Abridged English version
Nearshore crescentic bars are observed on a large range of sandy coasts and play a significant role in beach morphodynamics and erosion processes. Recent studies have focussed on the mechanism leading to the development of nearshore crescentic patterns. Their generation relied on two major hypotheses: the edge-wave theory and the self-organisation mechanism. The self-organisation mechanism is based on the strong feedback between morphological changes and hydrodynamics, which allows free instabilities to develop. An alongshore-uniform configuration of the beach is assumed, then, arbitrary small topographic perturbations are added and the effects on the hydrodynamics, the sediment transport and the resulting morphological evolution of the beach are investigated. Linear stability models have been widely used to simulate the initial growth of crescentic bars, but are restricted to the initial development of crescentic bars. Another alternative is the use of nonlinear models that allow spatial and temporal variations of the beach topography.
The French Aquitanian Coast is an approximately 250-km straight low coast exposed to high-energy swell, with a mean tidal range of 3.2 m. The coast exhibits two distinct sand bar systems. In the intertidal domain, a transverse bar and rip system is observed. A few hundred meters offshore, nearshore crescentic bars are present all along the coast, with a mean wavelength of 700 m (Fig. 1).
A non-linear nearshore model is used to investigate the crescentic pattern development on the Aquitanian Coast. The spectral wave model SWAN is coupled with the time- and depth-averaged flow and sediment transport model MORPHODYN. The physical law to close the morphodynamic problem is the depth- and time-averaged sediment mass conservation equation, which gives the new seabed level. The morphological time scale to update the bottom is chosen to be 1 h. The structure of this non-linear morphodynamic model is abstracted in Fig. 2. The starting point is an alongshore uniform barred-beach deduced from longshore averaged bathymetric survey on the Aquitanian Coast. The periodic computational grid has a longshore length of 3000 m. Two initial bathymetries are obtained from this alongshore uniform beach. On the first one, arbitrary random topographic perturbations in the order of some centimetres are added (Fig. 3A). For the second initial bathymetry, a small channel is present on the upper part of the beach, in the middle of the domain (Fig. 3B). Hydrodynamics, sediment transport and bed evolution are computed from both initial configurations.
The results show that circulation eddies are a key component of nearshore morphodynamics and lead to the development of crescentic patterns. For the first bathymetry case (Fig. 3A), the initial perturbations cause weak wave-driven circulation patterns with onshore flow over the positive perturbation and offshore flow over the negative perturbation. The positive feedback mechanism between the hydrodynamics, sediment transport, and the evolving bathymetry reinforces some perturbations. The time evolution of these circulation eddies and resulting seabed evolution show the generation of nearshore crescentic bars offshore, and a transverse bar and rip system on the upper part of the beach (Fig. 4). For the second bathymetry case (Fig. 3B), the rip current and resulting sediment transport induced by waves over the initial rip channel deposits sediment over the nearshore bar, leading to the formation of complex circulation eddies. The resulting evolving bathymetry shows the development of transverse bar and rip systems on the upper part of the beach and a nearshore crescentic bar system.
The results show that self-organisation can lead alone to the development of crescentic patterns, and three-dimensional rhythmic bedform features in general. Starting from an alongshore uniform state of the beach, this development is favoured by shore-normal energetic swells ( m, , ). Results show that when the pre-existent bar is welded to the shore, transverse bar and rip systems emerge from the self-organisation mechanism. When the bar is unwelded to the shore, crescentic bars are generated. Starting from a small channel in the upper part of the beach (Fig. 3B), simulations highlight the influence of the upper beach morphology and resulting flow and sediment transport patterns on the nearshore bar morphology (Fig. 5). Starting from an alongshore uniform barred-beach deduced from longshore average bathymetric surveys on the Aquitanian Coast, crescentic bar wavelengths simulated are in agreement with observations.
1 Introduction
Les barres festonnées ou en croissant sont observées sur de nombreuses côtes sableuses dans le monde [29]. Ces barres, qui contiennent de grandes quantités de sédiment, exercent une influence déterminante sur l'évolution morphologique des plages et les processus d'érosion [28]. Ces dernières années, les mécanismes de formation et de développement de ces barres ont fait l'objet de nombreuses discussions.
