1 Abridged English version
Introduction and methodology
This work aims at using the backscatter intensity of a 1200-kHz Acoustic Doppler Current Profiler (ADCP) in order to quantify the mass concentration profiles of suspended matter in a coastal area where fine sediment re-suspension is controlled by currents and waves (southern Brittany, France, Fig. 2).
The acoustical methodology is based on the Sonar equation expressed in decibels (Eq. (1)), quantifying every term of the energy balance. The source level NE varies with the available electrical power (Eq. (2)). The receiver's sensitivity is estimated from a laboratory calibration of the ADCP transducers, to convert received levels from counts (manufacturer-defined unit) to decibels (NR, Eq. (3)). Transmission losses (PT, Eq. (4)) are due to spherical divergence, water absorption (αwR) [4] and suspended sediment absorption (αsR). This last term is here neglected due to the low concentrations met (< 120 mg l−1). The backscattering strength IR is normalized to a 1-m3 insonified volume and so provides a volume backscatter index IV (dB re. 1 m3), which depends on the particles’ concentration and the backscattering characteristics. This index can be related to the mass concentration M by using a model of backscattering cross-section σ and some hypotheses on particle size and density. However, the results of this method (Eq. (7)) were not satisfactory, due to uncertainties in the particles’ nature. Thus, an empirical method has been applied to calibrate the backscatter index IV from independent mass concentration measurements (Eq. (8)).
Instrumental mooring (Fig. 1) consists of a bottom-mounted 1200-kHz ADCP (RDI Workhorse) and an optical turbidimeter (MICREL with a WETlabs LSS sensor) at 1.50 m above the bottom. The ADCP measures the current and the backscattered intensity every 10 min (within layers of 50 cm in the water column) and measures waves spectra every hour (from raw data acquired during 10 min at 2 Hz). Optical turbidity profiles (with both an Optical Backscatter Sensor OBS-3 and a transmissometer) were calibrated in mass concentration with water samples (Eqs. (9) and (10)), and were used to calibrate the moored turbidimeter (Eqs. (11) and (12)).
Results and discussion
In February 2005, the values of the backscatter index IV varied from −66 to −22 dB re. 1 m3, with downward gradient and tide dependence (Fig. 3). The source level decrease was about 0.8 dB. From calculations, it appears that uncertainties due to hydrological (temperature and salinity) variations (about 1.15 dB) or to the transducer's sensitivity (about 2.5 dB) are small compared to the variability of the backscatter index, which gives here good acoustical-turbidity information in response to local forcing. However, a 3-dB error represents a factor of two for the mass concentration and this explains the difficulty to obtain good results from the direct inversion of the ADCP signal (Eq. (7)). Hence, an empirical calibration of IV was conducted with independent measurements, obtained here with the moored optical turbidimeter. The linear regression between IV and the logarithm of the mass concentration (Eq. (13)) gives a correlation coefficient around 0.97 (Fig. 4), whereas time series show a very good agreement between the two data sets (Fig. 5): a tide semi-diurnal variability was observed and concentrations reached 100 mg l−1 during days 41–44 (re-suspension by waves).
The robustness of relation (13) was tested over different time periods, depending on tide and wave conditions (Fig. 6). The aim was to optimize the time duration of measurements with the moored turbidimeter to avoid risks of trawling or bio-fouling. Calibration parameters (slope a, intercept b) and a root mean square error EQ (Eq. (14)) were computed for every defined period P0 to P6 (Table 1, Fig. 6). Results were better when considering spring tide period with waves (P2, P3, P4) than spring tide only (P1) or neap tide (P6), because the concentration dynamics was larger then. In this case, the calibration may be achieved over a small time period (less than 2 days) and resultant time series are then very satisfying (P2, Fig. 7).
The validity over the whole water column of this acoustic signal calibration was checked using vertical profiles of the OBS-3 (Fig. 8). Turbidity profiles are very similar and the dynamics of near-bottom turbid water layer is reproduced. During this spring tide period with long waves (P2), the mass concentration decreased from about 30 mg l−1 at 1.50 m above the bottom to less than 10 mg l−1 beyond 6–8 m above the bottom.
