1 Introduction
Il est bien connu que l’addition d’une solution de bromure à une solution acide de PdCl42– permet la substitution progressive des ions chlorure Cl– par les ions bromure Br– et conduit à la formation de complexes plan-carré, de formule générale 〚PdCl4–xBrx〛2– 〚1〛.
Des spectres IR et Raman (700–30 cm–1) de la solution solide K2PdCl4–xBrx (0 < x < 4) à 300 K ont été enregistrés et exploités récemment par Omrani et al. 〚2〛. Une comparaison des données avec les résultats des calculs de champs de force de valence permet la mise en évidence d’ions 〚PdCl2Br2〛2– centrosymétriques.
Ce présent travail, qui complète une étude préliminaire réalisée sur le composé K2PdCl1,76Br2,24 〚3〛, a consisté, d’une part, à déterminer par diffraction des rayons X sur monocristal les structures cristallines des composés contenant 30 à 75% d’atomes de brome et, d’autre part, à identifier si possible les espèces anioniques, en particulier la forme trans de l’ion 〚PdCl2Br2〛2–.
2 Préparation des composés
Des quantités connues de K2PdCl4 et K2PdBr4 (Fluka Puris) ont été dissoutes dans une solution d’acide chlorhydrique (0,1 mol l–1) jusqu’à l’obtention d’une concentration voisine de 0,05 mol l–1 en K2PdX4, avec X = (Cl, Br). Les composés anhydres sont obtenus par évaporation complète, dans une étuve maintenue à 80 °C, de solutions aqueuses de proportions molaires initiales en K2PdBr4 égales à 30% (composé A), 35% (composé B), 40% (composé C), 57% (composé D) et 75% (composé E). De couleur jaune ocre à rouge brun, les cristaux obtenus sont ensuite conservés dans un dessiccateur, en présence de P2O5, afin d’éviter toute hydratation ultérieure.
3 Analyse radiocristallographique et résultats
Une première identification des composés A, B, C, D et E a été effectuée par diffraction de poudres sur quelques milligrammes d’échantillons à l’aide d’une chambre photographique (montage Debye–Scherrer). Les diffractogrammes obtenus s’apparentent à ceux de K2PdCl4 〚4〛 et de K2PdBr4 〚5〛, ce qui indique, pour les composés étudiés, une maille élémentaire quadratique (groupe spatial P4/mmm). L’analyse structurale approfondie de chacun de ces composés a été effectuée par diffraction des RX sur un monocristal, préalablement collé dans un tube de Lindemann, puis monté sur un diffractomètre automatique, à savoir Enraf-Nonius CAD-4 pour le composé B et Nonius-Kappa CCD pour les composés A, C, D et E.
Tous les paramètres expérimentaux relatifs à ces études sont rassemblés dans le Tableau 1.
Conditions expérimentales des collectes effectuées sur des cristaux de dimensions voisines de 2 × 2 × 3 (10–4 m), T = 290 K.
Composé | A | B | C | D | E |
Solution initiale | K2PdBr1,2Cl2,8 | K2PdBr1,4Cl2,6 | K2PdBr1,6Cl2,4 | K2PdBr2,3Cl1,7 | K2PdBr3,0Cl1,0 |
λ | Mo Kα | Ag Kα | Ag Kα | Ag Kα | Mo Kα |
θmax (°) | 30,29 | 24,94 | 23,83 | 25,84 | 33,79 |
h | 0 → 10 | –2 → 8 | 0 → 10 | 0 → 11 | 0 → 11 |
k | 0 → 6 | –4 → 8 | 0 → 7 | 0 → 7 | 0 → 7 |
l | 0 → 5 | –1 → 6 | 0 → 5 | 0 → 6 | 0 → 5 |
I collectées uniques | 223 | 236 | 224 | 296 | 268 |
I > 2 σ(I) | 170 | 201 | 176 | 223 | 171 |
μ (mm–1) | 9,55 | 5,51 | 5,83 | 7,29 | 16,2 |
En partant de l’hypothèse d’une isotypie structurale avec le composé K2PdCl4 (〚4〛, Fig. 1), les affinements préliminaires des structures ont été menés à l’aide du logiciel SHELXL 97 〚6〛, en prenant en compte l’agitation thermique isotrope et la variation du taux d’occupation des halogènes. Les facteurs de diffusion aux rayons X des atomes de chlore et de brome étant nettement différents, les affinements cristallographiques permettent de déterminer avec une bonne précision (≈ 10%) la formule cristallochimique de chacun des composés.
