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Comptes Rendus

Activités antiplasmodiales in vitro de quelques plantes antipaludiques de la pharmacopée béninoise
Comptes Rendus. Chimie, Volume 7 (2004) no. 10-11, pp. 1023-1027.

Résumés

Le paludisme demeure l'une des premières pandémies et constitue un problème majeur de santé publique, particulièrement en Afrique. Au Bénin, la richesse de la flore et la connaissance de la médecine traditionnelle sont susceptibles, comme ce fut le cas de l'artémisinine, d'ouvrir de nouvelles voies pour la recherche de nouveaux médicaments. Cette étude présente une évaluation in vitro de l'activité antiplasmodiale des extraits de quatre plantes médicinales de la pharmacopée traditionnelle béninoise. Il s'agit des extraits éthanoliques, méthanoliques et dichlorométhanoliques de Argemone mexicana, Cassia rotundifolia, Phyllanthus amarus et de Thalia geniculata. La plupart de ces extraits ont inhibé de façon significative la croissance de la souche chloroquinosensible de Plasmodium falciparum 3D7. .

In vitro antiplasmodial activity of some antimalarial plants of Beninese pharmacopoeia. Malaria is one of the first pandemic diseases and represents a major problem of public health, particularly in Africa. In Benin, the screening of traditional medicine is susceptible, as that was the case with artemisinine in China, to open new ways for new drugs discovery. This study presents an in vitro evaluation of the antiplasmodial effects of extracts from four plants commonly used in Benin as folk medicine against malaria. It concerns ethanol, methanol and methylene chloride extracts of Argemone mexicana, Cassia rotundifolia, Phyllanthus amarus and of Thalia geniculata. Most of these extracts show significant activity against the chloroquine-sensitive strain of Plasmodium falciparum 3D7. .

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DOI : 10.1016/j.crci.2003.10.022
Mot clés : Extraits de plantes, Activité antiplasmodiale, Pharmacopée béninoise, 3D7
Mots clés : Plant extracts, Antiplasmodial, 3D7, Traditional medicine, Benin

Tomabu Adjobimey 1 ; Inès Edayé 1 ; Latifou Lagnika 1 ; Joachim Gbenou 2 ; Mansour Moudachirou 2 ; Ambaliou Sanni 1

1 Laboratoire de biochimie et de biologie moléculaire, département de biochimie et de biologie cellulaire, faculté des sciences et techniques, université d'Abomey-Calavi, 04 BP 0320, Cotonou, Bénin
2 Laboratoire de pharmacognosie et huiles essentielles, faculté des sciences et techniques, université d'Abomey-Calavi, 01 BP 2126, Cotonou, Bénin
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Tomabu Adjobimey; Inès Edayé; Latifou Lagnika; Joachim Gbenou; Mansour Moudachirou; Ambaliou Sanni. Activités antiplasmodiales in vitro de quelques plantes antipaludiques de la pharmacopée béninoise. Comptes Rendus. Chimie, Volume 7 (2004) no. 10-11, pp. 1023-1027. doi : 10.1016/j.crci.2003.10.022. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2003.10.022/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

Le paludisme est la maladie parasitaire la plus répandue dans le monde, avec environ tous les ans 500 millions de nouveaux cas cliniques [1]. En l'absence d'un vaccin, la chimiothérapie est le seul recours contre la maladie. Mais le développement de la chimiorésistance du parasite aux antipaludiques les plus couramment utilisés pose un grave problème de santé publique [2].

Dans ce contexte, de nouveaux médicaments, avec de nouveaux mécanismes d'action, sont nécessaires pour assurer le contrôle de la maladie. La recherche sur les plantes antipaludiques a pris une ampleur particulière depuis l'isolement de l'artémisinine d'une plante médicinale de la pharmacopée traditionnelle chinoise : Artemisia annua [3].

Récemment, de nombreux travaux ont été menés pour évaluer l'activité in vitro de nombreuses plantes [4,5]. Dans cet ordre d'idée, la présente étude a testé in vitro l'activité anti-plasmodium de quatre plantes utilisées dans la pharmacopée béninoise pour le traitement du paludisme. Ces plantes font partie d'un répertoire de 88 plantes utilisées au Bénin par les tradipraticiens, recensées à la suite d'une enquête ethnobotanique réalisée en 1990 par la direction de la Protection sanitaire du ministère béninois de la Santé publique.

