Abridged English version
The culture of dessert bananas in Morocco under plastic shelters is hindered by nematodes, which are the most important pests of this crop. Four genotypes of banana were studied:
- – two triploids AAA (A = haploid set of chromosomes from Musa acuminata): ‘Grande naine’, known to be sensitive to nematodes, and Yangambi km5;
- – two diploids AA: Pisang jari buaya and Pisang berlin
Infection by Meloidogyne spp. nematodes produced an increase in root mass compared with controls, which can be explained by root gall formation characteristic of this nematode. The other growth parameters were not significantly affected.
The quantity of Meloidogyne spp. nematodes per 10 g fresh root weight varied with banana genotype. Pisang jari buaya had a significantly lower number of nematodes than the other genotypes. Pisang berlin had the highest number, showing a higher sensitivity than the reference cultivar ‘Grande naine’. Yangambi km5 had an intermediate number of nematodes that could not be statistically distinguished from that of ‘Grande naine’.
In spite of the presence of Meloidogyne spp. in banana roots, no reduction in growth parameters was observed; this could indicate a certain tolerance of these banana plants to this nematode in our experimental conditions.
Infection by Radopholus similis nematodes produced a significant reduction in growth parameters (length and diameter of the pseudo trunk, aboveground and belowground biomasses) compared with controls. Numbers of nematodes per 10 g of roots varied: the genotype Pisang berlin showed the lowest number of nematodes, whereas Pisang jari buaya and Yangambi km5 showed medium values, but which were significantly lower than those of the cultivar ‘Grande naine’.
Therefore, in this study, only Pisang jari buaya showed a certain resistance to both Meloidogyne spp. and Radopholus similis nematodes. Thus, in a near future, this banana genotype could be used in breeding programmes, once the identity of the nematodes, currently based today on morphological traits, is better known using a PCR-based mt-DNA diagnostic approach.
1 Introduction
Au Maroc, la culture du bananier dessert couvre environ 4470 ha dont la quasi-totalité est produite sous serre. La production de bananes marocaines est destinée à la consommation locale [1]. La production totale pendant l'année 2002 fut estimée à 162 300 tonnes.
Comme dans la plupart des régions bananières du monde, les nématodes figurent parmi les principaux parasites du bananier [2]. Les pertes de production annuelles mondiales dues à ces ravageurs sont estimées à environ 20 % [3]. Cependant, des pertes allant jusqu'à 50 % ont été observées au Costa Rica [4].
Les nématodes attaquent les racines et les souches de bananiers, affectent la croissance des plantes et les rendements, suite à la réduction des fonctions mécaniques et physiologiques du système racinaire. Ils provoquent la chute des plantes en raison du pourrissement des racines [5].
Parmi les phytonématodes les plus dévastateurs et les plus largement répandus, chez les Musacées, figurent les endoparasites migrateurs Radopholus similis et les nématodes endoparasites sédentaires, Meloidogyne spp. [6].
Les principales méthodes de lutte consistent à pratiquer l'inondation des terrains durant deux à six mois par an, des rotations culturales et l'application de nématicides [6]. Cependant, au Maroc, les rotations culturales et l'inondation ne peuvent être mises en œuvre, puisque l'essentiel de la production bananière est issu de cultures pluriannuelles, en continu, sous serres. Quant aux nématicides, ils sont coûteux et très nocifs pour l'environnement [7]. Le recours à la recherche de résistances ou de tolérances naturelles aux nématodes constitue alors une alternative indispensable et prometteuse.
L'étude présentée dans ce cadre vise à étudier quatre génotypes de bananiers, afin de déterminer leur comportement vis-à-vis de deux espèces de nématodes : Radopholus similis et Meloidogyne spp. Ce sont, d'après Rammah [2], les espèces les plus rencontrées au Maroc. Radopholus similis est à l'origine de lésions racinaires, tandis que Meloidogyne spp. forme des galles sur les racines primaires et secondaires des plantes [5].
2 Matériel et méthodes
2.1 Préparation des plants
Quatre génotypes de bananier, appartenant à deux groupes de ploïdie différents, sont testés dans cette étude. Deux bananiers triploïdes AAA : « Grande naine » et Yangambi km5 (code INIBAP = ITC 1123), et deux autres diploïdes AA : Pisang jari buaya (Code ITC 0312) et Pisang berlin (Code ITC 0611). (A = génome haploïde de Musa acuminata). Le choix de ces génotypes a été guidé par des évaluations du pool génétique des bananiers qui indiquent la sensibilité de « Grande naine », vis-à-vis des nématodes, tandis que Yangambi km5, Pisang jari buaya et Pisang berlin sont considérés comme « résistants » [5].
