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Comptes Rendus

Étude du comportement de l'eau dans une pile à combustible à membrane échangeuse d'ions (PEMFC) : étude par RMN et IRM
Comptes Rendus. Chimie, Volume 11 (2008) no. 4-5, pp. 465-473.

Résumés

Water behaviour within a proton exchange membrane fuel cell (PEMFC): NMR and MRI studies. PEMFC uses perfluorosulfonic acid membranes (Nafion® for example) as solid electrolytes and their performances are strongly dependent on membrane hydration. Therefore, the accurate knowledge of water distribution in the membrane and of the water condensation location in the fuel cell is a fundamental issue. 1H MRI has been used to study these phenomena into a PEMFC under operation. These experiments, carried out with a whole fuel cell, are more difficult to achieve, because they require a PEMFC free of ferromagnetic species and containing a minimum of paramagnetic materials. Moreover, difficulties arise because of the electric conductance of most of fuel cell components (bipolar plates, backing layers, electrodes). These issues have been addressed and solved by removing the concerned parts (and possibly by replacing them with more appropriate components). This fuel cell proved to have performances comparable to those of commercially available fuel cells. The measurements highlight local inhomogeneities of moisture within the membrane, linked to the geometry of the gas flow channels and to the swelling of Nafion®.

Les piles à combustible à membrane échangeuse d'ions (Polymer Electrolyte Membrane Fuel Cell, PEMFC) utilisent une membrane à acide perfluorosulfonique (généralement du Nafion®) comme électrolyte ; leurs performances sont fortement dépendantes de leurétat d'hydratation. Ainsi, il est fondamental de connaître précisément la localisation de l'eau dans la pile lors de son fonctionnement. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) du proton a été employée pour étudier ces phénomènes dans une pile à combustible (PAC) en fonctionnement. Ces expériences sont difficiles à mettre en œuvre. En effet, l'IRM requiert que le dispositif sous investigation soit exempt de matériaux ferromagnétiques, d'une part, et qu'il contienne peu d'espèces paramagnétiques, d'autre part. De plus, un grand nombre de difficultés apparaissent en raison de la conductibilité électrique des composants (plaques bipolaires, diffuseurs poreux, électrodes). Ces questions ont été étudiées et résolues en enlevant et remplaçant les éléments identifiés comme les plus perturbateurs pour l'imagerie. Les mesures mettent en évidence des inhomogénéités locales de l'humidité de la membrane liées à la géométrie des canaux de gaz et à des effets de gonflement.

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DOI : 10.1016/j.crci.2007.07.004
Keywords: NMR, MRI, PEMFC, Fuel cell, Water transfer, Membrane, Swelling
Mots clés : RMN, IRM, PEMFC, Pile à combustible, Transport de l'eau, Membrane, Gonflement
Jérôme Bedet 1, 2 ; Pierre Mutzenhardt 1 ; Daniel Canet 1 ; Gaël Maranzana 2 ; Sébastien Leclerc 2 ; Olivier Lottin 2 ; Christian Moyne 2 ; Didier Stemmelen 2

1 SRSMC, Nancy-Université, CNRS, faculté des sciences, boulevard des Aiguillettes, BP 239, 54506 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France
2 LEMTA, Nancy-Université, CNRS, 2, avenue de la Forêt-de-Haye, BP 160, 54504 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France
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Version originale du texte intégral

1 Introduction

Les piles à combustibles semblent être prometteuses comme générateurs de courant peu polluants, tant pour des applications stationnaires que mobiles. Il existe plusieurs types de pile à combustible, qui se différencient par l'électrolyte utilisé, la température de fonctionnement et, surtout, les domaines d'application. Elles peuvent être classifiées en quatre catégories : les piles à membrane échangeuse d'ions (PEMFC), les piles à acide phosphorique (PAFC), les piles à carbonate fondu (MCFC) et, enfin, les piles à oxyde solide (SOFC). Le Tableau 1 présente les principales caractéristiques des différents types de pile à combustible. Il permet de distinguer les PEMFC comme étant particulièrement adaptées pour des applications mobiles. En effet, elles fonctionnent à une température relativement basse (80 °C), leur temps de mise en fonctionnement est quasi instantané, et elles offrent un rapport puissance sur poids intéressant. Dans la suite de cet article, nous nous intéresserons uniquement à ce type de pile à combustible.

