1 Introduction
Ageratum conyzoïdes L. est une herbe annuelle de la famille des Composeae (Asteraceae), dressée et mollement pubescente. Les feuilles sont souples, douces au toucher, opposées et ovales. Les fleurs sont mauve pâle ou bleutées à cymes de capitules terminaux. Toute la plante dégage une odeur aromatique quand on la froisse. La plante est fréquente dans les lieux humides, comme les rizières en jachère après le retrait des eaux [1]. Ageratum conyzoïdes est une plante tropicale à utilisations multiples en médicine traditionnelle. Les feuilles par exemple, sont utilisées comme anti-bactérien pour soigner les ulcères, les plaies, les douleurs dentaires, les dermatoses, les brûlures. La plante est aussi utilisée comme anti-inflammatoire, antibiotique, cicatrisant, etc. Les racines sont utilisées en décoction pour soigner la diarrhée [1–3].
L'étude des huiles essentielles d'Ageratum conyzoïdes acclimaté dans diverses régions montre que ses huiles essentielles contiennent principalement du l'agératochromène (précocène II) et/ou dérivés [4–12] (Tableau 1).
Teneur en agératochromène et/ou en dérivés des huiles essentielles d'Ageratum conyzoïdes de différents pays
Composés (%) | Inde [4] | Vietnam | Pakistan [12] | Fiji [7] | Nigeria [9] | Ghana [8] | Bénin [10] | Côte-d'Ivoire[10] | Congo [10] | Cameroun [11] | |
I [5] | II [6] | ||||||||||
Précocène II | 16 | 53–55 | 31 | 34,9 | 0,1–35 | 0,7 | — | 0,4 | — | 0,1–1,1 | 0,2 |
Précocène I | 60 | — | 29 | 30,3 | — | 82,2 | 80,29 | 85,6 | 46,5 | 63–87 | 81 |
Dérivé | — | 30–32 | — | — | 16–60 | — | — | — | — | — |
Cette substance est une hormone anti-juvénile contre certains insectes [13] et pourrait être utilisée dans la lutte biologique contre les ravageurs dans l'agriculture, d'où l'intérêt de cette étude.
L'espèce rencontrée au Burkina Faso n'a pas encore fait l'objet d'étude de la composition chimique des huiles essentielles. En vue de mettre au point des pesticides naturels à partir des huiles essentielles, la caractérisation chimique de ces huiles est nécessaire, ce qui justifie le présent travail.
2 Partie expérimentale
2.1 Matériel végétal
La plante a été identifiée au laboratoire de biologie et d'écologie végétales de l'université de Ouagadougou, où un spécimen a été déposé.
Les feuilles d'Ageratum conyzoïdes ont été récoltées en janvier 2001 à Kamboinsé, (12°27′443" de latitude nord et 1°33'169" de longitude ouest).
2.2 Extraction des huiles essentielles
Les huiles ont été extraites par hydrodistillation à l'aide d'un appareil du type Clevenger pendant 3 heures, à partir de matériel végétal frais ou sec selon les cas. Les huiles essentielles sont collectées par décantation, puis séchées sur sulfate de sodium anhydre. La masse du matériel végétal frais a été considérée pour le calcul des rendements.
2.3 Analyses par chromatographie en phase gazeuse
Les analyses des huiles ont été faites à l'aide d'un chromatographe Varian 3800 équipé de deux colonnes capillaires, l'une polaire et l'autre apolaire (Supelcowax 30 m ; 0,25 mm et SPB1 30 m ; 0,25 mm ; dans chaque cas, la taille des particules de la colonne était de 0,25 μm). La température du four était programmée de la manière suivante : 40 °C à 240 °C (2 °C/min) et stationnaire à 240 °C pendant 40 min. L'injecteur et le détecteur étaient portés respectivement à 230 °C et 250 °C, le gaz vecteur utilisé étant l'hélium.
2.4 Analyses par GC/MS
Les spectres GC/MS ont été réalisés sur GC de type Varian 3400 muni d'un injecteur SPI et équipé d'une colonne capillaire DB-WAX (30 m ; 0,25 mm ; taille des particules : 0,25 μm) ; le spectromètre de masse était de marque Saturn II, muni d'une trappe ionique maintenue à 220 °C avec un impact de 70 eV.
La température du détecteur était de 250 °C, celle de l'injecteur était programmée de 40 à 240 °C, à raison de 180 °C/min et a été maintenue à cette température pendant 139 min. La température du four était programmée de 40 à 240 °C à raison de 2 °C/min et a été maintenue à 240 °C pendant 40 min, la ligne de transfert étant maintenue à 250 °C.
Les constituants ont été identifiés par comparaison : (i) des indices de Kováts avec ceux de la banque de données ESO, (ii) des spectres de masse obtenus avec ceux de la littérature [14,15].
