Abridged English version
The city of Zaouit Ech Cheikh (Morocco) is located in the hilly zone that delineates the High Atlas Mountain (Fig. 1). Its basement is mainly composed of Maastrichtian–Eocene sedimentary formations [3]. The sedimentary series is made up of limestones [6] whose dissolving led to the formation of a complex network of underground karsts. In this area, artificial cavities formerly dug by inhabitants to satisfy their domestic needs were also found. The existence of such underground voids makes buildings and infrastructures very unstable (Photo 1). Therefore, it is necessary to locate and characterize such cavities (geometry, depth) in order to guide the town-planning scheme within the urban perimeter of the city and to find solutions to avoid collapses.
The purpose of the present paper is to carry out combined 2D electrical tomography and ground-penetrating radar (GPR) studies to map the sub-surface and detect cavities. The use of such geophysical tools to recognize underground voids has already given satisfactory results [1,2,4,7,8,12,15,19]. Measurements were conducted along the main streets of the city, following a path to get more sub-surface information (Fig. 2). During this survey, we noticed many signs of instability and some collapses in the neighbouring buildings. They may indicate the existence of voids beneath these buildings.
Electrical tomography was applied along two profiles (E1 and E2) (Figs. 2 and 3) using a multi-electrodes device [10] in a Wenner configuration [17,20]. Electrodes were 4 m apart and connected to a Syscal Junior resistivity-meter manufactured by Iris Instruments. Acquired data are presented as pseudosections (Fig. 3). Electrical resistivity models of the ground are calculated from the data using the inverse method of Loke and Barker [13].
The GPR measurements were performed along 14 profiles (1 to 14) with a Ramac system of Mala Geosciences, using a 200-MHz antenna (Figs. 2 and 3; Photo 2). In this method, a transmitting antenna generates an electromagnetic impulse that propagates in the ground and is reflected on the contacts between geological layers characterized by dielectric permittivity contrasts [18]. The reflected impulse is recorded by a receiving antenna [5,9,11].
The geophysical results recorded along profiles E1 and E2 are presented in Fig. 3. We chose these profiles, carried out with two methods, because they allow a comparison between the two sets of geophysical data. Electrical tomography measurements are presented as pseudosections or panels that, through inversion, lead to establish ground-resistivity models. They show several local resistive zones (Fig. 3a and f) that we numbered from 1 to 10, superimposed on GPR images (Fig. 3c and h).
The geophysical survey was complemented with a field investigation in order to gather information on the underground cavities of the prospected area. The investigation is based on the collection of information from the inhabitants, who had a relatively accurate knowledge of known cavities. It also includes a detailed mapping of the indices of instabilities or depressions visible on some buildings and roadway systems (Fig. 2). The results of this investigation for the profiles E1 and E2 are shown in Fig. 3e and j.
The agreement of geophysical data with investigation information confirms the assumption of the existence of underground cavities. It is shown from the electrical resistivity anomalies 3, 4, 5, 9, and 10, evidenced respectively on E1 and E2 profiles, which we interpret as cavities (Fig. 3d and i). However, the information provided by the investigation was taken only as an indication, considering the inaccuracies in the location of cavities. Thus, the resistive zones 2 on profile E1 and 5 on profile E2, which match with strong-amplitude reflections, probably correspond to underground vacuums, although they are not perfectly centred on the cavities underlined by the investigation. Moreover, taking into account that the results of the investigation could not highlight all cavities, we interpret anomalies 1 and 2 of profile E1 and 6 of profile E2 as underground vacuums, because they correspond to resistive zones that coincide with energetic reflections (Fig. 3c and h).
Furthermore, we must point out that the most important resistive zone that corresponds to anomaly 1 on profile E1 would not correspond to an underground cavity, because it is superimposed on the GPR section with a perfectly horizontal layering, which probably reflects the initial aspect of the basement of the foundations of the Zaouit Ech Cheikh city.
The underground cavities highlighted by the present study on profiles E1 and E2 are shown in Fig. 3e and j. These cavities show different shapes and sizes (Photo 3). Some of them are lengthened vertically; they could correspond to septic tanks (C1, C’3 and C’4). The other cavities would represent either karsts or zones from which sandy materials were removed for building.