Une correction semi-empirique de l’absorption a été réalisée systématiquement (logiciel SORTAV 〚7〛). Les facteurs d’agitation thermique anisotrope sont libérés pour les atomes de potassium et de palladium lors des affinements terminaux. Ces derniers confirment sans ambiguïté que tous les composés étudiés cristallisent dans la structure type K2PdCl4 : groupe P4/mmm, K : 0, , 2 ; Pd : 0, 0, 0 ; Cl : x, x, 0 (x ≈ 0,23) ; Z = 1. Les données cristallographiques (à l’exclusion des facteurs de structure) pour les composés B et D ont été déposées à la FIZ Karlsruhe Database sous les numéros de matériel de publication supplémentaire CSD 412599 (K2PdBr1,43Cl2,57) et 412600 (K2PdBr2,31Cl1,69). Des copies de ces données peuvent être obtenues gratuitement à l’adresse suivante : FIZ Karlsruhe, D-76012 Karlsruhe, Allemagne (télécopie : +49 7247 808 666 ; courrier électronique : crysdata@fiz-karlsruhe.de).
Les principales caractéristiques cristallographiques ainsi que les paramètres finaux des affinements pour les cinq composés étudiés sont regroupés dans les Tableaux 2 et 3.
K2PdCl4–xBrx : principaux paramètres cristallographiques et résultat des affinements (groupe d’espace P4/mmm ; nombre de paramètres affinés :16).
Composé | A | B | C | D | E |
Composition déduite de l’affinement | K2PdBr0,73Cl3,27(4) | K2PdBr1,43Cl2,57(4) | K2PdBr1,52Cl2,48(4) | K2PdBr2,31Cl1,69(4) | K2PdBr3,06Cl0,94(4) |
a (Å) | 7,148(1) | 7,195(1) | 7,211(1) | 7,260(1) | 7,340(1) |
c (Å) | 4,170(1) | 4,190(1) | 4,201(1) | 4,227(1) | 4,275(1) |
V (Å3) | 213,06(7) | 216,91(7) | 218,44(7) | 222,80(7) | 230,32(7) |
xX | 0,2322(2) | 0,2334(2) | 0,2338(3) | 0,2338(3) | 0,2333(2) |
Goof | 1,045 | 1,243 | 1,171 | 1,101 | 1,055 |
R (%) | 4,60 | 5,40 | 4,70 | 4,24 | 5,90 |
Rw(%) | 13,6 | 14,3 | 20,4 | 11,3 | 15,6 |
Δρmax (e– Å–3) | 1,79 | 1,69 | 2,06 | 1,47 | 2,03 |
BK (Å2) | 3,87(8) | 3,40(8) | 3,55(12) | 3,39(6) | 4,22(13) |
BPd (Å2) | 2,02(5) | 1,58(4) | 1,77(5) | 1,63(3) | 2,27(7) |
BX (Å2) | 2,97(7) | 2,67(6) | 2,63(5) | 2,61(5) | 3,29(6) |
Br : taux d’occupation | 0,18(1) | 0,36(1) | 0,38(1) | 0,58(1) | 0,76(2) |
Distances Pd–X et K–X dans les solutions solides K2PdCl4–xBrx.