Les deux principaux mécanismes physiques qui ont été évoqués afin d'expliquer le développement des structures tridimensionnelles périodiques sont : la théorie des ondes de bord et la théorie d'auto-organisation. Bowen et Inman [5] ont été les premiers à émettre l'hypothèse selon laquelle les ondes de bord stationnaires étaient responsables du festonnage des barres, et ont ensuite étendu cette hypothèse à d'autres formes de bancs de sable [17]. Cette théorie a été ensuite largement acceptée par la communauté [8,18,25]. Pourtant, cette théorie ne tient pas compte de la rétroaction du fond sableux sur l'hydrodynamique. D'un point de vue expérimental, il n'existe pas non plus de preuve que les ondes de bord soient à l'origine du développement des structures tridimensionnelles périodiques. De plus, l'existence d'ondes de bord stationnaires peut paraître logique sur les plages délimitées par des pointes rocheuses ou des jetées, mais elle l'est beaucoup moins pour les plages qui s'étendent sur de longues distances (voir la discussion de Falquès et al. [14]). Or, les barres en festons y sont largement observées [29]. La deuxième hypothèse, plus récemment évoquée pour expliquer le développement des structures tridimensionnelles périodiques sur les plages soumises à l'action des vagues, est la théorie d'auto-organisation [6,7,13]. Le principe de cette théorie est de considérer que les structures sédimentaires parfaitement rectilignes n'existent pas. Ainsi, il peut toujours (même pendant le passage d'une tempête décennale) exister des inhomogénéités de la bathymétrie parallèlement à la côte. On considère alors une barre rectiligne (2D), formée par des mécanismes transversaux ou cross-shore, sur laquelle des instabilités sont superposées. Les vagues incidentes vont alors réfracter au-dessus des ces instabilités et induire des courants moyens. Ces mêmes courants vont alors transporter du sédiment et faire évoluer la bathymétrie. Certaines instabilités vont être amplifiées (rétroaction positive du champ de vagues) et d'autres lissées (rétroaction négative du champ de vagues). Au fur et à mesure, les instabilités amplifiées par rétroaction positive vont se développer et induire des variations 3D périodiques ou quasi périodiques de la barre le long de la côte.
Il existe deux méthodes permettant de simuler cette rétroaction : l'analyse de stabilité linéaire [6,12,15], et l'utilisation d'un modèle non linéaire entièrement couplé [6,12,23]. L'analyse de stabilité linéaire permet d'obtenir la croissance initiale des bancs de sable avec des temps de calcul réduits et suppose que le mode ayant le taux de croissance le plus élevé correspond à la configuration finale des bancs de sable. L'emploi de modèle non linéaire plus complexe permet, quant à lui, de simuler l'évolution spatio-temporelle des barres.
Un système de barres en festons est présent tout le long de la côte aquitaine [16]. La Fig. 1 montre une image du satellite LANDSAT de la côte aquitaine et la variabilité de la morphologie et de la longueur d'onde des systèmes de barres en festons d'après Castelle [9]. Grâce à l'imagerie satellitaire, Lafon et al. [19,20] ont fait, autour de la zone du Truc Vert (voir Fig. 1), une étude détaillée du comportement de ces barres en termes de longueur d'onde moyenne et de taux de migration le long de la côte.
Cet article vise à étudier numériquement le festonnage des barres en utilisant un modèle morphodynamique non linéaire [9], en appliquant les simulations aux plages de la côte aquitaine. Les résultats sont comparés aux longueurs d'onde des systèmes, mesurées autour de la plage du Truc Vert (Fig. 1).