Tableau 1

Caractéristiques des principaux types de pile à combustible

PEMFCPAFCMCFCSOFC
Température de fonctionnement (°C)80200650900–1000
Puissance spécifique (W/kg)340–1500120–18030–4015–20
Rendement électrique50–605560–6555–65
Temps de mise en fonctionnementquelques secondes2–4 h>10 h>10 h

Les PAC à membrane échangeuse d'ions emploient de l'hydrogène (ou un carburant riche en hydrogène) et de l'oxygène (ou de l'air) pour produire de l'électricité selon les deux réactions d'oxydoréduction :

2H2 → 4H+ + 4e (anode)
4H+ + O2 + 4e → 2H2O (cathode)

Les électrolytes utilisés sont des membranes à acide perfluorosulfonique, habituellement réalisées en Nafion®. Le Nafion® est un polymère conducteur de protons (ions H+), mais isolant électrique, les électrons produits à l'anode cheminant vers la cathode par un circuit externe connecté à la pile à combustible. La membrane est imperméable aux gaz et ses performances sont fortement dépendantes de son hydratation. La conduction protonique diminue si elle est insuffisamment hydratée ; au contraire, un excès d'eau dans les canaux d'alimentation ou au niveau des électrodes peut empêcher l'accès des réactifs aux électrodes.

Il coexiste deux phénomènes contribuant au transport de l'eau dans la membrane (Fig. 1) : l'électro-osmose et la diffusion [1–5]. L'électro-osmose dépend directement de la densité de courant ; ce phénomène intervient quand les protons se déplacent sous l'effet du champ électrique et entraînent avec eux de l'eau de l'anode vers la cathode. À ce flux électro-osmotique s'ajoute une production d'eau au niveau de la cathode suivant la réaction mentionnée précédemment. Un gradient de teneur en eau s'établit alors dans la membrane entre les deux électrodes, induisant un flux diffusif d'eau de la cathode vers l'anode. Un flux diffusif d'eau dans l'épaisseur de la membrane peut également exister en l'absence de champ électrique si la concentration en eau n'est pas équilibrée entre les canaux d'air (ou d'oxygène) et ceux d'hydrogène. Une gestion soigneuse de l'eau est nécessaire pour assurer la parfaite hydratation de la membrane et améliorer sa conductivité ionique tout en évitant de noyer les électrodes. Il est donc crucial de caractériser parfaitement la diffusion de l'eau, l'électro-osmose et leur impact local sur le fonctionnement des piles à combustible.

Fig. 1

Représentation du fonctionnement d'une PEMFC et des deux phénomènes contribuant au transport de l'eau à travers la membrane.

De nombreux articles portent sur l'observation in situ de l'eau dans une PEMFC, en utilisant diverses techniques [6] et notamment la RMN et l'IRM [6–13]. À ce jour, l'IRM semble être appliquée seulement à l'étude de cellules élémentaires de très petite taille, dont la conception (notamment la géométrie) et le fonctionnement s'éloignent de celles utilisées industriellement.

L'étude de l'eau par IRM dans une PEMFC en fonctionnement nécessite la conception et l'optimisation d'un prototype de mini-pile. Un premier prototype correspondant à une pile à combustible standard, mais dont la taille a été adaptée aux contraintes de l'IRM, a donc été réalisé. Ce prototype a permis l'étude des effets des différents composants d'une pile sur la qualité des images, pour arriver in fine à la réalisation d'une pile mieux adaptée à l'examen par IRM. Les dimensions de cette PEMFC et ses performances électriques sont comparables à celles des produits commerciaux. Pour une alimentation des gaz en co-courant, on observe une accumulation progressive d'eau au niveau de la sortie des gaz, alors que la zone d'entrée reste sèche. Les images indiquent également le gonflement de la membrane au niveau des canaux d'alimentation en gaz. Cependant, des artefacts liés à des différences de susceptibilité magnétique entre les divers matériaux constituant la pile, l'eau et les gaz compliquent sérieusement l'interprétation des images.