2 Matériels et méthodes

2.1 Extraction

2.1.1 Extraction dichlorométhanolique et méthanolique

L'extraction est effectuée de la manière suivante :

  • • les plantes sont mises à sécher à l'ombre dans un endroit frais et sec ;
  • • les plantes correctement séchées sont broyées et réduites en poudre ;
  • • 5 g de poudre de plante sont mis sous agitation en présence de 50 ml de dichlorométhane pendant 72 h ;
  • • le mélange est ensuite filtré ;
  • • le filtrat récupéré est évaporé au rotavapor, l'extrait dichlorométhanolique est ainsi obtenu ;
  • • le résidu recueilli est pesé, puis remis sous agitation avec 50 ml de méthanol pendant 72 h ;
  • • le mélange est filtré et l'extrait méthanolique est obtenu après évaporation du filtrat au Rotavapor.

2.1.2 Extraction éthanolique

La procédure est la suivante :

  • • 5 g de poudre de la plante sont mis à percoler par l'éthanol, avec un débit moyen de 1 goutte par seconde ;
  • • au bout de 72 h de percolation, le filtrat est récupéré et évaporé au Rotavapor ; l'extrait éthanolique de la plante correspondante est ainsi obtenu.

2.2 Activité antiplasmodiale des extraits de plantes

Le test est effectué avec des parasites (3D7) maintenus en culture continue selon la méthode de Trager et Jensen [6]. Ce test se fait avec une parasitémie d'au moins 1%, avec une majorité des formes trophozoïtes jeunes. Il s'effectue en trois étapes.

2.2.1 Synchronisation au sorbitol

Avant le lancement du test, il est recommandé d'effectuer une synchronisation au sorbitol afin de partir exclusivement de formes jeunes. La synchronisation est obtenue grâce à la différence de résistance membranaire entre les globules infectés par des formes jeunes et ceux infectés par des formes âgées (schizontes). Les membranes des érythrocytes contenant des schizontes sont plus fragiles et éclatent sous la pression du sorbitol à 5% [7].

2.2.2 Test de chimiosensibilité

Le test utilisé est une adaptation du semi-microtest décrit en 1978 par Rieckmann [8] et adopté par l'OMS pour le contrôle in vitro de la résistance de Plasmodium falciparum aux médicaments antipaludiques. Ces tests sont effectués en triple avec une gamme de concentration allant de 128 à 1 μg ml–1 avec des dilutions successives de moitié. Le sang parasité et synchronisé est incubé à 37 °C en présence de cette gamme de concentration pendant 24 h. Les lames correspondantes à chaque dilution sont réalisées, colorées au Giemsa et lues au microscope optique. Le nombre de schizontes dans chaque puits est compté.

2.2.3 Expression des résultats

Le pourcentage d'inhibition qui exprime l'action des extraits sur la croissance des parasites est déterminé grâce à la formule suivante:

%inhibition=%schizontes dans le puits testé/%schizontes dans le puits témoin

Les CI50 (concentration d'extrait qui inhibe de 50% la croissance des parasites) et les coefficients de corrélation (R2) correspondants sont déterminés graphiquement, en utilisant la droite de régression représentant le pourcentage d'inhibition en fonction du logarithme décimal de la concentration de l'extrait testé.

3 Résultats et discussion

3.1 Résultats des extractions de plantes

À partir des quatre plantes sélectionnées, douze extraits ont été obtenus. Le Tableau 1 indique les rendements obtenus pour chaque extrait de plantes. Ces résultats montrent que les extraits éthanoliques ont donné les meilleurs rendements.

Tableau 1

Rendement des extractions

Plantes utiliséesPartie de la planteType d'extractionRendement
Argemone mexicanafeuilleséthanolique8,80%
dichlorométhanolique6,35%
méthanolique4,50%
Cassia rotundifoliaplante entièreéthanolique5,02%
dichlorométhanolique3,30%
méthanolique3,50%
Phyllanthus amarusplante entièreéthanolique8,84%
dichlorométhanolique5,40%
méthanolique3,40%
Thalia geniculatafeuilleséthanolique10,70%
dichlorométhanolique10,00%
méthanolique6,25%

3.2 Résultats des tests de chimiosensibilité

Les résultats des tests effectués in vitro avec les 12 extraits étudiés, comparés à celui obtenu avec la chloroquine, sont rapportés dans le Tableau 2. La valeur de la CI50 obtenue pour la chloroquine est de 0,00389 μg ml–1.