Thus, a one-point short-duration calibration data set seems to be enough to give a good estimate of mass concentration profiles over the whole water column during 10 days from the ADCP's backscatter index IV (Fig. 9). The only requirement is to have a sufficient range of concentrations. This remarkable intercalibration between optical and acoustical measurements was made possible by winter conditions with homogeneous population of particles coming from bed sediment. Fine sediment dynamics could then be studied in response to local forcings of tide and waves. During wave events (Hs ∼ 2 m), concentrations reached 25 mg l−1 about 5–6 m above the bottom and were about 15 mg l−1 up to mid-depth. At the end of the data set (neap tide without waves), mass concentrations were less than 10 mg l−1 in the bottom layer and less than 5 mg l−1 in the rest of the water column.
2 Introduction
L’objectif de ce travail est d’exploiter l’intensité rétrodiffusée d’un courantomètre profileur acoustique à effet Doppler (ADCP), afin de quantifier les matières en suspension dans une zone côtière, soumise aux courants de marée et aux houles. Le principe de mesure repose sur la dépendance de l’intensité acoustique reçue par l’appareil, à la quantité de réflecteurs que constituent les matières en suspension (MES). L’intérêt est multiple : il permet plusieurs niveaux de mesures dans la colonne d’eau et il est moins sensible aux bio-salissures que les systèmes optiques. De plus, la simultanéité des mesures du courant et des MES est susceptible de permettre l’estimation directe des flux particulaires.
L’utilisation d’appareils acoustiques pour l’étude des processus sédimentaires est reconnue pour les sédiments sableux, et pour de courtes échelles spatiotemporelles (période de la marée, dans les deux mètres au dessus du fond). Thorne et Hanes [13] ont fait une synthèse des méthodologies possibles applicables aux ABS (Acoustic Backscatter System). Sur des sédiments cohésifs, Hamilton et al. [6] et Shi et al. [7] ont utilisé un ASSM (Acoustic Suspended Sediment Monitor, possédant un transducteur vertical, à la fréquence de 500 kHz), dans des gammes de concentration élevée (0,5–8 g l−1). Plus récemment, Gartner [5] a exploité les signaux d’ADCP 1200 et 2400 kHz sur des périodes de temps plus grandes, toujours dans des gammes de concentrations élevées (0,3–0,6 g l−1). Les logiciels disponibles sur le marché sont VISEA-PDT (Aqua Vision BV), qui présente l’avantage de pouvoir fonctionner en temps réel, et Sediview (DRL), qui a été utilisé notamment par Ferré et al. [3] sur des données ADCP 300 kHz. Devant la confidentialité des algorithmes, nous avons fait le choix de développer notre propre méthode de calcul, afin d’identifier les processus majeurs intervenant dans la mesure acoustique de turbidité. De plus, les quelques données techniques disponibles sur les ADCP RDI [1] n’étant pas suffisantes, une calibration en bassin des appareils a permis de prendre en compte leurs caractéristiques individuelles.
3 Matériel et méthode
3.1 Méthodologie acoustique
L’ADCP émet une onde acoustique qui est atténuée au cours de sa propagation dans la colonne d’eau et qui est rétrodiffusée par les particules présentes. L’intensité du signal rétrodiffusé est enregistrée par l’appareil en unités arbitraires, sous forme d’un nombre de counts, NC. Pour relier cette grandeur à la charge en particules d’eau, il est nécessaire d’établir un bilan d’énergie entre l’émission et la réception, l’équation du sonar, souvent exprimée en décibels (dB re. 1 μPa, équivalent à 20 log10(p/p0), avec p la pression acoustique considérée et p0 = 1 μPa la pression de référence) [9] :
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Le niveau émis NE (dB re. 1 μPa/1 m) est obtenu par calibration de l’ADCP en bassin. Il est évalué en se ramenant à la distance de référence de 1 m du transducteur et dépend de la tension des piles enregistrée par l’appareil en valeur hexadécimale (UADC en counts). La relation suivante est obtenue pour l’ADCP RDI 1200 kHz utilisé pour les mesures présentées par la suite :
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(3) |
Les pertes de transmission PT sont liées à la divergence sphérique (décroissance en 1/R2 de l’intensité acoustique, R étant la distance au transducteur) et à l’amortissement par le milieu dissipatif (décroissance exponentielle de l’amplitude en distance). Elles sont évaluées en décibels selon :
