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Comptes Rendus

Les aspects industriels de la fin de cycle du combustible nucléaire et du recyclage du plutonium en France
Comptes Rendus. Chimie, Volume 7 (2004) no. 12, pp. 1227-1234.

Résumés

En France, 58 réacteurs à eau pressurisée, représentant une puissance électrique installée de 60 GWe, produisent 410 TWhe par an. Une partie du combustible UOX usé est retraitée et EDF recycle 8,5 t de plutonium par an sous forme de combustible MOX. Les performances du retraitement sont excellentes. Les volumes de résidus radioactifs produits sont faibles. Le réacteur EPR est prêt pour prendre le relais des réacteurs actuels. Un débat national traitera en 2006 du sort des déchets. Pour le futur lointain, de nouvelles voies devront être mises en œuvre pour tirer le meilleur parti du plutonium. À cet égard, plusieurs concepts de réacteurs et de cycles de combustibles associés sont étudiés. .

Industrial aspects of the end of the nuclear-fuel cycle and of plutonium recycling in France. In France, 58 Pressurised Water Reactors, 60 GWe altogether, are producing 410 TWh per year. A part of UOX spent fuel is reprocessed and 8.5 metric tons of Pu are recycled in MOX fuel by EDF. The performances of the two reprocessing plants, UP3 and UP2, are outstanding. Volumes of radioactive residues are very low. The EPR reactor is ready for the next future. A national debate will take place in 2006 to select the options for radioactive-waste management. New ways will have to be implemented to draw the best of Pu recycling and several concepts of reactors are investigated for the far future. Numerous challenges will have to be met. .

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DOI : 10.1016/j.crci.2004.03.013
Mot clés : énergie nucléaire, cycle du combustible, retraitement
Mots clés : nuclear energy, fuel cycle, reprocessing

Hervé Masson 1 ; Marie-Françoise Debreuille 1 ; Jean-Marie Gras 2

1 Cogema, 2, rue Paul-Dautier, BP 4, 78141 Vélizy cedex, France
2 EDF, centre des Renardières, BP 1, Écuelles, 77250 Moret-sur-Loing, France
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Hervé Masson; Marie-Françoise Debreuille; Jean-Marie Gras. Les aspects industriels de la fin de cycle du combustible nucléaire et du recyclage du plutonium en France. Comptes Rendus. Chimie, Volume 7 (2004) no. 12, pp. 1227-1234. doi : 10.1016/j.crci.2004.03.013. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2004.03.013/

Version originale du texte intégral

1 Introduction

La France a décidé en 1973, à la suite de la première crise pétrolière, la construction d’un parc nucléaire important. Aujourd’hui, 58 réacteurs, d’une puissance totalisant 60 GWe, produisent 410 TWhe par an, couvrant 75% du besoin du pays en électricité. Les premières centrales ont passé leur seconde visite décennale et devraient produire de l’électricité pendant une période équivalente.

Lors du débat national sur l’énergie qui a eu lieu en 2003, il est apparu que seule une combinaison intelligente de toutes les sources d’énergie permettra de prendre en compte les différents problèmes que pose l’exploitation des ressources énergétiques primaires et que l’énergie nucléaire devrait y tenir une place significative. À cet égard, et pour le court-moyen terme, les plans de la nouvelle génération de réacteurs EPR sont prêts.

La France a fait très tôt le choix du retraitement des combustibles électronucléaires usés dans un souci de bien conditionner les déchets et de préserver les ressources en matières fissiles. Deux usines modernes UP3 et UP2 800 fonctionnent à La Hague. Du plutonium produit dans ces usines est recyclé sous forme de MOX (Mixed OXyde of U and Pu) [1]. La gestion du plutonium par EDF est telle qu’il en est recyclé autant qu’il en est produit, afin de ne pas accumuler inutilement du plutonium séparé [2]. Ce choix permet de réduire la quantité de combustible usé. Les déchets de haute et moyenne activité conditionnés lors du retraitement sont actuellement entreposés dans l’attente d’une décision sur leur sort. L’économie de ressources énergétiques que le recyclage actuel du plutonium induit est faible au regard du potentiel énergétique total du combustible nucléaire à l’uranium. Sous l’impulsion des États-Unis, des réflexions sont reprises pour imaginer et développer des réacteurs et des cycles de combustibles du futur, qui seraient à même d’en tirer le meilleur parti.

