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Comptes Rendus

Essay
Les scénarios énergétiques à l’épreuve du stockage des énergies intermittentes
[Energy scenarios to the test of intermittent energy storage]
Comptes Rendus. Chimie, Volume 24 (2021) no. 2, pp. 331-350.

Abstracts

L’accroissement des sources d’électricité éoliennes et solaires doit être accompagné du déploiement sans précédent d’un système de moyens pilotables nouveaux (stockages et autres) et de la préservation de sources pilotables qui complètent ces productions intermittentes afin de garantir la parfaite adéquation entre production et consommation électrique. Pour estimer la taille d’un tel système, appelé réserve, on part des enregistrements récents des productions de l’éolien et du solaire que l’on transpose aux deux scénarios retenus (production électrique à 100% par les renouvelables ou à 50% avec 50% de nucléaire). On évalue ainsi la quantité d’électricité qu’il faudrait effacer lors des surplus de production des sources intermittentes et restituer lors des manques, de même que la puissance et la capacité que cette réserve devrait garantir au minimum. Une fois le besoin identifié, on passe en revue les divers moyens mobilisables d’ici 2050  : échanges transfrontaliers, ajustement de la consommation, stockages gravitaires, électrochimiques et chimiques, ainsi que les sources pilotables décarbonées disponibles (hydraulique et nucléaire principalement). Ceci éclaire le degré de réalisme des scénarios considérés, les efforts qu’ils supposent et les incertitudes quant à l’atteinte des objectifs. Ces résultats, même s’ils peuvent être modulés en fonction d’hypothèses de travail différentes, ne peuvent être ignorés dans les choix de transformation du mix électrique.

A large share of wind and solar in the electricity mix increases the part of fatal and intermittent productions which must be compensated by a back up system able to continuously equate supply and demand. The goal of the study is the dimension of this back up system. The analysis relies on information from wind and solar productions observed today in France and transposed to two scenarios considered for 2050: one with 100% renewables, the other with 50% renewables and 50% nuclear. For both cases, we compute the volume of electricity, which should be transferred annually by the back up system from times of productions surplus to those of deficits. In this operation, the back up must deliver a power and possess a capacity of storage, which are also evaluated. Knowing these required performances for the back up system, a review is made of its foreseeable constituents: exchanges with neighboring countries, adjustment of consumption, storages (gravitational, electrochemical and chemical) and, last but not least, adjustment of the supply with controlled, carbon-free, production sources (mostly hydroelectric and nuclear plants). At the end, this gives an insight on the realism of the scenarios, the efforts they require, and the uncertainties in their achievement. Even if our results could be modulated by other hypotheses, their main lesson would remain and cannot be disregarded in the conduct of the energy transition.

Metadata
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Revised:
Accepted:
Published online:
DOI: 10.5802/crchim.115
Mot clés : Énergies renouvelables, Énergies nucléaire, Stockage d’énergie, Hydrogène, Stockage électrochimique
Keywords: Renewable energies, Nuclear energy, Energy storage, Hydrogen, Batteries

Marc Fontecave 1; Dominique Grand 2

1 Collège de France, 11 Place Marcellin Berthelot, 75005, Paris, France
2 Hydro21, c/o Artelia, 6 rue de Lorraine, 38130, Echirolles, France
License: CC-BY 4.0
Copyrights: The authors retain unrestricted copyrights and publishing rights
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Marc Fontecave; Dominique Grand. Les scénarios énergétiques à l’épreuve du stockage des énergies intermittentes. Comptes Rendus. Chimie, Volume 24 (2021) no. 2, pp. 331-350. doi : 10.5802/crchim.115. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/chimie/articles/10.5802/crchim.115/

Version originale du texte intégral (Propose a translation )

1. Introduction

Le réchauffement climatique est au cœur de toutes les politiques publiques et industrielles. Dès lors que ce réchauffement est corrélé à l’accumulation du dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre (GES), dans l’atmosphère (aujourd’hui 410 ppm), l’objectif de tous est ce qu’on appelle la décarbonation du système énergétique mondial. Précisons d’emblée ce que cela signifie. Aujourd’hui, sur la Terre, plus de 80% de l’énergie consommée par l’humanité vient de la combustion/oxydation du charbon, du gaz naturel (méthane) et d’hydrocarbures divers issus du pétrole. La consommation massive, pour le transport, le chauffage des bâtiments et pour l’industrie, les secteurs les plus émetteurs, de ces ressources fossiles (qui par ailleurs ne sont pas éternelles) s’accompagne de la production parallèle de CO2 (aujourd’hui 40 gigatonnes par an) qui s’échappe et s’accumule durablement dans l’atmosphère. Décarboner signifie donc, pour l’essentiel, trouver et développer de nouvelles sources d’énergie, dites bas-carbone parce qu’elles émettent peu de CO2 par unité d’énergie fournie, pour remplacer définitivement l’usage des ressources fossiles.

Il s’agit bien d’une véritable révolution énergétique analogue à la révolution industrielle qui a permis le développement des énergies fossiles et le formidable progrès des conditions de vie de l’humanité qui s’est opéré pendant un siècle et demi. Le développement des sources d’énergies bas-carbone nécessite, cependant, une analyse rigoureuse et honnête de leurs véritables potentialités, de leur véritable impact sur l’environnement (et notamment leur empreinte carbone sur tout le cycle de vie) et des conditions réelles, aussi bien physiques, technologiques, sociales et économiques, autorisant leur déploiement à très grande échelle.

Si, aujourd’hui, la France est l’un des pays les plus vertueux en matière d’empreinte carbone de sa consommation d’énergie, tout comme la Norvège, la Suède ou la Suisse, c’est parce qu’elle produit une électricité (environ 29% de la consommation finale d’énergie en France est électrique, comptant pour 470 TWh en 2019) déjà très décarbonée (à plus de 90% à base d’énergies bas-carbone). Elle le doit à son parc nucléaire et à une contribution significative d’énergie hydroélectrique. On pourrait s’en satisfaire, en focalisant nos efforts sur les émissions de CO2 issues de nos activités non électriques. Cependant, la décision a été prise sous la présidence de François Hollande, confirmée par Emmanuel Macron, de diminuer la part de l’énergie nucléaire dans la consommation électrique, afin qu’elle ne représente plus que 50% en 2035. A l’horizon 2050, l’avenir du nucléaire est moins clair. L’absence d’une politique assumée de prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans, jusqu’à 60 ans par exemple comme cela se pratique aux Etats-Unis, et de construction de nouveaux réacteurs de troisième génération de type EPR, pour remplacer les plus anciens réacteurs d’un parc vieillissant, constitue une forme de programmation de la mort du nucléaire après 2050. Un débat sur cette question majeure de la place de l’énergie nucléaire dans le bouquet énergétique français aura sans doute lieu dans les mois qui viennent, dans le cadre des prochains rendez-vous électoraux, mais, en tout état de cause, c’est aujourd’hui que l’avenir du nucléaire se décide.

Dans ce contexte national, ainsi que dans un contexte international où l’on observe, notamment en Europe, Allemagne, Danemark, Suisse, des politiques énergétiques combinant un arrêt de centrales nucléaires et un déploiement des énergies renouvelables (ENRs), notamment éolienne et solaire mais également celles tirées de la biomasse, les scénarios de transition énergétique les plus souvent proposés visent une diminution des énergies fossiles et nucléaire jusqu’à leur disparition et leur remplacement par les énergies renouvelables. Dans pratiquement tous les scénarios, la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie augmente significativement, à juste titre d’ailleurs. Une croissance de l’électrification est en effet une perspective inéluctable, si l’on considère que la décarbonation des secteurs d’activité les plus émetteurs de GES passe par leur électrification : par exemple électrification du transport (véhicules électriques à batteries ou piles à hydrogène vert), du bâtiment (pompes à chaleur), de l’industrie (électrolyse de l’eau pour la production d’hydrogène, fours électriques). Par ailleurs, les scénarios les plus extrêmes, comme ceux de Greenpeace [1], de Negawatt [2] ou de l’ADEME [3], proposent une production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables en 2050. Ce sont ces scénarios, qui ne sont effectifs nulle part sur la planète, que nous évaluons dans cette étude, exclusivement du point de vue du volume des capacités de stockage nécessaires pour accompagner l’installation de capacités massives d’énergies intermittentes et des technologies de stockage d’énergie disponibles, une question insuffisamment prise en compte dans les scénarios, de notre point de vue.

