1 Introduction
La république démocratique du Congo (RDC) est un pays d'Afrique centrale au potentiel agricole énorme, estimé à plus de 80 millions d'hectares de terres arables, et sa position à cheval sur l'équateur lui permet de jouir d'une alternance des climats propice à une production ininterrompue des cultures sur toute l'année [1]. Les sols de la RDC sont très variés à différentes échelles : on rencontre côte à côte les sols les plus riches sur des surfaces limitées et dispersées et les sols les plus pauvres beaucoup plus étendus [2]. La province de Kinshasa est essentiellement couverte de sols sableux dits sables ocres du système de Kalahari et ces sols ont un pouvoir agronomique très limité [3].
Beaucoup d’études pour la mise en valeur des terres agricoles en régions tropicales ont mis en évidence des contraintes majeures liées souvent à l'inadéquation des pratiques utilisées par rapport aux caractéristiques des sols pour une agriculture intensive et sédentaire, qui limitent considérément leur production [4]. Elles sont d'ordre minéralogique, physique, chimique et biologiques, et leur évaluation constitue une étape indispensable permettant de dégager les techniques appropriées de gestion de sols pour une agriculture durable [5].
En RDC, l’étendue du territoire associé au manque de données complique sérieusement la gestion des terres agricoles. Peu d’informations existent sur les caractéristiques minéralogiques, physiques, chimiques et biologiques.
L’objectif poursuivi dans cette étude est la caractérisation des sols des trois sites dont deux à forte activité agricole de la province de Kinshasa à savoir, Kimwenza, Balume au plateau des Batéké et Mont-Amba en vue de déterminer leur état agropédologique et de dégager les principales contraintes chimiques et biologiques susceptibles de limiter leur production agricole.
2 Matériel et méthodes
Les échantillons de sol des horizons superficiels on été utilisés pour la présente investigation. Sur chaque site, un profil a été réalisé et un échantillon composite a été préparé à partir des petites carottes de terre prélevée de façon dispersée sur une superficie d’environ 1 hectare pour Balume (latitude 04°06’19’’ S, longitude 15°52'01’’ EO et altitude 655 m) et Kimwenza (latitude 04°27’41,9’’ S, longitude 15°17'09,5’’ EO et altitude 374 m) tandis que le sol du Mont-Amba (latitude 04°25’01,16’’ EO, longitude 15°18'29’’ S et altitude 450 m) a été prélevé dans le jardin expérimental de la faculté des sciences de l’université de Kinshasa (unikin). Les échantillons étaient subdivisés en deux parties : une partie séchée à l’air libre puis broyée à l’aide d’un mortier en porcelaine et d’un pilon approprié ; et tamisée sur un tamis de 2 mm pour les analyses physico-chimiques de routine de l’estimation de la fertilité et l’autre partie conservée à l’état frais (4 °C) pour les analyses microbiologiques [6,7]. Les analyses microbiologiques ont été effectuées sur des échantillons frais ramenés à 50 % de leur capacité maximale de rétention en eau [7]. Des plus, des échantillons non perturbés ont été prélevés dans chaque site à l’aide des cylindres métalliques (anneaux de Kopecky) en acier inoxydable pour la mesure de la densité apparente.
Les analyses microbiologiques et une partie des analyses chimiques ont été réalisées au laboratoire d’écologie microbienne et d’épuration des eaux (LEMEE) de Gembloux Agro-Bio Tech, université de Liège (ULg) en Belgique. Les analyses physico-chimiques et chimiques ont été effectuées dans les laboratoires de pédologie de la faculté d’agronomie et de chimie analytique de la faculté des sciences (UNIKIN) à Kinshasa.
Le pH du sol a été mesuré dans une suspension sol-H2O et sol-KCl 1 N dans un rapport de 1/5, le carbone organique total (COT) selon le protocole de Walkley et Black (1934), l’azote organique (Norg) selon la méthode Kjeldahl, l'azote minéral (, et ) selon les tests spectroquants sur l'extrait au KCl (0,5 N), le phosphore total (Ptot) par la digestion à H2SO4 après calcination au four à moufle et le phosphore disponible par Bray 2, la capacité d’échanges cationiques (CEC) et les bases échangeables par extraction (percolation) en milieu tamponné à l’acétate d’ammonium pH 7 [8]. Les éléments minéraux totaux (Cu, Fe, Zn, Mn, Pb) ont été déterminés sur cendres après calcination de l’échantillon à 550°C et minéralisation par spectrophotométrie d'absorption atomique [6,8].