2 Conception et optimisation d'une PEMFC pour l'imagerie par résonance magnétique

2.1 Dispositif expérimental utilisé pour l'acquisition de l'image

Toutes les images présentées dans cet article ont été réalisées à l'aide d'un imageur horizontal de type Biospec 24/40 de la société Bruker, fonctionnant à un champ magnétique de 2,35 T. Le logiciel d'acquisition et de traitement de l'image est Paravision 3.1. L'antenne dispose d'un volume utile d'environ 27 cm3, ce qui permet l'étude de mini-piles à combustible ayant des tailles comparables aux mini-piles de démonstration. L'acquisition de l'image est obtenue en utilisant une séquence d'imagerie classique d'écho de spin avec sélection de la tranche d'observation (séquence Paravision Multi-Slice Multi-Echo : MSME). La résolution spatiale accessible sur cet appareil est de l'ordre de 100 μm, ce qui est évidemment insuffisant pour une observation directe du profil de la quantité d'eau dans l'épaisseur de la membrane. Cette limitation de l'imagerie par résonance magnétique est bien connue, cependant Tsushima et al. [10] ont réussi à obtenir des images de la quantité d'eau dans l'épaisseur de la membrane ; néanmoins, la résolution (environ 25 μm) reste faible, compte tenu de l'épaisseur de la membrane (environ 180 μm). Dans la suite de cette étude et afin de limiter ce problème de résolution spatiale, la direction du gradient de lecture pendant l'acquisition de l'image a été choisie selon la plus grande dimension de la pile (c'est-à-dire fournissant seulement l'image du plan de la membrane).

2.2 Prototype privilégiant les performances électriques

L'architecture du premier prototype de pile est analogue à celle utilisée dans la conception des piles commerciales. Elle se compose de deux plaques bipolaires rectangulaires fabriquées en graphite et qui permettent la collecte du courant sur l'ensemble de la zone active. Des canaux (1 mm sur 1 mm) ont été usinés sur ces plaques pour offrir une meilleure répartition des gaz (Fig. 2). Cette architecture permet de conserver les diffuseurs poreux en carbone qui permettent de maintenir une densité de courant uniforme sur l'ensemble du système. L'assemblage membrane–électrodes (AME) est composé d'une membrane ionomère de Nafion® 115 et d'électrodes en platine de faible densité (0,7 mg/cm2). La membrane est sous sa forme acide, mais nous n'avons pas d'informations précises sur le traitement utilisé pour sa préparation. Ce dernier point n'est a priori pas crucial dans le cadre de cette étude, mais il est bien connu que les membranes commerciales contiennent quelques éléments paramagnétiques [14,15]. Il n'est pas possible de traiter la membrane afin d'éliminer ces éléments par complexation, car nous achetons directement l'assemblage membrane–électrode, et il ne nous est pas techniquement possible de réaliser cet assemblage. L'étanchéité du système est assurée par un joint en silicone entourant chaque côté de la surface active. La surface active totale de la pile est d'environ 6 cm2 (rectangle de 3 cm par 2 cm). Le dispositif est présenté sur la Fig. 2.

Fig. 2

Premier prototype de pile à combustible réalisé au laboratoire. À gauche : les plaques bipolaires usinées en graphite. À droite : l'assemblage membrane–électrodes (partie sombre) et le joint en silicone (partie claire). En bas : le prototype assemblé et en fonctionnement avec les entrées de gaz (tuyaux blancs) de chaque côté.