En effet, les énergies éolienne et solaire, énergies bas-carbone au même titre que les énergies nucléaire et hydroélectrique, sont des énergies de flux, intermittentes, et non de stock comme le sont les énergies fossiles. Tout au long d’une année, il existe des périodes pendant lesquelles la consommation électrique peut être assurée par de la production éolienne et solaire. Mais il existe aussi des périodes sans vent ou sans soleil, évidemment très nombreuses (il y a par exemple une moitié de la journée en moyenne où il fait nuit !), pendant lesquelles aucune énergie électrique ne peut être produite à partir des parcs d’éoliennes et des centrales solaires. Comment alimenter en électricité nos usines, nos maisons et nos voitures dans ces conditions ? D’une manière générale, même hors de ces situations extrêmes, la demande d’énergie électrique est très variable, à toutes les échelles de temps, horaire, journalière, hebdomadaire et saisonnière, et les énergies éolienne et solaire, non pilotables donc, ne permettent pas de répondre en temps réel à ces variations. La question d’un manque potentiel d’électricité ne se pose pas aujourd’hui en France puisque la contribution de ces énergies intermittentes à la production totale d’énergie est très faible, et puisque la stabilité du réseau électrique est assurée, pour l’essentiel, par les STEP (Station de Transfert d’énergie par Pompage) en quantité suffisante et par des centrales nucléaires, hydrauliques et thermiques (charbon et gaz) qui permettent, étant pilotables, d’assurer à tout moment l’équilibre offre électrique/demande électrique. Cette question se pose spécifiquement pour un scénario « production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables ». En effet, en absence de capacités pilotables comme le nucléaire et les fossiles (on fait l’hypothèse ici qu’il n’en existe plus), avec une capacité de STEP qui devient insuffisante (et qu’on ne pourra augmenter que très marginalement d’ici 2050), avec une capacité de flexibilité de la demande (arrêt temporaire de certaines activités industrielles ou interdiction faite aux individus de passer l’aspirateur !) également insuffisante, et enfin avec une capacité d’importations d’énergie électrique sûrement limitée (si l’on considère que nos voisins poursuivent la même politique de déploiement des ENRs et sont dans le noir quand nous y sommes), d’où peut venir l’électricité quand l’offre d’électricité renouvelable est insuffisante? Il ne reste plus que l’énergie renouvelable stockée sous différentes formes que nous étudierons, moyennant qu’il a été possible de transformer les excès d’énergies électriques, éolienne et solaire, sous une forme stable pendant les périodes de grand soleil et de grand vent quand la production d’énergie était supérieure à la demande. Nous avançons qu’il n’y aura pas de développement massif d’énergies renouvelables intermittentes sans développement de capacités de stockage d’énergie à très grande échelle, bien au-delà de celles aujourd’hui disponibles. Cette échelle doit être évaluée. Par ailleurs, les technologies de stockage sont encore insuffisamment efficaces (en termes de coûts, stabilité, rendements, etc.) et nécessitent en tout état de cause des efforts de recherche significatifs dans les années à venir. France Stratégie a récemment publié une note d’analyse intitulée « Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ? » qui illustre les dangers d’une politique incontrôlée de développement d’ENRs dans un contexte d’arrêt de centrales pilotables, fossiles et nucléaires, sans développement suffisant de solutions alternatives de pilotage et de capacités de stockage d’énergie [4]. Il ressort de cette analyse que dès 2030, sans construction de nouveaux moyens pilotables et dans l’hypothèse où les trajectoires de l’éolien et du solaire prévues dans la Loi sur la Transition Energétique et la Croissance Verte (LTECV) sont respectées (75 GW de puissance en 2030 au lieu de 25 GW en 2020), la France ne disposera pas de suffisamment d’électricité pour satisfaire les demandes de pointe moyennes, et ce avec un déficit de 5 à 10 GW !

Le 21 janvier 2021, RTE, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité, et l’AIE, Agence Internationale de l’Energie, ont remis au gouvernement français un rapport révélateur explicitant les conditions nécessaires pour un scénario « production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables » [5]. L’intérêt de ce rapport fut de montrer qu’aucune d’entre elles n’est actuellement respectée et ne pourrait l’être sans un effort massif de recherche et développement, qui prendra beaucoup de temps, sans garantie que les technologies nécessaires acquièrent la maturité industrielle appropriée et puissent être déployées à l’échelle requise. En effet, la production massive d’énergie reposera demain sur des technologies complexes dont la mise en œuvre nécessitera plusieurs décennies. La première condition réside dans la disponibilité de capacités de stockage suffisantes comme nous l’avons déjà dit. La seconde concerne la stabilité de la fréquence (50 Hz en Europe) du système électrique. Celle-ci est aujourd’hui assurée par les rotors des alternateurs des centrales thermiques (nucléaires et fossiles). Sans eux, comment assurer cette stabilité puisque les convertisseurs de puissance, associés aux parcs éoliens et aux panneaux photovoltaïques et utilisés pour leur connexion au réseau, sont inopérants? La dernière concerne le développement de nouvelles infrastructures de réseaux électriques, puisque le transport et la distribution de l’électricité d’origine éolienne et solaire ne peuvent malheureusement pas s’appuyer sur le réseau actuel sans modifications, adaptations, extensions et renforcement.

Ici, nous nous limitons à traiter, avec une hypothèse « production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables » dans le cas spécifique de la France, la question du stockage d’énergie avec l’objectif d’évaluer, avec la méthodologie appropriée, la quantité d’énergie en excès à récupérer du réseau et à stocker, la quantité d’énergie stockée qu’il est possible de redonner au réseau en situation de défaut et enfin les capacités des différents types de technologies de stockage d’énergie (STEP, batteries électriques, hydrogène) qu’il faut déployer pour permettre ce stockage réversible, sachant par ailleurs que certains de ces moyens ne sont pertinents qu’à l’échelle journalière/hebdomadaire et d’autres qu’à l’échelle intersaisonnière. Nous ne discutons ici ni du réel impact que le déploiement massif d’ENRs et de capacités de stockage d’énergie (batteries, électrolyseurs, piles) a sur les émissions de CO2 et l’environnement (pollutions directes et indirectes, déchets, besoin en matériaux et ressources minérales), ni du coût de cette politique, ni enfin de la dépendance qui en résulte vis-à-vis des productions extérieures. Nous ne discutons pas non plus de la possibilité effective d’un tel déploiement dans un contexte d’acceptabilité sociale limitée.

2. Scénarios énergétiques choisis à l’horizon 2050

L’état de référence, appelé état 2019, est celui d’une consommation énergétique finale moyenne observée au cours des dernières années en excluant l’année 2020, qui a été marquée par une baisse anormale de la consommation énergétique en raison des confinements et de l’arrêt de nombreuses activités énergivores (transports, industrie, etc.). Il est donné dans le Tableau 1 sous la forme de quelques chiffres clés exprimés en énergie consommée par an (en térawattheures, TWh) par source d’énergie. La consommation finale d’énergie, en France, est d’environ 1610 TWh dont 470 TWh d’électricité. La production d’électricité de 530 TWh provient du parc nucléaire pour 71%, de l’hydroélectricité pour 11% et des ENRs électriques (éolien + solaire + biomasse) pour 10%. La consommation finale non électrique (les 1140 TWh restants) est fournie essentiellement par les énergies fossiles et pour 180 TWh par des ENRs thermiques (avec une contribution du bois de 50% environ), ce qui fait qu’en France actuellement les ENRs comptent pour 18% de la consommation totale d’énergie.

Tableau 1.

Etat 2019 Production d’électricité suivant ses sources (nucléaire, renouvelables et fossiles) ; Consommation d’électricité et d’autres origines (pétrole, gaz, charbon et ENRs). La différence entre production et consommation d’électricité provient essentiellement du solde exportateur (59 TWh)

Etat 2019Energie TWhPourcent
Production d’électricité 535 100%
Nucléaire379 70,8%
Eolien34 6,3%
Solaire12 2,3%
Hydraulique60 11,1%
Biomasse10 1,8%
Gaz37 6,9%
Charbon/pétrole4 0,7%
Consommaion électrique468 29,1%
Autres consommations 1143 70,9%
Pétrole626 38,9%
Gaz328 20,4%
Charbon11 0,7%
ENR thermique17711,0%
Total consommations 1611 100%

Sources : Eurostat [6] et RTE [7].

Tableau 2.

Scénarios étudiés (l’électricité représente 50% d’une consommation de 1500 TWh. Ratios pour un passage des données 2019 aux deux scénarios 2050

Energie TWhConsoNucléaireEolienSolaireHydroBiomasse
Valeurs 2019 470,8 379,2 33,8 12,1 59,5 9,7
Scenario 100% 750 0 520 130 60 40
Scénario 50% 750 375 220 55 60 40
Ratio / 2019
Scenario 100% 1,6 0,0 15,4 10,7 1,0 4,1
Scénario 50% 1,6 1,0 6,5 4,5 1,0 4,1

Différentes hypothèses peuvent être faites pour définir un « scénario 2050 » (Tableau 2). La plupart des scénarios élaborés ces dernières années, notamment ceux des associations écologistes, Negawatt ou Greenpeace [1, 2], ou ceux de l’ADEME [3], font l’hypothèse d’une baisse d’environ 50% de la consommation d’énergie finale (pour atteindre 800–950 TWh, selon le scénario considéré). Sans doute en grande partie en raison de la contrainte d’une électricité à 100% à base d’ENRs qu’ils s’imposent. Même si la LTECV s’engage sur un objectif comparable, ce dernier nous semble totalement irréaliste : malgré une amélioration anticipée de l’efficacité énergétique de l’ensemble des systèmes énergétiques (rénovation thermique des bâtiments, diminution de la consommation d’énergie dans les transports et dans l’industrie), l’électrification massive des usages, la croissance économique et la croissance démographique feront que, au bilan, la diminution de la consommation d’énergie, si elle est effective, sera moindre. Pour atteindre une telle baisse de consommation d’énergie, ces scénarios devront se traduire par une décroissance massive, qui ne sera pas socialement acceptée et que nous excluons. Notre hypothèse est donc celle d’une baisse plus modérée de la consommation d’énergie finale qui s’établirait donc en 2050 autour de 1500 TWh.

La seconde hypothèse porte sur la part électrique. Nous avons choisi de la fixer à 50% (au lieu des 29% actuels), comme le proposent la plupart des scénarios. Cela fait donc une quantité d’électricité de 750 TWh. De nombreuses discussions ont eu lieu récemment concernant le niveau de consommation électrique à l’horizon 2050. En juin 2021, RTE a proposé une série de scénarios 2050 avec des consommations électriques allant de 550 à 770 TWh [8] et l’Académie des Technologies a récemment publié une note pour corriger les propositions les plus basses de RTE et suggérer une consommation électrique dans la fourchette 730–840 TWh [9]. Notre hypothèse de 750 TWh s’inscrit bien dans ces prévisions même si elle se situe dans la partie haute de la fourchette. De plus, le solde des échanges étant supposé nul et les pertes de réseau négligées, nous considérons que la quantité d’électricité consommée égale celle produite.

