1 Quelques généralités sur le cycle de l'eau
Le cycle de l'eau est caractérisé par une très forte variabilité spatiale et temporelle. À l'échelle du globe (Fig. 1), les océans jouent un rôle majeur, puisqu'ils reçoivent environ 80 % des précipitations, et qu'ils sont responsables de 86 % de l'évaporation terrestre. Ainsi, l'océan est pourvoyeur de vapeur d'eau vers l'atmosphère, dont une fraction est transportée par advection sur les continents, et contribue ainsi à former 20 % des précipitations continentales. Sur les continents, les précipitations en surface se répartissent en quatre composantes : le stockage d'eau dans le sol, l'évaporation (60 % des pluies), le drainage à la base du sol et le ruissellement, qui forment le débit des rivières (respectivement 25 % et 15 % des pluies) ou alimentent les nappes. C'est le ruissellement et les écoulements des fleuves vers les océans qui assurent la conservation de l'eau à l'échelle globale et compensent ainsi les pertes dues à l'évaporation. La connaissance des variations spatio-temporelles des composantes du bilan hydrique à l'échelle globale est limitée en raison du nombre d'observations disponibles, très inégales dans l'espace et dans le temps. Les mesures d'évaporation et de contenu en eau du sol sont à la fois locales, peu nombreuses et récentes, alors que les mesures de précipitation et de débits, souvent plus anciennes et plus nombreuses, permettent d'établir des climatologies plus robustes, en particulier sur les estimations de ruissellement spatialisées sur de grands bassins versants et aux échelles saisonnières.
2 La modélisation des précipitations dans les modèles atmosphériques de prévision du temps
La simulation des précipitations dans les modèles atmosphériques est certainement l'aspect le plus difficile et le plus débattu dans la représentation des phénomènes atmosphériques. En effet, les précipitations sont le résultat d'interactions thermodynamiques complexes se développant au sein de systèmes météorologiques qui couvrent une gamme d'échelles spatiales très grande : circulations de moussons, perturbations et structures frontales, cyclones tropicaux, systèmes convectifs et orages. Les phénomènes de condensation sont le fruit de la mise en place de circulations spatiales, déterminées en partie par l'action des champs de pression à l'échelle synoptique, auxquels se combinent des facteurs plus locaux pouvant être déterminés par les effets du relief (le soulèvement orographique et la convergence imposée par le relief sont des facteurs déterminants dans la génération de précipitations orographiques) ou liés aux discontinuités des conditions de surface (contraste mer–terre, contrastes de végétation ou d'humidité des sols). Le phénomène de condensation lui-même résulte de transformations microphysiques impliquant les trois phases de l'eau et mettant en jeu des interactions complexes et peu documentées autour de particules en suspension (aérosols) et qui régulent les transformations en phases vapeur, liquide et solide dans le cas des nuages à fort développement vertical.
Très schématiquement, les précipitations se répartissent en deux catégories : (i) les précipitations stratiformes, qui sont généralement étendues et associées aux vastes systèmes dépressionnaires avec des développements verticaux peu importants, (ii) les précipitations convectives, qui sont associées à des mouvements verticaux intenses et localisés sur quelques kilomètres carré, avec des circulations extrêmement complexes (mouvements tourbillonnaires, ascendances intéressant toute la troposphère, courants de densité associés à l'évaporation des pluies, etc.). Les précipitations stratiformes, souvent dénommées de grande échelle, ont des durées de vie de l'ordre de plusieurs heures à la journée, possèdent généralement de fortes extensions spatiales et ont des intensités modérées (en l'absence de forçage orographique notable). Elles peuvent conduire, malgré tout, à de forts cumuls de pluie au sol dans le cas de systèmes dépressionnaires stationnaires sur plusieurs jours, comme ce fut le cas lors de l'épisode récent de décembre 2003 entraînant la crue exceptionnelle du Rhône. Le maillage des réseaux d'observations européens permet en général de bien documenter les cumuls de précipitation au sol associés à ce type de système. En revanche, les précipitations convectives ont un caractère beaucoup plus bref (quelques heures), local (quelques kilomètres carrés) et violent, tant du point de vue des intensités de précipitation (supérieures parfois à 100 mm h−1) que des rafales de vent, des chutes de grêle ou de l'activité électrique associée. Ces phénomènes convectifs peuvent avoir diverses origines (front, forçage orographique, forçage thermique, interactions avec le cisaillement vertical du vent, etc.). Parmi les plus connus en France, on trouve les systèmes convectifs fortement précipitants, qui affectent régulièrement le Sud-Est de la France et dont le caractère stationnaire peut s'expliquer par des conditions d'environnement à méso-échelle (air froid d'altitude, contraste thermique entre la mer et le continent, convergence d'humidité dans les basses couches, etc.) et des facteurs plus locaux, tels que la structure du relief à petite échelle. Les systèmes convectifs de méso-échelle sont aussi des organisations convectives caractéristiques des régimes de mousson tropicale.