Les caractéristiques électriques (Fig. 3) de cette pile sont satisfaisantes ; dans les conditions optimales, la pile à combustible débite un courant d'environ 2,5 A.

Fig. 3

À gauche : courbe de polarisation du premier prototype de pile à combustible réalisé au laboratoire. À droite : image de l'eau contenue dans le prototype de pile après fonctionnement (champ de vue = 8 cm, épaisseur de coupe = 8 mm, matrice = 256 × 192, temps de répétition = 5 s, temps d'écho = 15,9 ms, durée de l'expérience d'environ 2 h).

L'image obtenue avec ce prototype en fonctionnement n'est pas très concluante (Fig. 3). En effet, seule la zone en dehors de la zone active (où se situe l'AME ainsi que les diffuseurs poreux), est observée. L'extinction du signal au niveau de la membrane peut être due à des phénomènes d'écrantage des impulsions radiofréquences, ou bien à des problèmes de différences de susceptibilité magnétique ou encore à des temps de relaxation de l'eau dans la membrane trop courts pour permettre son observation. Seule une étude minutieuse des effets des différents composants de la pile à combustible a permis d'identifier leur comportement vis-à-vis de l'IRM et d'aboutir à la conception d'un nouveau prototype dont le cœur a pu être observé tout en restant proche d'une pile à combustible classique.

2.3 Optimisation des éléments

Tous les composants de la pile à combustible décrite précédemment (schéma sur la Fig. 1 et § 2.2) sont étudiés indépendamment. Ces études s'effectuent, dans la plupart des cas, dans un support en Téflon, composé de deux demi-cylindres. Ce dernier permet d'obtenir une surface de contact homogène réduisant ainsi les artefacts d'imagerie. De plus, le support a été parfaitement ajusté aux dimensions de l'antenne pour remédier aux problèmes de vibration de l'échantillon qui conduiraient à l'obtention d'images floues. La partie plate d'un des demi-cylindres a été creusée de manière à bien positionner l'échantillon testé (Fig. 4).

Fig. 4

Dispositif expérimental permettant l'imagerie des différents composants de la pile (à gauche). Image IRM d'une membrane hydratée (à droite). La même image en superposant un assemblage membrane–électrodes (en bas) (champ de vue = 6,5 cm, épaisseur de coupe = 4 mm, matrice = 256 × 256, temps de répétition = 300 ms, temps d'écho = 10,9 ms, durée de l'expérience d'environ 20 min, S/N > 5).

2.3.1 Effet de l'assemblage membrane–électrodes

Les assemblages membrane–électrodes testés se composent d'une membrane de Nafion® sous sa forme acide, recouverte sur chacune de ses faces d'électrodes en platine.

Afin d'être certains de pouvoir obtenir l'image de l'eau dans la pile à combustible, une membrane de Nafion® 117 est placée dans le support en Téflon. L'image obtenue (Fig. 4) est de bonne qualité et le rapport signal sur bruit est satisfaisant (S/N > 5). Dans la suite de cette étude, l'image de cette membrane hydratée servira de référence.

Pour étudier l'effet des électrodes, nous ne disposons que d'électrodes greffées sur une membrane relativement sèche. Elle est superposée à la membrane de référence et l'image obtenue dans ces conditions (photographie de gauche et image du bas de la Fig. 4) montre cette superposition. Les zones sombres sur la surface de la membrane contenant l'électrode sont liées à un gondolement de cette membrane. En revanche, l'électrode n'induit pas de perturbations dans la zone où elle est située.

2.3.2 Effet des collecteurs du courant sur les électrodes

Dans une pile à combustible classique, la collecte du courant s'effectue au niveau des électrodes par l'ajout de diffuseurs poreux en papier graphite. Afin de déterminer l'effet de ces diffuseurs, nous avons effectué une expérience d'imagerie d'un tube rempli d'eau contenant des capillaires laissés ouverts (de manière à ce que de l'eau pénètre dans les capillaires). Ensuite, l'expérience est renouvelée en ajoutant une feuille de diffuseur poreux autour de cet échantillon.