Un débat parlementaire doit avoir lieu en 2006 sur la future gestion des déchets nucléaires de haute et moyenne activité. Le problème n’est pas tant d’appliquer la solution technique de stockage géologique, mais de choisir une palette de solutions politiquement acceptable et qui permette de maintenir le coût compétitif du kWhe nucléaire.

2 Le parc nucléaire français et la gestion du combustible nucléaire

La France peut, avec ses 58 réacteurs nucléaires, satisfaire sa consommation électrique et exporter 10 à 15% des 410 TWhe produits annuellement. Le parc se compose de 34 réacteurs de 900 MW et de 24 réacteurs, les plus récents, de 1300 MWe. 20 réacteurs de 900 MWe peuvent accueillir le plutonium recyclé.

Les principes de gestion du plutonium par EDF sont les suivants [3] :

  • • 1150 t de combustibles nucléaires usés UOX et MOX sont produites chaque année, dont 100 tonnes de MOX ;
  • • le retraitement est limité à 850 t de UOX, ce qui donne 8,5 t de plutonium ; elles permettent de préparer 100 t de MOX, soit exactement la quantité qu’EDF est autorisée à recycler dans ses réacteurs ; l’objectif de cette gestion est de ne pas séparer du plutonium qui ne serait pas utilisé dans l’immédiat ;
  • • la quantité additionnelle de plutonium au stock présent dans les combustibles usés est de 11,5 t par an (à 90 % dans les MOX).
Le taux de combustion moyen d’un combustible UOX ou MOX (équivalent à un temps de séjour à pleine puissance dans le réacteur) est aujourd’hui de 45 GWj/t et l’objectif est de l’accroître à 57 GWj/t, afin de réduire les quantités de combustible à gérer (ce taux de combustion était de 33 GWj/t au démarrage du programme nucléaire). C’est aussi un élément important de l’amélioration de la compétitivité du kWhe nucléaire.

Comme la totalité des combustibles usés UOX et MOX n’est pas aujourd’hui retraitée, les stocks en entreposage augmentent et la piscine de La Hague sert de tampon. L’augmentation du taux de combustion permettra de réduire les quantités de combustibles usés produites et, à partir de 2015, les quantités entreposées en piscine. Le MOX usé n’est pas destiné, dans un premier temps, à être retraité : il sert de réserve de plutonium pour un futur usage, qui reste à définir, et qui ferait appel à des technologies nouvelles concernant les combustibles et les réacteurs, tout en n’écartant pas la possibilité que la France fasse d’autres choix.

Quant à l’uranium séparé au retraitement, il fait l’objet d’un modeste recyclage partiel, au niveau de deux recharges de réacteurs par an, soit 30 % du total. Le reste est converti en oxyde, en attendant des conditions économiques plus favorables à son emploi, qui en permettraient le recyclage total.

3 Le retraitement

Le retraitement du combustible usé est un choix qui permet un conditionnement spécifique des déchets radioactifs et le recyclage de matières fissiles et fertiles [4]. Le choix de retraiter a été fait très tôt en France et une expérience significative a donc pu être accumulée dans ce domaine. Les premières usines de retraitement, UP1 à Marcoule et UP2 à La Hague, étaient dédiées au retraitement des combustibles métalliques à uranium naturel des réacteurs graphite gaz (UNGG) qui ont vu le jour dans les années 1960. Au moment où la France décidait de passer du réacteur graphite gaz au réacteur à eau pressurisée (1973) et de se lancer dans le programme de construction des réacteurs, la décision a également été prise de construire à la Hague deux grandes usines de traitement de combustibles oxydes, UP3 et UP2 800, chacune de capacité nominale de 800 tonnes par an. C’était les premières unités de traitement d’oxydes d’uranium au monde qui pouvaient être qualifiées d’industrielles, la première à West Valley, aux USA, n’ayant eu qu’une durée de fonctionnement très courte (1966–1971). Une expérience préliminaire de traitement d’oxydes a été la construction du prototype « haute activité oxyde », démarré en 1976 comme atelier de tête destiné à dissoudre l’oxyde d’uranium irradié, le reste du traitement se faisant à UP2.