La biomasse microbienne a été déterminée par fumigation–extraction [9] : fumigation par des vapeurs de chloroforme, extraction par agitation dans K2SO4 (0,5 N). Le carbone microbien extractible est égal au supplément de carbone extrait dans les échantillons fumigés par rapport aux échantillons témoins, non traités par le chloroforme et corrélé à la biomasse microbienne par un facteur de calibration Kce égal à 0,38. La préparation de l’azote microbien s’est fait dans les mêmes conditions que le carbone microbien. L’azote est déterminé par dosage de l’azote Kjeldahl après minéralisation suivi d’une distillation. L’ammonium est mesuré sur les deux extraits et la différence entre les deux mesures représente l’azote microbien qui est aussi corrélé avec la biomasse microbienne. Les résultats des mesures de biomasse microbienne sont donnés en mg C.kg−1 sol sec.
La respiration de sol se fait sur des échantillons à 50-60 % de leur capacité au champ dans des flacons hermétiquement fermés et incubés à 20°C, le CO2 émis étant piégé par les pastilles de NaOH et mesuré par le système DBO WTW Oxitop. La respiration basale est pratiquée sur les échantillons tels quels et la respiration induite est mesuré après ajout d’un substrat (C6H12O6, NH4SO4, KH2PO4) [10]. Elles sont exprimées en mg CO2 kg−1 sol sec.
La mesure du carbone facilement métabolisable a été déterminée et adaptée selon la mesure de la DBO (demande biochimique en oxygène) [11]. La DBO est basée sur l’incubation d’échantillons à 20°C dans des flacons fermés à l’abri de la lumière, en présence d’une solution saline et un inoculum (provenant d’une station d’épuration) traité aux ultrasons. La nitrification est inhibée par l’ajout d’allylthiourée (ATU). Le carbone facilement métabolisable (Cfm) est obtenu par la relation : Cfm (mg.C kg−1 sol)= DBO (mg O2.j−1.kg−1 sol) × 12/32 [12].
La monophosphoesterase acide a été déterminée après incubation à 37 °C pendant 1 h d'un gramme d’échantillon de sol à pH 6,5 et libération du p-nitrophényle [13]. L’activité de l’uréase tamponnée et non tamponnée a été déterminée par la méthode de Kandeler et Ceber [14].
3 Résultats et discussion
3.1 Caractéristiques physicochimiques
Les résultats des caractéristiques physicochimiques des sols des 3 sites étudiés sont consignés dans le tableau 1.
Quelques caractéristiques physiques des sols des sites étudiés.
Paramètres | Site | ||
Kimwenza | Mont-Amba | Balume | |
Texture (%) | Sable | Sable | Sable limoneux |
Argile | 2,00 (0,71) | 4,75 (0,83) | 10 (0,71) |
Limon | 6,50 (2,06) | 2,50 (0,50) | 1,75 (0,43) |
Sable | 91,50 (1,50) | 92,75 (1,09) | 88,75 (2,59) |
CRC (%) | 24,98 (0,14) | 25,80 (0,00) | 41,53 (0,19) |
L’analyse granulométrique des sols étudiés a montré une texture essentiellement sableuse dans l’horizon superficiel qui traduit bien une certaine homogénéité du matériel parental constaté dans la région [15]. Ce sont des sols constitués principalement de sables fins pouvant être classés comme rubiques arenoferralsols (dystriques) [16]. Les teneurs en argile et limon sont minimales dans les horizons superficiels. La densité apparente des sols des couches superficielles obtenue sur les trois sites est de ± 1,2 g.cm−3, se trouve dans la gamme de 1,1–1,4 g.cm−3, considérée comme densité des sols non récemment cultivés et non compactés [5]. Cette valeur révèle que les sols étudiés ont d’excellentes propriétés physiques, due aux conditions optimales de drainage (porosité > 40 %), de circulation de l’air et de pénétration facile des racines caractérisant les sols sablonneux [17,18].
L’analyse de la capacité de rétention au champ (CRC) qui est le seuil en dessous duquel l'eau contenue dans le sol ne peut être drainée est de plus ou moins 25 % pour les sols de Kimwenza et du Mont-Amba ; et de 42 % pour le sol de Balume. Ainsi, le sol de Balume a une CRC élevée, en relation avec sa texture qui traduirait sa fraction argileuse élevée. En effet, comme d’autres caractéristiques physiques (conductivité hydraulique, perméabilité, densité apparente, etc.), la CRC est grandement liée à la texture minéralogique qui détermine la structure du sol et peut être aussi influencée par le taux des matières organiques [19].