Ainsi, le réalisme de la représentation des précipitations dans les modèles atmosphériques dépend assez fortement de la résolution spatiale de ces derniers et du type de systèmes précipitants. Les modèles globaux de prévision météorologique ou de climats ont des résolutions horizontales de l'ordre de 100 km. Ils sont généralement capables de reproduire assez fidèlement les précipitations stratiformes, qui sont moins sensibles aux variabilités spatiales « sous mailles » et peuvent plus facilement être estimées à partir des propriétés moyennes de l'atmosphère (en particulier la teneur en eau de l'atmosphère et sa température). En revanche, les orages de taille bien plus faible que la maille des modèles globaux ne peuvent être résolus explicitement et c'est l'effet moyen de ces orages sur l'environnement de plus grande échelle, décrit par le modèle, qui est représenté à partir de méthodes basées sur les facteurs pilotant le déclenchement des orages, comme l'instabilité convective ou la convergence d'humidité dans les basses couches : c'est le rôle des paramétrisations de la convection. Généralement, on estime que, pour des mailles supérieures à une dizaine de kilomètres, les systèmes convectifs doivent faire l'objet de schémas dédiés. La paramétrisation de la convection est un sujet de recherche constant depuis deux décennies. Parmi les schémas les plus représentatifs, on trouve les schémas dits en flux de masse, dont le but est de représenter le transport vertical convectif de vapeur d'eau et les mécanismes microphysiques associés, incluant la phase glace et l'évaporation de l'eau précipitante dans les courants subsidents. Une des difficultés est de relier ces représentations sous maille des orages avec le traitement des précipitations stratiformes, pour aboutir à une représentation plus unifiée du cycle de condensation et des nuages. Une autre difficulté est de représenter l'interaction de la convection avec les autres processus en jeu dans l'atmosphère, notamment les phénomènes radiatifs et la turbulence à l'intérieur des nuages et à leur périphérie, ainsi que les liens avec les flux de surface. Ces mécanismes en interaction sont fondamentaux pour comprendre le cycle de vie de ces phénomènes extrêmes, en particulier le cycle diurne de la convection, qui est actuellement très mal représenté dans les modèles globaux. Ceci justifie de nombreux programmes d'intercomparaisons (par exemple, le programme européen EUROCS [7] d'intercomparaison de schémas de convection) ou d'ambitieux programmes expérimentaux, tels que le projet AMMA [1] d'étude de la convection tropicale dans le cadre de la mousson africaine.
La Fig. 2 (en haut), tirée du rapport IPCC 2001 [9], présente une comparaison des distributions zonales des précipitations observées avec la moyenne des précipitations simulées par plusieurs modèles atmosphériques globaux. On note que les modèles climatiques reproduisent assez bien la répartition méridienne des précipitations en moyenne zonale, avec un maximum de précipitations dans les zones tropicales et tempérées, et des minimums intermédiaires. Cependant, un examen plus détaillé (Fig. 2, en bas) montre que les différences avec les observations peuvent atteindre plus de 4 mm j−1, en particulier dans la zone tropicale. Ces différences sont dues en grande partie aux différentes paramétrisations physiques utilisées dans ces modèles, et en particulier aux paramétrisations utilisées pour représenter la convection et les nuages dans les modèles globaux.
Lorsqu'on augmente la résolution spatiale des modèles atmosphériques jusqu'à des mailles de l'ordre de la dizaine de kilomètres, avec une résolution verticale accrue dans les basses couches, on augmente généralement leur performance pour la simulation des précipitations. Les modèles de prévision régionaux obtiennent généralement de meilleurs résultats en termes de simulation des précipitations, comportement qui est en partie expliqué par une meilleure prise en compte de l'orographie réelle et des circulations associées. Cependant, les modèles régionaux restent tributaires des modèles globaux, qui leur fournissent le forçage de grande échelle à travers les conditions aux limites de leur domaine d'application.