La troisième hypothèse porte sur la part du nucléaire dans la production électrique. Nous avons donc choisi deux scénarios. Le premier est un scénario « production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables » et le second un scénario « production électrique fournie à 50% par les énergies renouvelables et 50% par le nucléaire ». Il convient de noter que le second scénario implique une consommation de 375 TWh d’énergie nucléaire, proche de la consommation actuelle, illustrant le caractère réaliste de ce scénario. Dans les deux scénarios, la quantité totale d’énergie éolienne et solaire (650 TWh pour le premier et 275 TWh pour le second) est déterminée en considérant que la biomasse électrique est passée de 9 à 40 TWh (un facteur 4 d’augmentation) et l’énergie hydroélectrique reste à 60 TWh. En aucun cas, on ne discute ici de la partie thermique, non électrique, de notre consommation d’énergie. Celle-ci, correspondant donc à 750 TWh, est considérable. On ne voit pas de toute façon comment, même avec une part majeure de renouvelables thermiques (énergie dérivée de la biomasse de l’ordre de 400 TWh, ce qui correspond à un doublement de l’énergie correspondante consommée aujourd’hui), elle pourrait s’affranchir totalement d’énergies fossiles (gaz de préférence).

Enfin la dernière hypothèse porte sur le ratio éolien/solaire. Actuellement il est, en termes d’énergie consommée, de 3:1. Nous proposons qu’il passe à 4:1, sur la base d’observations faites concernant ce ratio dans d’autres pays et en considérant qu’avec son facteur de charge deux fois plus élevé le développement de l’énergie éolienne est plus favorable. Néanmoins il faut noter que d’autres choix peuvent être faits : de nombreux scénarios au contraire prévoient un plus faible ratio éolien/solaire, probablement en raison des oppositions croissantes au développement de l’énergie éolienne. Mais cela ne changera rien aux conclusions de ce travail.

Ces hypothèses conduisent donc à des volumes d’énergie éolienne de 520 TWh et de solaire de 130 TWh, correspondant à une augmentation d’un facteur 15 et 11, respectivement, dans le cas du scénario « production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables » et à des volumes d’énergie éolienne de 220 TWh et de solaire de 55 TWh, correspondant à une augmentation plus raisonnable d’un facteur 6,5 et 4,5, respectivement, dans le cas du scénario « production électrique fournie à 50% par les énergies renouvelables et 50% par le nucléaire ».

Avant de déterminer, dans un chapitre suivant, ce que ces scénarios impliquent en termes de besoins de stockage d’énergie, ce qu’on peut d’abord retenir de ces chiffres c’est qu’ils indiquent que de telles productions d’énergie éolienne et solaire requièrent une accélération considérable de l’installation de capacités de puissance éolienne et solaire. Depuis de nombreuses années, le rythme est, pour les deux, de l’ordre de 1 GW par an, sans qu’on observe d’accélération particulière. Dans le scénario « production électrique fournie à 100% par les énergies renouvelables » pour atteindre environ 240 GW de puissance éolienne en 2050 (avec un facteur de charge1 de 0,24, une puissance installée de 0.47 GW est nécessaire pour produire un TWh par an), il faut passer à un rythme de l’ordre de 6 GW par an pendant 30 ans, et pour atteindre environ 100 GW (facteur de charge 0,13 et donc 0,75 GW/TWh) de puissance solaire il faut un rythme de 3,5 GW par an pendant 30 ans. Une telle croissance est considérable et rien ne dit qu’elle puisse être atteinte.

Si l’on prend le scénario « production électrique fournie à 50% par les énergies renouvelables et 50% par le nucléaire », ces chiffres sont divisés par presque 3 : il faut passer à un rythme de 2,5 GW par an pendant 30 ans pour atteindre 88 GW de puissance éolienne et à un rythme de 1,2 GW par an pendant 30 ans pour la puissance solaire. On observe clairement que, même si cette vitesse d’installation de capacités d’ENRs est un défi, l’objectif est bien plus réaliste et donc accessible.

3. Méthodologie

Pour faire une simulation réaliste, il faut s’appuyer sur des données objectives des productions éoliennes et solaires et de la consommation. Sur le site Eco2mix, RTE donne en temps réel la consommation et la production d’électricité en France par filière mesurée par leur puissance en Mégawatts [7]. Nous préférons pour la suite nous en tenir, chaque fois que c’est possible, à des quantités d’énergie exprimées en kiloWattheures et ses multiples (méga, giga, téra). Ce choix est fait pour éviter la confusion entre l’électricité produite par une installation et sa puissance nominale donnée en MégaWatts. La consommation et la production électrique sont ainsi suivies, heure par heure, avec la même entité physique que celle du bilan annuel. Au besoin, nous qualifierons d’horaire ou annuelle l’énergie s’il y a un risque de confusion. Les lecteurs d’Eco2mix ne seront pas déroutés puisqu’énergie consommée (resp. produite) par heure et puissance consommée (resp. produite) ont même valeur numérique.

D’autre part, RTE récapitule, dans un fichier téléchargeable, les données d’une année écoulée, enregistrées chronologiquement à intervalle d’une demi-heure. Ces données fournissent une excellente base pour extrapoler et étudier le fonctionnement du réseau en présence d’un fort taux de productions éoliennes et solaires. Cette méthode a déjà été valablement utilisée pour l’Allemagne et la France [10, 11]. Ces pays disposent de parcs d’installations éoliennes et solaires suffisamment importants pour que leurs évolutions temporelles soient représentatives de celles d’un parc beaucoup plus grand. En effet, les dimensions des pays européens sont limitées en regard de celles des phénomènes naturels qui gouvernent ces productions. Ce qui est évident pour le solaire l’est aussi pour le vent dont l’intensité est rythmée par les mouvements d’anticyclone et de dépression plus étendus que les dimensions des pays. Aussi la diversité des climats ne doit pas occulter cette uniformité des productions éoliennes et solaires. Une grande synchronisation des productions éoliennes a été même observée à l’échelle de l’Europe [12].

Dans le Tableau 2, les facteurs multiplicatifs, ou ratios, permettent de passer des valeurs de consommation et des productions d’électricité réelles observées en 2019 à celles de leurs homologues dans les scénarios 2050. Les productions éoliennes et solaires sont par ailleurs corrigées pour tenir compte du fait qu’au cours de l’année 2019 le nombre de parcs éoliens et solaires a augmenté (accroissement, entre le début et la fin de l’année, de la puissance installée de 7,2% pour l’éolien et 10,6% pour le solaire). Dans les scénarios étudiés, le nombre d’installations est au contraire supposé stable comme pour les autres sources d’énergie. La correction consiste à ramener les productions horaires éoliennes et solaires de l’année 2019 à ce qu’elles auraient été si les niveaux d’installation avaient été stables; les productions sont recalculées, en hausse en début d’année et en baisse à la fin, suivant l’hypothèse raisonnable que les facteurs de charge n’aient pas varié.

Conditions d’équilibre du réseau électrique

Avant même d’examiner les évolutions temporelles, on pressent bien que la somme des productions éoliennes et solaires évolue indépendamment de la consommation. La première suit des phénomènes naturels hors de notre contrôle alors que la seconde répond aux besoins humains.

Dans le scénario « 100% ENRs », l’éolien et le solaire représentent 87% de la production totale. La situation est totalement inédite alors qu’actuellement ces sources contribuent marginalement à la production d’électricité. Si la production d’électricité dépend donc à 87% de flux naturels, sans corrélation avec le besoin, elle divergera de la consommation suivant toute probabilité. Or l’égalité entre production et consommation d’électricité est indispensable à l’équilibre du réseau électrique à toutes les échelles de temps, de la seconde à l’heure pour équilibrer la puissance et au-delà de l’heure pour gérer le stock d’énergie. Pour maintenir cet équilibre, faute de sources d’énergie pilotables, des moyens nouveaux devront être déployés en accompagnement de la montée en puissance massive des sources éoliennes et solaires. Ces moyens contribuent à ce qu’on appellera par la suite une réserve pour désigner une somme de moyens qui garantit une « quantité accumulée de manière qu’on puisse en disposer et la dépenser au moment le plus opportun ».2 En effet, c’est précisément d’une quantité d’électricité accumulée dont il faudra disposer pour atteindre le niveau de consommation requis lorsque les productions éoliennes et solaires feront défaut. Faute de cette réserve, la consommation devrait être réduite drastiquement par des coupures imposées à des consommateurs afin d’éviter l’accident grave, l’effondrement du réseau, le black-out.

En résumé, pour éviter l’effondrement du réseau, le gestionnaire doit, à toute heure de l’année (et même pour une fraction de cette heure), assurer l’égalité entre, d’une part, la consommation et, de l’autre, la somme des productions, dont une grande part de fatales, auxquelles il faut donc ajouter la ressource de la réserve. Ce qui peut se traduire par l’égalité :

C(h)=E(h)+S(h)+B(h)+H(h)+N(h)+R(h)(1)
Les termes de l’équation, à l’exception du dernier, représentent les énergies horaires enregistrées toutes les demi-heures par RTE en 2019 et transposées aux deux scénarios à l’aide des ratios du Tableau 2, ainsi qu’il a été expliqué. Leur unité est le mégawatheure (MWh). Quant aux notations :

  • h est le numéro du relevé en partant du début de l’année.
  • C est la consommation.
  • E et S sont les productions fatales éoliennes et solaire.
  • B est la production de la biomasse,3 H et N sont celles pilotables de l’hydraulique et du nucléaire.
  • R est la quantité d’énergie entrant ou sortant de la réserve afin que, s’ajoutant aux productions, elle fasse que le membre de droite de l’équation (1) égale la consommation. C’est une quantité négative quand, entrant dans la réserve, elle prélève un excédent de production ; elle est positive quand, sortant de la réserve, elle complète une production insuffisante.