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Pour la perte par divergence sphérique, un facteur de correction ψ est appliqué dans le champ proche, où le champ de pression est oscillant. La formulation de Downing et al. [2] est utilisée :
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L’indice de rétrodiffusion IR dépend de la densité numérique N des particules dans le volume insonifié V de la cellule considérée, et de σ, la section efficace de rétrodiffusion moyenne de ces particules. Il s’exprime selon :
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La densité numérique N s’exprimant en fonction de la concentration massique M, la masse volumique ρs et le volume individuel des particules vs (N = M/ρsvs), il est finalement possible d’écrire, à partir des équations (1),(4) et (6) :
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Pour obtenir la concentration massique M, sans aucune calibration, il est nécessaire de connaître ou de faire des hypothèses sur la dimension et la nature des particules. La section efficace de rétrodiffusion σ dépend aussi de ces caractéristiques, par rapport à celles de l’onde acoustique utilisée. Elle peut être modélisée pour différents types de particules, en fonction du rapport entre la taille des particules et la longueur d’onde du signal ADCP (Stanton [10], Thorne et al. [14]). Nous avons donc construit un modèle de ce type et tenté de caractériser les particules présentes, afin de quantifier les paramètres σ, ρs et vs. Cependant, les concentrations massiques obtenues de cette façon ne sont pas du bon ordre de grandeur, indiquant une incertitude trop forte sur la variabilité des particules et imposant la nécessité d’une calibration dans le traitement. Nous sommes donc revenus à une information « turbidité », obtenue par le calcul de l’indice de rétrodiffusion volumique IV (dB re. 1 m3), en calculant l’indice de rétrodiffusion pour un volume unitaire de 1 m3, avec l’hypothèse selon laquelle le contenu de chaque cellule est homogène :
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Pour quantifier les MES, nous avons alors cherché à établir une calibration empirique de IV avec des mesures indépendantes, ce qui a été fait dans notre cas avec celles d’un turbidimètre, lui-même calibré en concentration massique.
3.2 Instrumentation et site d’étude
Dans le but de valider la mesure de turbidité par ADCP, ont été mouillés côte à côte (Fig. 1) : un ADCP RDI Workhorse 1200 kHz, avec option WAVES, et un turbidimètre TBD MICREL, muni d’un capteur LSS (WETLabs, longueur d’onde 880 nm), ayant une gamme de mesure de 0 à 300 NTU. L’ADCP a été placé au fond de la mer, protégé par une cage anti-chalutage (Barnacle Oceanscience). Le turbidimètre a été maintenu à 1,50 m du fond par un petit flotteur, afin de réaliser une mesure toutes les 5 min, à la même cote du fond que la première cellule ADCP. L’ADCP a été configuré avec des cellules de résolution 50 cm, et a réalisé une mesure de courant toutes les 10 min et une mesure du spectre des vagues chaque heure, à partir de mesures à 2 Hz pendant 10 min.
De plus, des filtrations d’eau et pesées des MES (sur filtres Whatman GF/F 47 mm, de porosité moyenne 0,7 μm) ont été effectuées à proximité pendant 6 h, à partir de prélèvements d’eau effectués avec une bouteille Niskin à 2,50 m du fond et 1 m sous la surface. Des profils de transmissométrie (C-Star de WET-Labs, chemin optique de 10 cm, longueur d’onde 660 nm), et de rétrodiffusion optique (OBS-3 de D. & A. Instrument, longueur d’onde 875 nm) ont été acquis simultanément. Les pesées de MES ont permis de calibrer en concentration massique les profils de transmission et de turbidité, ces derniers étant eux-mêmes utilisés pour calibrer le turbidimètre optique TBD mouillé à 1,50 m du fond.
Le mouillage a été mis en place en Bretagne du Sud, à 1,5 milles nautiques à l’ouest de la pointe du Castelli, au sud-est de l’île Dumet (Fig. 2), du 5 au 18 février 2005 (jours 35 à 48), sur des fonds meubles vaseux. La hauteur d’eau varie en ce point de 16 à 22 m selon la marée. Le passage entre l’île Dumet et la côte induit une intensification des courants de marée dans cette zone, avec des vitesses au fond pouvant dépasser 50 cm/s en vives-eaux. De plus, l’effet de cap concentre l’énergie des houles du large.