3.2 Caractéristiques chimiques
Le tableau 2 contient les caractéristiques chimiques des échantillons composites des sols provenant des trois sites. Les résultats sont les moyennes de trois essais. En général, les directives proposées par London [17] et, dans la mesure du possible, d'autres auteurs [20], ont été utilisées dans la discussion des résultats.
Caractéristiques chimiques des sols des sites étudiés.
Paramètres | Sol de site | ||
Kimwenza | Mont-Amba | Balume | |
pH-H2O | 4,90 (0,04) | 4,40 (0,17) | 5,39 (0,20) |
pHKCl | 4,00 (0,02) | 4,39 (0,02) | 4,39 (0,01) |
COT (%) | 0,58 (0,03) | 0,66 (0,02) | 1,07 (0,05) |
Ntot (%) | 0,04 (0,01) | 0,05 (0,01) | 0,10 (0,04) |
C/N | 14,5 (0,41) | 13,2 (1,07) | 10,7 (3,92) |
Nmin/Ntot (%) | 0,31 (0,02) | 0,20 (0,07) | 0,14 (0,04) |
Pass (mg.kg−1) | 6,94 (0,20) | 12,75 (0,52) | 15,25 (1,03) |
Ptot (mg.kg−1) | 101,90 (13,10) | 144,16 (23,49) | 427,99 (36,77) |
Caéch (cmol(+).kg−1) | 0,22 (0,01) | 0,22 (0,02) | 0,27 (0,02) |
Mgéch (cmol(+).kg−1) | 0,16 (0,02) | 0,15 (0,02) | 0,11 (0,02) |
Kéch (cmol(+).kg−1) | 0,07 (0,01) | 0,06 (0,00) | 0,07 (0,01) |
Naéch (cmol(+).kg−1) | 0,04 (0,02) | 0,06 (0,01) | 0,06 (0,01) |
CEC (cmol(+).kg−1) | 2,28 (0,03) | 2,54 (0,07) | 4,42 (0,13) |
CECE (cmol(+).kg−1) | 1,77 (0,07) | 1,80 (0,01) | 1,57 (0,04) |
SBE (cmol(+).kg−1) | 0,49 (0,05) | 0,49 (0,01) | 0,51 (0,03) |
TS (%) | 21,49 (1,92) | 19,49 (011) | 11,54 (0,38) |
TSeff (%) | 27,68 (1,75) | 29,70 (0,58) | 32,48 (1,08) |
AE éch (cmol(+).kg−1) | 1,28 (0,12) | 1,31 (0,08) | 1,06 (0,05) |
Al éch (cmol(+).kg−1) | 1,16 (0,04) | 1,21 (0,05) | 0,99 (0,10) |
S Al (%) | 50,88 (0,53) | 47,64 (2,84) | 22,40 (0,02) |
S Al eff (%) | 66 (1,00) | 71,18 (2,84) | 63,06 (0,12) |
Fe (mg.kg−1) | 42,52 (4,27) | 33,20 (5,76) | 52,91 (10,7) |
Cu (mg.kg−1) | 10,90 (1,10) | 11,14 (0,70) | 9,91 (1,30) |
Mn (mg.kg−1) | 31,10 ((2,50) | 21,20 (3,13) | 40,80 (6,20) |
Zn (mg.kg−1) | 14,24 (1,38) | 16,81 (2,70) | 14,85 (1,50) |
3.2.1 pH
Le pH est un paramètre important qui conditionne un grand nombre des réactions chimiques et microbiologiques dans le sol. Généralement, la plupart des plantes cultivées poussent convenablement dans un sol neutre ou légèrement acide c’est-à-dire de 5,5 < pH < 7 [17]. Les faibles valeurs de pH dans les sols limitent la croissance végétale par la diminution de la nitrification, la déficience en phosphore, la toxicité aluminique et manganique, et par la grande disponibilité des certains éléments mineurs, etc. Le tableau 2 révèle que tous les sols ont un pH-H2O < 5,5, et sont donc caractérisés par une réaction acide. Les sols de Kimwenza (pH = 4,90) et du Mont-Amba (pH = 4,4) sont fortement acides alors que celui de Balume (pH = 5,39) est moyennement acide. En outre, les résultats montrent dans tous les cas, que le pHH2O est supérieur au pHKCl, indiquant la présence de colloïdes à charge négative dans les sols étudiés [21].