L’étude d’un scénario couvre le déroulement complet de l’année, de sa première à sa dernière heure. Quand on additionne les énergies horaires composant l’équation (1), on retrouve au terme de cette opération les quantités annuelles du Tableau 2, après avoir divisé la somme par deux car il y a deux entrées par heure, une pour chaque demi-heure. Dans le cas des quantités annuelles, la somme des productions égale la consommation et par suite le solde annuel de la réserve est nul. La réserve ne sert donc qu’à transférer au cours de l’année l’électricité des périodes de surplus aux périodes de manques, avec une égalité stricte des entrées et des sorties sur l’année.

4. Scénario 2050 à 100% ENR : cahier des charges pour assurer l’équilibre

La Figure 1A représente les séries chronologiques pour l’année 2019 de la consommation (en bleu) et de la production (en rouge). Celle-ci ne compte pas les centrales thermiques à combustibles fossiles mais seulement les productions décarbonées de l’équation 1 prises en compte dans les scénarios étudiés. L’ordonnée mesure les énergies consommée et produite, en Gigawattheures (GWh), relevées chaque demi-heure (soit deux fois 8760 h pour l’année). Comme l’ordonnée mesure l’énergie, l’abscisse, est le nombre, sans dimension, des enregistrements de 1 à 17520, dans leur succession chronologique depuis le 1er janvier 2019 à 0h. L’axe a été divisé en douze parties égales rassemblant 1460 demi-heures, durée moyenne d’un mois.

Figure 1.

(A) Séries chronologiques de la consommation et de la somme des productions décarbonées enregistrées en 2019. (B) Séries chronologiques de la consommation et de la somme des productions décarbonées pour l’année type du scénario 100% ENR.

Examinons d’abord la consommation (courbe bleue). Elle montre trois temporalités :

  • une oscillation saisonnière avec un plateau entouré de deux pics,
  • des oscillations lors des semaines avec des minimas en week-end,
  • des fluctuations au cours des journées montrées par les hachures verticales.

La somme des productions décarbonées (courbe rouge) suit une évolution proche de la consommation car les sources pilotables (centrales nucléaires et hydroélectriques) permettent d’approcher de très près la consommation. Le plus visible est un écart de nature saisonnière, avec un excédent de production en printemps-été et une insuffisance de production en automne-hiver. La petitesse de l’écart peut toutefois être aisément comblée grâce à la réserve alimentée principalement par les échanges transfrontaliers et les centrales fossiles. L’électricité excédentaire du printemps-été est exportée. Pour compléter la production insuffisante d’automne-hiver, un peu d’électricité est importée (le solde des échanges est largement exportateur). Ce sont surtout les centrales fossiles qui sont mises en marche pour compléter la production. Notons qu’elles ne pourront plus servir dans les scénarios 2050 à émissions de CO2 réduites, et pour cette raison, nous les avons exclues dans les sources de production de l’équation 1 et la Figure 1A.

Qu’en sera-t-il en 2050, suivant les hypothèses du scénario données dans les ratios du Tableau 2 ? La courbe de consommation est homothétique à celle de 2019 dans le rapport 1,6. Quant à la somme des productions (courbe rouge), elle change fortement puisque les productions éoliennes et solaires dominent, contrairement à aujourd’hui. La production d’électricité montre des fluctuations de forte amplitude, rapides et sans évolution nette dans l’année, provoquées par les flux intermittents du solaire et de l’éolien. Les fluctuations sont environ dix fois supérieures aux fluctuations quotidiennes de la consommation.

Ainsi, la forte proportion de productions intermittentes introduit une situation totalement inédite dans la gestion du réseau. Alors que les sources pilotables ont disparu à l’exception de l’hydroélectricité, la réserve devient indispensable pour rétablir l’égalité de l’équation (1) à l’aide de quantités positives ou négatives qui annulent les écarts entre la production et la consommation. Constituer cette réserve, capable de gérer ces quantités d’électricité, demandera des investissements considérables. Nous n’en sommes pas capables aujourd’hui.

Figure 2.

Energie horaire fournie par la réserve pour assurer l’équilibre du réseau (positive pour compléter une production insuffisante, négative pour soustraire un excédent de production). Courbe orange : énergie horaire donnée par demi-heure ; courbe bleue : moyenne hebdomadaire glissante.

La Figure 2 présente l’énergie horaire gérée par la réserve pour rétablir l’équilibre du réseau. La réserve sort une quantité horaire d’électricité positive, jusqu’à 100 GWh, quand elle complète la production insuffisante afin d’égaler la consommation. La réserve absorbe une quantité horaire d’électricité négative, jusqu’à 150 GWh, quand elle retranche, ou efface, le surplus non consommé de la production. Autrement dit, les puissances des installations composant la réserve doivent pouvoir ajouter 100 GW au réseau ou en soustraire — 150 GW. Les alternances apparaissent verticales, instantanées, car l’abscisse couvre la durée de l’année. Un zoom sur une période plus courte permettrait de préciser la dynamique des oscillations, ce que nous ne ferons pas ici. Signalons toutefois qu’au cours de l’année le flux de la réserve change 476 fois de signe, soit 1,3 variations journalières en moyenne. La moyenne glissante montrée dans la figure est expliquée plus loin.

L’énergie horaire gérée par la réserve est maintenant examinée grâce à une autre représentation, la monotone (Figure 3). La monotone utilise les mêmes données que la Figure 2. Mais alors que dans celle-ci les données sont présentées dans l’ordre chronologique, du 1er janvier au 31 décembre, la monotone de la Figure 3 les range dans un tri croissant depuis la valeur la plus négative pour l’énergie horaire entrante (−150 GWh) jusqu’à la valeur la plus positive d’énergie sortante (100 GWh). Les 12 divisions de l’axe horizontal, sans dimension, sont gardées. On observe que les entrées dans la réserve couvrent une durée plus courte (5 mois) que les sorties (7 mois).

Une énergie horaire entre dans la réserve chaque fois que la somme des productions dépasse la consommation. Dans ce cas, la réserve soustraie l’excès des productions afin d’équilibrer la consommation et cette soustraction est indiquée par le signe négatif de l’énergie horaire. Cette situation se répète au cours de l’année sur une durée équivalente à 5 mois. Au total, une énergie annuelle de 159 TWh, égale à la surface négative de la monotone, est ainsi soustraite au réseau et mise en réserve. Cette quantité d’énergie « stockée » peut être restituée au réseau quand les productions ne suffisent pas à satisfaire la consommation, cas qui se produit sur une durée équivalente à 7 mois. C’est ce qui se passe dans la branche positive de la monotone qui recouvre également une énergie annuelle de 159 TWh, puisqu’il a été supposé que la réserve transférait simplement de l’énergie des périodes de surplus vers celles des manques, sans produire d’énergie mais sans en perdre non plus. A cette condition, elle remplit parfaitement son rôle et permet le retour à l’équilibre du réseau.

Figure 3.

Monotone rangeant l’énergie horaire de la réserve de la valeur effacée (négative) extrême à la valeur restituée maximale. Abscisse sans dimension (numéro d’ordre des « entrées »). Ordonnée : énergie horaire en GWh. Deux monotones superposées dans cet ordre: énergie horaire (orange) donnée par demi-heure et moyenne hebdomadaire glissante (bleue). Par suite, la partie orange est la part d’énergie qui peut être équilibrée au cours d’une semaine (transfert hebdomadaire) et la partie bleue sur les durées plus longues (transfert intersaisonnier). Par transfert hebdomadaire on entend tout transfert à une échelle de temps inférieure ou égale à la semaine.

Il convient, de plus, de distinguer les temporalités de ces transferts, à l’intérieur des semaines ou sur des temps plus longs, car les moyens de stockage ne peuvent pas répondre avec la même pertinence à toutes les échelles. Par exemple, les batteries électriques conviennent pour l’échelle journalière et même hebdomadaire mais pas pour l’échelle intersaisonnière, tandis que le stockage chimique (l’hydrogène par exemple) convient pour les deux. Afin de distinguer les deux temporalités, la semaine et l’intersaisonnier, une moyenne mobile4 est appliquée à la série chronologique des « enregistrements » pour éliminer les fluctuations internes à la semaine. Ce résultat est superposé à la série chronologique initiale dans la Figure 2. Le passage à la monotone de la Figure 3 pour le scénario « 100% ENRs en 2050 » permet de montrer que le transfert annuel de 159 TWh se décompose en 69 TWh pour la gestion des besoins hebdomadaires (la surface orange)), le reste de 90 TWh étant requis pour la gestion des besoins intersaisonniers (la surface bleue).

Toutes ces données (Figures 13) nous permettent d’accéder aux 3 éléments les plus déterminants du cahier des charges pour un système d’installations et services nécessaires à la gestion de l’équilibre du réseau électrique dans le cas du scénario étudié :

  • Le transfert annuel total d’énergie doit être de 159 TWh se décomposant en 69 TWh de transfert hebdomadaire et 90 TWh intersaisonnier.
  • La puissance installée doit atteindre au moins 150 GW en entrée pour stocker l’excès et 100 GW en sortie, pour alimenter le réseau (ce sont les extrema de la monotone). Ne pas entrer le débit négatif extrême n’entraînerait qu’une perte d’efficacité dans l’utilisation des surplus. Mais ne pas parvenir à sortir 100 GW n’est pas acceptable car cela conduit au black-out.
  • La capacité est la quantité minimale d’énergie que doit contenir la réserve pour approvisionner le réseau dans toute période de manque. Pour l’obtenir, on cumule les entrées et sorties dans l’ordre chronologique depuis le début de l’année. La Figure 4 donne l’évolution de ce cumul : la réserve doit être capable de contenir 40 TWh (différence entre la plus haute et la plus basse valeur de la courbe) pour pouvoir passer l’année sans jamais être vide. La Figure 4 montre 3 grandes phases de remplissage saisonnier de la réserve: l’une en mars (remplissage de 30 TWh), l’autre en septembre (remplissage de 25 TWh), la dernière enfin en décembre (remplissage de 20 TWh). C’est en janvier-février qu’on observe une consommation du stock (environ 40 TWh). Si la réserve contient moins de 40 TWh au maximum de son remplissage, fin décembre, il n’y aura pas assez d’énergie, fin février, au terme de 2 mois d’utilisation de la réserve.