2 Modèle
2.1 Modèle non linéaire
Une description complète du modèle morphodynamique est présentée dans la référence [9]. La Fig. 2 montre la structure et les différents modules du modèle morphodynamique. Le modèle spectral de vagues SWAN [4] est utilisé pour calculer le champ de vagues sur une bathymétrie tridimensionnelle et en déduire les termes de forçage [10] pour le modèle d'hydrodynamique sédimentaire côtière MORPHODYN [24]. Le module de courants induits par la houle est basé sur l'intégration spatio-temporelle des équations locales de la conservation de la masse et de la conservation de la quantité de mouvement [3,24]. Ces équations sont résolues numériquement en utilisant un schéma implicite, afin d'obtenir les débits liquides moyens intégrés sur la verticale et d'en déduire les courants moyens d'après la décomposition de Phillips [22], qui permet de prendre en compte la contribution du courant de retour. La description des modules hydrodynamiques et la calibration sur la plage aquitaine du Truc Vert sont détaillées dans Castelle et al. [11]. Dans le module sédimentaire, le transport sédimentaire est calculé d'après la formulation de Bailard [1]. Le nouveau fond sableux est obtenu à partir de l'équation de conservation du sédiment, en considérant un pas de temps morphodynamique de 1 h. Le nouveau champ de vagues est donc calculé toutes les heures à partir du nouveau fond sableux. Dans cette étude, nous considérons des conditions de vagues au large et un niveau de marée (mi-marée) stationnaires.
2.2 Bathymétries initiales
Deux bathymétries initiales ont été utilisées dans le cadre de cette étude (Fig. 3). Ces bathymétries sont homogènes dans la direction parallèle à la côte et sont obtenues à partir des profils moyens des plages de la côte aquitaine. Une barre subtidale rectiligne, située environ à 500 m au large du pied de dune, est obtenue, ainsi qu'une autre barre dans la zone intertidale. Dans le premier cas (Fig. 3A), on superpose à la bathymétrie un champ de perturbations aléatoires telles que , qui est la méthode couramment utilisée pour étudier le développement d'instabilités [6,23]. Le deuxième cas (Fig. 3B) est inspiré de l'approche de Smit et al. [26] : un chenal est ajouté dans la barre intertidale au milieu du domaine de calcul.
Dans chacun des cas, la plage a une longueur de 3 km, le maillage est régulier () et des conditions limites latérales périodiques sont considérées. Les conditions de houle au large sont appliquées en conditions limites, à environ 20 m de profondeur.
3 Résultats
Différentes conditions de houle ont été utilisées afin d'étudier le festonnage des barres [9]. Une synthèse des résultats obtenus est présentée ci-dessous.
On considère une houle frontale de hauteur significative au large , de période et la première bathymétrie initiale (Fig. 3A). À , les courants moyens induits au-dessus de la bathymétrie sont relativement faibles, de l'ordre de 0,3 m s−1 à leur maximum. Le courant de retour est prédominant sur l'ensemble du domaine, même si de petites cellules de circulation sont observées. La Fig. 4 montre l'évolution temporelle du fond sableux et des courants moyens. À jours (Fig. 4A), la barre subtidale commence à se festonner et les cellules de circulation s'intensifient. On commence à observer distinctement trois courants sagittaux au-dessus de la barre subtidale, associés à des cellules de circulation. Proche de la zone intertidale, on observe la formation de chenaux d'orientation aléatoire, associés à des courants sagittaux de l'ordre de 0,6 m s−1. Les structures tridimensionnelles prennent ensuite de plus en plus forme. À jours (Fig. 4B), les courants continuent à s'intensifier sur l'ensemble du domaine, et les systèmes de barres en festons et de barres/chenaux sont de plus en plus volumineux, associés à des cellules de circulation intenses.
On soumet au même forçage notre deuxième bathymétrie initiale (Fig. 3B). À , les vagues induisent, au-dessus du chenal, un courant sagittal de l'ordre de 0,5 m s−1, associé a deux cellules de circulation. Sur le reste du domaine, le courant de retour est prédominant, de l'ordre de 0,3 m s−1. À jours (Fig. 5A), ce courant sagittal a transporté du sédiment vers le large jusque sur la barre subtidale. Les cellules de circulation associées au courant sagittal au-dessus du chenal initial s'intensifient. Le sable transporté au-dessus de la barre subtidale modifie les courants moyens au-dessus de celle-ci et une cellule de circulation apparaît. À jours (Fig. 5B), des croissants se sont développés sur la barre subtidale, associés à des cellules de circulation. Des chenaux moins marqués se forment en haut de plage.
