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Pourquoi la paléoclimatologie ?
Comptes Rendus. Géoscience, Volume 336 (2004) no. 7-8, pp. 599-601.
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Publié le :
DOI : 10.1016/j.crte.2004.04.002
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André Berger; Jean-Claude Duplessy. Pourquoi la paléoclimatologie ?. Comptes Rendus. Géoscience, Volume 336 (2004) no. 7-8, pp. 599-601. doi : 10.1016/j.crte.2004.04.002. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/geoscience/articles/10.1016/j.crte.2004.04.002/

Version originale du texte intégral

Avant-propos

Il existe certes bon nombre de livres sur les climats anciens, traitant à la fois de leur reconstruction à partir de données indirectes et de leur simulation à partir de modèles de complexité diverse. La plupart d'entre eux sont toutefois rédigés en langue anglaise (par exemple, [1]). Malgré l'existence de plusieurs monographies sur le climat rédigées en langue française [3,7,8,10,12–14,17–21,23,28,29], il nous a semblé intéressant de produire une synthèse en français des résultats récents obtenus grâce aux archives du climat de la Terre, riches d'enseignement sur le fonctionnement du système climatique et d'informations sur l'impact des changements de climat sur l'environnement. Estimant le temps opportun, nous avons opté délibérément pour une revue écrite en termes simples, accessible à toute personne ayant une formation scientifique élémentaire. Pour ce faire, un nombre restreint de thèmes a été sélectionné parmi les recherches originales traitées en Europe francophone. Elle ne se veut donc en aucune manière une revue extensive du sujet, ni une sélection des seules meilleures recherches des équipes francophones. Il est certain que d'autres sujets auraient pu être sélectionnés et le choix présent ne reflète dès lors que celui des éditeurs.

Au cours des dernières décennies, la paléoclimatologie a acquis ses lettres de noblesse. Actuellement, elle est devenue indispensable pour appréhender le fonctionnement du système climatique et valider les modèles qui servent à établir des projections pour le futur. Grâce à l'étude des climats du passé, une banque de données, qui comporte une diversité de changements climatiques bien supérieure à celle qui caractérise les derniers siècles, a pu être créée. Cette diversité permet de tester les modèles climatiques dans des situations largement différentes de celles que nous avons connues au cours des 150 dernières années et donc vraisemblablement plus proches de celles qui nous attendent dans le futur si on s'en réfère aux conclusions du Groupe intergouvernemental pour l'étude du climat (voir par exemple les deux numéros thématiques publiés dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, (dans la série Science de la Terre et des planètes, puis Geoscience), intitulés Énergies et Climat [30] et L'effet de serre [25].