3.3 Calibration du transmissomètre et des turbidimètres optiques
Les calibrations en concentration massique du transmissomètre et de l’OBS-3 ont été faites avec les pesées de MES (gamme 0,7–35 mg/l) en subsurface et à 2,50 m du fond.
La calibration de l’OBS-3 donne la relation suivante (MOBS en mg l−1 et XOBS en mV) :
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Pour le transmissomètre, l’atténuation à 660 nm (m−1) a été calculée à partir du pourcentage de lumière reçue, la corrélation avec les MES donne la relation suivante (Mtrans en mg l−1 et Xtrans en m−1) :
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À partir des valeurs de concentration extraites des profils alors obtenus avec ces deux capteurs (gamme 8–40 mg l−1), la calibration du TBD Micrel, positionné à 1,50 m du fond, donne les relations suivantes (MTBD en mg l−1 et xTBD en NTU) :
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La corrélation est meilleure avec l’OBS-3, sans doute parce que les mesures de l’OBS-3 et du TBD sont toutes deux basées sur la rétrodiffusion.
Les erreurs relatives sur les pesées de MES (volume filtré et pesée) sont faibles (estimées de 1 à 2,3 % sur la gamme 0,7–35 mg/l) ; l’incertitude sur les calibrations précédentes est surtout liée à l’échantillonnage (positionnement vertical et horizontal des mesures les unes par rapport aux autres) et à la spécificité des capteurs (principe de transmission ou de rétrodiffusion), dont la sensibilité diffère en fonction des particules présentes dans le milieu. Cependant, les mesures réalisées ici à l’aide du transmissomètre et celles réalisées avec l’OBS-3 sont en général très proches [12] ; seuls quelques profils diffèrent légèrement près du fond, avec une légère sous-estimation des concentrations obtenues par transmission.
4 Résultats et discussion
4.1 Sensibilité de l’indice de rétrodiffusion volumique IV
L’indice de rétrodiffusion volumique IV est obtenu à partir du niveau NR reçu par l’ADCP, après correction des pertes de transmission et normalisation par unité de volume (Éq. (8)). Dans la colonne d’eau, il varie ici de −66 à −22 dB re. 1 m3 (Fig. 3). Cette réponse acoustique fait clairement apparaître un gradient vertical de concentration, corrélé à la marée, elle-même mise en évidence par l’écho de la surface libre.
Le niveau émis par l’ADCP décroît de 216 à 215,2 dB re. 1 μPa/1 m. Le niveau reçu NR varie de 72 à 140 dB re. 1 μPa. Sur cette gamme de variation, l’erreur qui pourrait être faite sur l’estimation de Kc (valeur typique de 0,45 au lieu de 0,423 ici) est de 2,4 dB. Compte tenu de la fréquence élevée de l’ADCP, les pertes de transmission atteignent 48 dB sur une hauteur d’eau de 20 m. Dans notre cas, un coefficient d’atténuation moyen αw a été calculé pour toute la période, à partir des mesures de température au fond, enregistrées par l’ADCP (variant de 9,5 à 10,5 °C sur toute la période) et une salinité moyenne de 34 psu. Les profils de température et salinité réalisés ponctuellement ont montré des variations, entre la surface et le fond, de 2 °C en température et de 4 psu en salinité. Les erreurs maximales induites sont estimées à 1,15 dB, ce qui reste faible par rapport à la gamme de variation de IV. Dans nos conditions environnementales, l’indice de rétrodiffusion volumique apparaît donc ainsi être une bonne estimation par acoustique de la turbidité, répondant aux forçages locaux.
Cependant, étant donné qu’un écart de 3 dB sur cet indice équivaut à un facteur 2 sur la concentration, on comprend la difficulté d’obtenir un bon ordre de grandeur en concentration, par inversion directe du signal ADCP (7), d’autant plus que la méconnaissance de la variabilité spatio-temporelle de la distribution de taille des particules peut induire des biais importants. C’est pourquoi une calibration empirique de l’indice de rétrodiffusion a été préférée.
