1 Introduction
L'existence de systèmes vivants dans les profondeurs des océans [1,2] n'est pas encore comprise. La définition même du mot « vie » n'est pas déterminée de manière définitive non plus. Il semblerait qu'une transition encore inexpliquée se soit produite entre une évolution chimique prébiotique et une évolution biochimique caractéristique du vivant. L'auteur s'intéresse ici à la synthèse éventuelle de molécules prébiotiques au niveau des cheminées hydrothermales terrestres. Elle a précédemment montré la relation entre l'eau à l'état supercritique ainsi que l'eau sous haute pression et la synthèse de molécules prébiotiques [3,6] et elle a dernièrement proposé au colloque national de la recherche en IUT, CNRIUT'08 [7] ainsi qu'à la conférence organisée par the International Society for the Study of the Origin of Life, ISSOL'08 [8], de nouvelles expériences de synthèses prébiotiques. Dans cet article, elle décrit des observations récentes de sites hydrothermaux de la dorsale médio-atlantique nord et elle propose de nouvelles expériences de synthèse prébiotique dans les conditions hydrothermales, en partant de l'eau de mer et de la roche du manteau, la péridotite ou de ses constituants l'olivine et les pyroxènes.
2 Observations géologiques, physico-chimiques et biologiques des sites hydrothermaux
La grande diversité biologique des sites hydrothermaux [2] a été classée en six différentes provinces [9]. Une caractéristique importante des sites de la dorsale médio-atlantique nord, situés à l'ouest du Portugal, au sud ouest des Açores, Menez Gwen (37°50′N, 850 m), Lucky Strike (37°17′N, 1700 m) et Rainbow (36°14′N, 2300 m), est la grande abondance d'espèces vivantes découvertes : copépodes, moules et surtout crevettes… sans compter la multitude d'archées, de bactéries et de virus. Une similarité dans les espèces apparaît avec les autres sites, Broken Spur (29°N, 3250 mm), TAG (26°N, 3670 m) et Snake Pit (23°N, 3500 m) situés à l'ouest de l'Afrique. Les groupes taxinomiques rencontrés en majorité sur les sites de la dorsale du pacifique oriental tels que les vers géants Riftia, les vers polychètes Alvinellidae et les barnacles sont inconnus sur la dorsale médio-atlantique [2,10]. De plus la faune apparaît plus stable sur la dorsale médio-atlantique que sur la dorsale du pacifique oriental. La composition des systèmes biologiques semble en relation avec les caractéristiques des fluides émis par les cheminées. Le site Rainbow, découvert en 1997 [11] est constitué de dix fumeurs noirs. Les fluides non mélangés avec l'eau environnante (endmember fluids) ont été analysés de 1997 à 2001 [12]. Les conditions physico-chimiques sont les suivantes : 365 °C, pH 2,8 (le plus acide de tous les sites), une grande abondance en Rb, Cs, Ca, Sr, Fe, Mn, Cu, Zn et en Cl : 750 mmol/kg. Ces analyses comparées avec d'autres sites de la dorsale médio-atlantique montrent pour le site Rainbow, une faible abondance en silicates calculée en acide orthosilicique Si(OH)4 : 6,9 mmol/kg et en sulfure d'hydrogène H2S : 1,20 mmol/kg, et une forte abondance en dihydrogène H2 : 16 mmol/kg, en dioxyde de carbone CO2 : 16 mmol/kg, en méthane CH4 : 2,5 mmol/kg, en diazote N2 : 1,8 mmol/kg et en monoxyde de carbone CO : 5 μmol/kg. De l'éthane : 1097 nmol/kg et du propane : 48 nmol/kg ont également été détectés ainsi que d'autres hydrocarbures saturés de C16 à C29.