Les images obtenues (Fig. 5) montrent clairement une atténuation du signal obtenu au niveau du diffuseur poreux. Cette perte de signal peut être due à un phénomène d'écrantage aux impulsions radiofréquences (il peut-être assimilé à une « cage de Faraday » qui bloque tout ou partie du signal et de l'émission radiofréquence), ou bien à des artefacts résultant d'une différence de susceptibilité magnétique. Afin d'identifier lequel de ces phénomènes est prépondérant, la technique d'imagerie utilisant des gradients de champs radiofréquence a été utilisée [16]. Cette technique permet d'obtenir des images de très bonne qualité et, surtout, elle s'avère très utile pour l'étude d'échantillons présentant des gradients internes importants [17]. Comme le marquage spatial s'effectue par des gradients de champ radiofréquence, et non pas par des gradients de champ magnétique statique, cette technique est extrêmement sensible à l'écrantage radiofréquence.

Fig. 5

Effets des diffuseurs poreux sur l'acquisition d'une image obtenue par gradients de champ B0 (à gauche) et imagerie par gradients de champ radiofréquence, B1 (à droite). Les images sont obtenues avec un champ de vue de 6 cm, une épaisseur de coupe de 2 mm, une matrice de 256 × 256, un temps de répétition de 1009,1 s et un temps d'écho de 18,3 ms, pour une durée totale d'expérience d'environ 4 min. En haut : images de référence, le tube d'eau avec six capillaires n'est pas entouré d'un diffuseur poreux ; en bas : en présence des diffuseurs poreux, on constate une perte de signal dans le cas de l'image obtenue par gradient B0 et une déformation importante des images obtenues par gradient B1.

L'ajout du diffuseur poreux rend totalement impossible l'obtention d'une image interprétable de l'échantillon d'eau avec les six capillaires (Fig. 5, en bas et à droite). Cette expérience démontre que le phénomène prépondérant est l'écrantage des impulsions radiofréquences par le diffuseur poreux.

La collecte du courant au niveau des électrodes, avec le moins de pertes de courant possible, est essentielle pour obtenir une pile ayant des caractéristiques électriques intéressantes. Il a été envisagé de remplacer les diffuseurs poreux par des tamis de matériaux conducteurs. De nombreux types de collecteurs ont été étudiés, notamment en cuivre, en laiton et en inox (Fig. 6). Cependant, ils se sont tous avérés plus perturbateurs que les diffuseurs poreux en graphite. La solution retenue a été de conserver les diffuseurs poreux lors de la construction du second prototype, en sachant qu'ils conduisent à une atténuation du signal et à une impossibilité d'utiliser la technique d'imagerie par gradients de champ radiofréquence.

Fig. 6

Images de l'eau dans une membrane Nafion® 117 dans le support en Téflon : (a) avec un morceau de diffuseur poreux (atténuation d'environ 50% du signal) ; (b) avec un tamis en cuivre (atténuation d'environ 80% du signal) ; (c) avec un tamis en inox (atténuation de 100% du signal). Les images sont obtenues avec un champ de vue de 10 cm, une épaisseur de coupe de 4 mm, une matrice de 256 × 256, un temps de répétition de 300 ms, un temps d'écho de 10,9 ms ; la durée de l'expérience est d'environ 20 min.

2.3.3 Effet des plaques bipolaires

Classiquement, les plaques bipolaires sont métalliques (ce qui doit totalement être exclu ici en raison du champ magnétique) ou bien en graphite ; ce matériau conducteur génère de nombreux artéfacts lors de l'acquisition des images IRM. Ceci a été vérifié en plaçant un tube d'eau dans une plaque massive de graphite. L'image ainsi obtenue est complètement déformée par la présence de graphite. Ce matériau n'est donc pas utilisable pour l'étude de la pile en fonctionnement. En conclusion, les plaques bipolaires seront remplacées par un support en matériau non conducteur dans le second prototype.