Composé | A | B | C | D | E |
Pd–X (Å) | 2,347(2) | 2,375(2) | 2,385(2) | 2,400(2) | 2,422(2) |
K–X (Å) | 3,2812(4) | 3,2998(4) | 3,3074(4) | 3,3291(4) | 3,3665(4) |
4 Commentaires et conclusion
Les résultats reportés dans le Tableau 2 indiquent pour le paramètre a des valeurs comprises entre 7,075 Å (x = 0) et 7,409 Å (x= 4) et pour le paramètre c des valeurs comprises entre 4,112 Å (x = 0) et 4,309Å (x = 4). Nous avons représenté sur la Fig. 2, pour les composés étudiés, la valeur du paramètre a et du volume V de la maille quadratique en fonction du taux de substitution en ions Br–. Dans les deux cas, l’évolution est linéaire et donc conforme à la loi expérimentale de Végard, traduisant ainsi la dilatation du réseau cristallin induite par l’augmentation de taille entre les halogènes substitués. En outre, les taux de substitution xBr–/(1 – xCl– + xBr–) déduits des affinements sont en très bon accord (sauf pour l’échantillon A) avec les analyses chimiques initiales (A : 18%/30%; B : 36%/35%; C : 38%/40%; D : 58%/57% et E : 76%/75%).
Les composés K2PdCl4 et K2PdBr4 sont des isotypes structuraux. Ils cristallisent dans le groupe centrosymétrique P4/mmm, avec une unité formulaire par maille élémentaire. Les ions isolés 〚PdX4〛2– sont carré-plan, avec des angles X–Pd–X strictement égaux à 90°, puisque l’atome de palladium est situé sur l’axe 4. Ceci implique que les quatre sites halogénés se déduisent l’un de l’autre par symétrie. Cette organisation, qui se retrouve dans les composés quaternaires étudiés, exclut la mise en évidence par diffraction des rayons X (qui ne représentent pas une sonde locale) d’espèces intermédiaires, de type 〚PdClBr3〛2–, PdCl2Br2〛2–, 〚PdCl3Br〛2– ou 〚PdCl2Br2〛2– trans, puisque la substitution Cl/Br n’introduit pas de modification de la symétrie de réseau. Notre étude structurale montre en effet clairement que seuls les paramètres a et c sont affectés, le groupe spatial et le contenu atomique étant maintenus (P4/mmm, Z = 1). Ce comportement est donc différent de celui observé pour la solution solide KAuCl4–xBrx, où l’existence de l’entité 〚AuCl2Br2〛2– trans a été confirmée dans le composé KAuCl1,94Br2,06 par analyse radiocristallographique de monocristaux 〚8〛. Précisons que, si le complexe similaire 〚AuX4〛2– plan-carré répond à la même géométrie de coordination (d8) que celle du complexe 〚PdX4〛2–, les composés de la solution solide KAuCl4–xBrx cristallisent dans le groupe spatial P21/c, permettant, quant à lui, une mise en évidence de l’espèce trans, puisque chaque atome d’or se situe dans ce cas sur un centre de symétrie.
La présence de l’espèce 〚PdCl2Br2〛2– trans dans la solution solide K2PdCl4–xBrx ne peut cependant pas être infirmée par les résultats présentés dans cet article. En effet, les structures cristallines résultent probablement d’un assemblage d’espèces , de composition locale 〚PdClBr3〛2–, PdCl2Br2〛2–, 〚PdCl3Br〛2–, dont la symétrie de réseau est conservée, mais dont la symétrie moléculaire peut être modifiée. L’axe d’ordre 4 est toujours maintenu au niveau du réseau cristallin et le désordre intermaille (Fig. 3) ne génère pas de surstructure.
Pour conclure, ce travail met en évidence la complémentarité entre techniques de diffraction des rayons X et de spectroscopie dans l’étude du solide. Ainsi, pour la solution solide étudiée K2PdCl4–xBrx, l’analyse réalisée par IR ou Raman 〚2〛 apporte une description au niveau moléculaire impossible à atteindre par diffraction X.