Figure 4.

Evolution du niveau d’électricité dans la réserve.

Ces critères doivent être comparés à la situation actuelle, pour bien mesurer le changement drastique d’échelle qu’un tel scénario implique. Si on ne s’en tient qu’au premier, d’après les chiffres fournis par RTE, on évalue qu’au cours des dernières années en moyenne 11 TWh d’énergie, une énergie annuelle 15 fois plus faible que celle du scénario considéré, ont été échangés pour répondre à la variabilité de l’offre électrique. L’essentiel de cette énergie est aujourd’hui fourni en France par les STEP qui assurent 7 TWh de pompage par an en moyenne. Les 4 TWh restants sont facilement disponibles par échange d’électricité transfrontalier et par mobilisation de centrales thermiques pilotables (nucléaire et fossiles), on l’a dit. Dans ces conditions « confortables », il n’est pas besoin en France, sauf dans des situations très exceptionnelles, de faire appel à des réductions conjoncturelles de demande, ce qui offre évidemment un avantage considérable pour les individus et les entreprises.

5. Solutions de stockage pour assurer les 159 TWh de transfert annuel du scénario à 100% d’ENRs

Dans ce chapitre nous essayons de proposer les moyens les plus appropriés à mettre en œuvre pour le stockage d’énergie et d’évaluer la quantité d’énergie que ces moyens permettent raisonnablement de stocker et redonner au réseau électrique, en respectant le premier cahier des charges à savoir une quantité totale d’énergie minimale à entrer et sortir (pour atteindre si possible 159 TWh). Les deux autres paramètres, la puissance minimale et la capacité minimale de la réserve, seront traités dans un second temps. Certaines des technologies discutées ici n’ont pas aujourd’hui une maturité technique et industrielle suffisante mais on peut penser que les efforts de recherche et développement et les investissements annoncés en permettront une réelle montée en puissance dans les prochaines années, par exemple les stockages électrochimique (batteries) et chimique (hydrogène) à grande échelle.

En résumé, les moyens à mettre en œuvre pour les périodes de surplus de production des ENRs sont donc : (i) une baisse de la production hydroélectrique ; (ii) un stockage d’électricité par conversion en une forme d’énergie stable et mobilisable ; (iii) une exportation d’électricité vers les pays voisins ; (iv) une hausse de la consommation. Au contraire, en situation de défaut d’électricité (sans vent, pas d’énergie éolienne et, sans soleil, pas d’énergie photovoltaïque), il faut faire appel à : (i) une hausse de la production hydroélectrique ; (ii) une production d’électricité à partir de l’énergie stockée ; (iii) une importation d’électricité ; (iv) une baisse de la consommation. Ce sont donc ces différents moyens dont nous évaluons les contributions respectives dans les deux scénarios étudiés.

5.1. Moyens d’appoint quotidiens et hebdomadaires

5.1.1. Échanges transfrontaliers

En 2019, La France a échangé avec ses voisins 59 TWh d’électricité, essentiellement des exportations (la France est le principal exportateur d’électricité d’Europe), avec des pointes de 300 GWh par jour et une moyenne sur l’année de 160 GWh par jour. D’après la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), la France possédait, pour ce faire, des interconnexions permettant des exportations de 13,5 GW de puissance et des importations de 10 GW pour alimenter le réseau en période de pénurie. Dans son étude publiée en 2015, « un mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisations », l’ADEME avance pour 2050 un solde exportateur nul où 56 TWh seraient échangés dans les deux sens [3]. Ce chiffre est clairement excessif. Sachant que les périodes de surplus et de pénurie sont pour l’essentiel identiques d’un pays à l’autre, il est difficile d’imaginer que, en situation de surplus, donc dans une situation de surabondance des ENRs dans tous les pays européens voisins, ces derniers seront preneurs de notre électricité et que, en situation de pénurie, il nous sera facile de trouver auprès d’eux une électricité partout manquante. Dans ce dernier cas, on peut anticiper une bataille féroce entre voisins pour récupérer le peu d’électricité, à un prix très élevé, produite par des sources non intermittentes. Il est donc extrêmement délicat d’anticiper ce que sera le niveau de ces échanges dans le scénario étudié en 2050. Pour cette raison, tout en gardant un solde nul, nous prenons pour les deux scénarios étudiés, une valeur de 16 TWh pour les échanges transfrontaliers, dans les deux sens. En période de pénurie, ces importations apporteront 16 TWh au manque annuel de 159 TWh à combler. En période d’excès, cette même quantité de 16 TWh pourra être exportée, pour contribuer à équilibrer l’offre et la demande, à nouveau en espérant que nos voisins l’achèteront. Nous retenons également les puissances d’entrée et de sortie de 13,5 et 10 GW, respectivement, données par la CRE.

5.1.2. Ajustement de la consommation

Dans un travail précédent, un volume de 9 TWh a été proposé comme limite supérieure d’énergie d’ajustement de la consommation. Dans l’étude de l’ADEME 2015 [3], un volume de 16 TWh a été prévu, mais nous considérons que ce chiffre est exagérément optimiste. On peut noter que Wagner estime pour l’Allemagne qu’un volume de 7 TWh pourrait être déplacé des surplus vers les manques en ajustant la consommation à la hausse ou à la baisse, néanmoins au prix de très grands efforts de déplacements d’activités vers les week-ends [10]. Nous choisissons ici une valeur de 8 TWh. On évalue à 5 GW la puissance correspondante (Annexe A).

5.1.3. Hydraulique et STEP

La technique la plus courante pour le stockage réversible d’énergie, aussi celle qui permet un stockage de masse, est aujourd’hui celle des Stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), au nombre de 5. La puissance installée en STEP en France est de l’ordre de 5 GW avec une capacité de stockage journalier d’énergie de l’ordre de 70 GWh, permettant, grâce au pompage, un stockage d’environ 7 TWh par an (chiffres RTE). Cependant, il n’y a guère de possibilité de l’augmenter car la plupart des sites qui s’y prêtent (nécessitant deux lacs à la fois proches et d’altitudes différentes pour permettre un pompage vers le lac supérieur au moment où on veut stocker de l’énergie et un turbinage vers le lac inférieur lorsqu’on veut récupérer l’énergie) ont déjà été équipés. Ici, rappelons-nous que les 7 TWh correspondent à l’énergie de pompage et que, considérant un rendement de 80% au turbinage, les STEP ne peuvent redonner au réseau électrique que 5,6 TWh par an. Cet apport du turbinage des STEP s’ajoutant aux 60 TWh retenus dans le scénario, celui-ci suppose donc une augmentation de 10% de la production hydroélectrique par rapport à la situation de 2019.

5.1.4. Batteries électriques

La montée en puissance actuelle des véhicules électriques à batterie ainsi que des installations pour le stockage électrochimique invitent à considérer ce dernier comme un moyen de stockage pertinent, avec des perspectives de déploiement à grande échelle. Par ailleurs, les investissements en recherche et développement continuent à produire des batteries avec toujours plus de capacités d’énergie, de durée de vie, de rapidité de charge (80% en 30 minutes) et de stabilité. Des « gigafactories » de production de batteries sont en train de voir le jour. L’Europe a soutenu le projet d’un vaste plan de production de batteries, « l’Airbus des batteries », dans lequel investissent 7 pays européens et un consortium de grandes entreprises et de PME. L’enjeu est de rattraper une partie du retard sur la Chine et l’Asie, qui dominent très largement ce marché encore émergent. Dans ce contexte, nous considérons deux types de moyens de stockage électrochimique pour lesquels nous discutons ci-dessous des hypothèses choisies et des résultats obtenus.

Batteries de stockage

La plus grande capacité de batteries au monde aujourd’hui est l’infrastructure appelée « Tesla Megapack Installation », occupant 50 hectares de terrain. Utilisant la technologie Lithium-ion, elle offre une puissance de 182 MW et permet de stocker et délivrer au réseau 800 MWh en 6 heures pendant les pics, positifs ou négatifs, de demande. Si l’on fait l’hypothèse que cent infrastructures similaires peuvent être installées, réparties sur le territoire français (sur une surface de 5000 ha), ces moyens permettent donc de fournir une puissance de 18 GW, de remplir la réserve au maximum par une capacité de 80 GWh et d’assurer le stockage sur l’année de 12 TWh d’énergie (0,08 × 365 × 5/12). En tenant compte d’un rendement de 80%, qui inclut le rendement charge/décharge très élevé mais aussi des pertes d’énergie (onduleurs, transformateurs etc.), sur les 12 TWh stockés seulement environ 9,6 TWh peuvent être redonnés au réseau.