3.2.2 Carbone organique total (COT) et azote total (Ntot)
La matière organique constitue une source principale par excellence d’éléments nutritifs (N, S, P, etc.) dans les sols tropicaux fortement altérés à faible réserve minéralogique. Les teneurs en COT et Ntot respectivement ≤ 1% et ≤ 0,1 % ont été obtenues sur les trois sites étudiés soit 0,58 et 0,04 à Kimwenza ; 0,66 et 0,05 au Mont-Amba et 1,07 et 0,1 à Balume. Confrontés aux valeurs guides proposées dans la littérature [17,20], les sols étudiés sont pauvres en COT et Ntot. Les faibles teneurs en matières organiques se répercutent négativement sur la fertilité des sols et génèrent de nombreuses déficiences du fait de ses effets physiques, chimiques et biologiques [22]. Cette situation expose ces sols à la dégradation par l’érosion hydrique lors des fortes précipitations en milieu tropical humide et surtout lorsque les pentes deviennent fortes.
Le rapport C/N est moyen à Kimwenza et Mont-Amba (13–15) et bas à Balume (10,7). Ceci indique pour le cas des sols de Kimwenza et Mont-Amba, la présence d’une matière organique de mauvaise qualité, c’est-à-dire difficilement décomposable ou biodégradable. Ces rapports sont caractéristiques des sols à faible teneur en azote, dus probablement à la faible vitesse de minéralisation de la matière organique [22], combinée à une perte d’azote par le lessivage intense et continu propre aux régions tropicales caractérisées par des températures élevées et des fortes précipitations [24]. Selon, London [17], dans les sols à pH < 5,5, les bactéries nitrifiantes et fixatrices d’azote sont détruites par l’acidité du sol, et la nitrification de la matière organique est significativement limitée, conduisant ainsi à la déficience en azote. Le rapport Nmin/Ntot qui constitue un bon indicateur du taux de minéralisation est faible pour les sols étudiés. Les formes minérales d’azote constituent seulement 0,1 à 0,3 % de l’azote total présent dans les sols. Le taux de minéralisation est faible dans tous les sols étudiés selon l’ordre de Kimwenza (0,3) > Mont-Amba (0,2) > Balume (0,1) en raison du faible taux de matière organique.
3.2.3 Phosphore
La teneur en phosphore assimilable (Pass) pour le sol de Kimwenza est de 7 mg.kg−1, plus ou moins la moitié de celle des deux autres sites, Mont-Amba (13 mg.kg−1) et Balume (15 mg.kg−1). Ces valeurs sont inférieures aux valeurs guides des sols tropicaux (> 15 ppm) [17] et indiquent une déficience en phosphore dans les sols. Dans les sols acides tropicaux, le phosphate se combine au fer et à l’aluminium pour former des composés très peu solubles qui sont non disponibles pour les plantes [25,26]. Ces formes peuvent être solubilisées par les microflores du sol, mais cela dépend de la qualité de la matière organique. Quant au phosphore total (Ptot), les valeurs indiquent des sols très déficients à Kimwenza, à faibles teneurs au Mont-Amba et moyennes teneurs à Balume.
3.2.4 Capacité d’échange cationique (CEC) et bases échangeables
Les valeurs de la CEC obtenues sont de l’ordre de 2,5 et 4,5 cmol(+).kg−1 respectivement pour Kimwenza, Mont-Amba et Balume. Ces valeurs sont très faibles par rapport aux valeurs guides [17,20]. Ces sols contiennent par conséquent, des faibles réserves d’éléments nutritifs et ont une capacité de stockage en cations limitée en fonction de la texture trouvée, même lorsqu'on considère leur capacité d'échange cationique effective (CECE) ≤ 4 cmol(+).kg−1 [3]. Les propriétés physiques observées ci-dessus prédisposent ces sols aux pertes d’éléments nutritifs par lessivage. Considérant les faibles taux de matière organique obtenus dans les sols de tous les sites, la contribution de cette matière à la capacité d’échange cationique est faible.