2.4 Conception du nouveau prototype

Le nouveau prototype de pile à combustible a été conçu en prenant en compte les résultats obtenus précédemment de façon à réduire les perturbations de la mesure RMN. Le support de l'AME se compose de deux demi-cylindres en polyméthylméthacrylate de méthyle (PMMA). Ce matériau ne perturbe pas l'observation par IRM et a également l'avantage d'être optiquement transparent. Ceci permettra de confirmer directement et simplement certaines observations IRM. Le PMMA n'étant pas un conducteur électrique, il ne permet pas la collecte du courant, alors qu'habituellement l'AME est inséré entre des plaques en graphite ou en métal (plaques bipolaires) qui sont connectées au circuit électrique. Comme la quantité de matériaux conducteurs doit être réduite autant que possible, le courant sera collecté aux bords des deux électrodes au moyen d'un anneau constitué d'un fil d'or de 0,5 mm de diamètre. Les diffuseurs poreux en carbone n'ayant pu être remplacés sont conservés. Les canaux de gaz (mesurant 1 mm par 1 mm) sont usinés dans la partie plate des demi-cylindres. L'assemblage est composé d'une membrane ionomère de Nafion® 115 et d'électrodes en platine de faible densité (0,5 mg/cm2), la membrane étant sous sa forme acide L'étanchéité du système est assurée par un joint en silicone placé de chaque côté de la surface active. La surface active totale de notre pile est d'environ 6 cm2 (rectangle de 4 cm par 1,5 cm). Le nouveau prototype est présenté sur la Fig. 7.

Fig. 7

Prototype d'une mini-pile à combustible conçu au laboratoire (à gauche : le schéma de l'assemblage ; à droite : la PEMFC avec les entrées des gaz ainsi que le collecteur de courant).

Dans les conditions optimales et hors de l'aimant, l'intensité maximale produite par la pile à combustible est d'environ 2,2 A. Lors de son fonctionnement dans le spectromètre, les gaz n'étant pas hydratés, l'intensité du courant généré n'était que d'environ 1 A.

3 Imagerie de la pile optimisée en fonctionnement

3.1 Artéfacts expérimentaux

Un morceau de membrane saturée en eau (du Nafion® 117 sous sa forme acide) est placé entre deux demi-cylindres en Téflon, avec ou sans usinage de canaux sur leur partie plate. L'ensemble n'est pas serré et une cale, également en Téflon, a été insérée afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de contact entre la membrane et le support ; ceci évite le gonflement différentiel de la membrane au voisinage des canaux.

La Fig. 8 montre une succession de zones sombres et de zones claires (images 8b et 8c) ; ceci ne peut provenir que d'artefacts liés à la différence de susceptibilité magnétique des matériaux présents (eau/gaz/membrane/téflon). Les images obtenues en changeant la direction du gradient de lecture permettent de confirmer la présence de ce type d'artefact ; le gradient de lecture est connu pour être plus sensible aux gradients internes (générés par la différence de susceptibilité magnétique) que le gradient de phase [18,19]. Dans le cadre de l'étude de la pile en fonctionnement, il faudra toujours garder à l'esprit cette possibilité d'artefacts afin d'interpréter les images sans ambiguïté.

Fig. 8

Contenu en eau de la membrane seule insérée entre deux demi-cylindres en Téflon : (a) sans les canaux ; (b) avec des canaux parallèles au gradient de lecture ; (c) avec des canaux perpendiculaires au gradient de lecture (champ de vue = 5 cm, épaisseur de coupe = 2 mm, matrice = 256 × 256, temps de répétition = 500 ms, temps d'écho = 18,3 ms, durée de l'expérience d'environ 1 h).