Les défis à relever pour construire les usines étaient nombreux :

  • • ces unités devaient faire face à des réglementations très strictes sur tous les plans touchant à l’environnement et à la radioprotection (réduction des rejets liquides et gazeux, réduction de doses au personnel en opération et maintenance) ; l’utilisation de maintenance à distance et d’automatisme a été généralisée, tout en conservant la possibilité d’intervention humaine au contact par souci de flexibilité ;
  • • le conditionnement des déchets devait être réalisé en ligne ; très vite, la réduction de l’activité (hors les déchets de haute activité) et du volume des déchets conditionnés allaient devenir des paramètres clés pour l’acceptation et l’économie du retraitement ; les principes de maintenance visaient donc à décontaminer et à réutiliser au mieux les pièces mécaniques, après segmentation éventuelle, pour éviter la formation inutile de déchets technologiques ;
  • • retraiter signifie recycler, et pour cela la qualité des produits finis, le plutonium et l’uranium, devait permettre leur réintroduction dans la chaîne de fabrication d’un combustible nouveau (MOX) ; en parallèle, la perte de matière fissile devait être aussi faible que raisonnablement possible, sachant que ces pertes seraient ultérieurement envoyées en stockage des déchets.
Pour répondre à ces défis, un programme important de R et D a été mis en œuvre par le CEA pour élaborer de nombreuses solutions innovantes :
  • • l’établissement du livre de procédé et du bilan matière a été fait sur la base d’expériences en pilotes actifs sur solutions réelles ;
  • • les équipements principaux, dont plusieurs étaient totalement nouveaux, ont été simulés par des prototypes à l’échelle 1 ;
  • • la modélisation mathématique a été largement utilisée, en particulier pour mettre au point les cycles d’extraction ;
  • • de nouveaux procédés ont été mis au point, comme la distillation du solvant pour en permettre le recyclage partiel, ou comme la dissolution de l’oxyde de plutonium ;
  • • les procédés analytiques ont été modifiés pour éviter l’introduction d’ions indésirables dans le procédé, que la vitrification aurait difficilement acceptés ;
  • • la vitrification, connue et pratiquée depuis 1964, a été adaptée à la nouvelle composition des solutions et la formule du verre a été optimisée pour réduire le volume produit.
Au fil des ans, le retraitement a atteint la maturité industrielle avec un rendement accru, des coûts réduits et un impact minime sur l’environnement, sur la santé des travailleurs et des populations locales grâce à l’application de standards très élevés dès la conception du procédé.

4 Le démarrage

Dès 1986, le déchargement à sec des combustibles usés était mis en actif. Les unités chimiques d’UP3 étaient mises en actif en 1989, puis le cisaillage et la dissolution des combustibles usés ont commencé en 1990 : UP3 était alors en opération. Dès le début, des résultats très favorables ont été obtenus : capacité nominale atteinte rapidement, taux de récupération du plutonium supérieur à 99,8%, rejets des effluents en baisse sensible, facteurs de décontamination de l’uranium et du plutonium élevés (Tableau 1) obtenus en deux cycles de purification au lieu des trois initiaux, volumes de déchets inférieurs aux chiffres de conception et doses au personnel très faibles.

Tableau 1

Exemples de performances d’UP3

Valeur obtenueValeur attendue
Premier cycle de purificationFacteur de décontamination bêta et gamma de U et PuU > 2 × 1052 × 103
Pu > 8 × 1041,25 × 103
Efficacité de la séparation U/Pu< 10 μg Pu/kg U< 1000 μg Pu/kg U
Second cycle de purificationFacteur de décontamination de U en Np100 à 250
Facteur de décontamination de U en émetteurs alphaNon significatifactivité alpha < 250 Bq/g U
Cycle de purification du PuFacteur de décontamination de Pu en émetteurs bêta et gamma< 37 Bq/g Pu< 300 Bq/g Pu

L’extension de l’usine UP2 a été entreprise en 1994 et, dès 1995, UP2 800 était à sa capacité nominale. Le complexe de La Hague était alors capable de traiter 1600 t de combustible par an.

5 Améliorations continues

Après la priorité donnée à la sûreté et aux performances de l’usine, des améliorations et modifications importantes ont été entreprises pour réduire le volume des déchets produits et, par la même occasion, les coûts prévisibles du stockage final.