Batteries de véhicules électriques

L’hypothèse qui est posée ici c’est la possibilité d’absorber une partie de la production intermittente des énergies renouvelables et de gérer les besoins journaliers et hebdomadaires avec les accumulateurs Lithium-Ion embarqués dans les véhicules électrifiés, profitant du très bon rendement énergétique charge/décharge de ces batteries lithium-Ion. Pour que le volume d’énergie fournie soit à la hauteur des besoins, il faut évidemment imaginer un scénario dans lequel une grande partie des véhicules est électrique à l’horizon 2050. RTE prévoit un parc de 15 millions de véhicules électriques en 2035. Nous faisons la même hypothèse, mais pour l’année 2050. Il faut savoir qu’en 2020 il y a en France 330 000 véhicules électriques en circulation sur un parc total de 39 millions de véhicules (dont 32 millions de véhicules particuliers). Il faut donc passer de 1% à 40% de véhicules électriques ! D’autre part, nous faisons l’hypothèse, raisonnable, basée sur les observations faites sur l’utilisation des véhicules en France, que chacun de ces véhicules parcourt en moyenne 35 kms par jour, soit 13 000 km par an. Sachant qu’un véhicule électrique consomme environ 6 kWh par jour, soit 2200 kWh par an, l’énergie électrique nécessaire pour recharger l’ensemble de ces véhicules sera donc, chaque jour, de l’ordre de 90 GWh, et, sur l’année, nécessitera au total une énergie électrique de 33 TWh. Ce chiffre est très proche de la prévision par RTE d’une consommation de 35 TWh dans le cas d’un parc électrique de 15 millions de véhicules, représentant l’équivalent de 6 réacteurs nucléaires entièrement dédiés à la production électrique pour alimenter ce parc.

Aujourd’hui, on en sait plus sur la véritable durée de vie des batteries et les nouvelles sont plutôt très bonnes. Par exemple, les retours d’expérience montrent que la dégradation des performances des batteries Panasonic, alimentant les véhicules Tesla commercialisés depuis 2012, mesurée par la réduction de l’énergie embarquée disponible, est en moyenne de l’ordre de seulement 10% à l’issue de 300 000 km. Par ailleurs, grâce aux progrès de la recherche, on peut espérer atteindre 2000 cycles charge/décharge (au lieu des 400 cycles charge/décharge précédemment anticipés). Avec une autonomie par cycle voisine de 400 km pour une batterie d’environ 50 kWh, de 40 kW de puissance, on assure donc au véhicule une durée de vie de 800 000 km, correspondant à 60 ans d’utilisation ! On voit clairement que des batteries offrant une telle durée de vie peuvent être utilisées comme moyen de stockage et production d’énergie électrique en soutien du réseau électrique, moyennant bien sûr que le propriétaire du véhicule accepte de revendre de l’énergie électrique stockée dans sa batterie au réseau et que l’opération ne se fait pas au détriment de sa liberté de mobilité et de la durée de vie de son véhicule: si l’on retient donc une valeur de l’ordre de 2000 cycles charge-décharge, un conducteur-type pourrait d’une part utiliser 750 cycles au titre de la mobilité du véhicule (soit 300 000 km environ, pendant 23 ans à 13 000 km/an) ; et d’autre part, pendant ces 23 ans, utiliser 1250 cycles résiduels hors mobilité afin de rendre, pendant les périodes de stationnement du véhicule, d’autres types de services — rémunérés — au réseau électrique, parmi lesquels l’effacement des heures de pointe, la régulation de fréquence, l’autoconsommation… Avec une dernière correction, pour tenir compte du fait que les voitures ne sont pas à tout moment disponibles pour satisfaire la demande du réseau (en mobilité ou déconnectées), nous considérons 1000 cycles correspondant à 50 MWh disponibles sur la durée de vie du véhicule (23 ans), soit environ 5,9 kWh par jour et par véhicule (89 GWh par jour pour les 15 millions de véhicules). Avec un tel dispositif, extrêmement ambitieux, un parc très important de véhicules électriques (15 millions) et des batteries de longue durée de vie, on peut calculer : (i) une fourniture maximale à la réserve de 750 GWh (50 kWh × 15 millions) ; (ii) une puissance considérable de 600 GW ; (iii) une quantité annuelle d’énergie stockée et transférable de 13.5 TWh (capacité journalière de stockage du parc automobile multiplié par le nombre de jours de surplus de production : 0,089 × 365 × 5/12). En tenant compte d’un rendement de 80%, seulement environ 11 TWh peuvent être redonnés au réseau sur l’année.

Avant même l’analyse de la gestion des moyens saisonniers, un premier bilan permet de tirer la conclusion suivante. En entrée dans la réserve, en situation d’offre électrique excédentaire, donc pendant environ 5/12 de l’année, malgré des hypothèses extrêmes en ce qui concerne la gestion de l’équilibre offre/demande par les échanges transfrontaliers, la demande et le stockage électrochimique par les véhicules électriques, c’est 56,5 TWh qu’on peut effacer, aux échelles de temps courtes (inférieures ou égales à la semaine), loin des 69 TWh disponibles (Figure 3). En fait la différence (12,5 TWh) pourra être stockée avec un moyen d’appoint saisonnier et s’ajoutera aux 90 TWh à stocker pour une gestion saisonnière du réseau, soit 102,5 TWh. C’est cette dernière valeur qui sera prise en compte pour calculer la quantité d’hydrogène minimale à produire et à stocker.

5.2. Moyens d’appoint saisonnier

C’est la filière Power-to-Gas-to-Power qui est en effet considérée le plus souvent pour le stockage saisonnier, dans laquelle un gaz, stable et stockable sur de longues durées, est produit grâce aux surplus d’électricité. Notre choix se porte sur l’hydrogène pour le stockage intersaisonnier compte tenu des remarquables propriétés de ce gaz, qui a une très forte densité d’énergie massique, soit 33,3 kWh/kg, (et une très mauvaise densité volumique en ce qu’il est un gaz et non un liquide comme le pétrole) et dont la combustion/oxydation ne produit que de l’eau. On observe une montée en puissance de l’hydrogène en France, avec l’investissement mis dans cette filière par de nombreuses entreprises (Faurecia, Air Liquide, Total-ENGIE, Renault, PSA, etc.) et le plan national Hydrogène, démarré en septembre 2020, dans lequel l’Etat investit 7 milliards d’euros. La même stratégie utilisant du méthane fonctionnerait également, donnant à peu de choses près les mêmes résultats, avec l’inconvénient de la nécessité de gérer les émissions de CO2 associées.

La France aujourd’hui produit près de 1 million de tonnes (Mt) de H2 (dans lesquelles sont stockés 33,3 TWh d’énergie), cependant presqu’exclusivement à 95%, à partir de ressources fossiles (des hydrocarbures riches en atomes d’hydrogène) par différentes techniques : vaporeformage du gaz naturel, oxydation partielle d’hydrocarbures et gazéification du charbon. Dans un monde sans fossiles, évidemment ces technologies sont exclues. Nous faisons l’hypothèse ici qu’en 2050 les investissements dans cette filière pendant 30 ans nous auront permis d’installer suffisamment de capacités de puissance d’électrolyseurs pour produire H2 exclusivement par électrolyse de l’eau, la façon la plus « verte » de produire H2, évidemment si l’électricité utilisée est bas carbone, comme c’est le cas dans les deux scénarios étudiés ici. Aujourd’hui les électrolyseurs les plus matures industriellement sont les électrolyseurs alcalins et les électrolyseurs à membranes échangeuses de protons (PEM), qui fonctionnent avec des rendements de l’ordre de 60%. Un troisième type d’électrolyseurs, permettant de l’électrolyse à haute température et présentant des rendements supérieurs, est actuellement étudié par Genvia, une association récemment formée entre le CEA et Schlumberger ; ils sont particulièrement adaptés à un couplage avec les réacteurs nucléaires qui peuvent fournir de la vapeur d’eau à haute température au niveau de la turbine. Cependant, compte tenu d’un scénario sans nucléaire et de l’immaturité de la technologie, nous prendrons pour la suite un rendement moyen de 60% pour l’électrolyse de l’eau : il faut donc, sur cette base, 55 TWh pour obtenir 1 Mt de H2.

Dans le cas du scénario « production électrique fournie à 100% par les ENRs » les 102,5 TWh restants de surplus d’électricité renouvelable peuvent être stockés par électrolyse de l’eau, produisant environ 1,86 Mt d’H2, une valeur très supérieure à la production actuelle d’H2 en France. Quelle quantité d’électrolyseurs industriels doit être mise en place pour les produire? Le plus grand électrolyseur du monde actuel, un électrolyseur PEM de 20 MW de la société Hydrogenics au Canada, ayant Air Liquide pour 18% de son capital, produit 8 tonnes d’H2 par jour (soit environ 3000 t par an). Pour stocker le surplus, il faudrait donc 620 électrolyseurs, ce qui est évidemment un défi colossal si l’on ajoute tous les électrolyseurs nécessaires pour introduire une mobilité hydrogène significative en 2050 et pour satisfaire les besoins croissants de l’industrie (pour la synthèse de l’ammoniac et du méthanol, pour hydrogéner davantage de procédés comme la fabrication de l’acier, etc.). Un défi non moins grand serait d’assurer le bon fonctionnement des électrolyseurs en mode fortement variable sous l’effet de l’intermittence de leur approvisionnement en électricité. Il faut aussi rajouter la nécessité de disposer d’une quantité massive de réservoirs fiables et sûrs, pour stocker l’hydrogène par exemple sous forme de gaz comprimé à 350 bars. Si l’on considère une quantité d’H2 minimale à stocker représentant environ 40 TWh, la quantité d’énergie constituant la capacité minimale discutée au-dessus (Figure 4), il faut stocker une masse d’H2 de 1,2 millions de tonnes, sous un volume de 40 millions de m3 dans une masse de réservoirs de 24 millions de tonnes.

Le très gros inconvénient de la filière Power-to-H2-to-Power est son faible rendement global. Il est selon les sources de 22 à 30%, englobant le rendement de l’électrolyse, le rendement de la pile à combustible, qui est le dispositif électrochimique qui permet la conversion de l’énergie chimique contenue dans H2 en énergie électrique, enfin les pertes d’énergie nombreuses, notamment celles associées à la nécessaire étape de compression de l’hydrogène gazeux (à 350 ou 500 bar) pour le stocker dans le plus petit volume possible. Pour la suite de l’étude nous prenons la valeur de 30%.

