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Comptes Rendus

La catalyse métallodendritique : une contribution efficace à la chimie verte
Comptes Rendus. Chimie, Volume 8 (2005) no. 6-7, pp. 1101-1107.

Résumés

L'histoire, les diverses catégories et les caractéristiques et avantages de la catalyse dendritique sont résumés à l'aide de quelques exemples récents tirés des travaux de notre laboratoire. En particulier, les études des divers effets dendritiques nous conduisent à la conclusion selon laquelle les métalloétoiles ou métallodendrimères de première génération donnent le meilleur compromis entre l'efficacité sans gène stérique et la récupération facile suivie de recyclage.

Metallodendritic catalysis: an efficient contribution to green chemistry. The history, various categories, characteristics and advantages of dendritic catalysis are summarized using a few figures and examples from the studies by our research group. In particular, the scrutiny of different types of dendritic effects led us to the conclusion according which the metallostars or first-generation metallodendrimers provide the best compromise between the efficiency without steric effects and the recovery followed by re-use of the catalysts.

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DOI : 10.1016/j.crci.2004.11.026
Mot clés : Catalyse, Chimie verte, Dendrimères, Recyclage
Mots clés : Catalysis, Green chemistry, Dendrimer, Recycling

Didier Astruc 1

1 Groupe « Nanosciences et Catalyse », LCOO, UMR CNRS n° 5802, université Bordeaux-1, 33405 Talence cedex, France
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Didier Astruc. La catalyse métallodendritique : une contribution efficace à la chimie verte. Comptes Rendus. Chimie, Volume 8 (2005) no. 6-7, pp. 1101-1107. doi : 10.1016/j.crci.2004.11.026. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.1016/j.crci.2004.11.026/

Version originale du texte intégral

1 Introduction historique à la catalyse dendritique

Le domaine des dendrimères [1] a proposé de multiples applications très prometteuses dans le domaine biomédical [2]. Qu'en est-il pour la catalyse [3–7] ? Les premiers travaux dans ce domaine viennent de l'industrie au début des années 1990 avec les brevets de van Leeuwen [8–10], puis les chercheurs académiques se sont très rapidement aussi lancés sur ce sujet avec des publications des groupes de Brunner1, van Koten [12], Ford [13] et DuBois [14] dans les années 1993–1995. À l'époque, les catalyseurs métallodendritiques possédaient une efficacité comparable, mais tout de même inférieure à celle des catalyseurs homogènes monométalliques. L'une des publications représentatives de cette tendance, parmi les plus connues, est certainement celle du groupe de van Koten dans Nature, parue en 1994, sur la catalyse de la réaction de Kharasch. Elle concerne l'addition des polyhalogénoalcanes sur les doubles liaisons C=C à l'aide du métallodendrimère du nickel [12] représenté sur la Fig. 1.

Fig. 1

Métallodendrimère de van Koten, qui catalyse l'addition de Kharasch des polyhalogénoalcanes sur les liaisons C=C [12].

Parallèlement à la catalyse métallodendritique, le développement de la synthèse des métallodendrimères a mis les chimistes en situation favorable pour affronter la mise au point des catalyseurs dendritiques [3,15]. Cependant, ce n'est qu'en 1999, avec un très intéressant travail du groupe de Reetz, que sont apparus les premiers catalyseurs métallodendritiques recyclables [16]. La récupération et la recyclabilité des catalyseurs constitue un atout considérable, étant donné les contraintes désormais incontournables de la chimie verte [17]. En fait, la nature macromoléculaire de cette nouvelle génération de catalyseurs allait leur conférer, comme pour les molécules biologiques, une aptitude remarquable à la récupération par précipitation, ultracentrifugation ou ultrafiltration à l'aide de membranes [18]. En particulier, la mise au point de réacteurs membranaires est essentielle pour les applications industrielles. Il est ainsi possible de filtrer des molécules de masses moléculaires descendant jusqu'à 400 Dalton à l'aide de membranes commerciales. La rétention des catalyseurs doit être de l'ordre de 99,9 % pour l'utilisation prolongée dans un réacteur. Ce travail de pionnier a été initié par Kragl, qui a collaboré sur ce sujet, entre autres, avec les groupes de Reetz [19] et van Koten [20], avec des résultats très significatifs et prometteurs pour l'extension industrielle. Ce n'est qu'au début des années 2000 que sont apparues les premières revues générales sur la catalyse dendritique ou à l'aide des métallodendrimères [21,22], reflétant la multitude de réactions pouvant être catalysées par les dendrimères. Pour un grand nombre de ces réactions, la récupération et le recyclage ont été étudiés avec succès.