La Fig. 3 présente une comparaison des précipitations observées et simulées par plusieurs modèles de prévision régionaux sur les Alpes, avec des résolutions horizontales de l'ordre de 10 km. Elle compare les fréquences observées et simulées des précipitations en fonction de leur intensité, en hiver et en été. Les précipitations hivernales, dominées par les systèmes frontaux synoptiques, sont assez bien simulées par les modèles. À l'inverse, en été, les résultats des modèles sont assez éloignés des observations, avec, en particulier, une sous-estimation de l'occurrence des fortes intensités de précipitation. Ceci est dû au fait que ces modèles régionaux ont du mal à reproduire les événements orageux, fréquents en été, et caractérisés par une faible extension spatiale, une forte intensité et une origine locale (forçage orographique, contraste de température et/ou d'humidité en surface). Ainsi, pour réussir à reproduire ces phénomènes, un autre saut en résolution est nécessaire, pour atteindre l'échelle kilométrique ou l'échelle convective où ces mécanismes peuvent être représentés explicitement (et non plus paramétrés), ainsi que les facteurs de leur environnement synoptique qui les conditionnent. C'est actuellement le domaine d'application des modèles atmosphériques non hydrostatiques de recherche, amenés à être opérationnels dans quelques années (par exemple le projet Arome du futur modèle de prévision à méso-échelle en cours de développement à Météo-France)
3 La simulation des précipitations intenses dans les modèles atmosphériques de recherche à méso-échelle
Le modèle atmosphérique de recherche Méso-NH [10], développé conjointement par le CNRM et le laboratoire d'aérologie de Toulouse, permet d'améliorer la simulation des phénomènes convectifs et des précipitations fortes qui leurs sont associées. En effet, ce modèle peut être intégré, avec une forte résolution horizontale de l'ordre de quelques kilomètres, ce qui permet de représenter explicitement les circulations d'ascendances ou de subsidences associées aux orages. De plus, la technique des modèles emboîtés permet de faire coexister un modèle de grande échelle (maille de l'ordre de 10 km) décrivant l'environnement synoptique de la convection, en interaction avec un modèle imbriqué à haute résolution centré sur le domaine concerné par le système précipitant. Le modèle repose sur un système d'équations non hydrostatiques, ce qui permet de résoudre les fortes accélérations verticales présentes dans ces systèmes précipitants ou celles induites par les circulations forcées par le relief et qui sont souvent un facteur prépondérant pour le développement de la convection. Par ailleurs, Méso-NH est doté d'un ensemble de paramétrisations physiques plus réalistes que celles des modèles de grande échelle, notamment en ce qui concerne la turbulence, les échanges à l'interface sol–atmosphère et surtout pour les processus microphysiques. Le schéma actuel décrit les changements de phase des nuages et des précipitations à travers six variables (vapeur d'eau, eau liquide nuageuse, eau liquide précipitante, cristaux de glace, neige et grésil), dont l'évolution est calculée à partir d'une trentaine de processus microphysiques. Enfin, le modèle offre la possibilité de suivre les trajectoires des particules au cours de l'intégration, ce qui permet d'explorer les circulations en œuvre dans les nuages convectifs.
Un autre élément très important pour la simulation des systèmes fortement précipitants est l'utilisation des observations à haute résolution, telles que les observations de surface (vent, température, humidité), les données des satellites géostationnaires (température des sommets des nuages, classification de nuages) et les données radar du réseau Aramis. Ces observations, utilisées pour l'instant en mode recherche (les analyses opérationnelles actuelles ne peuvent les assimiler), sont précieuses pour mieux définir les conditions initiales, qui sont déterminantes pour des prévisions de convection de quelques heures à un jour d'échéance [4,5,15].
Ces dernières années, le modèle Méso-NH s'est révélé être un outil de recherche très performant pour l'interprétation des précipitations orographiques documentées lors de l'expérience MAP [12] sur le massif alpin [2] ou lors des cas des fortes précipitations stationnaires qui ont affecté le Sud-Est de la France au cours de ces dernières années [5,15]. Ces épisodes convectifs cévenols sont capables de générer plus de 300 mm de pluie en 24 h, et sont malheureusement souvent accompagnés de crues rapides et dévastatrices (Vaison-la-Romaine, 1992, inondations de l'Aude en 1999 et du Gard en septembre 2002).
Ces épisodes cévenols se forment lors de la convergence d'un air froid en altitude provenant du nord, et d'un air chaud de basses couches, provenant du sud, et s'humidifiant au contact de la mer Méditerranée (Fig. 4). L'air chaud et humide se retrouve soulevé par le relief des Cévennes, et génère ainsi des cellules orageuses qui se renouvellent, formant ainsi un système quasi-stationnaire.