Dans ces conditions, dans le cas du scénario « production électrique fournie à 100% par les ENRs » ce rendement explique pourquoi sur les  102,5 TWh stockés, le maximum disponible, on ne peut redonner au réseau qu’une énergie de 31 TWh.

5.3. Bilan

La Figure 5 compile toutes les contributions aux transferts d’énergie. Grâce aux échanges transfrontaliers, à la flexibilité de la demande, aux STEP, au stockage électrochimique et grâce au stockage chimique, via le vecteur hydrogène, certains à une échelle inédite, il est possible d’effacer une partie (24 TWh) des 159 TWh de surplus annuels et de stocker l’autre partie (135 TWh) pour la réutiliser. Cependant, ce que montre cette figure de façon spectaculaire, c’est l’impossibilité de compenser le manque d’électricité par la mobilisation du stockage. Ceci est dû aux rendements de retour dans le réseau électrique. Ils sont, par exemple, de 80% pour les STEP et les batteries électriques. Le pire est la filière Power-to-H2-to-power, puisque sur les 102,5 TWh, seulement 31 TWh sont restitués au réseau. Au bilan, malgré tous les efforts de récupération du surplus, la quantité d’énergie stockée et redonnée au réseau est de 81 TWh, ce qui conduit à un manque colossal d’énergie électrique global de 78 TWh. Sans autres moyens de stockage et sans capacités pilotables, un tel scénario est tout simplement impossible.

On peut noter à l’inverse que, notamment grâce au stockage électrochimique et chimique, les puissances minimales requises sont disponibles et le pic de remplissage de la réserve (40 TWh) peuvent être assurés.

Figure 5.

Récapitulation des différents moyens d’appoint utilisés pour transférer l’électricité entre périodes de surplus et de manque pour le scénario 100% ENR (unité d’énergie : TWh). Si le surplus peut être totalement absorbé, le manque n’est qu’à moitié comblé à cause des rendements des stockages.

Pour produire les 78 TWh qui manquent au bilan, on peut envisager de constituer une réserve d’hydrogène supérieure ce qui suppose évidemment l’installation de capacités supplémentaires d’éolien et de solaire, entièrement dédiées au stockage. Par suite du rendement de 30% du cycle H2, ces sources devraient donc fournir une contribution additionnelle de 260 TWh stockés sous forme d’H2 (soit 4,7 Mt), ce qui correspond à environ 100 GW et 40 GW de capacités additionnelles d’éolien et de solaire, respectivement. Au total, le niveau de production électrique atteint 910 TWh (730 TWh d’éolien et 180 TWh de solaire) au lieu de 750 TWh initialement prévus, à l’aide de capacités installées de 340 GW et 140 GW pour l’éolien et le solaire respectivement. Ces chiffres paraissent inaccessibles. Il faut mesurer ce que cela implique en termes de surfaces consacrées à ces ENRs. Une telle évaluation n’est pas simple, mais peut partir du constat que 8000 éoliennes totalisant 16 GW de puissance installée produisent actuellement 34 TWh par an, en occupant une surface de 1500 km2, ce qui conduirait si l’on prend une valeur haute de 26 GWh/an/km2 à occuper 28.000 km2 pour produire 730 TWh. La densité surfacique des installations solaires est plutôt de l’ordre de 60 GWh/km2/an mais avec des annonces récentes se rapprochant de 90 GWh/an/km2, ceci donne, au mieux une surface occupée de 2000 km2 pour les 180 TWh. Par suite, on peut estimer que la surface nécessaire aux installations s’élèverait à près de 30.000 km2 (cinq départements comme la Vienne) obtenue au prix d’un rythme d’artificialisation annuelle de 100.000 ha/an. Soit le double du rythme actuel de 55.000 ha/an d’artificialisation des sols due à d’autres causes et mesurée entre 2006 et 2015 par l’enquête Teruti-Lucas [13].

Une autre façon d’assurer l’équilibre est de disposer d’un système énergétique comportant des sources d’énergie pilotables bas-carbone, comme l’énergie nucléaire. En absence d’énergies fossiles, l’énergie nucléaire est l’une des sources pilotables possibles. L’hypothèse est raisonnable, en effet, puisque la France est une grande puissance nucléaire, possédant une industrie nucléaire de très haut niveau, avec 50 ans d’expérience de gestion d’un grand parc de réacteurs nucléaires et de gestion des déchets radioactifs qui en découlent, et enfin parce que le niveau de production électrique nucléaire proposé correspond à peu près au niveau actuel, ce qui démontre la faisabilité du scénario. L’autre façon d’assurer de la pilotabilité énergétique est de considérer une part beaucoup plus importante de la biomasse dans la production électrique, en remplacement du nucléaire, comme cela est considéré dans certains scénarios. Ce choix n’est pas fait ici car cela demanderait une augmentation massive de récolte et de transformation de la biomasse, pour lesquelles les technologies n’ont pas aujourd’hui la maturité suffisante. Les surfaces à consacrer pour la culture de la biomasse seraient considérables puisqu’il faut compter 500 km2 pour obtenir un TWh d’électricité, soit une production surfacique de 2 GWh/an/km2 bien inférieure à celles du solaire et de l’éolien [14]. Enfin, ceci poserait un problème réel quant à l’approvisionnement alimentaire et, dans le cadre de la décarbonation de l’énergie, il est préférable de réserver la ressource de la biomasse comme substitut à l’essence dans les déplacements.

En tous cas, il est clair, au vu des résultats précédents, que des sources pilotables sont indispensables au fonctionnement du mix électrique. Les autres sources décarbonées (hydraulique et biomasse) ayant contribué au maximum, le nucléaire reste ensuite la seule possibilité de source pilotable décarbonée.

6. Scénario 2050 à 50% ENR et 50% Nucléaire

6.1. Détermination des éléments du cahier des charges : transfert d’énergie annuel, puissance, capacité

L’analyse, en utilisant la même méthodologie, du scénario « production électrique fournie à 50% par les ENRs et 50% par le nucléaire », caractérisé par la répartition montrée dans le Tableau 2, conduit aux résultats suivants. On observe immédiatement sur la Figure 6 montrant l’évolution de la consommation et des productions un écart entre les deux bien moindre que dans le scénario précédent (comparer avec la Figure 1).

Figure 6.

Productions cumulées (rouge) et consommation (bleue) du scénario 50% ENR.

Cela se traduit par une tension beaucoup moins importante sur le réseau électrique, pour équilibrer l’offre à la demande. De fait, le traitement des données, sous la forme de la monotone (Figure 7), conduit à une quantité d’énergie totale à transférer dans l’année de 70 TWh (répartis en 26 TWh à l’échelle au plus hebdomadaire et 44 TWh au-delà) qui peuvent être effacés ou mis en réserve lorsque la production est excédentaire par rapport à la consommation. Ces 70 TWh sont théoriquement disponibles pour compléter la production quand elle n’atteint pas la consommation. La Figure 7 montre aussi que le niveau de puissance minimal à assurer est de 60 GW en entrée et de 55 GW en sortie. Enfin la Figure 8 permet de montrer que la capacité de la réserve, pour pouvoir passer l’année, est de 30 TWh. Comme on l’a vu précédemment ces deux derniers paramètres ne semblent pas critiques, sous réserve du déploiement du stockage H2, et ne seront pas davantage traités ici.

Figure 7.

Monotone rangeant l’énergie horaire de la réserve de la valeur effacée (négative) extrême à la valeur restituée maximale dans le scénario 50% nucléaire. La définition des abscisses, des ordonnées et des couleurs est la même que dans la Figure 3.

Figure 8.

Evolution du niveau d’électricité dans la réserve dans le scénario 50% nucléaire.

6.2. Solutions de stockage

Si l’on reprend les mêmes moyens de stockage que ceux considérés dans le scénario précédent, pour gérer l’intermittence des ENRs à l’échelle de la journée jusqu’à la semaine, il suffit d’utiliser, même si c’est à une hauteur supérieure, les moyens actuels : les STEP, au niveau actuel de 7 TWh, la flexibilité de la demande, au niveau de 6 TWh par exemple, et les échanges transfrontaliers, au niveau de 13 TWh. Il n’est donc plus nécessaire d’utiliser le stockage électrochimique, comme dans le scénario précédent. Bien sûr, rien ne l’interdit, notamment en prévision de tensions qui pourraient venir d’une flexibilité de la demande difficile à obtenir et des échanges transfrontaliers qui pourraient ne pas être suffisants. Dans ce cas, on pourrait envisager un nombre, maintenant raisonnable, d’infrastructures de batteries dédiées au stockage ainsi que l’absorption de la production intermittente des énergies renouvelables avec les accumulateurs Lithium-Ion embarqués dans les véhicules électriques, mais dans une proportion beaucoup moins importante que celle qu’imposait le scénario précédent.

Pour ce qui est de l’échelle saisonnière, pour laquelle le concept de flexibilité concerne la gestion de l’énergie en tant que stock, la situation est également beaucoup plus confortable puisque, contrairement au scénario précédent, notre système énergétique dispose, dans ce second scénario, de nombreux réacteurs nucléaires, pilotables. Comme il l’est aujourd’hui, ce parc nucléaire sera flexible (c’est-à-dire qu’il aura la capacité d’ajuster sa production en fonction de la demande, en modulant facilement la puissance électrique qu’il fournit, évidemment dans une certaine limite). Ce que montrent les données actuelles de RTE c’est que, les jours de grand beau temps ou avec beaucoup de vent, la puissance du parc nucléaire peut s’effacer de 20 GW environ au profit des productions éolienne et solaire, soit près d’un tiers de sa capacité nominale (63 GW).