Concernant les bases échangeables (Ca, Mg et K) pour tous les sols étudiés, les valeurs trouvées sont inférieures aux valeurs limites pour les sols tropicaux [17]. La déficience en Ca s’observe dans les sols à faibles CEC et à pH ≤ 5,5 ; le Mg échangeable < 0,5 cmol(+).kg−1 correspond à la teneur seuil de déficience pour des sols tropicaux ; quant au K, les teneurs échangeables sont inférieures à la valeur 0,2 considérée comme seuil de déficience [17]. Les rapports Ca/Mg <3 et Mg/K suggèrent respectivement une inhibition possible de phosphore, une déficience en Ca et indiquent des faibles teneurs en magnésium et potassium [17,23].
3.2.5 Taux de saturation en bases
Les résultats consignés dans le Tableau 2 révèlent que les taux de saturation sont très faibles dans tous les sols étudiés (< 25 %). Ces sols sont qualifiés de dystriques, avec un taux de saturation < 50 % ; tous les éléments nutritifs sont concentrés dans les matières organiques du sol et/ou dans la biomasse microbienne [16]. Le Ca, le Mg et le K sont considérés en agriculture comme les cations basiques les plus importants. Les valeurs idéales de saturation en bases pour les trois cations sont de 70–85 % pour le Ca, 10–15 % pour le Mg et 4–7 % pour le K [27]. On observe donc un déséquilibre entre ces cations, dû probablement au degré d’altération propre aux sols des régions tropicales résultant d'un excès d'aluminium échangeable.
3.2.6 Acidité d’échange, Al échangeable et saturation en Al
L’acidification entraîne la diminution de pH des sols par lessivage des cations basiques en région tropicale humide dominée par de fortes précipitations et des températures élevées ; il devient plus important dans les sols à textures grossières [28]. L’acidité d’échange (AE) provient des ions hydrogène et aluminium, soit 1,3 cmol(+).kg−1 pour les sols de Kimwenza et Mont-Amba et 1,1 cmol(+).kg−1 pour le sol de Balume (tableau 2). Les teneurs en Al échangeables sont de l’ordre de 1 à 1,2 cmol(+).kg−1.
Dans les sols où le pH > 5,5, l’aluminium est sous la forme Al(OH)3 et Al3+ échangeable n’existe plus. Dès que le pH devient inférieur à cette valeur, la teneur en Al3+ augmente et ce cation devient le plus abondant pour l’échange [17,23,29].
Les valeurs correspondantes de saturation en aluminium par rapport à la capacité d’échange cationique effective varient de 63 à 71 %. Les sols saturés à plus de 60 % d’aluminium présentent une toxicité aluminique considérable, et pose de sérieux problèmes de croissance des plantes [17]. Seules les cultures tolérantes peuvent y croître normalement. En revanche, les sols dont la saturation aluminique est comprise entre 10 et 60 % présentent des problèmes d’acidité et l’aluminium conduit également à des troubles de la croissance végétale [4]. En effet, Al disponible vient de l'altération irréversible des argiles lorsque le pH diminue ; si le pH augmente, Al3+ précipite et n'est que très peu recapté par les argiles. La désaturation des complexes adsorbants des sols tropicaux consécutive au lessivage des cations basiques, conduit généralement à leur enrichissement en Al et, par conséquent, à l’acidification des sols [4,17]. Ceci explique que les valeurs de saturation en Al trouvées dans les sols étudiés seraient liées principalement aux pH acides et au faible statut en cations basiques [28].
3.2.7 Eléments nutritifs mineurs
Les microéléments du sol proviennent essentiellement de l’altération des roches et des minéraux et leurs déficiences ou toxicités dépendent de leurs teneurs totales dans les sols. Les teneurs en Fe, Mn, Zn et Cu (tableau 2) dans les 3 sites sont inférieures aux valeurs indicatives de toxicité dans les sols agricoles [30]. La solubilité et la disponibilité des microéléments sont très influencées par les conditions environnementales.
3.3 Caractéristiques microbiologiques
Les résultats des caractéristiques liées à la biomasse, à l’activité microbienne et enzymatique pour les échantillons des sols des trois sites sont présentés dans le Tableau 3. Il faut noter qu’il n’est pas toujours facile de comparer les caractéristiques microbiologiques dans la littérature, car les données varient fortement en fonction de nombreux facteurs tels que les conditions pédoclimatiques, les méthodes d’analyse, etc. Cependant, ces caractéristiques renseignent sur la minéralisation de la matière organique et sa qualité potentielle et les changements de l’état de fertilité des sols, etc.
