avenir et anticiper les vulnérabilités futures. Elle doit être maintenue en priorité sur les risques potentiels liés au développement de certaines technologies et sur les parades qu’il faudrait mettre en œuvre si nécessaire. Cela concerne notamment :
- • la physiopathologie des maladies infectieuses et toxiques ci-dessus,
- • la physiopathologie des infections combinées ou séquentielles, impliquant des agents viraux (la grippe en particulier) et des agents bactériens, ainsi que l’efficacité des préventions et traitements existants ;
- • les vecteurs de thérapie génique, dont la large diffusion peut à juste titre inquiéter si leur usage était détourné ;
- • les méthodes d’encapsulation et de délivrance de médicaments.
8 Conclusion
L’histoire des conflits montre la prégnance des maladies infectieuses dans l’environnement du combattant. Les actions médicales pour la défense contre les dangers biologiques, les menaces d’actions bioterroristes ou les risques de prolifération des armes biologiques n’appartiennent pas à trois entités cloisonnées, mais bien à un concept global, dans lequel les expériences des uns servent à l’acquisition d’un savoir-faire pour les autres. La posture de défense visant à réduire les vulnérabilités face à des menaces ou des risques d’agression biologique se décline à la façon d’un programme de santé publique, allant du recueil de l’information à la recherche de solutions pour améliorer ce qui existe, que ce soit pour le diagnostic, la prévention ou le traitement. En ces domaines, plus encore que dans d’autres, la complémentarité civilo-militaire s’impose, aussi bien pour ce qui concerne la mise en œuvre des moyens disponibles que pour la conduite des actions de recherche. Certains agents pathogènes « naturels » représentent assurément le premier cercle des risques contre lesquels il faut se prémunir. Les maladies qu’ils peuvent occasionner sont sources de peurs, parfois irraisonnées, et de désorganisation, qui rendent nos sociétés très vulnérables. Seule une bonne formation des responsables et une information cohérente du public peut réduire ces effets. Mais que nous réserve l’avenir ? « Je crois parce que c’est absurde » écrivait Saint-Augustin. Est-il si absurde aujourd’hui de croire que la biologie ne sera jamais source de dangers, de risques et de menaces ? Il faut anticiper et se préparer : c’est ce que la raison nous impose ; la recherche scientifique est une des pièces maîtresses de cette préparation, de cette anticipation.
Abridged version
The Sverdlovsk anthrax epidemic was really due to an accident in a military production centre of Bacillus anthracis. Boris Eltsine recognised this in 1992. Iraqi biological weapons were a serious threat for the allied forces during the Persian Gulf operations; the state of development of this programme was only really discovered in 1995. One had to wait until the end of the 1990s for the Soviet programme ‘Biopreparat’ be officially revealed in its entirety. Finally, since the middle of the 1980s, the biologic component has not been absent from acts of terrorism.
All strategists, since the origin of wars, have been confronted with infectious diseases that always represented a danger for armies in campaign. Today, our societies are facing the permanent threat of terrorism. Bioterrorism is only one of the facets of this new kind of war, the probability of which is higher than that of the classical confrontation that threatened Europe until the end of the Cold War. This threat is more that of a disorganisation of our society than that of the lethal effects of the agents themselves; hence the importance of adapted and prepared defence measures. This preparation has also to do with the risks of the proliferation of biological weapons, a proliferation engendered by the seduction of low cost ‘terror’ weapons, a proliferation which could benefit from the scientific and technical explosion in Life Sciences to make biology a part of new weapon concepts, in new subjection strategies using physical or psychological aggression.
When speaking of infectious diseases, civil-military duality vanishes in the face of reality. There exists no actual difference in the concept of the defence against biological weapons and of the fight against natural infectious diseases. Experience acquired in the fight against infectious diseases allows us to face natural, accidental, or provoked dangers. This duality implies coordination between all civil and military players, in order to implement an effective defence posture and to insure the coherence and efficiency of the action plans to be carried out in case of a major crisis.
This defence stance is based on three pillars: warning, managing, and restoring. Warning is anticipating, preparing oneself. Managing is applying procedures and implementing measures in order to take charge of victims or those involved, to avoid the spread of the effects. Restoring is curing victims, repairing the psychosocial damage, restoring economic networks. This defence position applies to six main functions: observation, detection, countermeasures, taking responsibility, training, information, and finally research and technological development.