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Comptes Rendus

Étude par spectroscopie infrarouge de porphyrines chirales bistables
Comptes Rendus. Chimie, Volume 9 (2006) no. 9, pp. 1163-1168.

Résumés

Des porphyrines chirales dont les substituants méso adjacents sont liés par une bride via des fonctions ester et leurs complexes métalliques ont été étudiées par spectroscopie infrarouge. Ces composés peuvent adopter plusieurs conformations, selon la longueur de la bride et la nature du métal complexant. La multiplicité de la vibration d'élongation en infrarouge des carbonyles des groupes esters est corrélée à la symétrie de ces composés, et donne donc une information sur leur conformation. Cette observation semble potentiellement utile dans le cas des complexes paramagnétiques, où la RMN n'apporte pas aisément d'information conformationnelle. .

Infrared spectral study of bistable chiral porphyrins. Chiral porphyrins in which adjacent meso substituents are connected by a strap via ester linkages and their metal complexes have been examined by infrared spectroscopy. These compounds can adopt several conformations depending on the length of the strap as well as on the nature of the complexing metal. The multiplicity of the carbonyl stretching vibration is correlated to the symmetry of these complexes, and therefore it provides information on their conformation. This observation is potentially useful in the case of paramagnetic complexes where NMR spectroscopy is uninformative. .

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DOI : 10.1016/j.crci.2005.12.004
Mot clés : Porphyrine chirale, Vibration d'élongation des carbonyles, Symétrie
Mots clés : Chiral porphyrin, Carbonyl stretch, Symmetry
Anna Castaings 1, 2 ; Jacques Pécaut 1 ; Jean-Claude Marchon 1

1 Laboratoire de chimie inorganique et biologique (UMR E-3 CEA-UJF), département de recherche fondamentale sur la matière condensée, CEA-Grenoble, 38054 Grenoble, France
2 Laboratoire mémoires nanodispositifs et optique, département intégration hétérogène silicium, Leti, CEA-Grenoble, 38054 Grenoble, France
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Anna Castaings; Jacques Pécaut; Jean-Claude Marchon. Étude par spectroscopie infrarouge de porphyrines chirales bistables. Comptes Rendus. Chimie, Volume 9 (2006) no. 9, pp. 1163-1168. doi : 10.1016/j.crci.2005.12.004. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2005.12.004/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

Un regain d'intérêt se manifeste actuellement pour la bistabilité moléculaire, dans le contexte du développement des nanosciences. Dans notre laboratoire, nous étudions des porphyrines substituées en position méso par des groupements chiraux dérivés de l'acide (1R)-cis-hémicaronaldéhydique (biocartol) [1]. Les groupements méso adjacents sont liés par une bride constituée d'une chaîne carbonée de longueur variable (Schéma 1) ; n désigne le nombre de groupes méthylène. Ces MétalloChiroPorphyrines Bridées sont désignées par l'abréviation MBCP-n.

Schéma 1

Structure générale des chiroporphynes bridées.

La longueur de la bride carbonée détermine la conformation la plus stable de ces porphyrines. Ainsi, pour les brides longues (n = 9 à 16), les substituants méso adoptent une conformation αβαβ, alors que pour les brides courtes (n = 8), ils sont tous orientés du même côté du plan du macrocycle (αααα) [2,3]. Ces deux conformères sont stables et on n'observe pas d'interconversion entre eux à température ambiante ; la spectroscopie de RMN montre des signaux distincts pour les deux conformères (voir ci-après).

Nous avons par ailleurs démontré que la conformation du complexe à n = 8 dépend du métal complexant [2]. En effet, après insertion du zinc, la conformation demeure identique à celle de la porphyrine non métallée, c'est-à-dire αααα. En revanche, le complexe de nickel présente une conformation froncée de la porphyrine et une disposition αβαβ des substituants méso.

La caractérisation conformationnelle de ces composés a pu être réalisée à l'état solide par diffraction des rayons X [2]. L'un des facteurs déclenchant le changement d'orientation des brides a été identifié comme étant la taille de l'atome métallique central. L'ion Zn(II) présente des liaisons « longues » avec les atomes d'azote de la porphyrine (moyenne pour ZnBCP-8 : Zn–N = 2,036(5) Å), alors que, dans le cas du nickel, les liaisons correspondantes sont plus courtes (moyenne pour NiBCP-8 : Ni–N = 1,916(5) Å). Pour NiBCP-8, le cœur porphyrinique étant contraint à être froncé, les brides deviennent trop courtes pour assurer la liaison entre deux substituants orientés du même côté et qui s'éloignent l'un de l'autre ; elles sont alors forcées à basculer vers l'extérieur du macrocycle par rotation de deux groupements méso.