Les plants de « Grande naine » sont multipliés in vitro à partir de cultures d'apex végétatifs, prélevés dans une bananeraie en production de la région de Rabat (Maroc). Les autres génotypes issus de la collection de référence sont fournis, sous forme de cultures in vitro ou de bourgeons multiples en prolifération, par le centre de transit de l'INIBAP, situé à l'université catholique de Louvain (Belgique).
Après enracinement, les vitroplants, munis de trois à quatre feuilles, sont repiqués dans des bacs remplis de tourbe stérilisée. Trois à quatre semaines plus tard, les plants sont transférés individuellement dans des sacs en plastique de 20 cm de diamètre et 25 cm de profondeur, remplis d'un mélange autoclavé de sol sableux (84,1 % de sable, 3,8 % de limons, 12,1 % d'argile) et de tourbe . Les cultures sont maintenues sous éclairage naturel, sur une paillasse, dans une serre au sein de laquelle la température oscille de +15 à +30 °C durant l'expérimentation. Les cultures sont arrosées selon les besoins.
2.2 Préparation de l'inoculum
Des isolats de Radopholus similis et de Meloidogyne spp. (association Meloidogyne javanica et Meloidogyne incognita) sont respectivement réalisés à partir de prélèvements racinaires effectués en octobre, sur des bananiers présentant les symptômes caractéristiques : lésions et nécroses pour l'infection par R. similis et galles racinaires pour l'infection par Meloidogyne spp. chez des individus du cv. « Grande naine », dans deux bananeraies situées à 40 km au nord de Rabat (Maroc).
Les racines des deux types d'échantillons sont soigneusement lavées à l'eau courante, puis sectionnées en fragments de 1 cm de longueur. Ces fragments humidifiés sont incubés dans un récipient pendant 48 h. L'isolement des nématodes est réalisé par la technique de broyage tamisage de Baermann [5,8] : les racines sont broyées au mixer électrique pendant trois périodes de 10 s, séparées par des pauses de 5 s. Le broyat est versé sur un tamis de 40 μm pour le débarrasser de l'eau et des petits débris végétaux. Le mélange de racines broyées et de nématodes ainsi obtenu est transféré sur un tamis (maille 1 mm) recouvert par un mouchoir de cellulose. L'ensemble est placé dans une boîte de Pétri contenant une petite quantité d'eau distillée recouvrant tout juste le broyat. Après 48 h de déshydratation à température ambiante, les nématodes ont migré vers le fond du récipient, en direction de l'humidité, après avoir traversé le papier et les mailles du tamis. Les nématodes sont récupérés dans un volume connu d'eau distillée. Une partie aliquote permet alors leur dénombrement sous loupe binoculaire.
2.3 Inoculation des plants
Après trois mois de culture en serre, les plantes de chaque génotype sont réparties en trois lots de sept individus (bloc aléatoire complet ou blocs randomisés complets). Un lot non inoculé constitue le témoin, les deux autres sont respectivement inoculés par R. similis et Meloidogyne spp. L'inoculation des plants est réalisée par introduction d'une suspension contenant soit 3000 nématodes de R. similis, soit 2000 de Meloidogyne spp. juvéniles du 2e stade, à l'aide d'une pipette, dans cinq trous profonds de 2–3 cm, également répartis dans le mélange terreux de chaque plante, à proximité du pseudo-tronc. Ce stade juvénile vient juste après l'éclosion de la ponte. Il est caractérisé par des nématodes vermiformes ayant une taille de 0,25 à 0,5 cm, une faible sclérotisation céphalique et une extrémité caudale amincie. Ils se déplacent dans le sol à la recherche des racines [5]. Les dates d'inoculation et d'extraction dans cette expérimentation sont choisies en tenant compte de l'effet de la température sur le développement des plantes et sur l'évolution de la population de nématodes. En effet, la période de septembre à octobre est une période habituelle de plantation des bananiers au Maroc. Elle permet d'éviter de faire coïncider la floraison avec le froid de l'hiver. En revanche, le mois de mai connaît une augmentation de température favorable à la prolifération des nématodes et à l'apparition des symptômes [9,10].
2.4 Observations et expression des résultats
En mai, soit sept mois après l'inoculation, les plantes sont récoltées et observées. Pour chaque plante, quatre mesures sont effectuées : longueur et diamètre du pseudo-tronc, masse de matière fraîche de la partie aérienne et masse de matière fraîche de l'appareil racinaire. À partir de 10 g de racines, le nombre de nématodes est estimé à la suite de leur extraction. Pour chaque plante infectée par R. similis, les racines mortes sont collectées et pesées immédiatement après leur isolement.