4.2 Corrélation ADCP/TBD
Nous avons donc cherché à calibrer l’indice de rétrodiffusion volumique en concentration massique, comme toute mesure classique de turbidité obtenue dans une unité différente (NTU, FTU, volts…). À partir des mesures du TBD placé à 1,50 m du fond, une corrélation a pu être établie entre l’indice IV1 mesuré dans la première cellule ADCP et le logarithme de la concentration massique MTBD1 estimée avec le TBD (Fig. 4) :
(13) |
La détermination des coefficients par minimisation des écarts donne a = 0,548 et b = 38,34, avec un coefficient de corrélation de 0,97.
La série temporelle (Fig. 5) montre une très bonne adéquation entre les mesures de concentration obtenues avec l’ADCP et avec le TBD. Une variabilité semi-diurne est visible et les concentrations dépassent 100 mg l−1 pendant la période des jours 41 à 44. L’ADCP montre une légère sous-estimation de quelques pics par rapport au TBD, avec des différences normalisées de ∼27 % (jour 37) et ∼17 % (jour 41). Ces écarts sont un peu plus faibles que ceux trouvés par Gartner [5] entre un ADCP et un OBS-3 (différences moyennes normalisées par rapport à la concentration moyenne de l’OBS-3 de 35,0 à 45,3 %), ainsi que ceux trouvés par Holdaway et al. [8] entre un ADCP et un transmissomètre (la moyenne des écarts types normalisés varie de 18 à 34 %, selon le site d’étude). Les mesures de ces deux auteurs montrent surtout des écarts importants lors des pics de plus fortes concentrations (200–400 mg l−1 au lieu de 100 mg l−1 ici), bien que l’atténuation supplémentaire induite soit prise en compte.
En théorie, la pente a de la relation (13) vaut 1, mais, dans la pratique, ce coefficient de calibration est ajusté. Gartner [5] trouve des pentes équivalentes de 0,40 à 1,15 avec un ADCP de 1200 kHz, dans des gammes de concentration plus élevées qu’ici (260–500 mg l−1). Il signale une variabilité temporelle et entre sites, indépendante de la fréquence de l’ADCP, soulignant ainsi la forte sensibilité du signal ADCP à la variabilité des tailles des particules et agrégats. Dans notre cas, la calibration est effectuée par l’intermédiaire du signal du turbidimètre optique TBD, et non directement avec les pesées MES. Le TBD et l’ADCP sont tous deux sensibles à la taille des particules as, mais, du fait de leurs longueurs d’onde très différentes (880 nm pour le TBD, et 1,2 mm pour l’ADCP), leurs sensibilités respectives sont en as2 et as6. La très bonne corrélation observée entre les deux signaux (entre le signal en NTU et l’indice de rétrodiffusion) est donc remarquable et semble indiquer que le spectre de taille des particules est moins variable qu’attendu pendant ces 13 jours de mesures.
4.3 Robustesse de la relation IV/10 log10(M) pour différentes périodes de mesures
La robustesse de la relation IV/10 log10(M) (Éq. (13)) a été testée en évaluant la corrélation séparément pour différentes périodes de calibration. L’intérêt est d’estimer la période optimale et la durée minimale nécessaire du mouillage du turbidimètre optique, afin de limiter les risques de chalutage et de bio-salissures. L’hypothèse est faite que les concentrations restent suffisamment faibles (< 200 mg l−1 pour un ADCP 1200 kHz) pendant toute la période d’acquisition ; sinon, l’atténuation supplémentaire induite doit être prise en compte dans l’estimation de IV. Nous avons donc calculé les coefficients de calibration, obtenus en considérant des périodes plus ou moins courtes de la série temporelle du TBD. La sélection des périodes a été faite en fonction des régimes de marée, vives-eaux (VE)/mortes-eaux (ME), et de houle.
Les paramètres de houles (hauteur significative et période du pic) sont calculés par le logiciel WavesMon [11] à partir des mesures ADCP de vitesses, pression et écho de la surface. La période de mesure couvre un cycle VE/ME (Fig. 6). Les houles sont de faible amplitude (< 0,8 m) sauf pendant les jours 41–44, où elles atteignent 2 m à certains moments. Des houles longues (Tpic > 15 s) de faible amplitude sont présentes au jour 39.