2 Les différents types de catalyse dendritique

Sans détailler ici toutes les réactions ayant fait l'objet d'études de catalyse dendritique, un exercice déjà traité [21], notons les différentes approches envisagées par les chercheurs. La Fig. 2 résume très schématiquement ces différentes possibilités.

  • • La première démarche a consisté à fixer les centres catalytiques aux extrémités des branches dendritiques au moyen de liaisons covalentes et de coordination fondées sur la fonction que l'on s'est choisi d'introduire au bout des branches des dendrimères précurseurs (figures a at b). Cette approche a donné d'assez bons résultats et se poursuit actuellement.
  • • Une approche biomimétique a consisté à introduire le centre catalytiquement actif au centre du dendrimère comme, par exemple, avec des métalloporphyrines entourées de dendrons (figure c [23]). Dans son excellente revue de pionnier, Tomalia avait largement insisté sur la comparaison entre les dendrimères et les systèmes biologiques, en l'illustrant d'exemples d'encapsulation [24].
  • • On connaît aussi quelques rares cas d'études catalytiques de systèmes dans lesquels les centres actifs sont situés aux intersections des branches.
  • • Deux autres méthodes originales ont été menées à bien. La première a conduit Alper à fixer sur polymères des dendrons munis de sites catalytiquement actifs [25], ce qui résout de facto le problème du recyclage. On est ramené dans une large mesure à la méthode de la catalyse supportée.
  • • La seconde a été initiée par les groupes de Crooks [26] et de Tomalia [27], qui ont introduit les nanoparticules entre les branches dendritiques, en utilisant les atomes d'azote des dendrimères comme ligands pour des ions métalliques ensuite réductibles au degré d'oxydation (0) pour constituer les nanoparticules. Ces matériaux hybrides présentent alors des sélectivités supérieures à celles de leurs homologues sur polymères.
  • • Enfin signalons l'approche organique de la catalyse dendritique n'impliquant pas de métaux. Celle-ci a été développée, en particulier, par Fréchet [28], qui est à l'origine du concept de gradient de polarité, permettant d'effectuer une réaction à l'intérieur du dendrimère, puis d'éjecter le produit (Fig. 3). Ces systèmes rappellent l'approche micellaire, la notion de micelle moléculaire ayant été introduite par les groupes de Newkome [1] et de Tomalia [24].

Fig. 2

Différentes possibilités de localisation du catalyseur dans les dendrimères ou étoiles. Pour les détails, voir la référence [21].

Fig. 3

Dendrimères de type micellaire de Hawker et Fréchet avec des fonctions alcool primaire à l'intérieur du dendrimère, qui catalysent la déshydrohalogénation des iodoalcanes en oléines [28].

3 Les catalyseurs fixés aux extrémités des branches d'une métalloétoile sont aussi efficaces que les monomères

Notre premier travail sur les nanocatalyseurs a consisté à synthétiser des catalyseurs organo-fers redox en forme d'étoile à six branches et solubles dans l'eau pour la catalyse redox de réduction cathodique de nitrate et de nitrite en ammoniac en milieu aqueux (Fig. 4). La comparaison des cinétiques de catalyse par monomères de différentes forces motrices et de catalyseurs en étoile a montré qu'il n'y a pratiquement par de diminution de vitesse si l'on branche les catalyseurs à la périphérie de l'étoile [29]. En revanche, la baisse de vitesse à force motrice égale est d'un à deux ordres de grandeur si le catalyseur est situé au centre d'une étoile ou d'un cœur de dendrimère [29,30]. Ces résultats nous ont amenés à proposer que la catalyse par les métalloétoiles peut très probablement s'avérer plus efficace que celle pour lesquelles les centres caalytiques sont fixés à la périphérie des dendrimères, ceux-ci devant nécessairement souffrir de contraintes stériques dues à la topologie dendritique.

Fig. 4

Catalyseur hexa-fer en étoile (en bas à gauche) soluble dans l'eau pour la catalyse redox de la réduction cathodique des nitrates et nitrites en ammoniac. La synthèse fait appel à notre stratégie d'activation temporaire de l'hexaméthylbenzène par le greffon à 12 électrons CpFe+ [29,30].

4 La catalyse métallodendritique peut parfois être plus rapide qu'avec le catalyseur modèle monomère

Ayant synthétisé des dendrimères comportant à leurs extrémités des catalyseurs de ROMP de norbornène de type benzylidène-ruthénium-cis-bis-phosphine (Fig. 4), nous nous sommes rendu compte que, pour deux bis-phosphines différentes, ils initiaient la catalyse de ROMP plus rapidement que le modèle monomère [31]. La raison probable en est que la décoordination de la diphosphine, qui constitue l'étape lente de la métathèse, est accélérée pour des raisons entropiques dans le dendrimère. Cette hypothèse est confortée par le fait que les calculs DFT sont en accord avec un mécanisme dissociatif et que les complexes dendritiques sont stables à l'air (comme les phosphines libres), contrairement au monomère [32].