1 Introduction
Le sous-sol de la ville de Zaouit Ech Cheikh (Fig. 1) abrite un grand nombre de cavités souterraines naturelles, de type karstique ou artificielles, liées aux activités humaines. Ces cavités sont souvent à l’origine d’affaissements, de fontis, voire même d’effondrements dangereux, tant pour les vies que pour les biens (Photo 1). Les investigations que nous avons menées sur le terrain permettent de se rendre compte de l’ampleur de ces vides souterrains et de leur impact sur les instabilités des constructions et des infrastructures de la ville de Zaouit Ech Cheikh. Ainsi, nous avons pu constater que les cavités ouvertes à la suite d’effondrements sont toutes remplies d’air. Elles peuvent atteindre plusieurs mètres cubes de volume, et la profondeur de leur toit peut varier de 80 à 500 cm.
Partant de ces considérations, le contrôle et l’orientation des aménagements au sein du périmètre urbain de la ville de Zaouit Ech Cheikh nécessitent la cartographie détaillée et la caractérisation précise de ces cavités. Les contrastes notables des propriétés physiques existant entre les cavités (air) et leur encaissant offrent un contexte très favorable pour une caractérisation par méthodes géophysiques.
On se propose, dans cette étude, de mettre en œuvre les techniques de la tomographie électrique et du radar géologique pour la détection et la délimitation des cavités souterraines en milieu urbain. Ces deux méthodes géophysiques ont déjà été utilisées avec succès pour la reconnaissance de cavités souterraines dans d’autres contextes [1,2,4,7,8,12,15,19].
2 Contexte géologique
La ville de Zaouit Ech Cheikh est située au pied de la chaîne du Haut Atlas, dans la zone bordière des collines (Fig. 1). Dans cette zone, la série stratigraphique [6] est essentiellement formée de calcaires et de calcaires dolomitiques, attribués au Lias inférieur [3], reposant généralement sur des formations permo-triasiques, composées d’argiles rouges et de basaltes doléritiques. Les affleurements d’âge Quaternaire consistent en des dépôts travertineux tufeux, gréseux et même conglomératiques, de puissance variable.
Dans ce contexte régional de nature essentiellement carbonatée, les phénomènes de dissolution ont entraîné l’apparition d’un système complexe de cavités karstiques, de tailles variables et de formes irrégulières. À ces vides souterrains, d’origine naturelle, s’ajoutent les cavités artificielles anciennement creusées par les habitants pour l’extraction des faciès gréseux utilisés comme matériaux de construction. Ainsi, aujourd’hui, le sous-sol de la ville de Zaouit Ech Cheikh abrite un important réseau de cavités.
3 Méthodologie
Le programme de reconnaissance comprenait 14 profils de radar géologique et deux profils de tomographie électrique, planifiés au préalable à l’intérieur du périmètre urbain de la ville (Fig. 2). L’objectif de nos mesures était de mettre en évidence les vides souterrains responsables des désordres et des indices d’instabilités que montrent de nombreuses constructions.
La tomographie électrique est une méthode de prospection géophysique qu’on utilise pour imager la résistivité électrique des terrains de sub-surface. Elle consiste en la mise en œuvre d’un dispositif multi-électrodes permettant d’acquérir un grand nombre de mesures correspondant aux différentes combinaisons de quatre électrodes [10]. Dans la présente étude, la configuration Wenner a été adoptée. Le dispositif de mesure est constitué d’un résistivimètre de type Syscal Junior, de la société Iris Instruments, connecté à un agencement de 48 électrodes, espacées de 4 m. Les données recueillies sont présentées sous forme de panneaux électriques, sur lesquels les mesures sont reportées au milieu du dispositif d’acquisition, à une cote qui correspond à la valeur de la séparation courante des électrodes mobiles [17,20]. Des modèles du sous-sol montrant la distribution en coupe de la résistivité sont calculés à partir des panneaux, en utilisant la méthode d’inversion des données de Loke et Barker [13].
La seconde méthode géophysique utilisée dans cette étude est le radar géologique, dont le principe est similaire à celui de la sismique réflexion, mais où les ondes acoustiques sont remplacées par des ondes électromagnétiques [5,9,11]. Les mesures ont été effectuées en utilisant un équipement de type Ramac manufacturé par de la société Mala Géosciences, avec des antennes dont la fréquence centrale est de 200 MHz (Photo 2). La signature d’une cavité est un contraste d’amplitude plus ou moins prononcé sur le radargramme, proportionnel au rapport des permittivités effectives de l’encaissant et de la cavité, et fonction de l’atténuation intrinsèque des formations sous-jacentes. Elle peut aussi se manifester par des discontinuités latérales des réflexions ou par l’apparition d’hyperboles, en fonction de la forme et des dimensions de la cavité. Cette méthode est cependant fortement influencée par la conductivité de l’encaissant, qui provoque l’atténuation du signal et limite la profondeur d’investigation [18].