Valeurs moyennes de carbone & azote microbien, respiration basale & induite par substrat, quotient d'activation respiratoire, quotient métabolique, carbone facilement métabolisable, activité de la monophosphoesterase acide, activité de l'uréase tamponnée & non tamponnée.
Paramètres | Sol de site | ||
Kimwenza | Mont-Amba | Balume | |
Cmic (mg C.kg−1sol sec) | 23,03 (2,13) | 33,19 (1,57) | 53,51 (6,25) |
Nmic (mg N.kg−1sol sec) | 4,00 (0,30) | 3,00 (0,76) | 12,00 (1,01) |
RB (mg CO2.kg−1.h−1sol sec) | 0,23 (0,02) | 0,23 (0,04) | 0,37 (0,03) |
RIS (mg CO2.kg−1.h−1 sol sec) | 1,13 (0,12) | 1,63 (0,09) | 3,59 (0,26) |
Cfm (mg C.kg−1.sol sec) | 155,67 (7,19) | 173,35 (10,34) | 293,03 (25,70) |
AUnt (μg .g−1.2h−1sol sec) | 6,57 (0,20) | 11,82 (0,73) | 13,20 (0,69) |
AUt (μg .g−1.2h−1sol sec) | 15,42 (0,75) | 17,82 (0,50) | 22,93 (1,04) |
APA (μmol. PNP.g−1.h-1sol sec) | 0,24 (0,02) | 0,32 (0,05) | 0,50 (0,02) |
(mg C-CO2.kg−1.) | 2,72 (0,46) | 1,89 (0,20) | 1,89 (0,06) |
QR | 0,20 (0,02) | 0,14 (0,01) | 0,10 (0,01) |
Cmic/COT (%) | 0,40 (0,04) | 0,50 (0,01) | 0,50 (0,03) |
Cfm/COT(%) | 2,68 (0,39) | 2,63 (0,06) | 2,74 (0,09) |
Nmic/Ntot (%) | 1,00 (0,15) | 0,60 (0,13) | 1,20 (0,40) |
Cmic/Nmic | 5,75 (0,08) | 11,60 (2,01) | 4,46 (0,12) |
3.3.1 Azote et carbone de la biomasse microbienne
L’azote microbien et le carbone microbien sont deux paramètres microbiologiques qui traduisent la biomasse microbienne. Les faibles valeurs de Cmic (Tableau 3) à Balume (53 mg C.kg−1 de sol sec) se situent à la limite basse pour des sols de surface (50–500 mg.kg−1 sol) et, pour les deux autres sites, elles sont très inférieures [31].
Le rapport Cmic/Nmic, qui sert d’indicateur du taux de minéralisation du carbone et de l’azote à partir des formes organiques de base et renseigne aussi sur la proportion relative de la composition microbienne, est pour le Mont-Amba (11,6) égal au double de celui des deux autres sites. Un faible rapport pourrait traduire la prédominance de la communauté bactérienne car pour les champignons le rapport est plus élevé [32]. En revanche, les valeurs élevées dans les trois sites ont été observées (≥ 2) pour le quotient métabolique ou respiration spécifique (), qui sert d’indicateur de perturbation ou de développement de l’écosystème microbien et traduit également la disponibilité des nutriments [33].
Selon Dilly [31] et Leclerc [34], les conditions de stress du milieu ont pour origine de faibles pH qui réduisent l'activité bactérienne ainsi qu'une faible disponibilité de carbone organique. Enfin, aux conditions pédoclimatiques comparables la taille du compartiment « biomasse microbienne » est directement fonction du carbone disponible pour satisfaire les besoins énergétiques des micro-organismes (carbone du sol plus ou moins biodégradable). On constate (Tableau 3) que la biomasse microbienne est de beaucoup plus importante à Balume comparée rapport aux autres sites.
Les valeurs de Cmic/COT < 1 % sur les trois sites sont faibles devant les valeurs limites (1 à 5%) dans les sols alors que celles de Nmic/Ntot ≥ 1 % sauf pour le Mont-Amba sont dans la gamme (1-6 %) attendue [34,35,36].
