Sur des critères paléontologiques, Desreumaux et al. [8] attribuent un âge Crétacé supérieur aux turbidites du bassin de Bedous (Pyrénées occidentales), considérées auparavant carbonifères à triasiques. Ils interprètent, en outre, les paragenèses minérales développées dans ces formations au contact d'intrusions d'ophites, comme une auréole métamorphique induite par le magma ophitique et datée à 62–63 Ma (âges 40Ar/39Ar sur phlogopite). En conclusion, ces auteurs remettent en question l'âge triasico-liasique des ophites pyrénéennes et proposent que ces magmas se soient mis en place au Danien, ouvrant des perspectives sur la géodynamique pyrénéenne à cette époque, ultérieurement reprises par Rossi [11].
Les résultats obtenus par Desreumaux et al. conduisant à réviser l'âge des turbidites sont intéressants, ainsi que les âges 40Ar/39Ar avancés, dont on peut cependant regretter l'absence des données analytiques. En revanche, l'interprétation majeure de ces résultats, selon laquelle le magmatisme ophitique pyrénéen serait d'âge Danien n'est pas argumentée par les données et n'est pas recevable, au vu des nombreuses publications, totalement ignorées des auteurs, consacrées à ce sujet depuis 25 ans [1–7,10,12]. Nous contestons cette interprétation sur la base d'arguments géologiques, géochronologiques et géochimiques.
Arguments géologiques.
Les auteurs ne montrent pas de façon convaincante que les contacts ophite–encaissant sont des contacts intrusifs plutôt qu'anormaux, lesquels favorisent fréquemment le développement de transformations hydrothermales [2] telles que les masses blanchâtres décrites par les auteurs. Comme cela a été souligné par Azambre et al. [2], « l'existence d'un métamorphisme de contact développé par ces dolérites n'a pu être démontrée de façon probante ». Or les auteurs affirment, mais n'apportent pas d'arguments nouveaux susceptibles de démontrer que les phases qu'ils datent se sont développées par métamorphisme de contact lors de la cristallisation des ophites, et non ultérieurement dans un contact tectonique. Par ailleurs, dans leur conclusion, ils évoquent la présence de failles permettant la montée d'un magma tholéiitique au Danien, mais ne s'interrogent pas sur les causes d'un tel magmatisme qui s'intégrerait mal dans le contexte géodynamique des Pyrénées à cette époque, comme cela a été signalé par Rossi [11].
Arguments géochronologiques.
Il est regrettable, dans le principe, qu'une conclusion majeure de cette note repose sur des datations dont les résultats analytiques ne sont pas présentés. Nous ne discutons donc pas ces résultats en particulier. En revanche, il n'est pas correct d'affirmer que « le problème de l'âge des ophites reste très controversé », en ne citant aucune des datations isotopiques publiées sur ces roches (toutes plus récentes que les références citées par les auteurs), qui concluent à un âge triasico-liasique [6,10,12]. Parmi ces datations, effectuées par la méthode KAr, l'étude la plus complète de Montigny et al. [10] montre que le système KAr est perturbé par des problèmes d'altération, de perte d'argon radiogénique et parfois d'excès d'argon, ce qui est à l'origine d'une forte dispersion des âges. Néanmoins, les âges les plus fiables obtenus par ces auteurs sur plagioclases séparés dans deux sites non tectonisés (sondages en Aquitaine, au nord du domaine pyrénéen) sont de 195±8 Ma et 197±7 Ma, ce qui atteste un âge triasico-liasique, et écarte sans ambiguı̈té tout âge Danien.
Arguments géochimiques.
Plusieurs études pétrologiques et géochimiques, ignorées par Desreumaux et al., montrent que les ophites des Pyrénées sont des tholéiites de composition homogène, appartenant au magmatisme lié au rifting de l'Atlantique central autour de la limite Trias–Jurassique [1–4,7]. Bien que la pétrologie de ces roches ne soit pas l'objet de leur note, la description que les auteurs en donnent (« magmatisme tholéiitique sursaturé ») est conforme au magmatisme précité. L'hypothèse avancée dans la conclusion, selon laquelle de tels magmas ont pu se mettre en place au Danien (époque à laquelle aucune tholéiite n'est documentée en France ou en Ibérie) dans le secteur de Bedous, ainsi que la généralisation aux ophites pyrénéennes, dans le titre, ne nous paraı̂t donc pas fondée.
En conclusion, la démarche de Desreumaux et al. est contestable, car elle ne considère aucune des études consacrées aux ophites des Pyrénées depuis 25 ans. Leur interprétation, selon laquelle les ophites seraient daniennes, est irrecevable, car ils n'apportent pas d'éléments nouveaux significatifs remettant en question l'appartenance de ces roches à la province triasico-liasique CAMP [9], établie sur des arguments géochronologiques et géochimiques solides que les auteurs ne prennent pas en compte.