Le site Logatchev (14°N45′N sur la dorsale médio-atlantique, 2970 m), constitué de 6 fumeurs noirs, a une composition similaire de ses fluides, un pH de 3,3-3,9 et une température de ∼350–353 °C. Comme le site Rainbow, il est situé dans un environnement géologique ultramafique, la roche du manteau étant la péridotite, composée essentiellement d'olivine et de pyroxènes, silicates de fer et de magnésium. Des observations effectuées en 2004 et 2005 sur ce site Logatchev montrent une stabilité de ce système hydrothermal par rapport aux valeurs trouvées neuf années auparavant [13]. La mission franco-russe Serpentine (mars 2007) a permis l'exploration d'un site basaltique inactif, Krasnov (16°38′N) ainsi que les sites ultramafiques Logatchev et Ashadze (12°58′N). La présence de molécules organiques dans des fluides de la dorsale médio-atlantique : hydrocarbures saturés (C8 à C18), acides carboxyliques et esters méthyliques a été confirmée, mais sans toutefois affirmer avec certitude une origine abiogénique [14]. Les fluides (endmembers) de nouveaux sites actifs Ashadze 1 (actuellement le plus profond : 4080 m), Ashadze 2 et Logatchev 2 (43′N), découverts durant cette mission, indiquent : 310–370 °C, pH 3,5–4,0, Cl : 150–620 mmol/kg, une grande abondance en dihydrogène (70% des gaz), en dioxyde de carbone et en méthane ainsi que la présence d'hydrocarbures saturés (C1 à C4). Une origine abiogénique est ici confirmée pour le méthane et les hydrocarbures [15]. Des échantillons solides indiquent que le cuivre, qui semble caractériser les sites ultramafiques, est abondant à Logatchev [16].
Les fluides analysés sont issus de roches ultramafiques et leur contenu résulte d'une interaction entre la roche péridotite et l'eau de mer. La forte abondance en dihydrogène provient très probablement d'un processus de serpentinisation qui est une conséquence des réactions de l'eau de mer avec l'olivine et le pyroxène pour former de la serpentine (un silicate de fer et de magnésium), de la magnétite (Fe3O4), de la brucite (un hydroxyde de magnésium) et du dihydrogène. Le méthane peut provenir d'une réaction de ce dihydrogène avec le dioxyde de carbone contenu dans la roche ou peut provenir directement du magma Les réactions eau-silicates sont complexes et dépendent du pH, de la température, de la pression, de la composition de la roche péridotite, de sa porosité, des conditions d'oxydo-réduction ([12,17,18,19] et réf incluses). Les sites Rainbow et Logatchev seraient associés à une décomposition du pyroxène plutôt que de l'olivine, alors que Lost City, décrit ci-dessous, serait plutôt associé à la décomposition de l'olivine, ce qui conduirait à un degré de serpentinisation supérieur. En effet, il a été suggéré que le remplacement du pyroxène par le talc et la trémolite a lieu préférentiellement à des températures supérieures à 350–400 °C alors que l'olivine est stable. A des températures inférieures à 250 °C, c'est la transformation de l'olivine en serpentine, magnétite et brucite qui serait favorisée [18]. Il est à noter que le site Rainbow est associé à une magnétisation très forte (>28 A/m) [20]. La magnétisation peut avoir diverses origines dont la variation à court terme du champ magnétique terrestre, la formation de magnétite lors du processus de serpentinisation ou la présence de magnétite localisée dans les sulfures.
Le site hydrothermal Lost City situé ∼15 km à l'ouest de l'axe de la dorsale (30°N, 750–900 m) [21] a été découvert en l'an 2000. Il est situé dans un environnement de roches hautement serpentinisées. La température de ses fluides est comprise entre 28 et 90 °C et les valeurs de pH sont élevées : 9–11. La concentration en dihydrogène varie de 0,5 à 14,4 mmol/kg, la concentration en dioxyde de carbone est plus faible par rapport à celle des sites Rainbow et Logatchev, les cheminées sont en carbonates contrairement à celles situées sur l'axe de la dorsale qui sont en sulfures polymétalliques et une origine abiogénique a été récemment proposée pour les hydrocarbures [22]. Malgré l'absence d'une macrofaune, Lost City montre une communauté de microbes avec un nombre d'espèces au moins équivalent à celui des fumeurs noirs situés sur l'axe de la dorsale.