À partir de ces observations, plusieurs périodes P ont été choisies (Fig. 6), et une corrélation de type (13) a été établie pour chacune d’entre elles (Tableau 1). P1 : VE sans houle, P2 : VE avec houles longues de faible amplitude, P3 : VE avec houles courtes de 1,50–2,0 m, P4 : VE (périodes 1 à 3), P5 : ME avec houle, P6 : ME. De plus, l’erreur quadratique moyenne EQ (%) a été calculée, pour chacune des relations obtenues, sur les séries complètes de concentration massique du TBD (MTBD) et de l’ADCP (MADCP) :
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Valeur des coefficients a et b de la relation IV/10 log10(M) (13) pour différentes périodes de l’enregistrement ADCP (Fig. 6) [VE : marée de vive-eau ; ME : marée de morte-eau ; + h. : avec houles ; + h l. : avec houles longues] et écart quadratique moyen EQ (%) (Éq. (14)), calculé sur l’ensemble de la série temporelle des concentrations massiques.
Table 1 Values of coefficients a and b in relation IV/10 log10(M) (13), for different periods of the ADCP recording (Fig. 6) [VE: spring tide; ME: neap tide; + h.: with waves; +h l.: with long waves] and root mean square error EQ (%) (14), calculated over the whole time series of mass concentrations.
Période | Conditions | a | b | EQ(%) |
P0 | Tout | 0,548 | 38,34 | 17,60 |
P1 | VE | 0,491 | 35,55 | 21,93 |
P2 | VE + h.l. | 0,526 | 37,24 | 18,22 |
P3 | VE + h. | 0,476 | 35,73 | 18,98 |
P4 | = P1 à P3 | 0,530 | 37,59 | 17,46 |
P5 | ME + h. | 0,615 | 41,00 | 20,34 |
P6 | ME | 0,3249 | 25,77 | 62,08 |
Les résultats montrent que l’erreur quadratique moyenne est plus importante lorsque la calibration est faite en VE seule (P1, EQ = 22 %) par rapport aux périodes de houle (P2, P3, P4, EQ < 19 %), où la dynamique des MES est plus importante. Sur la Fig. 4, les mesures faites au cours des périodes P1 et P2 sont mises en évidence par rapport à l’ensemble des points. Selon la période considérée, la relation calculée est plus ou moins écartée du nuage de points gris. De plus, la calibration en période de houles courtes de forte amplitude est un peu moins satisfaisante que celle en période de houles longues (P2), et cela du fait de l’absence de faibles turbidités en période très agitée. Cependant, les erreurs obtenues pour ces quatre périodes restent relativement faibles, et les séries temporelles de concentration massique obtenues sont très proches de celle du TBD (Fig. 7). En ME seule (P6), la dynamique étant vraiment faible, la pente déterminée est très inférieure à celle de référence (P0), et la série obtenue est incorrecte (Fig. 7).
L’essentiel est donc de tenter de cibler une période de validation où les contrastes de concentration seront élevés, bien que cela ne soit pas évident à prévoir. Dans notre environnement, les mesures en ME ne suffisent pas, celles en VE seule peuvent suffire, mais les mesures pendant les périodes de houles améliorent sensiblement les résultats. La période de mesures de calibration peut alors être réduite à un ou deux jours.
4.4 Validation sur les profils verticaux
La validité, sur la colonne d’eau, de la calibration de la mesure acoustique de turbidité a été vérifiée sur une quinzaine de profils verticaux de concentration massique, obtenus par l’ADCP et par l’OBS-3 [12]. Les structures observées par le capteur optique sont bien retrouvées avec la mesure ADCP. Une couche turbide de fond est observée, dont l’épaisseur et la structure varient en fonction de la marée. Au-dessus, les concentrations sont inférieures à 10 mg l−1. À mi-marée (flot) (Fig. 8a), les profils sont un peu moins bien corrélés : les signaux vus par l’ADCP et par le transmissomètre sont sans doute différents, du fait de la distance séparant les deux profils et de la forte dynamique du signal à ce moment de la marée (le courant et la turbulence sont plus intenses, les profils de concentration sont plus variables temporellement et spatialement). La concentration à 1,50 m du fond atteint les 30–35 mg l−1. En pleine mer (Fig. 8b), le gradient de concentration est quasi linéaire entre 7 m et 1,50 m du fond, la concentration passant de 2 à 20 mg l−1. Les profils de l’OBS-3 vont plus près du fond et montrent un gradient bien plus fort dans le dernier mètre, avec une concentration massique atteignant 30 mg l−1. Ce jour-là, la mer était très calme, et des houles longues de très faible amplitude ont été observées à certains moments de la journée ; elles étaient imperceptibles lorsque les profils ont été réalisés, mais peuvent avoir eu une influence sur les signaux de turbidité.