5.1 Arrêt de la production d’enrobés bitumes

Jusqu’en 1995 les effluents liquides étaient décontaminés par coprécipitation des radionucléides et les boues résultantes enrobées dans du bitume. Bien que ce procédé ait donné d’excellents résultats sur le plan des rejets liquides, il conduisait par le simple ajout de réactifs à la production de volumes importants de bitume. Une augmentation des capacités d’évaporation, et un meilleur tri à la source des flux, rendu plus facile par les excellents facteurs de décontamination à tous les niveaux, ont permis d’arrêter la production des enrobés bitumes.

5.2 Décontamination des déchets alpha

Un procédé de dissolution électrolytique du plutonium en présence de catalyseur argent a été mis en œuvre pour déclasser certains déchets contaminés au plutonium en déchets de faible activité pouvant être stockés de surface, et en permettre par ailleurs une réduction de volume [5].

5.3 Minéralisation du solvant

Ce procédé complémentaire de la distillation permet de passer d’un résidu liquide (le solvant) à un faible volume de cendres correspondant à un déchet de faible activité stockable en surface [6,7].

5.4 L’unité de purification du plutonium

Dans une perspective d’avenir, allant vers le retraitement de combustibles usés au plutonium, un nouvel atelier de purification du plutonium (R4) a été conçu selon des principes innovants : surface d’atelier réduite par l’utilisation d’extracteurs centrifuges (huit étages pour un volume de 250 l), utilisation d’analyse en ligne, de nouvelles cuves sous-critiques à encombrement réduit et d’un nouveau procédé de préparation de réactif. L’atelier a démarré en 2001 et a atteint immédiatement la capacité et les performances requises.

6 Le conditionnement des déchets

Le conditionnement des déchets est l’atout du retraitement : la vitrification permet d’immobiliser les produits de fission, qui représentent l’essentiel de l’activité, dans une matrice stable, de volume réduit et facile à entreposer en attendant la décision sur sort final de ces déchets. Dix mille conteneurs de verre ont été produits jusqu’à présent. La production a commencé à La Hague sur les solutions de produits de fission des combustibles graphite gaz en 1989 dans l’atelier R7 de UP2. Le retour d’expérience a été mis à profit pour modifier l’atelier de production de UP3 avant son démarrage. Puis, lors de l’extension de UP2, l’atelier R7 a fait à son tour l’objet d’une mise à niveau. La démonstration était faite qu’une intervention significative était possible sur un atelier traitant le plus haut niveau de radioactivité jamais atteint, confirmant par-là l’excellence et la pertinence des principes adoptés pour la conception. Un travail important de développement a permis de prolonger la vie des pots de fusion de vitrification, toujours dans l’idée de réduire le volume des déchets [8].

Le procédé de compaction des déchets technologiques et des coques issues de la gaine des combustibles a démarré en 2001 après des travaux intensifs de recherche et développement. Le compactage permet de réduire d’un facteur 4 le volume de déchets de ce type et de le limiter ainsi au niveau minimum [9]. Ces déchets sont emballés dans un conteneur géométriquement identique à celui des verres.

Un effort important a été entrepris pour réduire à la source les déchets faiblement actifs en évitant l’introduction en zone active d’outils, d’accessoires ou d’emballages non nécessaires, et par un meilleur tri par nature et activité des objets contaminés. Cela permet maintenant d’envoyer les déchets faiblement actifs combustibles à Centraco, sur le site de Marcoule, où ils sont incinérés. Les déchets métalliques de faible activité font également l’objet d’une fusion à Centraco.

Chaque filière de déchets produits à La Hague est maintenant bien établie, avec un conditionnement en ligne. Les déchets de faible activité sont immédiatement évacués. Les déchets de moyenne et forte activité sont entreposés en attendant une décision sur leur sort. Cet entreposage, qui ne présente pas la moindre difficulté technique, peut être prolongé aussi longtemps que nécessaire dans l’attente de la décision d’ouverture du stockage géologique profond. Le Tableau 2 récapitule les résultats obtenus en matière de volume de déchets de haute et moyenne activité.