En résumé, on observe un festonnage des barres dans les deux cas présentés ci-dessus. Une quelconque inhomogénéité du fond permet de développer des cellules de circulation des courants moyens, auxquelles est associé un festonnage des barres. Les simulations montrent que, lorsque la barre est déconnectée du haut de plage (barre subtidale), des barres en festons sont formées. Lorsque cette barre est connectée au haut de plage, des systèmes de barres/chenaux sont observés. Les longueurs d'onde moyennes des barres en festons obtenues pour ces deux simulations (Figs. 4 et 5) pour la barre subtidale sont semblables, de l'ordre de 700 m, en accord avec les observations sur la côte aquitaine. En particulier, la simulation présentée sur la Fig. 5 permet de mettre en évidence l'influence de la morphologie de la zone intertidale sur la dynamique de la barre subtidale. En effet, c'est la morphologie de la zone intertidale qui, au final, impose la morphologie en festons de la barre subtidale. Les différentes simulations effectuées par Castelle [9] montrent que ce festonnage est favorisé par les houles frontales et longues. Ces houles permettent de développer les perturbations du fond, en induisant, au-dessus de celles-ci, des cellules de circulation suffisamment intenses. Les houles trop obliques () induisent un courant de dérive qui lissent les perturbations. Les houles trop courtes (), ou peu énergétiques () induisent des cellules de circulation trop faibles pour développer les instabilités et favoriser le développement initial des festons.
Ces valeurs seuil issues de simulations numériques peuvent être discutées, compte tenu du caractère souvent trop diffusif des modèles morphodynamiques côtiers. Cela pourrait, en particulier, expliquer pourquoi on peut trouver des barres en festons dans des environnements où la houle est souvent assez oblique, comme sur la côte aquitaine [16], ou dans les environnements soumis à des houles de faible période, comme dans le golfe du Lion [2]. D'autres paramètres peuvent avoir un impact significatif sur la morphologie des festons, comme la distance de la barre à la côte [13], le spectre de la houle incidente [23], ou encore le caractère instationnaire du forçage [27]. Enfin, et même si Reniers et al. [23] ont montré que les ondes infragravitaires avaient un effet disspatif plutôt que générateur de formes tridimensionnelles, il serait intéressant d'adopter une approche instationnaire des courants induits par la houle. Une telle étude pourrait par exemple permettre d'estimer l'impact des instabilités des courants [21] sur la dynamique des structures sableuses tridimensionnelles.
4 Conclusion
Cette étude confirme que le mécanisme d'auto-organisation permet à lui seul de festonner les barres sableuses. Ce développement est favorisé par les houles longues et frontales. Ces houles peuvent induire des cellules de circulation suffisamment intenses au-dessus des perturbations pour développer ces dernières et donner naissance à des barres tridimensionnelles périodiques. En partant d'une bathymétrie comportant une barre subtidale rectiligne préexistante et une quelconque perturbation du fond, l'utilisation d'un modèle non linéaire entièrement couplé prenant en compte la rétroaction du fond sableux sur l'hydrodynamique à travers le champ de vagues montre le développement d'un système de barres en festons. En partant d'une barre rectiligne subtidale déduite de profils bathymétriques moyennés le long de la côte aquitaine, la longueur d'onde moyenne des systèmes obtenue, de l'ordre de 700 m, est en accord avec les observations de Lafon et al. [19]. Ces travaux ouvrent de nombreuses perspectives de recherche concernant les développements numériques. L'imagerie vidéo (système de type ARGUS) sera également un outil déterminant pour confronter de manière plus rigoureuse les performances de ce type de modèle théorique à l'évolution naturelle des barres.
Remerciements
Ce travail a été réalisé dans le cadre du Programme national d'environnement côtier, action de recherche thématique 7 (PNEC ART 7). Les travaux de thèse de Bruno Castelle étaient financés par la DGA.