3 Expériences de synthèse prébiotique hydrothermale
La dorsale médio-atlantique n'existait pas il y a 3,8 milliards d'années, date estimée pour l'apparition de la vie sur la Terre. Mais il est possible d'imaginer des sites semblables où des synthèses prébiotiques ont pu se produire, d'autant plus que la chaleur interne, l'activité volcanique et les sources de radioactivité étaient plus nombreuses à cette époque. Depuis l'expérience de Stanley Miller en 1953 [23], divers mélanges en phase gaz de H2O, H2, N2, CH4, CO2, CO, très réducteur jusqu'à très oxydant, ont été soumis à diverses sources d'énergie et ont abouti à la formation de molécules biochimiques, dont les acides aminés des protéines des systèmes vivants ainsi que les deux sucres et les cinq bases des acides nucléiques ARN et ADN ainsi que d'autres molécules incluant des acides gras C2-C10. Ces mêmes molécules, avec en plus H2S, sont présentes dans les fluides hydrothermaux. Dans les conditions de température et de pression (∼400 °C et ∼23 MPa) des fluides du site Rainbow par exemple, ces molécules sont dans l'état supercritique et sont toutes de moment dipolaire nul. L'eau supercritique [4,6,24] (Tc = 374 °C, Pc = 22,1 MPa; Tc > 374 °C et Pc > 22,1 MPa pour l'eau de mer, en fonction de la concentration en sel) a un pouvoir d'hydratation ionique qui diminue très fortement, ce qui conduit à une solubilité des composés ioniques et polaires qui décroît beaucoup. L'eau supercritique est connue expérimentalement pour se comporter comme un solvant organique. Elle dissout les composés organiques apolaires. Les molécules citées ci-dessus pourraient trouver un milieu de concentration dans l'eau supercritique ou haute pression. Une synthèse prébiotique pourrait alors être déclenchée dans un environnement hydrothermal. Il n'est pas déraisonnable d'imaginer obtenir des molécules organiques dans l'eau à l'état supercritique. Des expériences de décomposition et de polymérisation des acides aminés et notamment de la glycine et de l'alanine ont déjà été effectuées [25–28] dans des conditions hydrothermales et dans l'eau à l'état supercritique et le spectre Raman de la p-nitroaniline dans l'eau supercritique a été obtenu en 2006 [29]. Il est à noter que les di, tétra et hexa-polymères de l'acide aminé glycine sont obtenus quand le pH de la solution de glycine est ajusté à 2,5 avant que la température du réacteur soit élevée jusqu'à 250 °C et la pression jusqu'à 24,0 MPa [25].
L'apparition de la vie sur la Terre au fond des océans, au niveau des sites hydrothermaux est actuellement présentée comme « une évidence ». Mais aucune expérience n'a réussi à le démontrer [30]. Pour que des systèmes vivants puissent exister, il faut premièrement que les molécules constituant ces organismes soient formées. Les expériences de Miller ont abouti à construire ces molécules essentielles. Les observations effectuées sur les sites hydrothermaux et reportées ci-dessus [12,13] montrent que les molécules “réactifs” des expériences de Miller sont présentes dans les fluides hydrothermaux qui n'ont pas encore été en contact avec l'eau de mer (endmembers). Or l'état supercritique est, de manière simplifiée, un état gaz qui, comprimé, ne revient pas à l'état liquide. Ces « gaz » des fluides hydrothermaux devraient donc aboutir à la synthèse des molécules prébiotiques “produits” des expériences de Miller. Le contact avec l'eau de mer refroidissant très rapidement les molécules formées, un gradient de température devrait permettre de continuer les synthèses vers des molécules plus complexes. Il faut remarquer que des acides aminés, des bases azotées nucléiques, des sucres et des acides organiques ont également été observés après bombardement d'une cible de graphite par des jets moléculaires de H2, N2, et O2 à basse pression [31].