3.2 Accumulation d'eau dans la pile ; gonflement de la membrane dans la pile

Tous les résultats présentés dans la suite de cette étude ont été obtenus avec notre prototype fonctionnant avec une alimentation à co-courant d'air et d'hydrogène. Cette configuration est bien connue pour induire une accumulation d'eau en sortie de gaz, alors que la zone à proximité de l'entrée reste sèche [8]. Il est possible d'obtenir une image de la mini-pile à combustible en fonctionnement dans le spectromètre (Fig. 9). Cependant, il n'est pas possible d'effectuer le contrôle de la tension et de l'intensité du courant en même temps que l'acquisition des images. Les connections externes permettant ces contrôles doivent être débranchés, car ils engendrent des signaux parasites ; en conséquence, la pile à combustible est utilisée en court-circuit.

Fig. 9

Contenu en eau de la membrane de la pile en fonctionnement dans l'imageur, après : (a) 0 min ; (b) 5 min ; (c) 10 min de fonctionnement (débits en gaz : air = 2 L/h ; H2 = 0,6 L/h). Les gaz circulent à co-courant de la gauche vers la droite.

Comme attendu, une augmentation du signal est observée à proximité de la sortie des gaz (partie droite des images, Fig. 9). Elle est attribuée à une augmentation progressive de la teneur en eau. Les points les plus clairs visibles sur les images (Fig. 9a et b) sont attribués à la présence d'eau liquide dans les canaux de gaz ; ceci est confirmé visuellement (Fig. 10).

Fig. 10

Condensation d'eau dans les canaux de gaz près de la sortie. Les gaz circulent de la gauche vers la droite (débits en gaz : air = 2 L/h ; H2 = 0,6 L/h).

On observe sur la Fig. 9 la présence alternée de zones claires et de zones sombres coïncidant avec les canaux d'alimentation en gaz. En l'absence d'eau liquide dans les canaux et étant donné que les diffuseurs poreux sont hydrophobes, ce signal résulte de l'eau contenue dans la membrane ou au niveau des électrodes. Deux phénomènes peuvent induire cette succession de zones claires et de zones sombres : un gonflement de la membrane au niveau des canaux (associé à une augmentation de la teneur en eau de la membrane) ou des artefacts lors de l'acquisition de l'image. En effet, l'épaisseur de la membrane peut augmenter de plus de 30% en fonction de son taux d'hydratation [20,21]. Ce gonflement au niveau des canaux pourrait ainsi induire une augmentation de la quantité de signal. L'autre possibilité serait un artefact lié à l'expérience d'IRM : il y a de nombreuses espèces en présence dans la PEMFC ayant des susceptibilités magnétiques différentes. Ceci conduit à des gradients de champs magnétiques locaux aux interfaces qui se superposent aux gradients appliqués pour l'acquisition de l'image et qui peuvent perturber celle-ci.

Les images de la Fig. 9 montrent une zone plus claire, qui coïncide avec la position de l'anneau de collecte du courant en or. Ceci peut être attribué à une augmentation de la quantité d'eau à proximité de l'anneau (l'or est un matériau hydrophile) ou à un artefact similaire à celui décrit précédemment.

Pour lever ces ambiguïtés d'interprétation, une PEMFC fonctionnant exactement dans les mêmes conditions a été utilisée en dehors de l'imageur, jusqu'à ce que l'AME soit suffisamment hydraté. Le support en PMMA de la pile est remplacé rapidement par un support en téflon sans canaux et donc offrant une surface de contact avec l'assemblage homogène (c'est-à-dire évitant les artéfacts liés aux différences de susceptibilité magnétique). Une image de cet ensemble est alors obtenue. Le coefficient de diffusion de l'eau dans la membrane étant faible (de l'ordre de 5 × 10−6 cm2/s) [22], il n'y a pas homogénéisation complète de la teneur en eau dans la membrane pendant le temps d'acquisition de l'image.