Tableau 2

Volume de déchets de haute et moyenne activité (dm3 par tonne de combustibles usés traités)

Volumes de résidusConception19952000
Enrobes bitumes63000
Déchets technologiques1700200< 350
Coques et embouts600600
Déchets vitrifiés130115115
Total3060915< 465

7 Un challenge immédiat : la gestion des déchets

Il est évident qu’il faut maintenir les performances actuelles des usines de la Hague et même les améliorer, tout en faisant progresser également les performances économiques. Dans l’immédiat, deux questions essentielles devraient recevoir une réponse :

  • • la gestion finale des déchets ultimes dits MAVL et HAVL (moyenne et haute activité à vie longue), avec le rendez-vous au Parlement prévu par la loi en 2006 ;
  • • le renouvellement du parc électronucléaire actuel et des ateliers du cycle associés, dans la période 2020–2050.
Le plus important volume, celui des déchets de faible activité à vie courte (déchets FAVC), est expédié en ligne dans le centre de stockage définitif de l’Aube, dont la capacité d’accueil est suffisante pour la durée de fonctionnement du parc de réacteurs existants. Un stockage de déchets de très faible activité (déchets TFA) vient également de s’ouvrir, pour accueillir essentiellement les déchets de démantèlement.

Des projets de stockages géologiques pour les déchets de haute activité sont déjà acceptés et bien avancés dans d’autres pays (États-Unis, Suède et Finlande). Un stockage, le WIPP, a été ouvert en 1999 aux États-Unis pour les déchets militaires essentiellement contaminés en émetteurs alpha. En France, les déchets de haute et moyenne activités conditionnés lors du retraitement sont actuellement entreposés à La Hague et attendent l’issue du débat en 2006, prévu par la loi de 1991.

Le processus devant conduire à un choix pour la gestion de ces déchets a été initié par le gouvernement en 1989. Voyant que les populations n’étaient pas prêtes à accepter les solutions préconisées alors, il a confié au député Christian Bataille, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) la rédaction d’un rapport. Ce rapport [10], remis en 1990, préconisait une action législative du Parlement, en parfaite rupture avec le processus de prise de décision précédent dans ce domaine, jusque-là réservée au pouvoir exécutif.

La loi, connue sous le nom de « loi de 1991 », a été votée, puis signée par le Gouvernement. Elle prévoyait la poursuite des recherches sur les déchets selon trois « axes » :

  • • la transmutation des radionucléides de longue vie contenus dans les combustibles usés après leur séparation (« retraitement poussé ») pour réduire l’inventaire de radiotoxicité des déchets ;
  • • la mise en stockage géologique des colis de déchets permettant d’isoler les radionucléides pendant le temps requis pour leur décroissance radioactive ;
  • • l’entreposage de longue durée dans l’attente de la mise en œuvre des solutions ci-dessus.
Elle mettait en place également :
  • • le renforcement du rôle de l’Andra (Agence nationale pour les déchets radioactifs) ;
  • • les modalités de mise en place de laboratoires souterrains et d’information du public ;
  • • la création d’un comité d’experts (commission nationale d’évaluation), chargé de rapporter au Parlement en 2006 et d’évaluer l’avancement des recherches chaque année.
À l’issue de quinze années d’études, en 2006, il est prévu que le gouvernement saisira le parlement pour débattre d’une nouvelle loi mettant en place la ou les solutions identifiées.

On peut noter que certaines des options de réacteurs du futur (voir plus loin) pourraient permettre une transmutation des radionucléides à vie longue. Mais le rapport Bataille préalable à la loi mentionnait déjà que « tous les experts considèrent que le retraitement poussé et la transmutation ne supprimeront pas la nécessité du stockage en couches géologiques profondes ».

Le débat n’est pas encore tranché, et la vraie question à laquelle le parlement devra répondre est la suivante : dans la mesure où un stockage géologique est nécessaire et qu’il devra accepter des quantités de radionucléides représentant un inventaire de radiotoxicité significatif, et dans la mesure où les experts s’accordent à dire que c’est une solution viable, quel sera le gain économique (ou politique) des efforts considérables qu’il faudra dépenser pour ne détruire qu’une partie des déchets ?

Pour l’instant, le jugement de l’industriel porte sur le degré de performances et de maturité des procédés proposés et sur la possibilité de les mettre en pratique industriellement et économiquement.

Bien sûr, tous les scénarios de séparation–transmutation imaginés à l’heure actuelle ne peuvent se concevoir que dans un maintien d’une option de production d’électricité nucléaire significative. Les pays qui n’ont pas adopté le recyclage du combustible usé n’envisagent pas la destruction de leurs déchets.