Les concentrations en gaz des fluides Rainbow sont par ordre décroissant : H2 = CO2, CH4, N2, H2S, CO et pour Logatchev : H2, CO2, N2, CH4, H2S. Il faudrait donc choisir un mélange de gaz réunissant tout ou partie de ces molécules au cours de diverses expériences à différents pH et notamment entre 2,8 et 4 pour simuler les sites Rainbow et Logatchev [12,16] et entre 9 et 11 pour simuler le site Lost City. Certains éléments parmi Cl, Rb, Cs, Ca, Sr, Fe, Mn, Cu et Zn pourraient être ajoutés et des gradients de température ainsi que des variations brutales de température du style trempe pourraient être appliquées. Les gaz « endmembers » des fluides hydrothermaux contiennent des hydrocarbures saturés abiogéniques. Il est raisonnable de penser que des molécules résistantes à ces haute-pression haute-température soient formées. Les gaz choisis pourraient être introduits en considérant leurs origines géologique et chimique. De la péridotite, au contact de l'eau de mer conduirait à la formation de dihydrogène ainsi qu'à de la magnétite. Le dihydrogène au contact du dioxyde de carbone inséré dans la roche formerait du méthane. En ajoutant de l'azote gazeux ou liquide, les réactifs qui ont conduit à la synthèse de molécules organiques prébiotiques seraient réunis. Une synthèse organique pourrait ainsi être réalisée en partant de l'état minéral des sites hydrothermaux, de la roche péridotite elle-même ou de la composition chimique de l'environnement ultramafique. Du dioxyde de carbone supplémentaire pourrait être apporté sous forme gazeuse ou sous forme de carboglace. Il en est de même pour le sulfure d'hydrogène qui toutefois devrait être utilisé avec précaution étant donné ses effets corrosifs. Le réacteur, en acier Hastelloy C276, très résistant à la corrosion mais à tester avec le sulfure d'hydrogène, serait ajusté en pression et en température pour finalement atteindre les conditions supercritiques de l'eau de mer. Des pressions entre 7 et 41 MPa seraient choisies simulant ainsi les pressions hydrostatiques des sites dont la profondeur est comprise entre 700 et 4100 m. Un inconvénient expérimental est la cinétique d'interaction entre l'eau et la surface de la roche. Des variations de la composition chimique d'une solution de péridotite dans l'eau de mer ont été mesurées à 200 °C et 500 bar pendant 8000 h [32,33]. Bien que la quantité en dihydrogène dissout soit plus faible que celle prévue théoriquement, elle augmente rapidement et atteint ∼25 mmol/kg d'eau après ∼2000 h. Des traces de magnétite et de serpentine sont mesurées et la formation de Fe-chrysotile est suggérée. Notre expérience pourrait utiliser une roche très finement broyée, ce qui induirait une plus grande interaction eau-roche. Elle pourrait également partir d'un mélange d'olivine et de pyroxènes : ortho et clinopyroxène, constituants de la péridotite.
La série d'expériences citée ci-dessus se fonde sur l'explication théorique et expérimentale de l'abondance en dihydrogène et en méthane en provenance du processus de serpentinisation de la roche péridotite du manteau et donc des suites de réactions complexes qui aboutissent à la transformation de l'olivine et des pyroxènes en serpentine, brucite, chrysotile, magnétite, dihydrogène et en méthane ([12] et réf. incluses). Mais le méthane peut aussi trouver son origine dans le magma. Les interactions eau-péridotite ou eau-olivine et pyroxènes pourraient ne pas produire suffisamment de méthane. Il pourrait alors être envisagé d'introduire le méthane directement dans le réacteur sous forme gazeuse ou sous forme d'hydrate de méthane, de « glace de méthane » ou clathrate de méthane. Cette méthode pour introduire les gaz pourrait également être appliquée si nécessaire au dioxyde de carbone et au sulfure d'hydrogène.