En solution, la RMN du proton révèle que les deux complexes présentent des signatures bien distinctes, et qu'ils ont donc des symétries différentes. En particulier, les signaux observés pour les protons β-pyrroliques sont constitués de deux systèmes AB pour la forme αααα, de symétrie C2, et de deux singulets pour le conformère αβαβ, de symétrie D2 (Fig. 1) [2].

Fig. 1

Symétrie des conformètres αβαβ et ααααα des chiroporphynes bridées.

La RMN 1H est donc un outil de choix pour l'analyse conformationnelle de ces composés. Cependant, pour les complexes paramagnétiques, tels que le complexe de nickel à haut spin Ni(pip)BCP-8 présent en solution dans la pipéridine, les raies observées en RMN sont trop larges pour permettre de déterminer leur multiplicité et d'attribuer de façon certaine la symétrie de la molécule et donc sa conformation [2]. Il s'est donc avéré nécessaire d'explorer de nouvelles méthodes de caractérisation permettant de distinguer les principaux conformères αααα et αβαβ.

Les composés MBCP-n étant chiraux, nous les avons dans un premier temps examinés à l'aide du dichroïsme circulaire. Les résultats obtenus sont décrits dans une autre publication [4]. En outre, ces composés possèdent des groupes carbonyle actifs en infrarouge et potentiellement sensibles à la symétrie de leur environnement [5]. Nous avons donc choisi d'étudier par spectroscopie infrarouge les porphyrines libres à n = 8 et 9 et leurs complexes de zinc, nickel, cuivre, fer et manganèse. Les résultats obtenus sont décrits dans la présente publication.

2 Résultats et discussion

Les chiroporphyrines bridées MBCP-n (n = 8, 9 ; M = H2, Zn, Ni, Cu, FeCl, MnCl) ont été caractérisées par spectroscopie infrarouge. Nous nous sommes en particulier attachés à l'étude de la zone autour de 1700 cm–1 afin d'observer avec précision la vibration des groupements carbonyles situés sur les brides (Schéma 2).

Schéma 2

Position des groupements carbonyles sur les chiroporphyrines bridées.

Les spectres obtenus pour les porphyrines libres et leurs complexes métalliques, en solution dans le dichlorométhane, sont présentés dans la Fig. 2, et les fréquences des bandes d'absorption sont rassemblées dans le Tableau 1. On observe deux bandes de vibration pour H2BCP-8 et ZnBCP-8 (Fig. 2a,c), ainsi que pour les complexes de fer FeClBCP-8 et FeClBCP-9 (Fig. 2i et j). En revanche, H2BCP-9, ZnBCP-9 et tous les complexes de nickel, de cuivre et de manganèse ne présentent qu'une seule bande de vibration des carbonyles.

Fig. 2

Spectres infrarouges des complexes de chiroporphyrines bridées.

Tableau 1

Fréquence de vibration C=O des différentes chiroporphyrines

Porphyrinesνco (cm–1)
H2BCP-81727, 1696
H2BCP-91730
ZnBCP-81727, 17696
ZnBCP-91728
NiBCP-81730
NiBCP-91728
CuBCP-81730
CuBCP-91732
FeClBCP-81728,1696
FeClBCP-91731, 1712
MnClBCP-81733
MnClBCP-91734

Ces résultats peuvent être interprétés en termes de symétrie. En effet, dans les complexes NiBCP-8, NiBCP-9, H2BCP-9 et ZnBCP-9, du fait de la symétrie moyenne D2 en solution (observée par RMN 1H), les quatre carbonyles sont équivalents et présentent donc la même fréquence de vibration, située à 1730 cm–1. Pour la porphyrine libre H2BCP-8 et le complexe ZnBCP-8 qui, selon la RMN 1H, possèdent une symétrie moyenne de type C2, les groupes carbonyles sont équivalents deux à deux ; chaque paire présente donc une fréquence de vibration propre. La déconvolution des deux bandes montre qu'elles n'ont pas la même intégrale, ce qui laisse penser que leurs modes de vibrations ne sont pas strictement identiques.

Ces premiers résultats suggèrent que la vibration d'élongation des groupes carbonyles est corrélée à la symétrie de ces composés. En conséquence, nous avons étendu notre étude à des complexes paramagnétiques dont nous ne pouvions déterminer la conformation par RMN : il s'agit des complexes de cuivre(II), de fer(III) et de manganèse(III). Les résultats obtenus pour les complexes plans–carrés de cuivre(II) (Fig. 2g et h) nous amènent à penser qu'ils présentent une symétrie moyenne en solution de type D2, et donc une conformation froncée αβαβ. Cette conclusion est corroborée par les résultats de notre étude par dichroïsme circulaire [4].