Tableau 2

Valeurs des CI50 obtenues/3D7

Partie testéeType d'extractionCI50 (μg ml–1)
Chloroquine0,00389
Argemone mexicanafeuilleséthanolique3,15
dichlorométhanolique4,31
méthanolique6
Cassia rotundifoliaplante entièreéthanolique4,24
dichlorométhanolique8,93
méthanolique4,44
Phyllanthus amarusplante entièreéthanolique5
dichlorométhanoliquend
méthanolique14,53
Thalia geniculatafeuilleséthanoliquend
dichlorométhanolique19,16
méthanolique4

Les valeurs de CI50 (Tableau 2) obtenues varient en fonction de la nature de l'extrait de plante utilisé, de la plante considérée et de la concentration.

  • • Pour Argemone mexicana, l'extrait éthanolique avec une CI50 de 3,15 μg ml–1 et un coefficient de corrélation R2 = 0,87 est plus actif que l'extrait dichlorométhanolique (4,31 μg ml–1, R2 = 0,99), qui lui-même est plus actif que l'extrait méthanolique (6 μg ml–1, R2 = 0,93).
  • • Pour Cassia rotundifolia, l'extrait éthanolique avec une CI50 de 4,24 μg ml–1 et une corrélation R2 = 0,82 est aussi efficace que l'extrait méthanolique (4,44 μg ml–1, R2 = 0,90), qui est deux fois plus actif que l'extrait dichlorométhanolique (8,93 μg ml–1, R2 = 0,97).
  • • Pour Phyllanthus amarus, l'extrait éthanolique est le plus efficace, avec une CI50 de 5 μg ml–1 et une corrélation R2 = 0,92, que l'extrait méthanolique (14,53 μg ml–1, R2 = 0,89). L'extrait dichlorométhanolique n'a pas du tout inhibé la croissance de Plasmodium falciparum in vitro : R2 = 0,016.
  • • Pour Thalia geniculata, l'extrait méthanolique a présenté l'action inhibitrice la plus élevée (CI50 = 4 μg ml–1, R2 = 0,96). Il est suivi de l'extrait dichlorométhanolique, avec une CI50 de 19,16 μg ml–1 et une corrélation R2 de 0,75, tandis que l'extrait éthanolique n'a présenté aucun effet (R2 = 0,18).

La chloroquine, testée dans nos conditions, a donné une CI50 de 3,89 × 10–3 μg ml–1, avec un coefficient de corrélation R2 = 0,91 (91%). Cette valeur est 1234 fois inférieure à celle obtenue avec l'extrait éthanolique de Argemone mexicana.

L'extrait éthanolique de Argemone mexicana présente l'inhibition la plus forte, avec une CI50 de 3,15 μg ml–1. Il est suivi de celui de Cassia rotundifolia (CI50 = 4,24 μg ml–1), puis vient l'extrait éthanolique de Phyllanthus amarus (CI50 = 5 μg ml–1).

Thalia geniculata a donné l'extrait méthanolique le plus actif sur la souche de Plasmodium falciparum utilisée (CI50 = 4 μg ml–1). Il est suivi de Cassia rotundifolia,avec une CI50 de 4,44 μg ml–1, puis de Argemone mexicana (CI50 = 6 μg ml–1) et enfin de Phyllanthus amarus (CI50 = 14,53 μg ml–1).

L'extrait dihlorométhanolique le plus actif est celui de Argemone mexicana (CI50 = 4,31 μg ml–1). Il est suivi de Cassia rotundifolia (CI50 = 8,93 μg ml–1), puis vient l'extrait dichlorométhanolique de Thalia geniculata, avec une CI50 de 19,16 μg ml–1.

Sur les quatre plantes testées, trois ont présenté la plus faible CI50 pour l'extrait éthanolique. Quant aux extraits dichlorométhanoliques, ils présentent pour la majorité des plantes (3/4), les CI50 les plus élevées, donc les activités les plus faibles.

La méthode utilisée, est une adaptation de celle standardisée par l'OMS (semi-microtest de Rieckmann 1978) pour la surveillance de la sensibilité de Plasmodium falciparum [8–10]. Elle consiste à mesurer l'inhibition de la maturation des parasites isolés chez un malade, en présence de doses croissantes d'un antipaludique donné. Cette méthode bien appropriée pour estimer l'activité schizonticide de l'extrait utilisé, ne révèle pas une activité gamétocytocide. Les résultats négatifs obtenus ne témoignent donc pas forcément de l'inefficacité de la plante utilisée.