3.3.2 Respiration du sol et carbone facilement métabolisable
Les résultats de la respiration basale (RB) et de la respiration induite par le substrat (RIS), qui servent à la surveillance et à l'évaluation du potentiel écotoxique des sols de l'activité microbienne, sont consignés dans le Tableau 3. Il ressort de ce tableau que les valeurs de la respiration basale sont de l’ordre de 0,23 et de 0,37 μg CO2.g−1 de sol sec respectivement pour les sols de deux sites de Kimwenza et Mont-Amba et pour celui de Balume. Les valeurs correspondantes de la respiration induite par le substrat sont de 1,13 pour Kimwenza ; 1,63 pour Mont-Amba et 3,59 μg CO2.g−1 de sol sec pour Balume. La respiration microbienne du sol est donc plus importante au niveau du site de Balume, en relation avec la disponibilité du matériel organique. Le taux élevé du carbone organique de ce site peut être considéré comme l’un des facteurs les plus importants affectant l’activité microbienne du sol [37]. D’autres facteurs tels que l’aération, l’approvisionnement en eau dans le sol (saison sèche, saison de pluie), la température, le pH et la fourniture de chaque nutriment sont également importants, mais la fourniture de l’énergie est très fréquemment le facteur limitant dans l’activité microbienne [38]. Concernant le carbone facilement métabolisable (Cfm), qui est aussi une composante du carbone organique total, les valeurs obtenues sont faibles (Tableau 3). Les valeurs du rapport Cfm/COT indiquent mieux la qualité de la matière organique du sol. Le carbone facilement mobilisable se situe entre 2,6 % pour Kimwenza, Mont-Amba et 2,74 % pour Balume du carbone total. Cette fraction du carbone présente un grand intérêt chimique et microbiologique, pour caractériser un sol bien que la mesure de ce paramètre soit le plus souvent utilisée pour les eaux usées et les boues de stations d’épuration.
3.3.3 Activité enzymatique de la phosphatase et l’uréase
Les résultats des mesures des activités de la monophosphoestérase et de l’uréase (Ut : tamponnée et Unt : non tamponnée) sont rapportés dans le Tableau 3. Les valeurs obtenues montrent des activités très faibles comprises entre 0,24 et 0,50 μmol.pNP.g−1.h−1 de sol sec pour APA ; 6,57 et 13,20 μg.N-NH4.g−1.2 h−1 de sols sec pour Unt et de 15,42 et 22,93 μg.N-NH4.g−1.2 h−1 sol sec pour Ut. Pour tous ces paramètres la répartition sur les trois sites suit la distribution de la matière organique des sols dans l’ordre croissant Kimwenza < Mont-Amba < Balume. Ces observations ont été faites par plusieurs auteurs [38,39].
4 Conclusion
Les niveaux des caractéristiques physicochimiques et microbiologiques étudiées permettent de dégager les principales contraintes à la productivité des sols dans les régions sélectionnées.
La caractérisation physique a révélé que les sols étudiés ont une texture essentiellement sableuse dans l’horizon superficiel. La classification des sols comme rubiques arenoferralsols (dystriques) a confirmé et précisé l’homogénéité des conditions de formation des sols de la Province de Kinshasa. La capacité de rétention est très faible.
La caractérisation chimique des sols a montré que ces derniers présentent une réaction acide (pH < 5,5) et possèdent de très faibles teneurs en carbone organique total, en azote total, en phosphore disponible, en cations basiques échangeables, et de faibles valeurs de la capacité d’échange cationique.
S’agissant des caractéristiques microbiologiques, les résultats montrent une faible activité microbienne dans les sols de tous les sites; ces activités restent influencées par les taux de matière organique.
La faible fertilité chimique et biologique combinée au faible potentiel de rétention d’eau restreindrait considérablement la production agricole des sols de la province de Kinshasa. Pour accroître la production agricole de ces sols, il faudrait relever leur fertilité chimique et biologique jusqu’au niveau optimal en utilisant des techniques appropriées de gestion. Les solutions durables impliquent de fréquentes applications d'une part d'amendements organiques à la fois classiques, tels que les fumiers ou les résidus de plantes, ainsi que non conventionnels, tels que les différents types de compost ou boues de station d'épuration, et d'autre part la combinaison d'amendements organiques avec les engrais chimiques ou les agrominéraux. Ils améliorent la stabilité, la structure et la rétention d'eau du sol ; influent sur la chimie en corrigeant l'acidification par l'effet de son pouvoir tampon et en fournissant les substances nutritives progressivement assimilables par les cultures ; et provoquent la stimulation de la biomasse microbienne, qui influe sur les propriétés chimques.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier la Coopération technique belge (CTB) pour son apport financier (project 05 RDC/3207) à la réalisation de la présente étude.