Toutes les données ont fait l'objet d'une analyse de la variance à deux facteurs (population de nématodes et génotype). L'analyse statistique a été réalisée à l'aide du logiciel SAS. La variable « nombre de nématodes » a été transformée au moyen du logarithme avant d'être soumise à l'analyse de la variance. Les pourcentages ont été transformés au moyen de l'arcsinus de racine carrée avant l'analyse statistique. Les moyennes présentant des différences significatives ont été classées par la méthode de Newman et Keuls.
3 Résultats
3.1 Meloidogyne spp.
L'infection par Meloidogyne spp. a eu pour effet d'augmenter significativement la masse racinaire des plants : 46,14 g en moyenne contre 33,64 g chez le témoin (Tableau 1). Les trois autres paramètres des plantes (longueur et diamètre du pseudo-tronc, masse aérienne de la plante) n'ont pas été significativement affectés par Meloidogyne spp.
Effet de différentes souches de nématodes sur les paramètres de croissance des plants de bananiers étudiés (génotypes : Grande naine, Pisang berlin, Pisang jari buaya, Yangambi km5)
Paramètres étudiés Traitements | Longueur (cm) | Diamètre du pseudo-tronc (mm) | Masse de matière fraîche : partie aérienne (g) | Masse de matière fraîche : partie racinaire (g) |
Meloidogyne spp. | 45,39 a | 35,39 a | 184,86 a | 46,14 a |
Radopholus similis | 35,57 b | 30,61 b | 122,93 b | 24,36 c |
Témoin | 42,82 a | 34,64 a | 178,36 a | 33,64 b |
En ce qui concerne le nombre des nématodes, comptés à partir d'échantillons racinaires (10 g de matière fraîche), on observe un effet significatif du génotype des bananiers (Tableau 2). Chez Pisang jari buaya, le nombre moyen de nématodes (3068,57) est significativement plus faible que chez les autres génotypes testés. Nous avons enregistré le plus grand nombre de nématodes chez Pisang berlin (11 022,86). Ce génotype s'est donc montré plus sensible que « Grande naine », considéré comme cultivar de référence sensible à tous les nématodes [5]. Le nombre de nématodes récoltés chez Yangambi km5 (6377,14) ne diffère pas significativement de celui de « Grande naine ».
Dénombrement de nématodes/10 g de matière fraîche racinaire chez quatre génotypes de bananiers, sept mois après inoculation
Souches de nématodes Génotypes de bananiers | Meloidogyne spp. | Radopholus similis |
Pisang berlin | 11 022,86 a | 37,14 c |
Pisang jari buaya | 3068,57 c | 51,43 b,c |
Yangambi km5 | 6377,14 a,b | 114,29 b |
Grande naine | 5382,86 b | 662,86 a |
3.2 Radopholus similis
Suite à l'infection par R. similis, on observe une réduction significative des quatre paramètres analysés par rapport au témoin : la longueur du pseudo-tronc passe de 42,39 à 35,57 cm, en moyenne, le diamètre du pseudo-tronc régresse de 34,64 à 30,61 mm, la masse de matière fraîche du pseudo-tronc et des feuilles décroît de 178,36 à 122,94 g, et la masse de matière fraîche racinaire des plantes de 33,64 à 24,36 g (Tableau 1). R. similis a aussi causé la mort de certaines racines. Cependant, on ne détecte pas de différence significative entre les quatre génotypes de bananiers pour ce caractère (Tableau 3). La mort des racines est liée à des lésions causées par R. similis qui, après pénétration par l'apex racinaire, se déplace en créant des dommages dans les tissus, lesquels peuvent s'élargir en formant de vastes zones nécrosées. Il en résulte un dépérissement des racines attaquées [5].
Pourcentages des racines mortes par rapport à la masse totale des racines, chez quatre génotypes de bananiers, infectés par le nématode Radopholus similis
Génotype de bananiers | Racines mortes (%) |
Pisang berlin | 6,2 a |
Pisang jari buaya | 2,5 a |
Yangambi km5 | 0,5 a |
Grande naine | 5,6 a |
Le nombre de nématodes, observé dans 10 g de masse racinaire chez Pisang berlin (37,14), Pisang jari buaya (51,43) et « Yangambi km5 » (114,29), est significativement plus faible, dans chaque cas, par rapport à celui obtenu chez le cultivar de référence sensible « Grande naine » (662,86) (Tableau 2). Le nombre de nématodes récupérés dans les échantillons de 10 g de racines de Pisang berlin est significativement plus faible que celui trouvé chez Yangambi km5, alors qu'on ne constate pas de différence significative entre Pisang berlin et Pisang jari buaya.