Des tests similaires réalisés sur d'autres souches de Plasmodium falciparum avec d'autres espèces végétales ont donné des résultats comparables. Ainsi, DJAMAN en 1997 a obtenu des CI50 compris entre 0,3 et 3 μg ml–1 en testant Olax subscorpiodes (Olacacee) sur des isolats chloroquinosensibles de Plasmodium falciparum [10].

DJE M. en 1997 a obtenu une CI50 de 14,03 ± 0,63 μg ml–1 en testant l'extrait méthanolique de Mitragyna ciliata sur la souche de Plasmodium falciparum FCM 29 (chloroquinosensible) [11].

M. Gbeassor, testant l'extrait éthanolique de Newbouldia leavis sur des isolats de Plasmodium falciparum in vitro, a obtenu en 1990 des CI50 allant de 10,6 à 12,9 μg ml–1. Les valeurs obtenues avec des souches chloroquinorésistantes ne sont pas trop éloignées de celles obtenues avec des souches sensibles [4].

4 Conclusion

Les résultats obtenus sur la souche de Plasmodium falciparum 3D7 montrent que la chloroquine (molécule pure) est environ mille fois plus active que les extraits considérés, et que les extraits éthanoliques, pour trois des plantes utilisées, sont les plus actifs. Ces résultats sont encourageants et confirment l'usage de ces plantes dans la pharmacopée. La souche que nous avons étudiée étant chloroquinosensible, il serait utile de vérifier l'action de ces plantes sur des souches résistantes et d'effectuer des fractionnements pour identifier les principes actifs. Pour cela, nous envisageons de tester les extraits les plus actifs sur les souches D6, W2 et K1 de Plasmodium falciparum. Nous envisageons également d'évaluer la toxicité de ces extraits sur les cellules humaines. Lorsque les activités antiplasmodiales de ces extraits seront incontestablement prouvées sur les souches résistantes, des fractionnements bioguidés seront effectués en vue de la purification de la (des) molécule(s) active(s).

La flore béninoise et africaine n'a pas fini de livrer ses remèdes, et ce travail est un pas de plus dans l'élaboration de nouveaux médicaments.

Remerciements

Les auteurs remercient le centre de transfusion sanguine de Cotonou pour le sang qui a permis de faire les cultures de Plasmodium, et particulièrement Mme Lawson, ainsi que le Centre béninois de la recherche scientifique (CBRST) et son directeur, le Pr. Fatiou Toukourou.


Bibliographie

[1] B. Greenwood; T. Mutabinngwa Nature, 415 (2002), p. 669

[2] Organisation mondiale de la Santé, Présentation de l'opération médicaments antipaludiques. WHO information, Aide-mémoire, 1999

[3] China Cooperative Research Group China Cooperative Research Group on Quinghaosu and its derivatives as antimalarials, Studies on the toxicity of Quinghaosu and its derivatives, Medicine (1982), p. 1

[4] M. Gbeassor; A.Y. Kedjagni; K. Koumaglo; C. De Souza; K. Agbo; K. Aklikokou; K.A. Amegbo Phytother. Res., 4 (1990), p. 115

[5] M.J. O'Neill; D.H. Bray; P. Boardman; J.D. Phillipson; D.C. Warhurst Planta Med., 61 (1985), p. 394

[6] W. Trager; J.B. Jensen Science, 193 (1976), p. 673

[7] C. Lambros; J.P. Van Den Berg J. Parasitol., 65 (1974), p. 418

[8] K.H. Rieckmann; L.J. Sax; G.H. Campbell; J.E. Mrema The Lancet, 1 (1978), p. 22

[9] R.T. Guiguemde; R.A. Gbary; S.O. Sheick Oumar Coulibaly; J.B. Ouedraogo Cahiers Santé, 6 (1996), p. 187

[10] A.J. Djaman. Évaluation d'une action antiplasmodiale de Olax subscorpioides contre des souches chloroquinorésistantes de Plasmodium falciparum. thèse, université de Cocody. Abidjan, Côte-d'Ivoire. 1997

[11] M. Dje; A. Djaman; A. Mazbraud; F. Guede-Guina Afrique Biomédicale, 2 (1997), p. 4


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