8 Le futur

Chacune des sources d’énergie a ses inconvénients et ses avantages. Même s’il y a lieu de développer de nouvelles sources de production d’électricité, dont l’éolien fait partie, il semble que l’énergie nucléaire reste incontournable :

  • • une consultation en Suisse s’est opposée à une motion proposant de prolonger le moratoire sur l’énergie nucléaire et a rejeté aux deux tiers une autre motion proposant de ne pas considérer l’énergie nucléaire pour les choix futurs ;
  • • la Finlande se prépare à construire un cinquième réacteur, avec une mise en service en 2010 ;
  • • la Chine se prépare à accroître son parc nucléaire pour répondre à ses besoins ;
  • • l’opinion publique en Suède paraît avoir changé d’avis sur l’arrêt du nucléaire ;
  • • les États-Unis lancent des réflexions faisant une large part au nucléaire, bien qu’ils disposent de réserves considérables de charbon.
Il serait surprenant, dans ces conditions, et devant les préoccupations liées au réchauffement climatique, que la France considère qu’elle peut se passer de l’énergie nucléaire au terme du fonctionnement de son parc de réacteurs. D’autres pays sont et seront confrontés au même problème et tous les fournisseurs de chaudières nucléaires ont dans leurs cartons des projets de réacteurs avancés. Dans le cas de la France, l’EPR (European Pressurised Reactor), est le résultat d’une collaboration Framatome–Siemens. Il conviendrait, pour préparer un renouvellement du parc vers 2020, de lancer dès maintenant un prototype qui serait en opération à partir de 2015 [11]. Ce réacteur, qui respecte le cahier des charges des électriciens et les contraintes exprimées par les autorités de sûreté, présenterait les avantages suivants :
  • • coût opératoire réduit par rapport aux réacteurs actuels ;
  • • possibilité accrue de recyclage de plutonium (MOX) ;
  • • éventuellement recyclage de plutonium de deuxième génération pour maintenir l’inventaire de plutonium aussi faible que possible ;
  • • capacité à produire, si besoin est, le plutonium nécessaire à l’alimentation de réacteurs à neutrons rapides.
Le futur immédiat du nucléaire est prévisible et la gestion du plutonium ne sera pas différente de celle que nous connaissons, avec une recherche de l’équilibre des flux de plutonium et le maintien du retraitement dans les conditions actuelles. Le bon sens et l’économie veulent toutefois que les outils industriels actuels, amortis, soient maintenus en production aussi longtemps que raisonnable de manière à améliorer encore la compétitivité du kWhe produit et que l’apparition de ces nouveaux réacteurs, dits de génération 3+, soit faite de manière progressive [12].

Ces réacteurs ne font que reconduire, en les améliorant, les pratiques de consommation de l’uranium et de recyclage limité du plutonium, qui ne font bénéficier que d’une partie du potentiel énergétique de l’uranium. Ceci est acceptable tant que les ressources de cet élément sont abondantes. Mais les perspectives futures de consommation, tenant compte en particulier des besoins des pays émergents, sont telles que le gaspillage ne sera plus de mise et cela, sans même entrer dans des considérations liées au changement climatique. La sélection de nos filières nucléaires et de notre approvisionnement doit satisfaire les nécessités énergétiques du futur, dont on peut prévoir qu’ils vont aussi en partie prendre des formes nouvelles : besoins d’approvisionnement en eau et production d’un combustible pour le transport (ce pourrait être l’hydrogène).

Une réflexion est déjà entamée dans une instance internationale, GEN IV. La préparation de la génération suivante de réacteurs, dits de génération 4, et des cycles de combustibles associés doit tenir compte des critères suivants, relevant du développement durable :

  • • économie du réacteur (et du cycle), qui doit rester compétitif avec les autres sources d’énergie ;
  • • sûreté et fiabilité ;
  • • résistance à la prolifération ;
  • • économie des ressources et minimisation des déchets.
Dans ces réflexions, il est fait une large part aux réacteurs utilisant ou pouvant utiliser la surgénération, c’est-à-dire permettant de tirer pleinement parti du potentiel énergétique de l’uranium et donc de s’assurer des ressources pour une période de plusieurs siècles [13]. Parmi les systèmes sélectionnés figurent les réacteurs rapides refroidis au gaz ou par métal fondu, les réacteurs à très haute température et les réacteurs à sels fondus. Les programmes de recherche sont lancés autant sur la production d’énergie que sur des nouveaux moyens de traitement des combustibles et les installations du cycle adaptées. Il ne fait aucun doute pour tous les acteurs du nucléaire qu’à long terme, le cycle du combustible doit être fermé, même si le parc idéal peut être une combinaison de plusieurs filières. Certains de ces systèmes sont déjà connus et ont fait l’objet de prototypes mais, malgré tout, de nombreux défis sont à relever dans la fabrication du combustible, la production d’électricité et l’adaptation du retraitement–recyclage. En particulier, différentes voies de retraitement sont à explorer pour tenir compte des combustibles et réacteurs projetés.

