Avant-propos
Un colloque international organisé par l'Académie des sciences et l'Académie de médecine s'est tenu à Paris du 10 au 12 mai 2004 sur le thème “Nouvelles approches en neurosciences et maladies du système nerveux central”. Il était co-présidé par Mme Nicole Le Douarin, secrétaire perpétuelle de l'Académie des sciences et par l'auteur de ces lignes. Les interventions des meilleurs spécialistes ont illustré les spectaculaires avancées obtenues en neurologie et en psychiatrie grâce en particulier à deux modes d'exploration fondamentaux devenus incontournables. Le premier est l'imagerie cérébrale non invasive, utilisée chez l'homme pour l'étude des affections du cerveau et des mécanismes mis en jeu lors des processus cognitifs normaux et pathologiques. Le second est la génétique moléculaire.
Comme l'indiquait déjà l'intitulé de cette réunion, il s'agissait de prendre la mesure des événements les plus marquants de la dernière décade pour notre compréhension des mécanismes mis en jeu dans le cadre de la pathogénie et de la thérapeutique des grandes affections du système nerveux. On trouvera dans une publication récente [1] un résumé très complet de ce que furent ces journées et de leur passionnant programme.
Ce colloque faisait suite à la parution, en novembre 2003, d'un rapport RST consacré au cerveau. Destiné en premier lieu à M. le ministre de la Recherche, cet ouvrage est désormais accessible au public [2]. L'Académie des sciences y insistait sur plusieurs points essentiels.
D'abord, sur le fait que les progrès des neurosciences conditionnent ceux de la neurologie et de la psychiatrie. Notre compréhension des causes et des mécanismes normaux et pathologiques a ouvert des perspectives encore inconcevables pour qui étudiait la médecine il y a encore moins de trente ans. On a peine à imaginer aujourd'hui que, depuis le XIXe siècle, la neurologie reposait presque entièrement sur le seul examen clinique, complété, au mieux, par l'examen anatomique post mortem des lésions en cause, qui en confirmait ou en infirmait le bien fondé.
Nombre d'industries pharmaceutiques ou du domaine de l'instrumentation (imagerie, fabrication de prothèses, robotique, sciences de l'information) bénéficient déjà du fantastique bond en avant des neurosciences. En revanche, la quantité des données déjà obtenues, jointe à la complexité du système nerveux depuis le neurone et ses synapses jusqu'aux assemblées de cellules et les zones du cortex cérébral, ainsi que son organisation à la fois hiérarchique et parallèle, posent des problèmes complexes pour la mise en cohérence d'un savoir aussi éclaté. D'où le recours à une discipline nouvelle, appelée neuro-informatique, qui fait appel à la modélisation, à de grandes banques de données, aux mathématiques appliquées et à des concepts dérivés de la physique.
Des recommandations précises ont été proposées. Elles plaident pour l'enseignement de la médecine, l'abolition des barrières qui séparent entre elles la clinique et les sciences fondamentales, les disciplines concernées allant des sciences du Vivant jusqu'à celles de l'ingénieur et aux sciences humaines. Ce décloisonnement est essentiel pour que la France puisse rattraper le retard qu'elle a acquis, par exemple, en physiologie intégrative, ainsi que dans les neurosciences cognitives et computationnelles.
On trouvera non seulement le reflet des réflexions évoquées ci-dessus, mais aussi un témoignage de leur bien-fondé, en lisant les articles rédigés, pour ce numéro thématique des Comptes rendus Biologies, par quelques-uns des participants au colloque de mai 2004. Ils témoignent, une fois encore, des incroyables progrès accomplis dans le domaine des neurosciences. Ceux-ci permettent enfin d'entrevoir le jour où le diagnostic d'affections telles que les maladies neurodégénératives, certaines formes d'épilepsie ou de troubles psychiatriques majeurs, encore trop souvent incurables, donnera enfin lieu à des indications thérapeutiques efficaces et porteuses d'espoir.
Foreword
An international colloquium organised jointly by the French Academies of Sciences and Medicine was held in Paris from 10 to 12 May 2004 on the topic ‘New approaches to neurosciences and diseases of central nervous system’. The co-chairpersons were Professor Nicole Le Douarin, Permanent Secretary of the French Academy of Sciences, and myself. Lectures by leading specialists illustrated the spectacular advances achieved in neurology and psychiatry, notably due to two methods of investigation, now indispensable. The first is non-invasive brain imaging, used for the study of brain dysfunction in human subjects and the mechanisms involved in normal and pathological cognitive processes. The second is molecular genetics.
As can be inferred from the title of this meeting, its aim was to review the most outstanding events of the last decade related to our understanding of the mechanisms involved in the pathogeny and therapeutics of serious disorders of the nervous system. A recent publication [1] provides a comprehensive summary of this colloquium and its stimulating programme.
The colloquium followed the release, in November 2003, of the RST report devoted to the brain. Intended initially for the French Minister of Research, this work is now available to the public [2]. The report provided the opportunity for the French Academy of Sciences to emphasize several essential points.
The first point concerns how progress in neurology and psychiatry depends on advances in the neurosciences. Our understanding of the origins of normal or pathological mechanisms has opened perspectives that were inconceivable for those studying medicine less than thirty years ago. It is difficult to realize today that, beginning in the 19th century, neurology relied almost entirely on a clinical examination, supplemented at best by an anatomical postmortem examination of the lesions involved to provide evidence for or against the presumed diagnosis.
Many pharmaceutical companies or industrial groups working in fields related to instrumentation (imaging, prosthesis manufacturing, robotics, information sciences) already benefit from the fantastic advances of neurosciences. However, the quantities of data already obtained, combined with the complexities of the nervous system – from the neuron and its synapses to assemblies of cells and zones of the brain cortex, combined with an organisation that is both hierarchical and parallel – confronts us with complex problems that must be faced in order to achieve coherence in the midst of such voluminous and disparate knowledge. For this reason, a key role is assigned to a new discipline, called neuro-informatics, which relies on modelling, large databases, applied mathematics, and concepts derived from physics.
Precise recommendations have been proposed. For medical teaching, it is advocated to eliminate the barriers separating the clinical and the fundamental sciences, ranging from life sciences to engineering and social sciences. Such an interdisciplinary approach is essential for France to overcome its lagging position in, for instance, integrative physiology, as well as in cognitive and computational neurosciences.
This thematic issue of Comptes rendus Biologies will not only provide a written record of the ideas mentioned above, but also a confirmation of their importance in the articles by a number of the participants in the colloquium of May 2004. The articles provide another occasion to bear witness to the remarkable progress achieved in the field of neurosciences. As a result, we can begin to imagine the day when the diagnosis of such conditions as neurodegenerative diseases, certain forms of epilepsy, or major psychiatric disorders – which at present are too often incurable – will finally benefit from efficient therapeutic indicators that lead to more hopeful prognoses.