Après un premier article, de E. Bard [2], qui illustre bien les débuts de la recherche sur la reconstruction des climats anciens du XIXe et du XXe siècles, la succession des articles sera plus ou moins celle de l'évolution du climat de la Terre, de son origine à nos jours. Ainsi, Ramstein et al. [26] aborde les climats au pré-Quaternaire. Nous sommes, depuis près de 3 Ma, entrés dans la glaciation du Quaternaire. Auparavant, le climat était la plupart du temps relativement chaud. De temps en temps, toutefois, ce climat plongeait dans une période glaciaire similaire au Quaternaire, voire plus froide. Plusieurs épisodes ont été reconnus il y a 750 à 580 Ma, conduisant à une situation où la Terre était alors presque totalement couverte de glaces. Comment, et où, la vie a-t-elle bien pu se réfugier pour se poursuivre après ? Raynaud et Lorius [27] nous font ensuite découvrir le monde des cycles glaciaires–interglaciaires du Quaternaire, grâce aux archives préservées dans les glaces polaires. Ces archives illustrent bien la différence majeure qui existe entre un monde glaciaire et le monde interglaciaire dans lequel nous vivons. La dernière phase glaciaire date de 21 000 ans. À cette époque, nous avions cinquante millions de kilomètres cubes de glaces de plus qu'aujourd'hui gelées sur les continents, et le niveau moyen de la mer était 120 m en dessous de son niveau actuel. La température annuelle de l'air, à la surface de la Terre, était globalement inférieure de 5 à 6 °C par rapport à l'actuelle, avec une concentration en CO2 de 200 ppmv (partie par million en volume), de 30 % plus faible qu'en période de climat naturellement chaud, comme par exemple dans toute la période historique qui a précédé le début de l'ère industrielle. Le texte suivant, par Duplessy [9], explique comment, à partir des carottes dans les sédiments marins, on peut estimer la température et la salinité de l'eau, afin de reconstituer la circulation océanique du passé. La contribution de Guiot et Cheddadi [11] sur les écosystèmes terrestres explique alors le rôle des pollens fossiles trouvés dans les sédiments continentaux, essentiellement les anciens lacs et les tourbières. Cela permet de spécifier quel type de végétations existait à une époque déterminée. Malgré les hiatus, relativement fréquents, ces reconstructions nous permettent de disposer d'une haute résolution, allant jusqu'à l'échelle d'une année. La variation du niveau des mers, présentée par Lambeck [16], peut être reconstituée grâce aux terrasses marines qui indiquent le niveau des océans à différentes époques de l'histoire de la Terre. Ces changements de niveau ont des conséquences dramatiques sur les étendues de terre et sur la vie des écosystèmes. Lors du dernier maximum glaciaire avec un niveau moyen de la mer 120 m plus bas qu'à présent, la Grande-Bretagne était reliée à l'Europe et le détroit de Béring était à sec. Tout cela a permis des migrations des espèces, y compris la colonisation du continent américain par les humains.

L'évolution des gaz à effet de serre, en particulier du CO2, explique pour partie les variations des climats anciens. Il nous faut donc comprendre comment la concentration atmosphérique en CO2 est susceptible de varier pour des causes purement naturelles. C'est l'objet de l'article sur les cycles biogéochimiques que nous présentent Marchal et Chappellaz [22]. On s'aperçoit vite que le cycle du carbone est lié à celui des nutriments, le phosphore et l'azote. Aussi faut-il étudier tous ces cycles pour pouvoir appréhender ceux du carbone ou du méthane.

Il existe une explication astronomique aux variations du climat liées aux cycles glaciaires-interglaciaires. Cette explication, donnée par Berger et Loutre [4], est basée sur le fait que la distribution en latitudes et selon les saisons de l'énergie qui nous vient du Soleil varie dans le temps en fonction de trois paramètres astronomiques. Ceux-ci sont liés à la forme de l'orbite de la Terre, à l'inclinaison de son axe de rotation et à la distance Terre–Soleil au moment d'une saison particulière. Les simulations faites à partir de modèles climatiques permettant de couvrir le dernier million d'années ont souligné toute l'importance de ces variations astronomiques et de celles des gaz à effet de serre. Ces modèles de complexité réduite sont, en fait, complémentaires des modèles tridimensionnels de circulation générale utilisés pour faire des photographies instantanées du climat. C'est ce qu'explique Braconnot [6] pour le dernier maximum glaciaire et l'optimum climatique de l'Holocène.

Mais le monde glaciaire nous montre, en plus, des changements abrupts spectaculaires. Il s'agit d'une découverte importante, car elle indique clairement que le climat peut parfois varier de manière dramatique en seulement quelques centaines d'années, comme en discutent Labeyrie et al. [15]. Ces changements abrupts sont liés à la dynamique des calottes polaires. Leur fonte, comme le montre Paillard [24], tend à ralentir la circulation océanique qui contribue à amener l'énergie nécessaire dont les hautes latitudes de l'hémisphère nord ont besoin pour assurer des conditions tempérées similaires à celles que nous observons actuellement.