On remarque également que le nombre de R. similis est plus faible, pour tous les génotypes, que celui observé après infection par Meloidogyne spp.
4 Discussion et conclusion
L'augmentation de la masse de matière fraîche des racines, consécutive à l'infection des plants de bananiers par Meloidogyne spp., peut être expliquée par la formation des galles racinaires caractéristiques de ce nématode. Ce résultat, déjà observé par Van den Bergh et al. [11], est cependant en contradiction avec le concept, généralement admis, d'amoindrissement de la croissance globale des racines, consécutivement à l'infestation par ce nématode.
Considérant que le nombre de nématodes détectés dans les racines des plants infectés par Meloidogyne spp. est relativement élevé, et que cela ne semble pas affecter directement les autres paramètres de croissance mesurés (longueur et diamètre du pseudo-tronc ainsi que la masse fraîche de la partie aérienne), on peut estimer que, dans nos conditions expérimentales, les divers génotypes de bananiers utilisés présentent une tolérance vis-à-vis de Meloidogyne spp., au moins durant les sept mois qui suivent l'inoculation.
Sur la base d'une évaluation de la résistance à Meloidogyne spp. en fonction du taux de multiplication de ces nématodes, il apparaît que Pisang berlin, Yangambi km5 et ‘Grande naine’ sont les plus sensibles à Meloidogyne spp.
En revanche, c'est chez Pisang jari buaya qu'on observe le plus petit nombre de nématodes Meloidogyne spp. dans les racines. Ainsi, dans nos conditions expérimentales, ce génotype peut être considéré comme le moins sensible des quatre testés, mais il n'est pas résistant, en raison du grand nombre de nématodes trouvés dans ses racines. En ce qui concerne le génotype Yangambi km5, le nombre de nématodes Meloidogyne spp. ne diffère pas de celui du cultivar de référence sensible « Grande naine », ce qui confirme les travaux de Van den Bergh et al. [11].
Nos résultats sur l'infection par R. similis montrent que ce nématode réduit les quatre paramètres de croissance que nous avons étudiés. Par ailleurs, les quantités de racines mortes, chez les quatre génotypes de bananier, ne présentent pas de différences significatives.
Le plus faible nombre de nématodes, par 10 g de matière fraîche racinaire, obtenu chez Pisang jari buaya, qui est considéré comme une référence de résistance à R. similis [5], confirme les travaux de plusieurs auteurs [12–17]. De même, le faible nombre de nématodes que nous avons détectés chez Yangambi km5 est en accord avec les travaux de la dernière décennie, portant sur ce génotype [5,17–20]. Cependant, Pisang berlin s'est avéré moins sensible que Yangambi km5, ce qui est en désaccord avec le résultat de Fogain (1992) [21], qui annonce que Pisang jari buaya et Yangambi km5 sont plus résistants que Pisang berlin.
Des essais au champ, ainsi qu'en pots sous serre, sont en cours pour estimer, à différentes saisons, l'importance de la température sur la fluctuation de la population des nématodes, en particulier pour R. similis [22]. La durée entre l'infection des plants et leur analyse est alors réduite à deux ou trois mois au lieu de sept comme dans le présent essai, afin de suivre, pour chaque génotype de bananier, le déclenchement des tout premiers symptômes, en concordance avec les recommandations du guide technique INIBAP [5].
En l'état actuel, notre étude montre qu'en conditions marocaines, parmi les génotypes de bananiers étudiés, seul Pisang jari buaya présente une résistance à la fois à Meloidogyne spp. et à R. similis. Le contrôle de ces nématodes parasites repose désormais sur l'utilisation de tests de diagnostic à l'échelle moléculaire [23]. L'ADN mitochondrial s'est récemment révélé être un excellent marqueur de nombreuses espèces et races de Meloidogyne. Deux étroites régions du génome mitochondrial de Meloidogyne ont été simultanément amplifiées par PCR, puis digérées par deux endonucléases (HinfI ou MnII), ce qui a permis de différencier les espèces et variants génétiques de Meloidogyne.
Dans ce contexte, Pisang jari buaya, qui est d'ailleurs déjà utilisé dans les programmes d'amélioration génétique [24], pourra être candidat, afin de servir comme source de résistance aux nématodes Meloidogyne et Radopholus similis marocains, dont l'identité des isolats pourra être vérifiée [23,25].
Acknowledgments
Ce travail a reçu un appui financier du Comité franco-marocain sous forme de l'Action intégrée 230/SVS/2000.