Ces épisodes sont assez mal représentés lorsque la résolution des modèles est de l'ordre de 10 km, que ce soit avec le modèle de prévision Aladin ou le modèle Méso-NH, qui conduisent généralement à une sous-estimation du développement vertical des orages, avec des intensités de précipitations trois ou quatre fois trop faibles.
Mais l'augmentation de la résolution des modèles n'est pas toujours suffisante et l'amélioration des conditions atmosphériques initiales à partir de l'assimilation de données à méso-échelle est bien souvent nécessaire (suivant le type de situations météorologiques) pour la bonne simulation de ce type de situations. Par exemple, il est important de bien initialiser le flux d'humidité de basse couche, élément moteur de l'épisode. La connaissance précise des conditions atmosphériques initiales sur les épisodes cévenols est rendue difficile par la proximité de la mer, sur laquelle on possède uniquement des observations radar et satellite. À titre d'exemple, la Fig. 5 présente la comparaison du champ de pluie observé lors de l'épisode des 13 et 14 octobre 1995, avec deux champs de précipitations simulés par Méso-NH à 2 km de résolution, avec des conditions atmosphériques initiales différentes. À gauche, on utilise une analyse atmosphérique classique, alors qu'à droite, les analyses ont été enrichies par des données de surface, radar et satellite. De plus, pour chaque simulation, sont tracées des coupes verticales présentant la densité des hydrométéores. Dans le premier cas, à gauche, on constate que la lame d'eau est fortement sous-estimée et que le système convectif n'est pas assez étendu. Cela est cohérent avec la coupe verticale, qui montre un système peu développé en altitude (seulement 5 km). À droite, les conditions atmosphériques initiales plus précises ont permis au système convectif de mieux se développer, avec une extension verticale de 12 km atteignant la tropopause et une forte concentration en hydrométéores. De plus, on constate que la lame d'eau simulée est beaucoup plus proche de celle observée, et que l'extension spatiale du système est correcte.
Dans ce cas, on constate que l'utilisation de données supplémentaires de surface, radar et satellites dans les analyses atmosphériques, permet au modèle Méso-NH de bien reproduire cet épisode cévenol.
Des tests de sensibilité effectués avec Méso-NH ont également montré le rôle des fines structures du relief sur l'organisation de la convection, et la sensibilité de la modélisation des précipitations au contenu en eau initial du sol et à la température de surface de la mer (qui conditionne l'évaporation), avec pour effet un impact pouvant atteindre localement 50 à 100 mm de pluie par jour.
Ces travaux, qui sont poursuivis en mode recherche, permettent de préciser dès maintenant les caractéristiques du futur modèle opérationnel à méso-échelle. Le projet Arome a pour objectif de mettre en place un tel modèle pour la fin de la décennie, avec des capacités comparables au modèle Méso-NH, que ce soit en termes de résolution, de paramétrisation physique, ou encore de capacité à assimiler des observations à haute résolution.
4 Rôle des schémas de surface dans la simulation du cycle hydrologique
Comme on l'a vu précédemment, la simulation de la convection peut être sensible aux conditions de surface du sol. Celles-ci sont estimées par les schémas de surface, qui, en représentant les transferts d'eau et de chaleur entre le sol, la végétation, le manteau neigeux et l'atmosphère, se situent à l'interface entre l'atmosphère et l'hydrologie. Un des rôles des modèles de surface est de calculer la répartition des précipitations en ruissellement de surface et drainage, évaporation (avec ses différentes composantes : évaporation de l'eau interceptée par la végétation, transpiration des plantes, évaporation du sol nu, sublimation de la neige, etc.), ainsi que l'évolution du contenu en eau du sol et du manteau neigeux. Les modèles de surface calculent également les différentes composantes du bilan d'énergie : flux radiatifs solaire et infrarouge, flux de chaleur sensible et latent, flux de conduction dans le sol. Pour ce faire, les modèles de surface prennent en compte plusieurs niveaux dans le sol, ainsi qu'une représentation plus ou moins détaillée de la végétation (Fig. 6).
Les schémas de surface sont assez gourmands en données d'entrées, puisqu'ils ont besoin du cycle diurne d'une demi-douzaine de variables atmosphériques et de données physiographiques plus ou moins détaillées (propriétés de la végétation et des sols, albédo, longueurs de rugosité, etc.). Depuis une quinzaine d'années, un effort important a été réalisé pour développer des modèles de surface, de plus en plus sophistiqués, à l'attention des modèles atmosphériques. Cependant, leur couplage à des modèles hydrologiques, avec ou sans atmosphère, se développe, aussi bien à grande échelle (projet GSWP [14], Pilps2C [16]) qu'à l'échelle régionale (projet Rhône–Agg [3]).