Ces résultats montrent que la calibration du signal ADCP avec des mesures indépendantes à un seul niveau, fixe par rapport au fond, suffit à exploiter le signal ADCP sur toute la colonne d’eau. Notons que cela est possible aussi parce que, dans ces conditions hivernales, les particules présentes dans la colonne d’eau sont essentiellement minérales et probablement de nature homogène (la source étant le fond). Finalement, à partir de cette calibration (Éq. (13)), la concentration massique sur toute la colonne d’eau et pour toute la série temporelle peut se calculer en fonction de l’indice de rétrodiffusion IV (Fig. 9). De même qu’avec l’observation de IV, l’influence de la marée et des houles est ici visible. Pendant la période de houles de 2 m, les concentrations atteignent 25 mg l−1 vers 5–6 m du fond, et sont de l’ordre de 15 mg l−1 jusqu’à mi-profondeur. En fin de période (ME sans houle), les concentrations sont inférieures à 5 mg l−1 dans la colonne d’eau, et inférieures à 10 mg l−1 entre 1,5 et 3 m du fond. Une variabilité semi-diurne est observée, qui est corrélée aux périodes de flot de la marée, bien plus fort que le jusant au fond (Fig. 6), et renforçant le forçage des houles. Le déphasage des pics de MES avec la VE pourrait être lié à l’inertie entre la remise en suspension et la sédimentation lente des particules fines, mais aussi à l’effet des houles sur l’état de compaction du sédiment. Il y a donc une interaction forte entre le forçage par la marée et celui des houles. La modélisation numérique permettra d’aller plus loin dans l’interprétation.
5 Conclusion
À partir de l’intensité rétrodiffusée des ADCP, un indice de rétrodiffusion volumique IV (dB re. 1 m3) a été calculé, en corrigeant des pertes de transmission et en considérant les caractéristiques propres des transducteurs, ainsi que la baisse du niveau émis en fonction de l’énergie des piles. Cet indice permet une mesure acoustique de la turbidité, mettant en évidence l’effet de la marée et des houles dans notre zone d’étude. Pour quantifier cette turbidité en concentration massique, une calibration de IV a été obtenue avec des mesures indépendantes d’un turbidimètre optique, placé au niveau de la première cellule ADCP. Il a été montré que cette calibration est satisfaisante, même lorsqu’elle est faite sur une courte période, à condition que la dynamique des MES soit suffisante. Cette variabilité est observée en vive-eau et surtout pendant des périodes de houles, modulées par la marée. De plus, avec une calibration à un seul niveau, la relation est applicable sur toute la colonne d’eau et les profils verticaux de concentration massique obtenus alors ont été validés par comparaison avec des profils indépendants.
Remerciements
Merci à H. Jestin, et P. Bassoullet (IFR/DYNECO/PHYSED), ainsi qu’aux plongeurs Ifremer X. Caisey, J.-F. Bouget, C. Mingant et D. Clec’h, qui ont participé à la mise en place et la récupération du mouillage. Nous remercions D. Lucas pour sa participation au mouillage avec le Kreiz Ar Mor ainsi que l’équipage du Gwen-Drez pour le relevage. Merci à M. Legathe (Affaires maritimes de Piriac) pour son concours et à S. Breerette (IFR/STH/LBP) pour ses contacts auprès des professionnels de la pêche. Nous remercions aussi P. Cann (IFR/DYNECO/PHYSED) et J. Chauvin (IFR/LER La Trinité) pour les mesures effectuées à bord de la vedette Mesklec. Merci à M. Derrien et Y. Le Gall (IFR/TSI/AS) pour la calibration en bassin de l’ADCP.