Pour terminer, Bertrand [5] se penche sur le climat du dernier millénaire, au cours duquel il semblerait bien qu'à une période chaude, au Moyen Âge ait succédé un petit âge glaciaire qui s'est terminé fin du XIXe siècle pour faire alors place au réchauffement global que nous connaissons actuellement. Mais quelles peuvent être les causes de ces variations climatiques si proches de nous ?

Cette synthèse permet de découvrir la trame suivie dans cette publication pour illustrer les apports de la paléoclimatologie à notre connaissance de quelques-unes des variations que le climat de la Terre a subies depuis son origine jusqu'à nos jours. Pour une revue plus exhaustive des changements climatiques et de leurs causes, le lecteur intéressé devra se référer à la littérature plus spécialisée que les auteurs de ce numéro spécial ont indiquée dans leur liste de références, ainsi qu'à la liste ci-après.


Bibliographie

[1] K.D. Alverson; R.S. Bradley; Th.F. Pedersen Paleoclimate, Global Change and the Future, The IGBP Series, Springer, Berlin, 2003 (221 p)

[2] E. Bard Effet de serre et glaciations, une perspective historique, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[3] A. Berger Le climat de la terre, un passé pour quel avenir ?, de Boeck Université, Bruxelles, 1992

[4] A. Berger; M.-F. Loutre Théorie astronomique des paléoclimats, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[5] C. Bertrand Les derniers 1000 ans, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[6] P. Braconnot Modéliser le dernier maximum glaciaire et l'Holocène moyen, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[7] J.-C. Duplessy Quand l'océan se fâche, Éditions Odile Jacob, Paris, 1996

[8] J.-C. Duplessy; P. Morel Gros temps sur ma Planète, Éditions Odile Jacob, Paris, 1990

[9] J.-C. Duplessy La circulation globale de l'océan et ses variations dans le passé, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[10] J.-L. Fellous Avis de tempêtes, Éditions Odile Jacob, Paris, 2003

[11] J. Guiot; R. Cheddadi Variabilité des écosystèmes terrestres et du climat sur un cycle glaciaire-interglaciaire, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[12] J.-M. Jancovici L'avenir climatique, Collection Sciences Ouvertes, Éditions du Seuil, Paris, 2002

[13] R. Kandel Les eaux du Ciel, Sciences Hachettes Littératures, 1998

[14] S. Joussaume Climat d'hier à demain, Sciences au Présent, CNRS Editions–CEA, Paris, 1993

[15] L. Labeyrie; J. Jouzel; C. Levi Changements abrupts dans un monde glaciaire, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[16] K. Lambeck Sea-level change through the last glacial cycle: geophysical, glaciological and palaeogeographic consequences, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[17] G. Lambert La terre chauffe-terre ?, EDP Sciences, Les Ulis, 2001

[18] G. Lambert L'air de notre temps, Éditions du Seuil, Paris, 1995

[19] H. Le Treut; J.-M. Jancovici L'effet de serre, Dominos Flammarion, 2001

[20] C. Lorius Glaces de l'Antarctique, Éditions Odile Jacob, Paris, 1991

[21] C. Lorius; R. Genthon L'Antarctique, Dominos Flammarion, 1996

[22] O. Marchal; J. Chappellaz Sur les variations pré-industrielles du CO2 et CH4 atmosphériques – On pre-industrial variations of atmospheric CO2 and CH4, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[23] J.-F. Minster Les Océans, Dominos Flammarion, 1994

[24] M. Paillard Modéliser les événements rapides au sein du système climatique, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[25] C. R. Geoscience, 335 (2003), pp. 497-658

[26] G. Ramstein; Y. Donnadieu; Y. Goddéris Les glaciations du Protérozoı̈que, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[27] D. Raynaud; C. Lorius Climat et atmosphère : la mémoire des glaces, C. R. Geoscience, Volume 336 (2004)

[28] R. Sadourny Le Climat de la terre, Dominos Flammarion, 1994

[29] B. Tissot Halte au changement climatique, Éditions Odile Jacob, Paris, 2003

[30] C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. IIa, 333 (2001), pp. 757-843


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