Plusieurs problèmes se posent face à l'utilisation de schémas de surface. Il y a tout d'abord le problème du changement d'échelle. En effet, les schémas de surface sont basés sur des lois physiques établies à l'échelle locale, dans des conditions relativement homogènes. C'est aussi à l'échelle locale, sur des sites de mesures expérimentaux, que ces schémas peuvent être validés en détail. Or, dans les couplages avec l'hydrologie ou l'atmosphère, ils sont appliqués sur des zones hétérogènes, à des échelles variant du kilomètre à des centaines de kilomètre. De plus, dans ces cas, la validation des simulations des schémas de surface est assez indirecte, puisque ce sont essentiellement les débits et les températures et humidités de l'air à 2 m qui peuvent être validés.
L'autre problème qui se pose est la définition des variables de surface utilisées pour représenter le sol et la végétation, telles que l'albédo, qui définit la fraction du rayonnement solaire qui va être reçue par la surface, ou l'indice foliaire, qui représente la surface de feuilles par unité de surface. Ces variables présentent une forte variabilité spatiale et temporelle, et sont donc assez difficiles à estimer sur des zones hétérogènes. Or la sensibilité des schémas de surface à ces paramètres est très importante, puisqu'ils influent directement sur la résolution des bilans d'eau et d'énergie. Ainsi, un effort important doit être mené pour établir des cartes réalistes des paramètres de surface, en se basant sur des cartographies préexistantes, des mesures in situ et des données satellites.
5 Exemple du système couplé SAFRAN–ISBA–MODCOU
Depuis quelques années, le schéma de surface ISBA [13], utilisé dans les modèles de prévision de Météo-France, a été couplé au modèle hydrologique MODCOU [11], et associé aux analyses SAFRAN [6], qui permettent d'établir un forçage atmosphérique sur une grille régulière à partir d'observations in situ et d'analyses de modèle opérationnel. Le système SIM ainsi constitué (SAFRAN–ISBA–MODCOU [8]) permet d'estimer les évolutions spatiales et temporelles des bilans d'eau et d'énergie sur l'ensemble de la France. Il permet également de simuler l'évolution des principaux aquifères, ainsi que les débits journaliers.
La comparaison des débits observés et simulés aux exutoires des principaux bassins versants (Rhône, Seine, Garonne) présente un bon accord général (Fig. 7), ce qui permet de valider partiellement les simulations du système.
La Fig. 8 présente le bilan hydrique sur trois années contrastées, d'août 1999 à juillet 2002. Les précipitations varient fortement d'une année sur l'autre, avec des cumuls allant de 653 à 1045 mm an−1. De plus, l'année la plus sèche, 2002, est aussi l'année où l'évaporation est la plus forte. Le ruissellement total est, en revanche, logiquement plus abondant l'année la plus humide (2001), avec des valeurs très fortes en Bretagne, où se sont produites des inondations importantes.
La mise en place du système SIM en temps réel est actuellement en cours. Elle va permettre de suivre l'état hydrologique, avec des estimations des contenus en eau du sol, de l'étendue du manteau neigeux, ainsi que des niveaux des nappes et des rivières.
Une telle information peut être très utile pour la prévention de certains risques. Mais un deuxième enjeu majeur est de fournir aux modèles atmosphériques et hydrologiques des conditions initiales réalistes. En effet, comme on l'a vu dans la Section 3, les prévisions atmosphériques peuvent être très sensibles aux conditions initiales en surface (contenu en eau du sol, température, gel, manteau neigeux), alors même que celles-ci sont en général très mal connues.
6 Conclusion
Le cycle de l'eau est de nos jours assez bien représenté par les modèles atmosphériques de prévision, puisque ceux-ci arrivent notamment à reproduire de façon cohérente les cumuls de précipitations annuelles, que ce soit à l'échelle globale ou régionale. Néanmoins, la prévision des phénomènes convectifs, souvent associés à des inondations, reste actuellement difficile. L'utilisation de modèles de prévision non-hydrostatique, à forte résolution spatiale, combinée avec une amélioration de la connaissance de l'état de l'atmosphère, grâce à la prise en compte de données radar et satellite, devrait permettre d'améliorer la prévision de ces épisodes orageux dans un futur proche.
De plus, les couplages entre les modèles hydrologiques et atmosphériques devraient permettre d'améliorer la représentation du cycle continental de l'eau, ce qui devrait conduire, du fait d'une meilleure gestion des conditions de surface, à des impacts positifs sur les prévisions du temps et des débits.