Une accumulation d'eau est observée à l'endroit où était positionné l'anneau de collecte de courant en or (Fig. 11). Ceci démontre sans ambiguïté qu'il y a une hydratation privilégiée de la membrane en contact avec l'anneau d'or. En revanche, les canaux de gaz n'apparaissent pas sur cette image ; ceci est peut-être dû à un taux d'hydratation de la membrane insuffisant. De plus, comme cela est indiqué dans le § 2.3.2, le signal de l'eau dans la membrane est fortement atténué, en raison des effets de blindage radiofréquence des diffuseurs poreux.

Fig. 11

Image de l'AME du prototype de pile obtenue après 15 min de fonctionnement. Le support en PMMA et l'anneau d'or sont enlevés avant l'expérience d'IRM. On remarque une accumulation d'eau à l'endroit où était positionné l'anneau de collecte (champ de vue = 12 cm, épaisseur de coupe = 4 mm, matrice = 256 × 256, temps de répétition = 100 ms, temps d'écho = 11,3 ms, durée de l'expérience d'environ 3 min).

Afin de valider les images obtenues sur la pile en fonctionnement et pour se prémunir d'une mauvaise interprétation (cf. artefacts décrits précédemment), l'AME, et lui seul, est extrait du premier prototype après fonctionnement de la pile en dehors de l'imageur. Les images résultantes (Fig. 12) confirment qu'il s'agit bien d'un gonflement de la membrane et valident l'observation qui a été réalisée sur le prototype en fonctionnement dans l'imageur.

Fig. 12

À gauche : image de l'AME obtenue avant fonctionnement de la pile présentant une répartition quasi uniforme de l'eau dans la membrane. À droite : image de l'AME obtenue après 15 min de fonctionnement. On remarque une alternance de zones ayant une hydratation différente et qui coïncide avec la position des canaux du support. Le support, les diffuseurs poreux ont été enlevés avant l'acquisition du signal RMN (champ de vue = 12 cm, épaisseur de coupe = 4 mm, matrice = 256 × 256, temps de répétition = 100 ms, temps d'écho = 11,3 ms, durée de l'expérience d'environ 3 min).

La quantité d'eau est plus importante au niveau des canaux d'arrivés des gaz, là où il y a un espace permettant le gonflement de la membrane. A contrario, entre les canaux, le gonflement est empêché par la présence du support, ce qui limite l'augmentation de la teneur en eau dans ces zones (Fig. 12).

4 Conclusion

Un prototype de pile à combustible pouvant être imagé par IRM durant son fonctionnement a été réalisé en optimisant le choix des différents composants. Les images obtenues ont pu être confirmées en démontant, élément par élément, la pile à combustible. Ceci a permis notamment de caractériser les sources possibles de déformation des images (résultant de différences de susceptibilité magnétique entre les matériaux ou d'un écrantage des champs radiofréquences). L'étude réalisée démontre, en ayant levé toutes les ambiguïtés d'interprétation, qu'il est possible d'obtenir l'image d'une pile à combustible en fonctionnement. Une inhomogénéité de la teneur en eau dans la membrane est observée et résulte de la présence des canaux d'alimentation en gaz. Ce phénomène, bien que généralement négligé lors des modélisations du transport de l'eau dans les membranes de pile en fonctionnement, revêt une grande importance quant à l'efficacité et à la durée de vie des membranes. En effet, l'électrolyte peut être globalement suffisamment hydraté et présenter des zones à taux d'hydratation plus faible. Ceci engendre une diminution des performances de la pile et conduit à une dégradation plus rapide de la membrane.

Cette étude préliminaire a montré tout l'intérêt de l'imagerie par résonance magnétique pour la gestion de l'eau dans les piles à combustible. Par la suite, la résolution spatiale des images pourra être améliorée en utilisant un système d'imagerie plus performant. Il est également envisagé d'utiliser des séquences permettant d'obtenir des images pondérées par les temps de relaxation de l'eau. Ceci permettrait de différencier la mobilité de l'eau dans les différents éléments constituant la pile : séparation de l'eau dans la membrane, au niveau des électrodes ou dans les canaux d'alimentation en gaz.


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