Dans une publication récente, Desreumaux et al. [5] proposent un âge fini-Crétacé de mise en place des dolérites tholéiitiques (ophites) de la région de Bedous (Pyrénées atlantiques) et, par extrapolation, remettent en cause l'âge Triasico-Liasique des dolérites tholéiitiques du domaine pyrénéen. Cette hypothèse est étayée par des données géochronologiques [9] et rediscutée dans un cadre géologique plus général [11]. Cette nouvelle interprétation, qui ne prend en compte aucun des travaux modernes sur la pétrologie et la géochimie de ces roches, est incompatible avec l'évolution du contexte géodynamique du domaine pyrénéen au cours de l'histoire alpine de la chaı̂ne.

L'article cité [5] propose, essentiellement sur la base de données micropaléontologiques, l'attribution au Crétacé supérieur de certaines formations sédimentaires de la région de Bedous, antérieurement considérées comme triasiques ou paléozoı̈ques. Ces révisions d'âge n'auraient qu'un intérêt régional si certains des terrains concernés ne contenaient des corps ophitiques dont l'âge de mise en place est ainsi remis en cause par les auteurs. Ceux-ci considèrent en effet que, d'une part, ces ophites seraient intrusives dans des sédiments crétacés et que, d'autre part, elles induiraient un métamorphisme de contact avec apparition dans l'encaissant sédimentaire de minéraux (phlogopite) d'âge radiométrique fini-Crétacé (62–63 Ma). Ces deux propositions ne sont pas étayées : ainsi, il n'est pas démontré que les contacts de ces roches avec les sédiments encaissants (que leur âge soit ou non Crétacé) soient des contacts d'intrusion, non tectoniques, ni que les minéraux observés dans l'encaissant soient liés à un éventuel métamorphisme de contact. Les ophites de la région de Bedous ont été étudiées par l'un d'entre nous [4], qui a montré qu'il s'agissait, comme pour les autres ophites des Pyrénées, de roches intrusives tholéiitiques présentant des paragenèses magmatiques primaires anhydres et différents types d'assemblages hydratés. Contrairement à la première interprétation, attribuant les minéraux métamorphiques des sédiments encaissants à un phénomène de contact, le réexamen des données de terrain et des échantillons conduit à admettre que le métamorphisme des terrains encaissants est postérieur à la mise en place des ophites et que les assemblages hydratés de ces roches sont post-magmatiques (métaophites).

Par ailleurs, Fondecave-Wallez et Peybernès [6] ont récemment réexaminé l'ensemble des affleurements qui ont fait l'objet de la révision de Desreumaux et al. [5] et ont vivement contesté certaines conclusions. Ils estiment, notamment, (a) que plusieurs affleurements attribués au Crétacé supérieur (en particulier le site P4, qui comprend des masses ophitiques) correspondent en réalité à des formations azoı̈ques triasiques typiques, à quartz bipyramidés, (b) que les contacts ophites-sédiments sont, soit non visibles (site P4), soit tectoniques (site F4) et (c) que l'ophite est remaniée dans certains sédiments, tant triasiques que crétacés (sites P5 et P6).

Les ophites des Pyrénées sont des dolérites dont les caractéristiques géochimiques et minéralogiques [1–3] sont celles de tholéiites continentales : leur paragenèse minéralogique initiale est anhydre, mais ces roches ont subi divers types d'évolutions post-magmatiques hydratées, qui ont, pour certaines, été corrélées au métamorphisme HT–BP d'âge Crétacé [2]. Ces dolérites se sont mises en place sous forme de sills (visibles notamment dans le Nord de l'Espagne), dans des formations triasiques dans lesquelles elles n'ont développé qu'un très léger métamorphisme de contact, ne dépassant pas quelques mètres [8]. Dans les Pyrénées françaises, la plupart des gisements d'ophites correspondent à des fragments de sills morcelés par la tectonique et désolidarisés de leur encaissant initial. L'âge de mise en place des ophites est triasico-liasique sur des arguments géologiques (pas de contacts intrusifs reconnus avec des terrains plus récents), géochronologiques (âges K/Ar autour de 200 Ma, [10]) et enfin géodynamiques : les ophites font partie de la vaste province tholéiitique atlantique triasico-jurassique (Central Atlantic Magmatic Province, [7]).

Les ophites de la région de Bedous ne sont donc en rien différentes des autres ophites du domaine pyrénéen. Il n'y a aucune raison d'invoquer pour ce magmatisme, soit deux épisodes de mise en place (Trias et Crétacé), soit un seul au Crétacé supérieur. Les magmatismes mésozoı̈ques triasiques et crétacés des Pyrénées sont bien individualisés – les données isotopiques (NdSr) distinguent clairement les sources de ces deux types de magmas [1,12] – et s'intègrent dans une histoire géodynamique bien établie. Les dolérites tholéiitiques mises en place à la fin du Trias ou au Lias sont la signature de la fracturation de la Pangée, qui annonce l'ouverture de l'Atlantique ; cet événement est bien documenté sur les deux marges de cet océan. Au Crétacé, le magmatisme alcalin est, entre 110 et 85 Ma, le marqueur du fonctionnement en extension, puis en transtension de la ZNP, en réponse à la rotation sénestre de la plaque ibérique par rapport à l'Europe.