Une autre source d'hydrogène moléculaire pourrait provenir de la radioactivité terrestre. La radiolyse de l'eau par rayonnement gamma produit des espèces très réactives, le proton H+, l'hydrogène H, le radical hydroxyde OH, l'électron hydraté e−hydr, et également le dihydrogène H2, le peroxyde d'hydrogène H2O2 et le dioxygène O2. Il a été montré expérimentalement que la radiolyse de l'eau supercritique induit une production exponentielle de dihydrogène et que la recombinaison OH–H2 de l'eau diminue très fortement pour T > 350 °C [34]. A partir des abondances en 40K, 238U et 232Th, il a été calculé qu'une production radiolytique d'hydrogène pourrait contribuer au développement d'écosystèmes sous-marins [35] et une communauté de microbes se développe dans le « Witwatersrand basin » d'Afrique du Sud, en utilisant l'hydrogène moléculaire produit par la radiolyse de l'eau (1 nM/an) [36]. Des hydrocarbures C1-C4 abiogéniques ont été détectés dans cette mine à pH élevé. La radioactivité terrestre en relation avec d'éventuelles synthèses prébiotiques a déjà été étudiée [37,38]. Des expériences sur des acides carboxyliques adsorbés à 22 °C sur des argiles et irradiés par un rayonnement gamma ont montré l'importance à la fois de l'argile et du rayonnement sur les produits de dimérisation ou de décomposition [39]. Elles ont montré également une adsorption maximale des acides dans un milieu à pH acide. Des expériences concernant l'adsorption des bases azotées sur l'argile montmorillonite [40] ont de même montré un maximum d'adsorption pour des valeurs de pH acide : 2. Un mélange gazeux de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone, de diazote et d'eau, irradié par des particules du rayonnement cosmique, protons, noyaux d'hélium et électrons, simulant ainsi l'atmosphère terrestre primitive a conduit à la synthèse d'acides aminés [41]. Une collaboration récente entre le Danish National Research Foundation (DNRF), la Max Planck Society (MPS) et l'University of Aarhus (AU) pour créer le Centre de Géomicrobiologie. Ce centre a démarré le 1er octobre 2007 pour une période de cinq ans [42]. Un domaine de recherche important de ce centre sera la formation du dihydrogène par radiolyse de l'eau et son impact sur le développement des écosystèmes. L'abondance et le mode de production du dihydrogène sera également un domaine important de recherches de H. Hellevang en Norvège [33]. Une série d'expériences devrait donc inclure la radiolyse de l'eau ou les produits obtenus lors de cette radiolyse, simulant ainsi la radioactivité terrestre.
Des spectres Raman déjà répertoriés permettraient l'analyse in-situ des molécules synthétisées, par exemple : une banque de données de spectres Raman de molécules d'intérêt biologique publiée en 2007 [43], des spectres Raman d'acides aminés et des bases de nucléotides publiés en 2006 [44], une analyse Raman de 1998, de l'eau autour du point critique [45] et une analyse Raman du chrysotile de l'antigorite et de la lizardite obtenue en 2003 [46].
L'auteur propose donc un série d'expériences qui consisterait à mélanger à pression atmosphérique et à température ambiante de l'eau de mer et de la péridotite pendant au moins 1000 h. De l'azote gazeux ou liquide serait ajouté à ce mélange. Ainsi les réactifs H2O, H2, CO2, CH4 et N2 qui conduisent à la synthèse de composés organiques d'intérêt biologique seraient réunis. Une montée en température et en pression pourrait ensuite être réalisée. Une circulation d'eau à l'état supercritique pourrait également être envisagée. Un rayonnement gamma pénétrant à travers une fenêtre en diamant de la cellule pourrait exciter le milieu réactionnel. Une autre source d'excitation pourrait être les produits de la radiolyse de l'eau par rayonnement gamma tels que l'électron hydraté, le proton, le peroxyde d'hydrogène ou le dioxyde d'oxygène…Une étude in-situ en spectroscopie Raman pourrait permettrait l'analyse des produits synthétisés.