Nous proposons deux méthodes extrêmes pour traiter les 44 TWh d’énergie en excès qu’il reste à récupérer. Dans le premier cas, on n’utilise pas du tout l’hydrogène comme vecteur de stockage. La dimension du parc nucléaire dans ce scénario (fournissant 375 TWh en 2050, correspondant à environ 65 GW) permet sans problème d’effacer 44 TWh (environ 12% du total). Pour fournir 45,4 TWh 5 manquant dans les périodes sans soleil et sans vent il faut une production nucléaire supplémentaire de l’ordre de 7 GW (soit 4-5 réacteurs EPR supplémentaires environ).

Dans le second cas (Figure 9), on transforme les 44 TWh d’électricité en excès en hydrogène (production de 0.8 Mt H2) et cet hydrogène en électricité : avec un rendement de 30%, cela permet de fournir au réseau 13,2 TWh en période de déficit. La quantité d’énergie manquante, 32,2 TWh, peut être fournie par un surcroit de parc nucléaire, correspondant à 5 GW (soit 3-4 réacteurs supplémentaires environ, voir Annexe B).

Figure 9.

Récapitulation des différents moyens d’appoint utilisés pour transférer l’électricité des périodes de surplus aux périodes de manque dans le scénario 50% ENR (unité d’énergie : TWh). Seul le second cas, pour lequel le manque est alimenté par une combinaison de nucléaire et d’hydrogène stocké, est illustré. Dans le premier cas, les 45,4 TWh manquants sont fournis exclusivement par le nucléaire.

Des efforts de R et D sont déjà mis en œuvre pour augmenter encore la flexibilité des prochains EPR. Cela passe par : (i) la conception d’assemblages combustibles innovants pour limiter les contraintes mécaniques sur le combustible, associées aux variations de puissance ; (ii) l’étude de l’impact de la flexibilité sur la maintenance et la durée de vie des installations ; (iii) la conception de nouveaux outils d’aide au pilotage pour les opérateurs ; (iv) la garantie d’un lien de qualité entre la centrale et le réseau électrique.

7. Conclusion

Les résultats présentés ici constituent le fruit d’une étude originale visant à quantifier le plus précisément possible l’impact des ENRs sur les besoins en stockage d’énergie. On pourra certainement critiquer certaines des hypothèses faites ici, comme le niveau de consommation électrique proposé pour 2050 (mais avec 750 TWh on a un niveau proche de celui proposé par de nombreux scénarios), le rapport éolien/solaire (mais ce rapport de 4:1 choisi est plutôt favorable aux ENRs puisque l’énergie éolienne a un facteur de charge supérieur) ou encore les volumes d’énergie transférés par variations de la demande et par les échanges transfrontaliers, enfin les espoirs mis dans l’utilisation massive des batteries des véhicules électriques pour équilibrer les entrées et les sorties du réseau électrique. Mais, dans tous les cas, ce que montre clairement cette étude c’est que les besoins de stockage d’énergie seraient colossaux, dans un pays comme la France, dès lors qu’elle ne posséderait, pour l’essentiel, que des sources intermittentes pour la production électrique (éolien et solaire). Cette question est peu prise en compte et ces données rarement produites et considérées dans la plupart des scénarios 2050 proposés par des organismes publics (ADEME, RTE,…), des associations (Negawatt, Greenpeace,…) ou l’Agence Internationale de l’Energie. Cette étude montre aussi que le stockage de long terme par la stratégie Power-to-H2-to-Power, souvent présentée comme la solution, est en fait une très mauvaise solution, en raison d’un très faible rendement et de la perte de près des trois quarts d’une énergie précieuse. Certes, l’équilibre offre/demande peut être atteint, il le faut absolument pour éviter les black-outs, mais au prix de quantités gigantesques de puissance installée d’éoliennes, de panneaux solaires, d’électrolyseurs et de piles à hydrogène, clairement inaccessibles, dans l’état actuel des technologies, des surfaces disponibles et de l’acceptabilité d’un tel déploiement. Même avec des scénarios de sobriété énergétique extrême, qui ajoutent la perspective de sociétés à la fois plus pauvres et plus autoritaires, les défis du stockage d’énergie, en absence de sources pilotables, sont déterminants pour notre avenir.

Comme on pouvait l’anticiper, dès lors qu’une source énergie bas-carbone, comme l’énergie nucléaire, est ajoutée au mix électrique (ici au niveau de 50%), au prix de l’ajout d’un petit nombre de réacteurs supplémentaires, il n’y a pour l’essentiel plus de problème à l’équilibre offre/demande, nécessaire à la stabilité du réseau électrique. Et il n’a pas été discuté ici d’autres avantages d’un tel scénario, à savoir par exemple une moindre artificialisation des sols (pour le nucléaire 15000 GWh/an/km2), une moindre nécessité, très coûteuse, d’adapter/transformer le réseau électrique, une moindre utilisation de ressources minérales et de matériaux, etc. Bien sûr l’inconvénient majeur d’un maintien à 50% de la part de l’énergie nucléaire dans la production électrique est une production continue de déchets nucléaires dont il faut assurer la gestion dans la plus totale sécurité, comme nous le faisons aujourd’hui et comme, demain, nous pourrons le faire avec le stockage de ces déchets en couche géologique profonde. Pour ce qui est du nucléaire, cette question de la maitrise des déchets nucléaires peut être également traitée à travers un renouveau de la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides de 4ième génération, pour les déployer à la fin du siècle, comme le préconise l’Académie des Sciences [15].

En conclusion, comme nous le montre clairement cette étude et comme nous poussait à le penser le rapport AIE-RTE [5], il n’y a pas d’autres solutions pour un avenir décarboné qu’un mix électrique d’énergies bas-carbone comportant à la fois des énergies renouvelables (surtout éolien et solaire) et des énergies pilotables, essentiellement nucléaire, à un niveau significatif.

1Facteur de charge = rapport de la production annuelle à celle qu’aurait donné la puissance nominale d’une installation fonctionnant à plein régime, pendant toute l’année, soit 8760 heures.

2Petit Robert Réserve III.

3Actuellement l’utilisation de la biomasse pour équilibrer le réseau est très marginale, à peine quelques pourcents du besoin [7]. En conséquence et compte tenu du faible rendement énergétique de la combustion de la biomasse, nous ne tiendrons pas compte de cette contribution à l’équilibre production / consommation.

4La moyenne mobile (ou glissante) filtre les fréquences les plus élevées (filtre passe-bas). On moyenne les données qui précèdent la première donnée de la série chronologique après la période du filtre. Les fluctuations de fréquence supérieure au filtre sont ainsi éliminées, d’où le nom de filtre passe-bas. Ensuite, on reproduit l’opération sur toutes les données postérieures de la série chronologique, d’où le nom de moyenne mobile ou glissante. Dans notre cas, où la durée du filtre est la semaine, on moyenne 336 données (48 demi-heures sur 7 jours) à partir du début de la seconde semaine de l’année, ceci jusqu’à la fin de l’année. La moyenne mobile, tracée dans la Figure 2, élimine donc les fluctuations plus rapides que la semaine. Il en de même pour sa monotone reproduite dans la Figure 3. La différence entre la monotone initiale et celle de la moyenne mobile mesure ce qui a été éliminé, les transferts internes à la semaine.

5En ajoutant les 1,4 TWh perdus lors des transferts dans les STEP. Le chiffre serait augmenté avec l’usage de batteries.


References

[1] Greenpeace La transition énergétique est possible  : notre scénario vers 100% de renouvelables, 2015 (https://www.greenpeace.fr/la-transition-energetique-est-possible-notre-scenario-vers-100-de-renouvelables/)

[2] Negawatt Scénario négawatt 2017-2050 (https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2017-2050)

[3] ADEME Actualisation du scénario énergie climat 2030–2050, 2017 (https://www.ademe.fr/scenarios-2030-2050-vision-energetique-volontariste)

[4] E. Beeker; M. Degremont Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030  ?, (janvier 2021) (France Stratégie, note d’analyse, https://www.strategie.gouv.fr/publications/securite-dapprovisionnement-electrique-europe-horizon-2030)

[5] AIE; RTE Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, (janvier 2021) (https://www.rte-france.com/actualites/rte-aie-publient-etude-forte-part-energies-renouvelables-horizon-2050)

[6] European Commission Energy statistical pocketbook and country datasheets (https://ec.europa.eu/energy/data-analysis/energy-statistical-pocketbook_en)

[7] RTE Eco2mix Données définitives de 2019 (https://www.rte-france.com/eco2mix/telecharger-les-indicateurs)

[8] RTE Futurs énergétiques 2050, (juin 2021) (https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques#Lesdocuments)

[9] Académie des Technologies Avis  ; Perspective de la demande française d’électricité d’ici 2050, (mars 2021) (https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/Avis_besoins_energie_2021.pdf)

[10] F. Wagner Eur. Phys. J. Plus, 129 (2014), 20

[11] D. Grand; Ch. Le Brun; R. Vidil; F. Wagner Eur. Phys. J. Plus, 131 (2016), 329 | DOI

[12] Th. Linnemann; G. S. Vallana VGB PowerTech, 3 (2019), pp. 64-80

[13] SSP; SRISE TERUTI LUCAS (https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/bases-donnees/teruti-lucas)

[14] J. M. Jancovici Pourrait-on alimenter la France en électricité uniquement avec du solaire ? Ou de la biomasse ?, 2012 (https://jancovici.com/transition-energetique/renouvelables/pourrait-on-alimenter-la-france-en-electricite-uniquement-avec-du-solaire-ou-de-la-biomasse/)

[15] Académie des Sciences Considérations sur les réacteurs nucléaires du futur, (juillet 2021)


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