3 Résultats et discussion
L'huile essentielle obtenue est de coloration jaune pâle, avec un rendement de 0,75%. Les résultats des analyses ont permis d'identifier 32 composés, représentant plus de 99% de la composition chimique de l'huile essentielle de l'espèce.
Le 7-méthoxyagératochromène (86,44%) et le β-caryophyllène (8%) sont les composés majoritaires de l'huile essentielle.
Les résultats que nous avons obtenus (Tableau 2) présentent une quasi-similitude avec ceux obtenus à partir des huiles essentielles des feuilles d'Ageratun conyzoïdes acclimaté dans la zone occidentale africaine (Ghana [8], Nigeria [9], Bénin et Côte-d'Ivoire [10]) et centrale (Congo [10] et Cameroun [11]). En effet, l'espèce du Ghana contient 80,29% de précocène I, celle du Nigeria 82,20%, celle du Bénin 85,6%, celle de Côte-d'Ivoire 46,5%, celle du Congo jusqu'à 87% et celle du Cameroun 81%. L'espèce rencontrée dans la zone asiatique (Vietnam [6], Pakistan [12] et Inde [4]) possède, d'une part, des huiles essentielles qui contiennent en proportions appréciables du précocène I et II et, d'autre part, (Vietnam [5] et îles Fiji [7]) des huiles essentielles contenant en proportions appréciables le précocène II et le 6-méthoxyagératochromène.
Composition chimique des huiles essentielles d'Ageratum conyzoïdes
Composés | Pourcentage | KIa |
Camphène | 0,1 | 1059 |
δ2-Carène | 0,11 | 1122 |
α-Phéllandrène | 0,02 | 1157 |
Limonène | 0,09 | 1185 |
1,8-cinéole | 0,014 | 1199 |
cis–muurola-4(14)5-diène | 0,25 | 1517 |
Endoisobornylformate | 0,08 | 1543 |
Endobornyl acétate | 0,22 | 1554 |
β-Caryophyllène | 8,13 | 1570 |
E β-Farmesène | 0,13 | 1622 |
α-Humulène | 0,47 | 1636 |
β-Cédrène | 0,34 | 1655 |
Z β-Farnesène | 0,20 | 1660 |
Germacrène D | 1,04 | 1676 |
Bicyclosesquiphéllandrène | 0,10 | 1680 |
Pipéritone | 0,08 | 1685 |
Bicyclogermacrène | 0,43 | 1698 |
β-Bisabolène | 0,03 | 1704 |
Germacrène A | 0,06 | 1725 |
δ-Cadinène | 0,06 | 1730 |
β-Sesquiphéllandrène | 0,96 | 1746 |
α-Muurol-5-en-4-ol | 0,05 | 1863 |
Cubebol | 0,03 | 1914 |
Oxyde caryophyllène | 0,11 | 1936 |
Précocène I | 86,44 | 2046 |
Spathulénol | 0,04 | 2088 |
2-Méthoxy-4-vinylphénol | 0,03 | 2156 |
4,4-Diméthyltétracylo (6,3,2,0)(2,5)0(1,8)tridécan-9-ol | 0,04 | 2257 |
Androencecalinol | 0,16 | 2327 |
Précocène II | 0,09 | 2373 |
Desmethoxyencecalin | 0,04 | 2401 |
Éthanone-1-(2,4,5 triméthylphényl) | 0,03 | 2498 |
Total | 99,97% | — |
a Les indices de Kováts ont été déterminés sur une colonne DB-WAX.
En faisant alors une synthèse des différents travaux réalisés sur les huiles essentielles d'Ageratum conyzoïdes, l'espèce peut être regroupée en trois chémotypes, qui sont (Fig. 1) :
- • un chémotype à précocène I (7-méthoxyagératochromène)
- • un chémotype à précocène I et précocène II (agérotochromène)
- • un chémotype à précocène II et à 6-méthoxyagératochromène.
La teneur élevée en précocène I dans les huiles essentielles d'Ageratum conyzoïdes (86%) rend pertinents des tests biologiques à partir de ces extraits.
4 Conclusion
La composition chimique des huiles essentielles de Ageratum conyzoïdes acclimatée au Burkina Faso a été étudiée pour la première fois. Cette huile est riche en précocène I (86%). Cette teneur élevée en composés oxygénés rend l'espèce potentiellement intéressante pour des études sur les propriétés insecticides de cette huile.
Remerciements
Nous remercions le Centre canadien de recherche pour le développement international (CRDI) dont le soutien financier a permis la réalisation de ce travail, Mme Jeanne Millogo-Rasolodimby pour l'identification de l'espèce et Mme France Boudreau pour la réalisation des analyses GC/MS.