Il faut remarquer que les systèmes vivants sont caractérisés par des acides aminés de configuration L et des sucres de configuration D. Les argiles ont des structures en feuillets asymétriques. La kaolinite, Al2Si2O5(OH)4 possède une couche octaédrique et une couche tétraédrique entre lesquelles peuvent s'insérer des molécules chirales selon une certaine disposition dans l'espace en se fixant sur des surfaces à deux dimensions de structures différentes. Un calcul théorique considérant l'énergie d'adsorption d'un ion iminium sur la kaolinite a abouti à la formation préférentielle d'un α-amino-propionitrile chiral, précurseur de la L-alanine [47]. L'olivine, les pyroxènes et la serpentine présentent aussi des sites tétraédriques et octaédriques et pourraient peut-être orienter la construction spatiale vers la formation d'énantiomères. Une synthèse asymétrique comme sur la kaolinite pourrait peut-être être réalisée. Une expérience reproduisant le champ magnétique anormalement élevé du site Rainbow est également à envisager. La radioactivité de la croûte terrestre est considérée traditionnellement comme une source d'énergie thermique. Il faut noter qu'elle est également une source d'électrons et de rayonnement gamma. Comment se comportent ces électrons et ce rayonnement gamma dans les lignes du champ magnétique et dans les ondes sismiques ? De même comment se comportent les nuages électroniques des liaisons chimiques lors de la synthèse des molécules prébiotiques dans cet environnement de rayonnement gamma et de champ magnétique ? Peut-on envisager une autre origine de l'homochiralité ? Des énantiomères de l'acide aminé leucine ont été produits en excès lors d'une photolyse énantiosélective produite par de la lumière ultraviolette polarisée circulairement [48] et il est connu que les archées hyperthermophiles Pyrococcus furiosus et Pyrococcus abyssi survivent à de fortes doses d'irradiation gamma [49].
4 Conclusion
L'origine des systèmes vivants dans les profondeurs des océans est présentée aujourd'hui comme une évidence, mais n'est pas encore démontrée expérimentalement. Les observations des sites hydrothermaux décrites récemment confirment la nécessité d'effectuer des expériences dans les conditions hydrothermales d'acidité, de température, de pression, de composition chimique des roches et des fluides, de champ magétique et de diverses sources d'énergie. Les équipements industriels et de laboratoires sont maintenant conçus pour des études expérimentales dans ces conditions. Une expérience de synthèse prébiotique a été déjà envisagée par l'auteur en collaboration avec H. Vogel, à l'Institut für Chemische Technologie de Darmstadt, en 2000, mais des problèmes de corrosion ont été rencontrés avec le sulfure d'hydrogène et l'acier Inconel 625 du réacteur. En 2007, H. Vogel a publié [50] une analyse de la décomposition des acides aminés, alanine et glycine à 250–450 °C et à 34 et 24 MPa et sans introduction de sulfure d'hydrogène. Dans la continuité des réactions en phase gaz proposées par l'auteur dès 1997 [3–6] K. Kobayashi [51] a présenté des résultats d'expériences au congrès ISSOL'08. En mélangeant CO, N2 et H2O supercritique et en excitant avec des protons, il obtient des composés organiques complexes et plusieurs acides aminés dont la glycine et l'alanine. Jusqu'à présent aucune expérience ne semble inclure le sulfure d'hydrogène. Les résultats des observations récentes effectuées sur les sites hydrothermaux confirment l'urgence d'effectuer des expériences, à la fois dans l'eau supercritique et dans l'eau sous pression en partant de la roche du manteau, la péridotite ou de ses constituants, l'olivine et les pyroxènes, à différentes valeurs de pH et en excitant le milieu avec un rayonnement gamma ou avec les produits de la radiolyse de l'eau, simulant ainsi la radioactivité terrestre, ce que l'auteur a déjà proposé [7,8]. Ce type d'expérience est toutefois encore très difficile à réaliser et l'auteur remercie Isabelle Daniel du laboratoire des Sciences de la Terre de l'université Claude Bernard de Lyon [52] pour avoir accepté de considérer cette proposition de synthèse prébiotique concernant une évolution chimique à partir de laquelle la vie a surgi.