Afin d’éliminer le bruit et les artéfacts qui interfèrent avec les signaux issus des cibles enfouies, des traitements appropriés ont été appliqués aux données brutes recueillies à l’aide du radar géologique. Ces traitements, qui ont notamment pour but d’augmenter le rapport signal/bruit, incluaient, entre autres : (a) une correction statique visant à localiser le temps zéro des enregistrements, (b) un filtrage fréquentiel passe-bande, qui a pour objectif d’éliminer les hautes fréquences affectées par le bruit, et (c) un gain adéquat, permettant de rehausser les signaux en amplifiant les réflexions masquées par l’atténuation ou par des effets latéraux.
Ces deux méthodes géophysiques sont très utilisées dans les reconnaissances des terrains de sub-surface. Elles présentent toutes les deux l’avantage d’offrir une très bonne résolution de cartographie des hétérogénéités superficielles, tout en étant non destructives. C’est ce qui explique d’ailleurs le choix de leur mise en œuvre dans la présente étude. Leur application à la détection des cavités souterraines en milieu urbain a donné des résultats très satisfaisants dans divers contextes d’utilisation [4,7,14]. On doit signaler, en particulier, l’expérimentation conjointe très concluante de ces deux techniques, dans l’ancienne médina de Béni-Mellal, qui se situe à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Zaouit Ech Cheikh, et où se pose le même problème. En effet, des cavités mises en évidence par méthodes géophysiques dans cette médina ont été confirmées par sondage [16]. Toutefois, on doit reconnaître l’existence de certaines limites à ces techniques de reconnaissance indirectes. La plus handicapante pour les deux méthodes est la présence d’un recouvrement conducteur, qui réduit considérablement leur profondeur de pénétration.
4 Résultats et discussion
Les résultats des mesures géophysiques enregistrées le long des profils E1 et E2 sont présentés sur la Fig. 3. Nous avons choisi ces deux profils, car ce sont les seuls qui permettent de confronter les données des deux techniques mises en œuvre. Les mesures de tomographie électrique sont présentées sous forme de pseudosections ou de panneaux, dont l’inversion a permis d’établir des modèles de résistivité électrique du sous-sol (Fig. 3a et f). Ces modèles montrent d’importantes variations latérales de la résistivité électrique des terrains de fondations de la ville de Zaouit Ech Cheikh. Parmi ces variations, on s’intéresse en particulier aux zones très résistives représentées par les couleurs rouge à mauve de la palette utilisée. Cet intérêt est justifié par le fait que toutes les cavités reconnues dans la ville de Zaouit Ech Cheikh sont vides (c’est-à-dire remplies d’air) et devraient, par conséquent, engendrer des variations positives de résistivité. Les zones résistives mises en évidence présentent des formes, des tailles et des profondeurs variables. Leur dimension et la profondeur de leur centre sont généralement plus importantes au niveau du profil E1. Les données du radar géologique confirment l’hétérogénéité du sous-sol du site étudié, qui se manifeste par une grande variation d’amplitude des échos enregistrés (Fig. 3b et g). En effet, sur l’ensemble des sections, on observe des zones de forte énergie, qui alternent avec des plages plus calmes.
Par ailleurs, afin de vérifier la signature radar de ces cavités éventuelles, les plages résistives ont été systématiquement délimitées, numérotées et superposées aux radargrammes (Fig. 3c et h). L’analyse conjointe des enregistrements radars et des anomalies de résistivité permet de délimiter plusieurs cavités souterraines (Fig. 3e et j).
En complément de l’étude géophysique, nous avons mené une enquête en vue de rassembler le maximum d’informations sur l’existence de cavités souterraines dans la zone prospectée. Cette enquête consistait d’abord à recueillir des renseignements auprès des habitants, qui avaient une connaissance de certaines cavités découvertes à la suite de creusements de la voie publique dans le cadre de divers travaux, tels que l’installation de canalisations ou l’enterrement de câblages. Ensuite, il a fallu procéder à la cartographie détaillée des indices d’instabilités ou d’affaissements visibles sur certains bâtiments et sur les voiries. Les résultats de cette enquête pour les profils E1 et E2 sont présentés, pour les cavités souterraines, sur la Fig. 3d et i.