D'après la double bande observée dans la région 1700–1750 cm–1 pour FeClBCP-8 et FeClBCP-9 (Fig. 2i et j), ces composés présentent une symétrie C2. Les porphyrines de fer(III) sont pentacoordonnées et, dans notre cas, présentent un atome de chlore en position axiale. Les données cristallographiques sur la tétraméthylchiroporphyrine de fer(III) indiquent que l'atome central se situe légèrement en dehors (0,64 Å) du plan moyen de la porphyrine et que la distance Fe–Cl est de l'ordre de 2,207(2) Å [6]. Les complexes FeClBCP-n (n = 8, 9) présentent très probablement une structure analogue. Nous ne pouvons donc pas déduire leur conformation de la symétrie observée en infrarouge. En effet, avec un chlore en position axiale, la symétrie sera toujours réduite à un seul axe C2 passant par le ligand axial, que le conformère soit αααα ou αβαβ.

Les porphyrines de manganèse(III) sont généralement, comme les porphyrines de fer(III), pentacoordonnées avec un ligand axial chlorure. On pourrait donc s'attendre à des analogies spectrales en infrarouge. De façon surprenante, ce n'est pas le cas : pour MnClBCP-8 et MnClBCP-9, on n'observe qu'une seule bande de vibration C=O, au lieu de deux pour les complexes de fer (Fig. 2k et l). L'interprétation proposée est que la liaison Mn–Cl est probablement moins forte que la liaison Fe–Cl. En effet, la distance Mn–Cl est de 2,365(3) Å dans le complexe analogue MnClBCP-10 [7], soit environ 0,2 Å de plus que pour le complexe de fer. Ainsi, si l'on suppose que la liaison est de type ionique, on observerait en solution des espèces telles que [MnBCP-8]+ et [MnBCP-9]+, comportant peut-être des molécules d'eau en positions axiales, et qui auraient par conséquent une symétrie D2. En toute hypothèse, on peut conclure que les complexes de manganèse examinés ne peuvent en aucun cas présenter une conformation moyenne en solution αααα, sauf si les deux fréquences de vibration sont accidentellement dégénérées.

3 Conclusion

La symétrie des complexes de chiroporphyrines bridées peut être déterminée par l'étude de la multiplicité de la bande de vibration des groupes carbonyles en spectroscopie infrarouge. Dans le cas des porphyrines libres ou des complexes tétracoordonnés, cette technique permet de distinguer la forme αααα (symétrie C2) de la forme αβαβ (symétrie D2), et nous avons ainsi directement une information sur la conformation en solution.

Cette caractérisation, simple à mettre en œuvre, peut donner rapidement une idée de la conformation des complexes de chiroporphyrines bridées, en particuliers ceux pour lesquels on ne dispose pas de données cristallographiques. Elle n'est cependant pas pertinente pour l'étude conformationnelle des complexes pentacoordonnés.

4 Partie expérimentale

Synthèse : les différentes chiroporphyrines ont été synthétisées selon la méthode décrite dans des publications antérieures [2,3,7].

RMN : les composés ont été caractérisés par RMN 1H sur un appareil Bruker AC200 ou Varian Avance 500 en solution dans CDCl3.

Masse : les mesures par spectrométrie de masse ont été réalisées en mode électronébulisation sur un spectromètre Finnigan MAT LCQ.

UV–visible : les analyses par spectroscopie UV–visible ont été effectuées avec un instrument Hewlett-Packard 8453.

IR : les spectres infrarouges ont été enregistrés en solution dans CH2Cl2 entre deux fenêtres de NaCl avec un appareil Perkin-Elmer 1600 Series FTIR.

Remerciements

Ces travaux ont été financés en partie par le ministère de la Recherche par le programme « Recherche technologique de base dans le domaine des micro- et nanotechnologies » (opération « Post-CMOS moléculaire 200 mm »).


Bibliographie

[1] J.-C. Marchon; R. Ramasseul (K.M. Kadish; K. Smith; R. Guilard, eds.), The Porphyrin Handbook, Vol. 11, Academic Press, San Diego, CA, et Burlington, MA, USA, 2003, p. 75

[2] S. Gazeau; J. Pécaut; J.-C. Marchon Chem. Commun. (2001), p. 1644

[3] R.E. Haddad; S. Gazeau; J. Pécaut; J.-C. Marchon; C.J. Medforth; J.A. Shelnutt J. Am. Chem. Soc., 125 (2003), p. 1253

[4] G. Maheut, A. Castaings, J. Pécaut, L.M. Lawson Daku, G. Pescitelli, L. Di Bari, J.-C. Marchon, J. Am. Chem. Soc. (manuscrit soumis pour publication).

[5] E.L. Eliel; S.H. Wilen Stereochemistry of organic compounds, Wiley, New York, 1994, p. 711

[6] M. Mazzanti; J.-C. Marchon; J. Wojaczynski; S. Wolowiec; L. Latos-Grazynski; M. Shang; W.R. Scheidt Inorg. Chem., 37 (1998), p. 2476

[7] S. Gazeau; J. Pécaut; R. Haddad; J. Shelnutt; J.-C. Marchon Eur. J. Inorg. Chem. (2002), p. 2956


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