9 Conclusion

L’atout premier du cycle du combustible pratiqué en France est le conditionnement des déchets. Ceux-ci sont, pour ceux de faible activité, envoyés en stockage définitif de surface, les autres sont entreposés de manière sûre, en attendant l’issue du prochain débat de 2006.

Demain, l’économie des ressources énergétiques sera à l’ordre du jour dans un monde avide d’énergie et soucieux de son environnement. Le rôle du nucléaire ne peut que croître en importance. La récupération des matières fissiles et fertiles par retraitement et leur valorisation par recyclage sera indispensable. Ce grand futur ne verra pas industriellement le jour avant une, voire deux générations. Néanmoins, il faut s’y préparer dès maintenant par le maintien des outils et des compétences, ainsi que par des programmes de recherche adaptés, de manière à l’organiser sans à-coups et selon des conditions économiques acceptables sur la durée. Les premières avancées immédiates dans ce sens, à savoir des décisions sur le devenir des déchets et sur la construction d’un prototype de réacteur constitueront des messages forts.


Bibliographie

[1] J.-L. Ricaud, Why to use MOX?, in: Proc 32nd JAIF Annual Conference, Sendai, Japon, 12–14 avril 1999.

[2] H. Mouney Plutonium and minor actinides management in the nuclear fuel cycle: assessing and controlling the inventory, C. R. Physique, Volume 3 (2002), pp. 773-782

[3] B. Tinturier, M. Debès, EDF’s views and commitments concerning energy sustainability and nuclear energy, in: Proc. Global 2003, New Orleans, LA, États-Unis, novembre 2003.

[4] B. Barré, H. Masson, State-of-the-art in nuclear fuel reprocessing, in: Proc. Safewaste 2000, Montpellier, France, 2–4 octobre 2000.

[5] A. Audemar, P. Bretault, J.-C. Broudic, M.-F. Debreuille, J. Bourges, French experience in silverII dissolution process, in: Proc. 23rd Annual Actinide Separations Conference, Kennewick, États-Unis, 7–10 juin 1999.

[6] F. Drain, J.-P. Moulin, B. Gillet, Advanced solvent management in the La Hague reprocessing plants, in: Proc. AICHE 2000, Atlanta, GA, États-Unis, 5–8 mars 2000.

[7] C. Redonnet, S. Runge, J.-P. Moulin, MDSB: A proven and versatile solvent mineralization process, in : Proc. Waste Management 2000, Tucson, AZ, États-Unis, 27 février–2 mars 2000.

[8] H. Masson, J.-L. Desvaux, E. Pluche, A. Jouan (CEA), Ten years of vitrification in La Hague’s R7/T7: from R&D to production, in: Proc. GLOBAL 99, Jackson Hole, WY, États-Unis, 30 août–2 septembre 1999.

[9] F. Chotin, G. Maurin, A compaction facility for solid high-level waste, in: Proc. Safewaste 2000, Montpellier, France, 2–4 octobre 2000.

[10] Rapport de M. Christian Bataille, Gestion des déchets nucléaires à haute activité,, Assemblée nationale, Paris, décembre 1990 (n° 1839)

[11] C. Birraux; C. Bataille La durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs, rapport à l’OPESCT, Assemblée nationale, Paris, mai 2003 (n° 83213)

[12] B. Dupraz La durée de vie des centrales actuelles et les réacteurs du futur, Revue générale du Nucléaire, n° 4, juillet–août 2003, pp. 114-117

[13] US DOE Nuclear Energy Research Advisory Committee and Generation IV International Forum A Technology Roadmap for Generation-IV Nuclear Energy Systems/GIF Endorsed Roadmap, décembre 2002


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