La concordance des données géophysiques et des informations issues de l’enquête conforte l’hypothèse de l’existence de cavités souterraines, comme c’est le cas pour les anomalies de résistivité 3, 4 et 5 et 9 et 10, respectivement sur les profils E1 et E2, que nous avons interprétées comme des cavités (Fig. 3e et j). Toutefois, les renseignements fournis par l’enquête n’ont été considérés qu’à titre indicatif, du fait de l’imprécision sur la localisation des cavités. Ainsi, les zones résistives 2 sur le profil E1 et 5 sur le profil E2, qui coïncident avec des réflexions de forte amplitude, correspondraient à des vides souterrains, bien qu’elles ne soient pas parfaitement centrées sur les cavités soulignées par l’enquête. En outre, compte tenu du fait que les résultats de l’enquête ne permettent pas de mettre en évidence toutes les cavités enfouies, nous interprétons en tant que cavités souterraines les anomalies 1 et 2 du profil E1 et 6 du profil E2, car elles correspondent à des zones résistives qui coïncident avec des réflexions de forte énergie (Fig. 3c et h). Signalons, par ailleurs, que la plus importante zone résistive, qui correspond à l’anomalie 1 sur le profil E1, ne correspondrait pas à un vide souterrain, car elle se superpose, sur le radargramme, à un litage parfaitement horizontal, qui reflète vraisemblablement le caractère sain des terrains de fondation de la ville de Zaouit Ech Cheikh.
Les cavités souterraines mises en évidence par la présente étude au niveau des profils E1 et E2 sont présentées sur la Fig. 3e et j. Ces cavités possèdent des formes différentes et des tailles variables. Certaines sont allongées verticalement ; elles pourraient correspondre à des fosses septiques (C1, C’3 et C’4). Les autres cavités représenteraient, soit des vides karstiques, soit des zones de prélèvement de matériaux gréseux de construction.
Signalons enfin que, dans le cadre des travaux de recherche académiques que nous menons dans la région de Tadla-Azilal en général, et dans la localité de Zaouit Ech Cheikh en particulier, nous ne disposons pas des moyens et des autorisations nécessaires pour valider les anomalies géophysiques mises en évidence. Le seul élément de validation disponible à présent est l’effondrement partiel, survenu récemment, du toit de la cavité C2 détectée sur le profil E1 (Photo 3). Toutefois, d’autres arguments peuvent être avancés pour appuyer les interprétations proposées :
- • le recoupement des deux méthodes géophysiques utilisées ;
- • l’existence d’indices d’instabilités de surface visibles au niveau des constructions et des infrastructures (voieries, canalisations, etc.) ;
- • le contrôle par sondage d’anomalies similaires, et dans un contexte identique, au niveau de la ville de Béni-Mellal, qui a permis la mise en évidence de cavités souterraines [16].
5 Conclusion
Les résultats des premières expérimentations de prospection géophysique entreprises dans la ville de Zaouit Ech Cheikh illustrent l’intérêt de la tomographie électrique et du radar géologique pour la détection et la délimitation des cavités souterraines. Elles montrent également que ces deux méthodes sont bien adaptées à la reconnaissance du sous-sol en milieu urbain. Les résultats très encourageants que nous avons obtenus nous permettront d’étendre la couverture géophysique à l’ensemble du périmètre urbain de la ville de Zaouit Ech Cheikh, dans l’objectif d’établir une carte détaillée des vides souterrains contenus dans ses terrains de fondation. L’élaboration d’un système d’information géographique qui inclurait, en plus de cette carte, l’ensemble des données se rapportant aux instabilités du sous-sol dans cette ville permettra de prévenir les risques d’effondrement des constructions.
Par la suite, la reconnaissance géophysique pourra se généraliser à l’ensemble des superficies concernées par les futurs programmes d’aménagement autour de la ville de Zaouit Ech Cheikh. On pourra ainsi agir bien en amont et éviter les conséquences désastreuses des instabilités engendrées par les cavités souterraines.
Remerciements
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet OTAN (EST.CLG 980288) entre l’université Cadi-Ayyad (Maroc) et l’université de Barcelone (Espagne). Nous remercions le personnel de la commune de Zaouit Ech Cheikh pour sa contribution à l’acquisition des données sur le terrain ainsi que les deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques constructives.