5 Dans les cas classiques, il existe un effet dendritique négatif sur la cinétique quand on passe à la génération dendritique supérieure

Pour cette initiation de ROMP de norbornène par les dendrimères de ruthénium-benzylidène, nous avons remarqué que la cinétique baisse au fur et à mesure que l'on augmente la génération (de un à trois). Exactement le même effet est constaté pour la catalyse de la réaction de Sonogashira par des dendrimères pour lesquels le catalyseur Pd(OAc) [33] est fixé aux extrémités des branches bis-phosphine (Fig. 5). Les catalyseurs dendritiques produits sont très efficaces et bien recyclables [34]. L'effet stérique au niveau des sites catalytiquement actifs augmente quand on augmente la génération. Les catalyseurs dendritiques les plus actifs sont donc ceux de première génération, comportant seulement quatre branches (ces dendrimères sont donc plutôt des étoiles). Pour la seconde génération (huit branches), la baisse cinétique est relativement faible, mais elle devient plus sensible par la suite [35].

Fig. 5

Catalyseurs métallodendritiques pour la polymérisation par métathèse (ROMP) du norbornène {M = Ru(CH=Ar)Cl2} [31,32] ou le couplage par formation de liaisons C–C de type Sonogashira exempte de co-catalyseur au cuivre {M = Pd(OAc)2} [34,35].

6 Les catalyseurs ioniques sont facilement assemblés au bout des branches ioniques sous forme de paires d'ions

Il est possible d'accrocher le catalyseur sur le dendrimère, non seulement de façon covalente, mais aussi par des liaisons hydrogène multiples ou ioniques. De tels exemples ont été montrés par van Koten et Meijer [36]. Nous avons fixé des polyoxométallates [37] aux extrémités cationiques polyammonium d'étoiles ou petits dendrimères, ce qui a produit d'excellents nanocatalyseurs d'époxydation des oléfines par H2O2 en milieu biphasique H2O/CDCl3, à température ambiante bien recyclables [38] (Fig. 6).

Fig. 6

Exemple d'étoile polyammonium polycationique dont les extrémités sont terminées par des dendrons tripodes triammoniums s'associant sous forme de paires d'ions avec des trianions hétéropolymétallates actifs à température ambiante en catalyse d'époxydation des oléfines par H2O2 (cf texte) [38].

7 Conclusion et perspectives

Les multitudes de synthèse dendritiques depuis l'avènement du domaine au début des années 1980 ont fait place à une recherche des fonctions potentielles des dendrimères dans le champ des nanosciences. L'ingénierie moléculaire bénéficie de nombreux outils intégrant les dendrons greffés sur des cœurs dendritiques, des polymères, des nanoparticules, des surfaces, etc. suivant des modes faisant appel à des liaisons covalentes, supramoléculaires ou de coordination [39]. Cette effervescence contribuera à faire avancer la catalyse vers des nano-catalyseurs dendritiques parfaitement définis, dont les mécanismes seront connus et qui seront récupérables et recyclables ou fonctionneront sur des lits continus. Il est probable que les milieux industriels intégreront assez rapidement ces données, car elles sont immanquablement dans la mouvance irréversible de la chimie verte [17]. Les différents types de sélectivité des réactions seront optimisés, y compris pour les catalyseurs dendritiques chiraux en synthèse énantiosélective. De nombreux travaux avec des dendrimères chiraux ont déjà donné de très bons résultats pour diverses réactions [6,21,40]. Notre groupe de recherche s'est impliqué dans les études de divers effets dendritiques, qui nous ont beaucoup éclairés pour rationaliser et optimiser le design des catalyseurs dendritiques efficaces et recyclables [41]. Les travaux en cours et leurs multiples perspectives occupent et occuperont une place centrale dans nos recherches.

Remerciements

Cet article est dédié à notre estimé collègue le Pr. Francis Sécheresse (université de Versailles) à l'occasion de son 60e anniversaire. Je remercie chaleureusement tous les chercheurs et étudiants ayant collaboré aux publications mentionnées dans les références pour leurs idées et leurs efforts. Que l'IUF, le CNRS, le MRT et l'université Bordeaux-1 soient remerciés pour leur soutien financier.

1 Henry Brunner a affectué un travail de pionnier en catalyse énantiosélective par les métallodendrimères qu'il a baptisés, à cette occasion, dendrizymes. Pour une revue des travaux de son groupe sur le sujet, voir [11].


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