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Comptes Rendus

Henri Décamps, une écologie ouverte aux préoccupations sociétales
Comptes Rendus. Biologies, Volume 346 (2023), pp. 85-87.
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DOI : 10.5802/crbiol.121
Jean-Dominique Lebreton 1

1 CEFE, Univ Montpellier, CNRS, EPHE-PSL University, IRD, Montpellier, France
Licence : CC-BY 4.0
Droits d'auteur : Les auteurs conservent leurs droits
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Jean-Dominique Lebreton. Henri Décamps, une écologie ouverte aux préoccupations sociétales. Comptes Rendus. Biologies, Volume 346 (2023), pp. 85-87. doi : 10.5802/crbiol.121. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/biologies/articles/10.5802/crbiol.121/

Version originale du texte intégral (Proposez une traduction )

Crédit photographique : Brigitte Eymann. Tous droits réservés.

Henri Décamps est décédé le 10 janvier 2023. Il avait 87 ans. Il avait été élu correspondant de l’Académie des sciences le 7 juin 1993, puis membre le 16 décembre 2008 dans la section Biologie intégrative, et était également membre de l’inter-section des applications des sciences. Il était depuis 2004 membre de l’Académie d’agriculture de France.

Henri Décamps, chercheur au CNRS depuis 1961, était un spécialiste de l’écologie des rivières et des paysages fluviaux, ce qui l’avait conduit à s’intéresser aux écotones, les zones de contact entre écosystèmes distincts, et, à partir de là, à l’écologie des paysages. Pionnier des recherches dans ces deux domaines et bénéficiant dès lors d’une forte renommée internationale, il a joué un rôle clé dans leur essor en France, tout en les reliant dans une démarche fortement pluridisciplinaire aux Sciences de l’homme et de la société (SHS).

Ses premiers travaux ont porté sur l’écologie des Trichoptères : les larves de nombreuses espèces construisent de petits fourreaux bien connus des pêcheurs. Leur présence est un excellent indicateur de la qualité des eaux. C’est à partir de cette même préoccupation de qualité des eaux que, dans le cadre d’un aménagement du Lot, Henri Décamps passe en revue les différentes sources de pollution et leurs conséquences [1]. On trouve dans ces premiers travaux un fil conducteur qu’il gardera tout au long de sa carrière : un lien naturel entre recherches fondamentales et appliquées, et, par voie de conséquence, entre écologie scientifique et SHS [2]. Dans le travail sur le Lot, l’accent sur la diversité des besoins en eau (eau potable, usages industriels, eau d’irrigation, besoins environnementaux) et les éventuels conflits entre ces usages prennent une résonance plus que jamais pertinente.

Dès lors, Henri Décamps jouera un rôle moteur dans d’importants programmes pluridisciplinaires : comité Gestion des ressources naturelles renouvelables de la DGRST (Délégation générale à la recherche scientifique et technique), PIREN (Programme de recherche sur l’environnement du CNRS), programme MAB (Man and biosphere) de l’UNESCO. Il a notamment dirigé l’action Grands fleuves du PIREN, portant sur Garonne, Seine et Rhône, lancée dans les années 1980, et a présidé le comité Écologie et gestion du patrimoine naturel du ministère chargé de l’environnement. Il a également été président de l’International Association for Landscape Ecology, ce qui a conduit à l’organisation de son colloque mondial à Toulouse en 1995.

En 1980 il est chargé de remodeler le Service de la carte de végétation du CNRS, à Toulouse, qui était une unité de service, pour en faire un laboratoire de recherche en écologie. Son ouverture d’esprit et sa bienveillance ne sont bien sûr pas étrangers à ce choix.

Il démontre alors avec son équipe le rôle clé des échanges de nutriments entre cours d’eau et écosystèmes terrestres riverains, et leur rôle dans les cycles du carbone et de l’azote dans les zones inondables [3]. Il est à ce titre un des rares européens choisis, en 1995, par la Société internationale de limnologie pour présenter la Memorial Baldi Conference. L’ensemble de ses travaux a contribué à montrer que le fonctionnement des systèmes écologiques ne peut faire l’économie d’une pleine compréhension du rôle des écotones [4, 5], qu’on peut voir de façon un peu caricaturale comme les membranes des cellules que constituent les écosystèmes. Ses travaux sur les interfaces entre cours d’eau et milieux terrestres et sur leur rôle dans les cycles du carbone et de l’azote dans les zones inondables ont joué un rôle important dans le développement des notions de corridors écologiques et de connectivité, concepts clés de gestion de la biodiversité. Il est alors naturellement consulté lors du lancement par le ministère en charge de l’écologie en 2009 des programmes de trames vertes et bleues.

Sur ces bases, Henri Décamps développe dans son ouvrage Printemps des paysages (écrit avec Odile Décamps) [6] une écologie des paysages qui associe la rigueur de l’écologie scientifique à une large vision des préoccupations de société. Cette association qui lui était si caractéristique l’avait amené à participer comme rédacteur en chef et par de nombreux articles aux activités de la revue Nature Sciences Sociétés, outil privilégié de telles réflexions pluridisciplinaires [7].

Son expérience et ses qualités humaines faisaient donc dès lors d’Henri Décamps le promoteur et coordinateur naturel du rapport Évènements climatiques extrêmes : réduire les vulnérabilités des systèmes écologiques et sociaux de l’Académie des sciences [8], paru en 2010, rapport plus que jamais d’actualité.

L’Académie des sciences est ainsi particulièrement redevable à Henri Décamps de son ouverture d’esprit. Sa grande bienveillance et sa parfaite courtoisie vont aussi cruellement nous manquer.

Conflit d’intérêt

L’auteur n’a aucun conflit d’intérêt à déclarer.


Bibliographie

[1] H. Décamps Qualité des eaux et développement de la vallée du Lot, Annls Limnol., Volume 14 (1978), pp. 163-179 | DOI

[2] B. Tress; G. Tress; H. Décamps; A.-M. d’Hauteserre Bridging human and natural sciences in landscape research, Landsc. Urban Plann., Volume 57 (2001), pp. 137-141 | DOI

[3] R. J. Naiman; H. Decamps; J. Pastor; C. A. Johnston The potential importance of boundaries to fluvial ecosystems, J. N. Am. Benthol. Soc., Volume 7 (1988), pp. 289-306 | DOI

[4] R. J. Naiman; H. Decamps; M. Pollock The role of riparian corridors in maintaining regional biodiversity, Ecol. Appl., Volume 3 (1993), pp. 209-212 | DOI

[5] R. J. Naiman; H. Decamps The ecology of interface — Riparian zones, Annu. Rev. Ecol. Syst., Volume 28 (1997), pp. 621-658 | DOI

[6] H. Décamps; O. Décamps Au printemps des paysages, Buchet-Chastel, Paris, 2004, 238 pages

[7] H. Décamps La vulnérabilité des systèmes socioécologiques aux événements extrêmes  : exposition, sensibilité, résilience, Nat. Sci. Soc., Volume 15 (2007), pp. 48-52 | DOI

[8] H. Décamps (coordinateur) Événements climatiques extrêmes : réduire les vulnérabilités des systèmes écologiques et sociaux, 2010 https://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/evenements-climatiques-extremes-reduire-les-vulnerabilites-des-systemes-ecologiques-et-sociaux.html (Académie des sciences)


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